[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.] 224 M. le Président répond à ce citoyen en ces termes : « La liberté ne peut se maintenir parmi les hommes qu’autant qu’ils savent l’apprécier et l’aimer. Pour en étendre et en assurer l’empire, pour en faire goûter les fruits et en faire respecter les lois, une éducation publique, dirigée par les vues et inspirée par les sentiments du patriotisme, est le plus puissant des ressorts, et celui qui inspire aux représentants de la nation la plus juste confiance. L’Assemblée nationale reçoit donc avec satisfaction le fruit des veilles de votre ami ; elle applaudit aussi à la générosité et au dévouement qui vous ont dicté l’offre patriotique que vous venez de présenter ». M. Ladureau. fils aîné, marchand de vin à Orléans, se présente à l’Assemblée pour faire l’hommage de la contribution du quart de ses revenus, fixée à 1.200 livres ; il expose que différentes difficultés l ont empêché de s’acquitter de ce devoir précieux à son cœur, par-devant la municipalité a’Orléans, en conformité des décrets de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale agrée ses motifs, et ordonne que les 1,200 livres présentées seront reçues dans la caisse des dons patriotiques, et qu’il lui sera délivré extrait du registre pour lui valoir comme comptant par-devant la municipalité d’Orléans, à laquelle il a été renvoyé pour faire sa déclaration Il est présenté de la part des municipalités de Hattonville, Viéville, Woel-Doncourt, Billy en Lorraine, une adresse dans laquelle elles expriment, au nom de leur commune, les sentiments de leur gratitude et de leur reconnaissance pour le courage avec lequel les représentants de la nation ont soutenu la cause du peuple, et pour les victoires continuelles qu’ils ont remportées sur les abus et les déprédations publiques ; elles déclarent donner l’adhésion la plus entière à tous les décrets de l’Assemblée nationale, desquels ils expriment la justice en développant la sagesse des motifs qui les ont dictés : elles assurent qu’elles seront toujours pénétrées des sentiments d’obéissance, de dévouement et de zèle envers l’Assemblée nationale et le roi, pour le maintien de la constitution, celui du bon ordre, de la paix, de la tranquillité publique, au péril de la fortune et de la vie de tous ies individus qui composent ces communautés ; elles finissent leur adresse en suppliant l’Assemblée nationale de prononcer le plus tôt possible sur l’échange'de la terre de Sancerre contre une �multitude de domaines de Sa Majesté, etelles développent les raisons sur lesquelles elles appuyent leur demande. M. Prieur. Je demande le renvoi au comité des domaines pour qu’il nous en fasse rapport à bref délai. (Cette motion est mise aux voix et adoptée.) M. Despatys de Courtellles, député de Melun, expose que le décret rendu par l'Assemblée nationale, portant qu’il sera sursis à l’exécution de tous les jugements définitifs émanés des juridictions prévôtales , pourrait présenter quelque ambiguité capable de suspendre l’exécution de ceux qui auraient prononcé l’absolution des accusés: ce qui n’a été ni dans l’esprit, ni dans l’intention de l'Assemblée: il demande en conséquence qu'elle donne une explication à c* sujet. La motion est mise au voix et décrétée de la manière suivante : « L’Assemblée nationale déclare qu’elle n’a pas entendu comprendre, dans la disposition de son décret concernant lesursisdes jugementsdé-finitifs émanés des juridictions prévôtales, les jugements d’absolution, et ceux qui prononcent un plus ample informé, avec la clause de liberté et élargissement provisoire. » M. Tronchet, membre du comité de jurisprudence criminelle, représente que le retardement apporté à prononcer sur le rapport qui lui a été fait au nom du même comité, prolonge la détention d’un nombre d’accusés qui attendent les décrets interprétatifs que M. le garde des sceaux et plusieurs tribunaux de provinces ont demandés; il réclame qu’il plaise à l’Assemblée de fixer un jour et une heure pour entendre un nouveau rapport qui lui sera fait par le même comité. L’Assemblée nationale renvoie la proposition à la séance du soir de samedi prochain 21 du courant. M. le Président. Je donne la parole au rapporteur du comité d’agriculture et de commerce. M. Ilermmx monte à la tribune et fait, au nom du comité d’agriculture et de commerce, un rapport sur le privilège de la Compagnie des Indes. Il s’exprime en ces termes : Messieurs, votre comité d’agriculture et de commerce n’a pas cru devoir passer sous silence une phrase du mémoire des actionnaires de la compagnie des Indes qui vous a été distribué, et dont je vais vous rendre compte, avant de faire mon rapport. Cette phrase qui inculpe et le rapporteur et le comité, est conçue en ces termes: « Telle est cependant la situation de la compagnie, qu’elle ignore si les députés du commerce ont rapporté une seule preuve de leurs vagues assertions. Rien ne nous est communiqué; rien n’est discuté avec nous; nos adversaires sont appelés, entendus à la section du commerce; et malgré l’empressement que notre administration a témoigné d’avoir le même ayau-tage elle n’a pu l’obtenir, etc. » Je m’abstiendrai déqualifier ces imputations. Je me contenterai de détromper ceux qu’elles auraient pu induire en erreur. Le dépôt de toutes les pièces concernant l’affaire de la compagnie, m’a été confié. Deux de Messieurs les administrateurs de la compagnie, sur mon invitation, regardèrent les pièces les unes après les autres, le 6 ou 7 janvier, en emportèrent trois ou quatre qui leur parurent intéressantes, et me les renvoyèrent quelques jours après. J'ai deux lettres des administrateurs, l’une' du 10 et l’autre du 11 janvier, qui prouvent ce que je viens d’avancer. Les actionnaires ont donc eu tort d’imprimer que rien ne leur était communiqué. Sur l’invitation de votre comité, Messieurs les députés extraordinaires du commerce envoient à chacune de ses séances deux d’entre eux; mais toutes les fois qu’il s’est agi de l’affaire de la compagnie des Indes, votre comité les regardant comme parties intéressées, les a priés de se retirer. Ils n’ont donc point été appelés ni entendus, comme l’avancent ies actionnaires. Je passe au rapport. Le commerce de l’Inde était encore dans l’enfance en 1664, lorsque M. de Colbert pensa qu’il serait utile de le confier exclusivement à une compagnie. Cette compagnie, après avoir essuyé plusieurs révolution*, remit à l’Etat en 1769 un privilège [Assemblés «atiQji$l$.] AjtGHlVjSS dont sa faiblesse ne luf permettait plus dp faire usage. , Les