592 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et la vertu doit caractériser les représentants du peuple : avec du courage et le peuple, vous vaincrez. L’objet de l’attente des comités est que les citoyens de Paris se souviendront de la république à laquelle ils appartiennent; qu’il n’iront pas jurer fidélité à une commune infidèle à son devoir, et complice de la conspiration la plus horrible. Quelques-uns de ceux que la Convention a frappés se sont évadés, et ont cherché un asile dans le sein de cette commune : comment ont - ils consenti à souiller ainsi la maison des citoyens de Paris, et peuvent-ils compter sur une longue impunité, s’ils croient être au milieu de Français, au milieu de républicains ? La patrie observe Paris, et la Convention nationale saura juger les bons citoyens. Les sections s’assemblent; c’est à elles que nous devons nous adresser (l). D Un officier de la compagnie des Invalides de garde auprès de la Convention, vient lui demander ses ordres pour marcher contre les traîtres. VOULLAND : Hanriot n’est pas le seul qui se soit soustrait au décret d’arrestation; Robespierre et tous les autres s’y sont aussi soustraits; je demande qu’ils soient mis hors la loi. Cette proposition est décrétée au milieu des plus vifs applaudissements. ÉLIE LACOSTE : Le camp des Sablons est commandé par une créature de Dumouriez, de Beurnon-ville et Custine, par Bertèche. Ce scélérat a été dans le Calvados où il s’était vendu à Wimpffen. BILLAUD-VARENNE : J’annonce à la Convention que depuis environ quatre heures Bertèche est arrêté. Indépendamment de sa conduite contre-révolutionnaire dans la Belgique, il avait donné des motifs de suspicion au comité. Il y a quinze jours que Lebas est venu demander sa destitution; et quand il a vu que le comité était disposé à l’accorder, il s’y est opposé et a fait son éloge. J’appelle l’attention de l’Assemblée sur un autre objet. Il n’y a pas de doute que la fête projetée pour demain était une mesure prise pour envelopper la Convention et les comités, sous prétexte de faire manœuvrer devant la Convention les jeunes gens du camp. On avait demandé à les armer, et l’on devait leur faire amener quinze pièces de canon. Je ne veux pas élever de nuage ni sur le patriotisme des jeunes gens, ni sur la vertu du peuple ; mais je crois qu’il ne doit pas y avoir de fête demain. Ce dont nous devons nous occuper est d’anéantir les scélérats. Nous irons au Panthéon avec plus d’enthousiasme, quand nous aurons purgé la terre. (Vifs applaudissements). La Convention nationale décrète l’ajournement de la fête. TALLIEN : Les scélérats que nous avons frappés avaient pris beaucoup de moyens pour pervertir l’opinion publique dans ce camp. L’un d’eux, dit-on, vient de s’y réfugier. Je demande que deux représentants soient nommés pour y aller. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 340-341. La Convention décrète que Brival et Bentabole seront adjoints à Peyssard, représentant du peuple près le camp. Une députation du comité révolutionnaire de la section de Mucius-Scaevola vient communiquer un arrêté du conseil de la commune, qui invite les autorités constituées à venir prêter serment dans son sein. Elle annonce que le tocsin sonne à la commune. (Mouvement d’indignation). Toutes les sections de Paris viennent successivement à la barre jurer à la Convention qu’elles ne reconnaissent d’autre autorité que la sienne, qu’elles ne se rallieront qu’à elle, et qu’elles lui feront un rempart de leurs corps; elles la félicitent sur son énergie, qui sauve encore une fois la liberté. La Convention leur témoigne sa satisfaction, et le président annonce à chacune d’elles le décret qui met hors la loi les conspirateurs. Barras entre dans la salle. Les plus vifs applaudissements se font entendre. Il prend la parole. BARRAS : Je viens de parcourir une grande partie de Paris ; partout le peuple est à la hauteur de la liberté; partout on entend les cris de vive la république ! vive la Convention nationale ! Les canonniers de la section de la Fontaine de Grenelle nous ont accompagnés partout. (Vifs applaudissements). Les dispositions militaires viennent d’être exécutées; la Convention est environnée de tous les républicains de Paris. Je viens de faire arrêter un gendarme qui était envoyé par la commune à Bertèche. Je vais déposer aux deux comités la lettre qu’on a