armateurs particuliers, appelés par ]p gouvernement à succéder à la compagnie, firent ce commerce avec différents succès, depuis 1769 jusqu’en 1785. A cette époque, le gouvernement a cru devoir accorder le privilège exclusif du commerce de l’Inde à une nouvelle compagnie. Une réclamation générale des villes de commerce et des manufactures duroyaume, auxquels se joint Pile de France, s’élève contre cette operation ministérielle. Jamais le commerce ne vous présentera une question plus intéressante ; jamais il n’eut plus grand besoin d’une sage et prompte décision. La saison des expéditions pour Flnde s’avance; l'incertitude restreint les opérations de la compagnie, suspend les spéculations du commerce particulier; tous sont dans l’inaction, tous sont dans l’attente : quelques jours encore, et la nation perdra pour cette année le fruit qu’elle a droit d'attendre de la sagesse de vos décrets. Si donc il est de Votre justice de ne vous décider, sur une question aussi intéressante, qu’après un examen approfondi; il est également de la plus baute importance que vous prononciez le plus promptement qu’il Vous sera possible. Avant d’exaqiiner de quelle manière doit être fait le commerce de l’Inde, il est à propos de savoir à quel point il est avantageux et utile. Un commerce de nation à nation est avantageux à celle qui, fournissant à l’autre plus de valeur en marchandises de son cru qu’elle n’en reçoit de cette autre, obtient d’elle un solde en numéraire D’après cette définition, le commerce de l’Inde n’esf point avantageux pour la France. Les Indiens ne consomment que peu de marchandises de notre cru; la petite quantité que nous en exportons pour l’Inde, Sert en grqnde partie à la consommation des Européens qui y sont établis ; et nous sommes obligés de solder en espèces le surplus de la valeur des marchandises qu’elle nous fournît. On pourrait toutefois se convaincre que ce genre de commerce est moins désavantageux qu’on ne le croit communément, si on faisait attention que les espèces que nous envoyons en Asie, ne sont autre chose qu'une marchandise qui nous a été donnée à nous-mêmes en échangé des fruits de notre sol et des produits de notre industrie; et que si nous parvenions à nous sevrer des marchandises de l’Inde, nous serions ohligés, pour les remplacer fort imparfaitement, d’employer telle partie de ce sol et de cette industrie qui, dans l’état actuel, nous procure peut-être au delà de la valeur des espèces que nous envoyons dans l’Inde, D’ailleurs, un commerce désavantageux sous un premier point de vue, peut être utile en dernière analyse, s’il fournit de (a première main, et au moindre prix possible, des marchandises absolument nécessaires, et s’il procure des matières premières qui alimentent l’industrie et vivifient les manufactures de la nation qui les reçoit, et qui, manufacturées, fournissent non seulement à la consommation, mais encore a une exportation lucrative. Plusieurs marchandises que nous tirons de l’Inde, telles que les drogueries, les épiceries, les thés, etc., sont devenues pour nous de première nécessité. Nous ne pouvons pas nous passer, du moins PAhÿËMEpiTAîfip, [18 mars 1T9Q.J quapt è présent, de ses toiles dé coton et de ses mousselines. Ses toiles peintes, ses guipées, ses cauris, ete., sont utiles à nos échanges avec d’autres nations. Enfiq ses gommes, ses bois de couleur, sép cotons en laine, ses toiles propres à l’impresfipn sont nécessaires à nos manufactures. be commerce de l'Inde, qui poiis procure ses marchandises de la première main, est donc utile, PUisquVn Je faisant nous gagnons nous-mêmes le fret, Ja commission et le bénéfice, qu’autrement nous serions obligés de payer aux nations Européennes qui nous les vendraient. Faisons-Ie donc, ce commercé, mais avec, économie; élevbns-leau niveau de notre consommation, dopt il est epcore bien éloigné; portons-Ie plus haut, s’il ësf possible; ouvrons de nouveau� débouchés aux marchandises qu’il nous procure; qpè le bénéfice que nous ferons sur l’excédent dé nos besoips couvre uue partie des frais de notre consommation, et préparons au commerce dp France up dédommagement de la perte au il peut faire un jour de quelques-unes de ses branches les plus productives. Yqus avez, Messieurs, çjeux moyens d’apprpcher plus ou moins d’un put si désiré; privilège exclusif, liberté indéfinie. Vous serez à même, d’après l’exposé des avantages et des inconvénients de chacun de ces systèmes que je soumettrai à votre examen, de juger lequel est le plus économique et le plus ayànlar geux au bien général, Le trajet immense qui nous sépare de l’indo, son climat, ses productions, son gouvernement, le génie et les moeurs des peuplés qui rhahlteiît, concourent également à rendre le commerce avec celte belle portion de l'Asie, différent en tout dp celui qu'on fait dans les autres parties du mondé. C’est à six mille lieues de nptre patrie gue nous allons chercher les marchandises fie l’Inde, Une saison détermine ie départ de nos vais-seaux; une autre saison fixe leur retour; et le voyage, qui dure ordinairement dix-küit mois, peut së prolonger jusqu’à deux ans, et même au delà. Courbé gous le joug du despotisme, l’Indien ambitionne peu des richesses çjü’iL n’pst pas sûr de conseryer, et qui ne serviraient peut-être qü à le désigner pour victime à l'avidité uu jgptjVpr-nement. Énervé par une chaleqr dévorante* P fait dp l’inaction sa première jouissance; ses besoins modérés se bornent à une nourriture simple que le sol qu’il habite lui prodigue presque saris culture. Il n’existe dans l’Inde ni marchés puhHcs,. ni magasins particuliers où le commerce puisse se pourvoir des marchandises qui doivent former ses retours. J1 est obligé d’employer nnp mui�- fude d’agents qui, répandus à trois ôp quatre cents lieues les uns dés autres, vont, l’afgent a là main, éveiller l’indolence du tisserand-Us poin-mabdent, un an ou dix-huit mois d’avance, les marchandises dont iis déterminant, spr des échantillons, et la valeur et la qualité. Le tjprs du prix se paie en contractant, je second {iprs lorsque l’ouvrage est à moitié fait, et le peste enfin, au moment de la livraison. Il faut que lP? marchandises soient vérifiées ayant d’être reçues ; qu’ensnite elles soient blanchies, battues, pliées et emballées : toutes ces préparations demandent beaucoup de temps et de soin. Le détail peut en paraître minutieux; mais il est nécessaire, lorsqu’on veut avoir une idée de ce commerce, et surtout pour apprécier les opérations 4® 14 [Assemblée nationale.) ARCHIVES BAÏv-EMEIffAIRES. [18 mjiri 1790.] agg pagnie el celles du commerce libre, dont je vais vous présenter un précis tracé d’après les données des défenseurs du privilège exclusif; et j’opposerai ensuite à ce tableau les moyens et les réponses du commerce libre. La compagnie n’ayant aucune concurrence à redouter en France, achète à un prix modéré les marchandises de France nécessaires à la consommation des Européens établis dans l’Inde; et ces marchandises bien assorties, et bien proportionnées aux besoins, dont elle est parfaitement instruite, offrent des bénéfices qui souvent ont surpassé ceux même des marchandises de l’Inde; le surplus de ses expéditions consiste en piastres, Ses nombreux agents dans l’Inde, surveillés par une administration sage, guidés par une correspondance exacte, munis de capitaux proportionnés à la masse de leurs opérations, contractent avec économie, et préparent d’avance des retours choisis avec soin, assortis avec intelli-? gence, et proportionnés aux besoins de l’Europe, Les vaisseaux de la compagnie trouvent, en arrivant dans l’Inde, des magasins dans lesquels ils déposent les marchandises qu’ils apportent: de riches cargaisons les attendent, et ils ne restent dans ces parages que Je temps nécessaire pour rafraîchir les équipages, et attendre ia mousson qui doit faciliter leur retour. Les ventes en France sont réglées à des époques fixes; les acheteurs s’y rendent avec confiance, parce qu’ils sont certains d’y trouver les assortiments nécessaires à leur commerce. La compagnie, qui a vendu avantageusement dans les Indes les marchandises de France, qui a formé les retours avec intelligence et économie, qui, enfin, joint à ces avantages l’exemption du droit d’induit, peut, en vendant ses marchandises de l’Inde à un prix modéré, se réserver un bénéfice honnête, détruire le commerce interlope, et associer, en quelque façon, les consommateurs à la prospérité de son commerce, et aux grâces qu’elle reçoit du gouvernement. A ce tableau des avantages de la compagnie, les partisans du privilège comparent la marche du commerce libre. Le voyage de l’inde, disent-ils, durant ordinairement dix-huit mois, et quelquefois deux ans, l’armateur qui veut suivre ce commerce, est obligé de faire une seconde et quelquefois une troisième expédition avant le retour de la première. Que le chargement de chaque vaisseau soit de deux millions, ce sera pour l’armateur une mise dehors de six ou au moins de quatre millions: et certes, il est bien peu de maisons en France qui puissent suffire à de pareilles avances. Ainsi la suppression du privilège exclusif bien loin de mettre le commerce de l’Inde à la portée de tous les citoyens, le concentrerait au contraire entre deux oo trois maisons opulentes, tandis que, sems le régime actuel, 40,000 actions livrées à la circulation, donnent à autant de Français ie droit de prendre part aux bénéfices de la compagnie, dont le commerce, sous ce point de vue, devient vraiment national. Mais on suppose cette difficulté de l’insuffisance des capitaux absolument résolue. L’armateur est obligé d’acheter les marchandises de France à un prix nécessairement élevé ar la concurrence; quelque prudence qu’il mette assortir sa cargaison, le succès ne dépend pas de lui, mais de la combinaison qui résultera des différentes spéculations de ceux qui courent la même carrière. Arrivé dans l’Inde, celte rivalité qui lui a fait payer plus chèrement les productions de l’Europe, l’oblige à les vendre â meilleur marché. Mais comment composera-t-il ses retours? jl ne trouvera pas des marchandises à charger, puisqu’il n’en a pas contracté. Son agent s’enfoncëra-t-il dans les terres pour en contracter? U faudrait attendre un an bu dix-huit mois qu’elles fussent fabriquées et prêtes à être embarquées; les frais d’un aussi long séjour, le dépérissement du vaisseau et de 1 équipage, auraient bientôt anéanti l’armement entier. Forcé de renoncer à un bénéfice dé. plus de 30 0/0 que l’on fait à contracter, pressé par la saison du retour, plus curieux de compléter que d’assortir sa cargaison, l’armateur est obligé d’acheter des compagnies étrangères OU fie leurs agents, à des prix excessifs, calculés sur ses besoins et le nombre de ses rivaux des marchant dises imparfaites, et la plupart de Febut. Cette concurrence qui l’a suivi en Asie ; raccompagne à son retour en France, et précipite sa ruine, eu le contraignant fie donner à vil prix des marchandises qu’il n’a pu ni choisir ni assortir. Telle a été la conduite, et tel est le sort dp plusieurs maisons qui ont voulu faire le commerce de l’Inde. Les armateurs, instruits par leurs pertes, las d’être avec désavantage les rivaux etles concurrents des Anglais, se sont réduits à être leurs fadeurs et leurs voituriers. Ils ont fait avec les agents de la compagnie anglaise, des traités d’affrètements par lesquels ils s’obligeaient à ramener en France, et vendre à l’Orient, sous leurs noms, des marchandises que ces agents, par un abus fréquent et faiblement contenu, font fabriquer pour leur compte, et faisaient passer en Angleterre le produit de la vente, sur lequel ils prélevaient le prix du fret et de la commission. Cet exposé de la conduite de la compagnie, et et de celle du commerce libre, est, je vous le répète, Messieurs, le résumé des pièces et des mémoires donnés par les défenseurs du privilège exclusif, dont souvent même j’ai copié les expressions. Mais il s’en faut beaucoup qu’il soit avoué par le commerce libre ; vous allez en juger par sa réponse. Trois viçes essentiels empêchent, à ce qu’on prétend , que le commerce libre puisse jamais lutter avec succès contre le commerce d’uné compagnie: 1° l’insuffisance des capitaux ; 2° le défaut d’assortiment ; 3? la concurrence. On remarquera d’aborfi que dès fieux premières inculpations, l’une ne peut exister sans exclure l’autre : car, si les capitaux sont insuffisants, et si deux ou trois maisons seulement peuvent faire le commerce de l’Inde, la concurrence sera nulle ou presque nulle; si, au contraire, la concurrence est vive et animée, les capitaux, dès lors, sont suffisants. Mais reprenons l'une après l’autre ces trois objections. 