surprise sur lui. FÉRAUD : Je viens de visiter tous les postes environnants : partout je n’ai trouvé que de vrais républicains; tous ont juré de mourir pour la défense de la Convention. - (Oui, nous mourrons tous ! s’écrient les citoyens des tribunes). J’ai fait arrêter un gendarme qui venait, de la part d’Hanriot, ordonner à la force armée qui environne le Palais National de se retirer. (On applaudit). FRÉRON : La Convention peut compter sur le patriotisme des citoyens de Paris. Le criminel .Hanriot et le Catalina Robespierre avaient si bien concerté leurs mesures qu’ils avaient nommé le traître Lebas pour inspecter le camp des Sablons ; mais tout est déjoué, et la Convention ne fut peut-être jamais si sublime que dans ce moment où dénuée de force pour opposer aux conspirateurs, elle imita les sénateurs romains qui attendirent l’ennemi sur leurs chaises curules. Nous avons envoyé sur la place de la Maison-Commune cinq braves canonniers pour éclairer leurs camarades. Dès que ceux-ci ont su qu’Hanriot était hors la loi, ils ont dit qu’ils n’attendaient plus que les représentants du peuple pour diriger leurs canons sur la maison commune. Les moments sont précieux, il faut agir; Barras vient de se retirer au comité de salut public, pour se concerter avec lui. Nous autres, nous allons marcher contre les rebelles. (Vifs applaudissements). Nous sommerons, au nom de la Convention, ces hommes, peut-être égarés, qui peuvent se trouver dans la maison commune, de nous livrer les traîtres; et, s’ils refusent, nous réduirons en poudre cet édifice. (Oui, oui ! s’écrie-t-on de toutes parts. - Vifs applaudissements). Tallien occupe le fauteuil. 592 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et la vertu doit caractériser les représentants du peuple : avec du courage et le peuple, vous vaincrez. L’objet de l’attente des comités est que les citoyens de Paris se souviendront de la république à laquelle ils appartiennent; qu’il n’iront pas jurer fidélité à une commune infidèle à son devoir, et complice de la conspiration la plus horrible. Quelques-uns de ceux que la Convention a frappés se sont évadés, et ont cherché un asile dans le sein de cette commune : comment ont - ils consenti à souiller ainsi la maison des citoyens de Paris, et peuvent-ils compter sur une longue impunité, s’ils croient être au milieu de Français, au milieu de républicains ? La patrie observe Paris, et la Convention nationale saura juger les bons citoyens. Les sections s’assemblent; c’est à elles que nous devons nous adresser (l). D Un officier de la compagnie des Invalides de garde auprès de la Convention, vient lui demander ses ordres pour marcher contre les traîtres. VOULLAND : Hanriot n’est pas le seul qui se soit soustrait au décret d’arrestation; Robespierre et tous les autres s’y sont aussi soustraits; je demande qu’ils soient mis hors la loi. Cette proposition est décrétée au milieu des plus vifs applaudissements. ÉLIE LACOSTE : Le camp des Sablons est commandé par une créature de Dumouriez, de Beurnon-ville et Custine, par Bertèche. Ce scélérat a été dans le Calvados où il s’était vendu à Wimpffen. BILLAUD-VARENNE : J’annonce à la Convention que depuis environ quatre heures Bertèche est arrêté. Indépendamment de sa conduite contre-révolutionnaire dans la Belgique, il avait donné des motifs de suspicion au comité. Il y a quinze jours que Lebas est venu demander sa destitution; et quand il a vu que le comité était disposé à l’accorder, il s’y est opposé et a fait son éloge. J’appelle l’attention de l’Assemblée sur un autre objet. Il n’y a pas de doute que la fête projetée pour demain était une mesure prise pour envelopper la Convention et les comités, sous prétexte de faire manœuvrer devant la Convention les jeunes gens du camp. On avait demandé à les armer, et l’on devait leur faire amener quinze pièces de canon. Je ne veux pas élever de nuage ni sur le patriotisme des jeunes gens, ni sur la vertu du peuple ; mais je crois qu’il ne doit pas y avoir de fête demain. Ce dont nous devons nous occuper est d’anéantir les scélérats. Nous irons au Panthéon avec plus d’enthousiasme, quand nous aurons purgé la terre. (Vifs applaudissements). La Convention nationale décrète l’ajournement de la fête. TALLIEN : Les scélérats que nous avons frappés avaient pris beaucoup de moyens pour pervertir l’opinion publique dans ce