1° L’insuffisance des capitaux. Il est vrai que le négociant qui veut suivre le commerce de l’Inde, est obligé de faire une seconde, et même quelquefois une troisième expédition avant le retour de sa première. Mais pourquoi évaluer à deux millions le chargement de chaque vaisseau ? Pourquoi ne serait-il pas de cinq, six, sept ou huit cent mille livres ? Alors la mise dehors, en supposant même trois expéditions , ne sera que d’un million 500,000 livres à 2,400,000 livres ; et certainement il est un très grand nombre de mai- 224 [Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.] sons françaises qui peuvent suffire à de pareilles avances. Peut-on d’ailleurs, soutenir à des négociants ui ont fait le commerce de l’Inde, et qui deman-ent la liberté de le faire, qu’ils n’ont pas des capitaux suffisants? Peut-on mettre en question la possibilité, tandis que le fait existe ? Le commerce libre a expédié, dans une seule année, 39 vaisseaux du port de 18,485 tonneaux ; il avait donc des capitaux suffisants pour le faire. Ses retours se sont élevés jusqu’à trente-trois millions ; il avait donc des capitaux suffisants pour se les procurer. Peut-on enfin raisonnablement douter que le commerce de l’Inde puisse se faire sous le régime de la liberté, lorsqu’on voit tous les négociants du royaume se réunir pour demander la liberté de faire le commerce de l’Inde ? 2° Le défaut d’assortiment. Il est incontestable qu’une compagnie exclusivement chargée de l'approvisionnement d’un royaume, soit obligée d’assortir scrupuleusement ses expéditions et ses retours : mais il n’en est pas de même des négociants particuliers ; l’erreur de l’un est compensée par l’erreur d’un autre, ou noyée dans l’immensité de l’approvisionnement. Voit-on, en effet, que l’armateur qui commerce aux Antilles, s’astreigne à charger telle quantité de sucre, telle autre de coton, telle autre de café, d’indigo ? Non certes : il choisit les marchandises dont il espère le débit le plus facile ou le plus avantageux, sans songer à les doser ; et, en cela, le cours du prix des marchandises le sert infiniment mieux que toutes les combinaisons possibles ; celles dont le prix relatif est le moins élevé, sont celles dont on a fait le moins d’achats, et qui, toutes choses égales d’ailleurs, doivent donner à la vente moins de concurrence et plus de profits. * Mais, le reproche fût-il juste, la compagnie qui est obligée d’avouer que ses magasins sont encombrés dans l’Inde, qu’elle essuie, en France, toutes les années des pertes, qui résultent de surabondance de quelques espèces de marchandises, ne doit pas faire au commerce particulier une objection d’un inconvénient dans lequel son privilège ne l’empêche pas de tomber elle-même. 3° La concurrence. Si les Français étaient les seuls acheteurs dans l’Inde, alors il serait peut-être utile de prévenir la concurrence; mais les peuples de l’Asie, les Anglais, les Hollandais, les Suédois, les Danois, les Portugais, les sujets de l’empereur, font le commerce, et dès lors, la substitution de plusieurs négociants français, à la compagnie française, ne doit point opérer un effet sensible. On s’en convaincra si on fait réflexion que la concurrence consiste moins dans l’augmentation du nombre des demandeurs, que dans l’augmentation des demandes. 11 n’est d’ailleurs point de commerce de nation à nation, qui porte avec soi l’inconvénient de la concurrence , et si, pour l’éviter, on était obligé de former des compagnies exclusives, il s’ensuivrait que tout commerce devrait être fait par des compagnies exclusives. La crainte que manifeste la compagnie, que la révocation du privilège exclusif ne concentre dans un petit nombre de maisons opulentes le commerce de l’Inde étant fondée sur l’insuffisance des capitaux du commerce particulier, tombe d’elle-même, puisqu’il est prouvé que cette insuffisance est chimérique. Mais il n’est pas également prouvé que les 40,000 actions de la compagnie, livrées à la circulation, donnent à autant de Français le droit de prendre part à ses bénéfices. Les articles 17 et 18 de l’arrêt du conseil du 14 avril 1785, portant établissement d’une nouvelle compagnie, exigent de rigueur, que chaque administrateur soit possesseur de cinq cents actions ; l’article 17 accorde quatre voix à l’administrateur qui aura deux mille actions. D’après ces dispositions, les douze administrateurs sont obligés d’évincer six mille Français, et sont encouragés à en évincer vingt-quatre mille. L’article 3 du même arrêt permet à tout étranger de s’intéresser en commandite dana la compagnie, et d’acquérir des actions : il pourrait donc se faire que les 40,000 appartinssent à des étrangers. Il faut avouer que, sous ce point de vue, le commerce ne serait plus comme elle le prétend, un commerce national. Mais passons à ses opérations. La compagnie exporte, en marchandises de France, moins d’un onzième de la valeur de ses expéditions pour l’Inde; le commerce libre en exporte plus d’un cinquième: il a par conséquent le double avantage d’employer moins d’espèces, et d’encourager l’industrie nationale, à laquelle il procure un débouché plus considérable. Les seules manufactures du Languedoc fournissaient au commerce libre environ 8,000 pièces de drap chaque année ; et dans les trois premières années de son privilège, la compagnie n'a exporté de draps de toutes sortes qu’environ sept cents pièces. Cependant la compagnie se plaint que, malgré la modicité de ses exportations, ses magasins dans l’Inde sont encombrés de marchandises d’Europe. Il est facile de résoudre ce problème. On peut se rappelerque la compagnie avoue que les marchandises d’Europe bien proportionnées offrentdes bénéfices qui souvent ont surpassé ceux des marchandises de l’Inde. Elle n’a pu obtenir d’aussi gros bénéfices, qu’en tenan t à très haut prix les marchandises qui les lui procuraient. Les consommateurs auront restreint Leur consommation, ou se seront approvisionnés ailleurs. De là l’encombrement dont se plaint la compagnie. Le commerce libre, au contraire, prévient les besoins, les satisfait abondamment, se contente d’un léger bénéfice, multiplie ses tentatives et se procure tous les jours de nouveaux débouchés. Dans le détail que la compagnie donne de ses opérations dans l’Inde, on n’en voit aucune qui soit au-dessus desforces du commerce particulier; je dis plus, aucune qui n’ait été faite avec succès sous le régime de la liberté, et continuée avec avantage par des maisons françaises, sous pavillon étranger. Le commerce particulier pourra donc, ainsi que la compagnie, avoir dans l’Inde des établissements, une correspondance suivie, des agents qui contracteront avec intelligence, et prépareront des cargaisons bien choisies et bien conditionnées; et si jamais la compagnie anglaise venait à jeter un coup d’œil d’inquiétude sur la prospérité de notre commerce, il sera bien plus facile à des particuliers d’éviter les entraves qu’elle mettrait à notre industrie, et d’échapper à sa vigilance en partageant son attention, qu’à une compagnie, dont les opérations sont faciles à suivre. Mais s’il est vrai qu’on ne puisse contracter que pour quinze à seize millions ; s’il est vrai que la consommation du royaume s’élève à soixante millions; le commerce particulier remplira l’excédent de la consommation sur la quantité de marchandises contractées, de la même manière que le fait la compagnie : il achètera de la compagnie an- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.] 225 glaise ou de ses agents, à des prix raisonnables, des marchandises qui ne seront pas de rebut, comme on le suppose, car il les refuserait ; et l’on sait qu’il est aussi avantageux au vendeur de contenter l’acheteur, qu’à celui-ci de trouver à se pourvoir des objets dont il a besoin. Les marchandises achetées seront aussi bien choisies, aussi bien conditionnées que celles qui auront été contractées. Mais si les vendeurs voulaient tenir les prix trop élevés, si les marchandises étaient défectueuses, alors nul doute que l’armateur ne dût charger pour le compte des étrangers, et se contenter, faute de mieux, du bénéfice du fret et de la commission qui rapporte, tant à lui qu’au fisc, vingt à vingt-cinq pour cent. Les partisans du privilège regardent, il est vrai, cette dernière ressource comme avilissante ; mais malheureusement la compagnie est convaincue de faire elle-même ce genre de commerce. Dans le moment actuel, elle a dans ses magasins, à Lorient, des marchandises appartenant à différents étrangers, qu’elle s’est obligée d’importer et de vendre à la suite des siennes propres, moyennant 32 0/0 de fret et de commission, qu’elle prélèvera sur le produit de la vente dont elle fera passer le surplus aux propriétaires. La compagnie a donc reconnu que ces opérations étaient utiles, et réellement elles sont beaucoup plus avantageuses à l’Etat que celle de s’approvisionner à Londres des marchandises ae l’Inde, et c’est un reproche dont la compagnie n’est pas exempte, du moins jusqu’en 1788. Mais passons aux ventes des retours. Que la compagnie se pourvoie des marchandises de France, à un prix modéré, qu’elle les vende avantageusement dans l’Inde, qu’elle contracte avec intelligence et économie, tout cela est possible; qu’elle joigne à ces avantages l’exemption du droit d’induit, rien n’est plus vrai; mais, qu’elle vende en France à des prix modérés, qmelle se contente d’un bénéfice raisonnable, et qu’elle détruise le commerce interlope, ce sont trois assertions dont on ne convient pas. Il est prouvé que la compagnie a refusé de vendre â 25 0/0 au-dessus du prix des autres compagnies ; on prétend qu’en retirant ses poivres, dont on lui offrait 33 sols les 12 décembre 1787 et 3 janvier 1788, elle refusait un bénéfice de 80 à 90 : elle ne vend donc pas à des prix modérés. La compagnie avoue que des maisons françaises font le commerce de l’Inde sous pavillon étranger; elle se plaint que les marchandises qui proviennent de ce commerce soient introduites frauduleusement en France, moyennant une assurance excessivement basse (elle est au moins de 6 à 7 pour 0/0) . De ce fait, que peut-on conclure? sinon que les maisons françaises font le commerce de l’Inde avec plus d’économie et d’avantages que le privilège exclusif, et alors tous les raisonnements delà compagnie contre le commerce libre sont démentis par l’expérience: ou la compagnie veut faire des bénéfices qui excèdent de huit à dix pour cent ceux que le commerce particulier trouve suffisants. Elle ne se contente donc pas d’un bénéfice raisonnable, et par cette conduite elle nécessite la contrebande loin de la détruire. Telle est, Messieurs, la réponse des défenseurs de la liberté. Il est facile à présent de reconnaître que le tableau que la compagnie a donné de ses opérations est flatté, que la description qu’elle fait de la marche, des inconvénients et des malheurs du ir« Série, T. XII. commerce particulier, est outrée, point exacte en général, quoique réalisée malheureusement par quelques exemples particuliers. Mais, si des fautes de quelques armateurs, on croyait pouvoir tirerdes inductions contre le commerce libre en général, quelle défaveur ne répandrait pas sur la cause du privilège l’exemple des désastres des compagnies exclusives? Peu ont échappé à leur ruine, et elles n’en ont été garan ties que par des circonstances particulières, telles que la vente exclusive des épices fines, qui rend à la compagnie hollandaise plus de dix millions de bénéfice net chaque année; et telles que la conquête et la possession de territoires riches et étendus pour la compagnie anglaise, possessions qui, si l’on en croit le mémoire du général Fullar-ton, offrent une population de quarante-quatre millions d’àmes, et trois cent douze millions de revenus. Après ce qui vient de vous être dit, Messieurs, rien ne peut jeter un plus grand jour sur la question que vous avez à juger, que le résultat de deux tableaux du commerce libre, pris à différentes époques, que je vais mettre sous vos yeux. Le premier est un état du nombre et du port des vaisseaux armés par le commerce particulier, depuis la suppression de l’ancienne compagnie en 1769, jusqu’à l’établissement de la nouvelle en 1785. D’après cet état, le commerce libre a expédié 340 vaisseaux du port de 148,945 tonneaux; ce qui donne, pour année moyenne, 21 vaisseaux et 9,309 tonneaux. Le second tableau est du même genre que le premier, mais il ne comprend que les armements de 1774, 1775, 1776 et 1777. Il nous offre un total de 118 vaisseaux et de 57,190 tonneaux, et donne, pour année moyenne, 29 vaisseaux et 14,297 tonneaux. Si on compare ces deux résultats à celui des expéditions de la nouvelle compagnie, en 1785, 1786, 1787 et 1788, on trouvera une grande disparité; trois vaisseaux expédiés en 1785, neuf en 1786, dix en 1787, sept en 1788, donnent Un total de 29 vaisseaux du port de 17,038 tonneaux, et pour année moyenne sept vaisseaux et 4,258 tonneaux. Quant à la valeur des retours, le commerce libre, dans les années de ses importations les plus fortes, a élevé ses ventes jusqu’à près de trente-trois millions, et la compagnie n’a jamais pu porter les siennes au-dessus de vingt-trois millions. Mais l’exactitude de ces deux tableaux sur lesquels on vient d’établir une comparaison qui n’est pas favorable à la compagnie, est contestée par ses défenseurs ; ils croient qu’il est nécessaire de leur faire des retranchements considérables.Comme leurs motifs et les défenses du commerce particulier ne peuvent qu’éclaircir la question principale, j’ai cru devoir vous les présenter dans quelque détail. Dans le nombre des vaisseaux expédiés par le commerce libre pour les Indes, on a eu tort, dit la compagnie, de compter: 1° 155 vaisseaux expédiés pour les îles de France et de Bourbon; 2° 11 vaisseaux frétés pour le compte du roi ou de la compagnie hollandaise; 3° 10 vaisseaux qui ne sont pas revenus de l’Inde, dont quelques-uns ont été vendus aux Anglais par des armateurs qui abandonnaient ensuite leur équipage. C’est ainsi qu’on a vu, en novembre 1785, trois cents matelots français, abandonnés et vouées, dans ces contrées éloignées, à la triste ressource d’être employés par des capitaines 15 ÉSSÔ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.} de vaisseaux des puissances étrangères, pour revenir en Europe; 4* Quatre vaisseaux envoyés dans i lnde pour l’ancienne compagnie, en 1770 et 71 pour sa liquidation; Quatre vaisseaux employés en 1784, pour une association des villes maritimes, avec privilège exclusif ; 6° Cinq vaisseaux employés à une expédition 4e la Chine, pour le compte du roi ; 7* Deux vaisseaux armés en course , et deux autres destinés à la traite des noirs ; 8* Trois vaisseaux portés deux fois sur l’état : En tout 195 vaisseaux, A ces objections, le commerce libre répond article par article: 1* C’est un fait connu que les vaisseaux expédiés pour l’Isle-de-France ont passé le plus souvent dans l’Inde, sur une permission du gouvernement de i’Isle-de-FranCe, et sont allés charger au Bengale ou à Coromandel. Ceux qui n'ont pas fait cette navigation ont trouvé dans les îles des marchandises de l’Inde, et il fallait bien qu’ils en rapportassent en Europe poiir ne pas revenir sur leur lest, ou à quart de charge, les denrées décru des îles de France et de Bourbon, ne pouvant leür fournir tout au plus que le quart de leur chargement. On a donc dû les compter ; 2à Les six Yâisséàux frétés pour îé compte de la compagnie hollandaise, quoiqu’ils aient donné du bénéfice, n’Oni pas dû être comptés. Mais ceux frétés par le roi, ont fait leur retour à Lorient avec des cargaisons complétés de marchandises de l’Inde : on a donc dû les compter] 3° Les vaisseaux vendus dans llnde, ont été expédiés par le commerce libre ; le produit de leurs expéditions et même leurs propres valeurs, ont été nécessairement convertis eu marchandises de l’Inde, qui ont été rapportées par quel-qu’autre voie. La plupart de ces vaisseaux sont restés au service des Français, pour le service d’Inde en Inde ; ils ont servi à approvisionner l’Isle-de-France des marchandises de l’Inde que le commerce libre en a tirées. On a donc dû les compter. Si quelques-uns ont été vendus aux Anglais, cette vente n’a pu qu’être très utile, puisque les vaisseaux étaient de matière et fabrique françaises, à moins qu’oft ne regarde comme plus avantageux le procédé de la compagnie qui, pour son commerce, fait acheter en Angleterre des vaisseaux tout armés. La compagnie avance sans preuve que des armateurs aient abandonné leurs équipages. Les trois Cents matelots vus dans les rues de Calcuta, en 1783, étaient pour là plupart des déserteurs de la flotte de M. de Suffren ; les autres avaient déserté du Boulogne, vaisseau de la compagnie, commandé par le capitaine Adam , qui, resté avec quatre hommes seulement, fut obligé de remplacer son équipage par des Lascaris, 11 n’est pas inutile de remarquer que quarante de ces matelots déserteurs furent recueillis et ramenés en France par le capitaine Termillier, commandant tan vaisseau du commerce libre; 4e Les vaisseaux expédiés pour l'ancienne compagnie, doivent être regardés comme ceux de simples particuliers, puisque leur expédition et leur retour ont été faits en concurrence du commerce libre. On a donc dû les compter ; 5* Les fonds des expéditions de quatre vaisseaux par une association des villes maritimes, ont été fournis par le commerce. On a donc dû les compter ; 6° Le commerce a fourni de mime les capitaux des vaisseaux expédiés pour la Chiné au COujpté du roi. On a donc dû lés compter: 7° Pour les deqx vaisseaux armes en course, et les deux qui ont fait la traite des noirs, quoique très essentiels au commerce, ils n’ont pas dû être comptes; 8° Quant aux trois vaisseaux qu’oû prétebd avoir été portés deux fois sur l’état, ce peut être une erreur d'écrivain qui aura altéré des noms, ou porté l un pour l’autre ; mais cette erreur ifrt-elle réelle, elle n’est pas de grande conséquence. D’ailleurs, la compagnie qui a si scrupuleusement examiné l’état fourni par le commerce, aurait bien dû s’apercevoir que, dans cet état même, on avait oublie d’inscrire plusieurs vaisseaux armés par des particuliers. Un seul armateur en répète trois qui ont été omis. Le vaisseau la Mouché qu’il a expédié en 1779; — le Brûbani en 1780 ; — et le Chat nbir en 1782, ce que la compagnie ne pouvait ignorer, puisque les vaisseaux b’ont été expédiés que sur les permissions de l’ancienne compagnie. Les défenseurs du privilège prétendent enfin,. que la somme à laquelle le commerce libre dit avoir porté les ventes, est exagérée, èt ils tirent cette induction des registres ae perception du droit d’induit. En supposant que les registres aient été tenus avec toute l’exactitude désiraple , on ne pourrait rien encore eo conclure contre l'évaluation des ventes du commerce libre. Le droit d’induit se perçoit souvent, non sur le prix de la vente des marchandises, mais sur le prix que le négociant en a refusé. il est facile de concevoir que, pour peu qu’il y ait de connivence entre celui qui offre un prix des marchandises et celui qui le refuse, le droit d’induit n’est acquitté, par ce dernier, que sur la plus basse évaluation, et qu’ensuite il peut vendre les marchandises acquittées à un prix bien plus élevé. Vous voyez, Messieurs, que les retranchements que proposent les défenseurs du privilège sont excessifs, et qu’en les réduisant à leür juste valeur il n’en resuite qu’une différence peu intéressante entre les tableaux présentés et les mêmes tableaux réduits. Il reste à vous parler des îles de France et de Bourbon. Le cinquième article de l’arrêt du conseil du 14 avril 1785 permet à tous Français d'ap-provisionner ces îles; mais ils ne peuvent charger en retour que des productions de ces colonies. L’armateur français, sachant que ces productions ne peuvent lui donner que des retours insuffisants, néglige d’approvisionner les îles, où, s’il le fait, ce n’est qü’a un prix proportionné au risque qu il court que son vaisseau revienne sur son lest, qu à un tiers ou un quart de charge. Les cris des colons réduits à la famine, ou soumis à une cherté excessive, ont déterminé le gouvernement à venir à leur secours. Un arrêt du conseil a permis à toutes les nations étrangères de commercer avec ces deux îles, c’est-à-dire que, pour mettre à l’abri les intérêts delà compagnie, on a livré le commerce, de Ces colo-. nies aux étrangers, et J’ob en â privé les Seuls Français. Tels sont, Messieurs, les principaux moyens qui appuient les deux systèmes qui vous sont proposés. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mar? 1790.] �27 Après un examen scrupuleux de chaque fait et de la valeur de chaque raisonnement et de chaque allégation, votre comité a pensé, Messieurs, que le commerce libre est plus utile à l’Etat, parce qu’il exporte moius d’espèces et plus de marchandises de France, et qu’il encourage notre industrie; parce qu’il vivifie nos ateliers de constructions; parce qu’il détruit le commerce sous pavillon étranger, dont chaque expédition prive l’Ëtat d’environ deux cent mille livres ; parce qu’il met infiniment plus d’économie dans les opérations, parce qu’il peut suivre avec avantage des filons ae bénéfices que néglige (a compagnie;, parce qu’il emploie plus de bras; parce qu’il est obligé de vendre à un prix modéré les marchandises qui alimentent nos manufactures. Plus utile aux fiuances, parce qu il offre de payer le droit d’induit. Plus utile à la marine, parce qu’il forme une plus grande quantité de matelots sur lesquels on peut compter en temps de guerre, parce que ses vaisseaux sont infiniment plus nombreux et aussi forts que ceux de la compagnie. Plus utile aux îles de France et de Bourbon, parce qu’elles seront abondamment approvisionnées à un prix modéré, qu’elles pourront se livrer sans obstacle au commerce de l’Inde et réaliser peut-être le projet de M. La Bourdon nais, en devenant un entrepôt, où les vaisseaux qui ne voudraient pas faire le grand voyage, s’approvisionneraient des marchandises de l’Inde. Votre comité a pensé que toutes ies villes de commerce.et toutes les manufactures ne pouvaient pas errer sur un point qui les concerne aussi essentiellement* et qu’il y aurait de la présomption à prétendre juger plus sainement qu’elles-mêmes de leur propre intérêt. Votre comité a pensé que ce privilège exclusif viole le plus précieux des droits de l’homme, la liberté qui ne doit être restreinte qu’autant que son exercice est évidemment contraire au bien général. En conséquence, il a cru devoir vous proposer la révocation du privilège exclusif; mais avant de vous soumettre un projet de décret, et dans la supposition que vous jugerez convenable de rendre au commerce cette précieuse liberté qu’il réclame, je dois arrêter encore un moment votre attention sur trois objets : 1° le retour des vaisseaux au port de Lorient ; 2° le droit d’induit, 3° les droits et la propriété des actionnaires. Tous les vaisseaux venant de l’Inde doivent faire leurs retours et déchargements au port de Lorient, et y vendre leurs marchandises. Ûnport sûr, d’un accès facile en tous ies temps, un arsenal fourni de tous les objets de nécessité, des magasins superbes St .l’abri du feu, des facilités de débarquement nécessaires à la conservation des marchandises précieuses importées par le commerce, un moyen de concurrence entre les acheteurs et les vendeurs qui établit leurs avantages réciproques et cet équilibre nécessaire à la conservation du commerce, tels sont, Messieurs, les avantages que vous propose un citoyen de Lorient dans les judicieuses observations sur le commerce de l’Inde; nous y ajouterons la facilité de percevoir les droits du fisc, et l’assentiment tacite du commerce. Quand ces motifs ne paraîtraient pas à l’Assemblée nationale aussi décisifs qu’ils ont paru précédemment au gouvernement, il serait au moins utile de laisser subsister l’obligation du retour à Lorient, jusqu’à ce que le commerce des différentes villes qui ont droit de prétendre à jouir dé la liberté dp retour dans leurs ports, ait pris assez de consistance et de vigueur pour établir chez elles cette utile concurrence d’acheteurs et de vendeurs, le plus grand avantage que puisse nous procurer la ville de Lorient. Votre comité croit qu’il est avantageux que les vaisseaux du commerce de l’Inde continuent à faire provisoirement, comme par le passé, leurs retours et leurs ventes à Lorient. Venons au droit d’induit, ce drpit de 5 0/0 des marchandises de l’indeet de la Chine, et de 3 0/0 de celles du crû des îles de France et de Bourbon d’après le prix des ventes à Lorient, était payé par le commerce sous le régime de la libertéj et il offre de le payer encore si pn révoque le privilège exclusif de la compagnie qui en est exempte. Quant à ce que la compagnie appelle les droits et la propriété des actionnaires, elle paraît avoir des prétentions exorbitantes. Cependant, si les obligations de l’Etat envers les actionnaires doivent être proportionnées, comme je n’endoute pas, aux obligations des actionnaires envers l’Etat, une décision du 27 février 1785, décision qui n’a point été rappelée dans l’arrêt du conseil du 15 avril suivant, mais qui est demeurée secrète jusqu’à ce jour, doit rassurer le fisc sur les suites des demandes de la compagnie. Cette décision est conçue en ces termes : « Dans le cas où la compagnie des Indes ne pourrait réussir à prendre avec la compagnie anglaise les arrangements de commerce qu’elle a projetés, Sa Majesté consent et promet de l’indemniser de toutes pertes excédant 10 0/0, sur ses capitaux, que pourraient lui occasionner les diverses expéditions qu’elle ferait dans les deux premières années de son privilège, sur les comptes en règle que son administration en fournira au contrôleur général. Consent aussi Sa Majesté, que, d’après le résultat de sa première expédition, ladite compagnie ait l’option de suivre, pour son compte, et à ses risques, l’exploitation de son privilège, ou de le remettre et de s'en désister. » Ainsi, doncle ministre, non content de combler de privilèges une compagnie à laquelle il sacrifiait un commerce établi depuis quinze ans et déjà florissant, soumettait l’Etat à un régime exclusif, 6ans que la compagnie prîtd?autre engagement envers l’Etat que celui de conserver son privilège, s’il lui était avantageux. Ce défaut de réciprocité n’a pas besoin de commentaire; mais de ce que la compagnie a conservé son privilège, il est facile de conclure qu’elle a reconnu qu’il lui était avantageux de le conserver. Ses écrits d’ailleurs nous annoncent partout des bénéfices, et votre comité a pensé que la compagnie ne devait obtenir d’autre avantage ou indemnité qué l’exemption dti droit d’induit sur les marchandises provenant de son commerce direct de l’Inde, qu’elle importera jusqu’au lor janvier 1792. D’après ces considérations, j’ai l’honneur de soumettre à votre examen un projet de décret conçu en ces termes : L’Assemblée nationale, considérant nue la liberté des mers est le lien des nations, que les entraves mises au commerce individuel he peuvent que rétrécir le génie, gêüèr l’industrie et borner ses opérations; que le système destructeur du monopole rassemblant dans une petite partie du corps politique les principes du mouvement et delà vie. ne laisie dans tout le règle que rengôurdisgémeût, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790]. 