camp. L’un d’eux, dit-on, vient de s’y réfugier. Je demande que deux représentants soient nommés pour y aller. (l) Moniteur (réimpr.), XXI, 340-341. La Convention décrète que Brival et Bentabole seront adjoints à Peyssard, représentant du peuple près le camp. Une députation du comité révolutionnaire de la section de Mucius-Scaevola vient communiquer un arrêté du conseil de la commune, qui invite les autorités constituées à venir prêter serment dans son sein. Elle annonce que le tocsin sonne à la commune. (Mouvement d’indignation). Toutes les sections de Paris viennent successivement à la barre jurer à la Convention qu’elles ne reconnaissent d’autre autorité que la sienne, qu’elles ne se rallieront qu’à elle, et qu’elles lui feront un rempart de leurs corps; elles la félicitent sur son énergie, qui sauve encore une fois la liberté. La Convention leur témoigne sa satisfaction, et le président annonce à chacune d’elles le décret qui met hors la loi les conspirateurs. Barras entre dans la salle. Les plus vifs applaudissements se font entendre. Il prend la parole. BARRAS : Je viens de parcourir une grande partie de Paris ; partout le peuple est à la hauteur de la liberté; partout on entend les cris de vive la république ! vive la Convention nationale ! Les canonniers de la section de la Fontaine de Grenelle nous ont accompagnés partout. (Vifs applaudissements). Les dispositions militaires viennent d’être exécutées; la Convention est environnée de tous les républicains de Paris. Je viens de faire arrêter un gendarme qui était envoyé par la commune à Bertèche. Je vais déposer aux deux comités la lettre qu’on a surprise sur lui. FÉRAUD : Je viens de visiter tous les postes environnants : partout je n’ai trouvé que de vrais républicains; tous ont juré de mourir pour la défense de la Convention. - (Oui, nous mourrons tous ! s’écrient les citoyens des tribunes). J’ai fait arrêter un gendarme qui venait, de la part d’Hanriot, ordonner à la force armée qui environne le Palais National de se retirer. (On applaudit). FRÉRON : La Convention peut compter sur le patriotisme des citoyens de Paris. Le criminel .Hanriot et le Catalina Robespierre avaient si bien concerté leurs mesures qu’ils avaient nommé le traître Lebas pour inspecter le camp des Sablons ; mais tout est déjoué, et la Convention ne fut peut-être jamais si sublime que dans ce moment où dénuée de force pour opposer aux conspirateurs, elle imita les sénateurs romains qui attendirent l’ennemi sur leurs chaises curules. Nous avons envoyé sur la place de la Maison-Commune cinq braves canonniers pour éclairer leurs camarades. Dès que ceux-ci ont su qu’Hanriot était hors la loi, ils ont dit qu’ils n’attendaient plus que les représentants du peuple pour diriger leurs canons sur la maison commune. Les moments sont précieux, il faut agir; Barras vient de se retirer au comité de salut public, pour se concerter avec lui. Nous autres, nous allons marcher contre les rebelles. (Vifs applaudissements). Nous sommerons, au nom de la Convention, ces hommes, peut-être égarés, qui peuvent se trouver dans la maison commune, de nous livrer les traîtres; et, s’ils refusent, nous réduirons en poudre cet édifice. (Oui, oui ! s’écrie-t-on de toutes parts. - Vifs applaudissements). Tallien occupe le fauteuil. SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 .JUILLET 1794) - D 593 Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de 1 500 hommes qui gardent ce poste important avec du canon. (Applaudissements). LE PRESIDENT : J’invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs soit tombée. (On applaudit). RUHL : Je demande qu’il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. ELIE-LACOSTE : Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu’Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps. Les gendarmes de la Convention écrivent que, s’ils ne se présentent pas à la barre, c’est qu’ils sont plus utiles à leur poste, et que, de même qu’ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit). Le président annonce qu’il tient entre les mains l’original de la convocation des sections de Paris, par la commune, ainsi que la nomination d’un général qu’elle a faite au mépris du décret rendu ce matin. La section de Marat vient annoncer qu’elle a fait arrêter des motionnaires communaux, qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit). DUBOIS-CRANCÉ : Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat; à l’époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre : « Tu vois bien ce coquin-là' - Comment, coquin ? - Oui, reprit-il, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés ». BENTABOLE : Il y avait près du camp un magasin de 503 000 fusils; craignant qu’ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu’on ne les leur arracherait qu’avec la vie (On applaudit). BILLAUD-VARENNE : La Convention ne peut qu’applaudir à l’énergie des habitants de Paris; ils courent aux armes; mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu’on se porte contre la Convention : à la commune, on organise la contre-révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannie, entre la Convention et ceux qui veulent l’égorger; je demande qu’elle ordonne aux représentants qu’elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit). Un citoyen annonce qu’il arrive de la maison commune; qu’il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la commune, mais pour la Convention. BILLAUD : Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu’ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l’heure qu’avant deux heures il marcherait sur la Convention; c’est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit). Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes. Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent ; il n’y reste que des femmes (l). BRIVAL : Citoyens, Nous vous apportons les nouvelles les plus satisfaisantes du camp des jeunes élèves de Mars (2) [On applaudit]. [LEGENDRE arrive tout éploré; il saute à la tribune, et s’écrie au milieu des sanglots, qu’il ne peut retenir, que son cœur est blessé et que son ame est comprimée par la douleur; en revenant de la section des Sans-Culottes, où il a parlé au peuple, que Hanriot vouloit séduire, il a rencontré un officier municipal, qu’on venoit de saisir; l’indignation s’empare de lui, il veut lui plonger son sabre dans le sein ; mais il blesse un patriote. Ici Legendre donne les marques de la plus vive douleur; il craint que son intention soit suspectée. Au même instant on amène à la barre l’officier municipal et le citoyen blessé. A cette vue, l’assemblée a peine à contenir son indignation. Qu’on le tue, s’écrie-t-on, il est sous la loi ; mais on le renvoie aux deux comités qui en feront justice. L’assemblée témoigne à Legendre qu’elle connoît ses sentiments, l’invite à retourner à son poste; il part (3)]. Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s’applaudit à la barre d’avoir sauvé un représentant du peuple des mains d’Han-riot, et annonce qu’il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la maison commune est réduite, et qu’on amène Robespierre aîné sur un brancard. Charlier prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu’il entre ? (Non, non s’écrie-t-on de toutes parts). THURIOT : Apporter dans le sein de la Convention le corps d’un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l’éclat qui lui convient. Le cadavre d’un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c’est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. La Convention décrète cette proposition. (On applaudit). ESNARD, commandant de la force armée, à la barre : Lorsque j’eus entre les mains le décret qui me nommait commandant provisoire de la garde nationale, j’allai chez le maire qui lut mes pouvoirs. Payan en prit communication, et me fit mettre en arrestation avec mon adjudant. Il y a une demi-heure, lorsque j’entendis, à la maison commune, le (1) Mon., XXI, 341-343; Débats, n° 677, 187-193; J. Mont-, n° 93 bis, 757-760. (2) Bm, 11 therm. ; J. Univ., n° 1711. Voir le texte de l’allocution de Brival, ci-dessus, n° 67. (3) C. Eg-, n°709; J. S. -Culottes, n°529; Ann. patr., n°DLXXV, Mon., XXI, 342. 38 SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 .JUILLET 1794) - D 593 Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de 1 500 hommes qui gardent ce poste important avec du canon. (Applaudissements). LE PRESIDENT : J’invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs soit tombée. (On applaudit). RUHL : Je demande qu’il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. ELIE-LACOSTE : Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu’Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps. Les gendarmes de la Convention écrivent que, s’ils ne se présentent pas à la barre, c’est qu’ils sont plus utiles à leur poste, et que, de même qu’ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit). Le président annonce qu’il tient entre les mains l’original de la convocation des sections de Paris, par la commune, ainsi que la nomination d’un général qu’elle a faite au mépris du décret rendu ce matin. La section de Marat vient annoncer qu’elle a fait arrêter des motionnaires communaux, qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit). DUBOIS-CRANCÉ : Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat; à l’époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre : « Tu vois bien ce coquin-là' - Comment, coquin ? - Oui, reprit-il, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés ». BENTABOLE : Il y avait près du camp un magasin de 503 000 fusils; craignant qu’ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu’on ne les leur arracherait qu’avec la vie (On applaudit). BILLAUD-VARENNE : La Convention ne peut qu’applaudir à l’énergie des habitants de Paris; ils courent aux armes; mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu’on se porte contre la Convention : à la commune, on organise la contre-révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannie, entre la Convention et ceux qui veulent l’égorger; je demande qu’elle ordonne aux représentants qu’elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit). Un citoyen annonce qu’il arrive de la maison commune; qu’il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la commune, mais pour la Convention. BILLAUD : Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu’ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l’heure qu’avant deux heures il marcherait sur la Convention; c’est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit). Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes. Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent ; il n’y reste que des femmes (l). BRIVAL : Citoyens, Nous vous apportons les nouvelles les plus satisfaisantes du camp des jeunes élèves de Mars (2) [On applaudit]. [LEGENDRE arrive tout éploré; il saute à la tribune, et s’écrie au milieu des sanglots, qu’il ne peut retenir, que son cœur est blessé et que son ame est comprimée par la douleur; en revenant de la section des Sans-Culottes, où il a parlé au peuple, que Hanriot vouloit séduire, il a rencontré un officier municipal, qu’on venoit de saisir; l’indignation s’empare de lui, il veut lui plonger son sabre dans le sein ; mais il blesse un patriote. Ici Legendre donne les marques de la plus vive douleur; il craint que son intention soit suspectée. Au même instant on amène à la barre l’officier municipal et le citoyen blessé. A cette vue, l’assemblée a peine à contenir son indignation. Qu’on le tue, s’écrie-t-on, il est sous la loi ; mais on le renvoie aux deux comités qui en feront justice. L’assemblée témoigne à Legendre qu’elle connoît ses sentiments, l’invite à retourner à son poste; il part (3)]. Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s’applaudit à la barre d’avoir sauvé un représentant du peuple des mains d’Han-riot, et annonce qu’il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la maison commune est réduite, et qu’on amène Robespierre aîné sur un brancard. Charlier prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu’il entre ? (Non, non s’écrie-t-on de toutes parts). THURIOT : Apporter dans le sein de la Convention le corps d’un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l’éclat qui lui convient. Le cadavre d’un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c’est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. La Convention décrète cette proposition. (On applaudit). ESNARD, commandant de la force armée, à la barre : Lorsque j’eus entre les mains le décret qui me nommait commandant provisoire de la garde nationale, j’allai chez le maire qui lut mes pouvoirs. Payan en prit communication, et me fit mettre en arrestation avec mon adjudant. Il y a une demi-heure, lorsque j’entendis, à la maison commune, le (1) Mon., XXI, 341-343; Débats, n° 677, 187-193; J. Mont-, n° 93 bis, 757-760. (2) Bm, 11 therm. ; J. Univ., n° 1711. Voir le texte de l’allocution de Brival, ci-dessus, n° 67. (3) C. Eg-, n°709; J. S. -Culottes, n°529; Ann. patr., n°DLXXV, Mon., XXI, 342. 38