258 [Assemblée nationale.] l’inertie et la langueur, a décrété et décrète ce qui suit : 1° Le privilège exclusif pour le commerce de l’Inde et de la Chine, concédé à une compagnie par les arrêts du conseil des 14 avril 1785 et 27 septembre 1786, est révoqué; 2° Il est libre, de ce moment, à tout citoyen français de commercer dans l’Inde, la Chine et tous autres lieux compris dans le privilège, sans qu’il soit besoin de prendre aucun passeport, ni aucune permission ; en se conformant néanmoins aux ordonnances, édits et déclarations concernant l’amirauté ; 3° Tous les vaisseaux qui feront le commerce de l’Inde, de la Chine et autre pays au delà du cap de Bonne-Espérance, feront provisoirement, comme par le passé, leur retour et désarmement au port de Lorient ; 4° Toutes les marchandises, provenant du commerce ci-dessus, paieront un droit d’induit de 5 0/0 de la valeur de celles de l’Inde et de la Chine, et de 3 0/0 de celles du crû des îles de France et de Bourbon ; 5° La compagnie des Indes sera exempte du droit d’induit sur toutes les marchandises qu’elle a actuellement pour son compte dans les magasins de Lorient, et sur celles également pour son compte, qui composeront ses retours de l’Inde jusqu’au premier janvier 1792. PIÈCES JUSTIFICATIVES. Articles sur lesquels il sera pris des décisions de Sa Majesté. Art. l*r II sera accordé à la nouvelle compagnie des Indes des commissions d’armer en guerre pour la défense de son commerce, et des lettres de marque toutes les fois que le cas le requerra. Art. 2. Pourra ladite compagnie tirer d’où bon lui semblera, même de l’étranger, en exemption de tous droits d’entrée et de sortie, et exporter toutes espèces d’armes, artillerie, ustensiles et munitions de guerre pour son commerce dans l’Inde. Art. 3. La compagnie sera tenue de remettre dans les magasins de la régie des poudres et salpêtre de Sa Majesté, à Lorient, 8Û0,000 net pesant poids de salpêtre du Bengale, chaque année de paix, à commencer dès la première année de ses retours, jusqu’à l’expiration de son privilège, au prix de 10 sols la livre, poids de marc, sous la déduction du trait et de la tare ordinaire des sacs, lesquels lui seront payés en six paiements égaux, de mois en mois, à la caisse générale de la régie à Paris, un sixième comptant, et le reste des billets de la régie, à l'ordre de ladite compagnie, à raison du cinquième par mois. Ladite compagnie ne pourra vendre aucun salpêtre, jusqu’à ce qu’elle ait fourni ladite quantité; mais Sa Majesté renonce à aucun recours contre ladite compagnie, dans le cas où, par quelques événements imprévus et justifiés, elle ne pourrait remettre ladite quantité ; et, en cas <le guerre, il sera accordé à la compagnie une augmentation sur le prix relatif aux circonstances. Art. 4. Dès l’arrivée à Lorient des premiers retours de la compagnie, et lorsqu’elle aura la certitude d’approvisionner le royaume, il sera porté une prohibition générale et sévère d’introduire dans le royaume, des mousselines, toiles de coton, mouchoirs, basins, toiles et soies écrues de Nankin et Canton, provenant du commerce étranger, soit que lesdites mousselines et toiles de coton, blanches, imprimées, teintes ou peintes, soient fabriquées aux Indes ou en Europe ; et seront rendus, à cet effet, tous arrêts nécessaires, lesquels, en renouvelant les dispositions des arrêts des 15 mars 1746 et 30 juillet 1748, défendront la vente et le débit, pendant la durée de son privilège, de toutes les marchandises autres que celles qui, auraient été fabriquées dans le royaume, ou qui proviendraient des ventes publiques de ladite compagnie, à peine de confiscation à son profit et dans le cas où il paraîtrait plus convenable de remplacer lesdites prohibitions par des droits suffisants pour mettre à couvert les intérêts de la compagnie, lesdits droits seraient imposés et perçus à son profit. Art. 5. La compagnie jouira également pendant la durée de son privilège, et sitôt qu’elle aura la certitude d’approvisionner le royaume, de la vente exclusive des toiles blanches, bleues, rayées, imprimées, peintes ou teintes, mouchoirs de coton et soies canris, et autres* articles des Indes, propres au commerce de la côte d’Afrique, à moins qu’elles ne soient imprimées, teintes ou peintes dans le royaume, ou provenant" de nos manufactures. Si néanmoins elle n’était pas en étatde fournir lesdites marchandises en quantité suffisante pour la communication des traites aux côtes d’Afrique, il serait donné par elle, gratuitement, aux particuliers qui entreprendraient d’y pourvoir, des permissions accompagnées des formalités nécessaires pour prévenir les abus. Art. 6. Dans le cas où ladite compagnie ne pourrait réussir à prendre avec la compagnie anglaise les arrangements de commerce qu’elle a projetés, Sa Majesté consent et promet de l’indemniser de toutes pertes excédant 10 0/0 sur leurs capitaux, que pourraient lui occasionner les diverses expéditions qu’elle ferait dans les deux premières années de son privilège, sur les comptes en règle que sou administration en fournira au contrôleur général ; consent aussi Sa Majesté que, d’après le résultat de sa première expédition, ladite compagnie ait l’option de suivre, pour son compte et à ses risques, l’exploitation de son privilège, ou de le remettre et de s’en désister. Art. 7. Les administrateurs de la compagnie pourront prendre, avec les compagnies étrangères, tels arrangements de commerce qu’ils jugeront convenables pour l’utilité de la compagnie. Et en marge est écrit, conforme à l’original arrêté par Sa Majesté , le 27 février 1785. En observant que l’article 7 de l’arrêt du conseil, pareillement approuvé par le roi, a été retranché de l’arrêt pour être porté sur l’état des décisions, le 14 avril 1785. Signé; de Boullongne. Pour ampliation : Lambert. ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT DU ROI portant établissement d’une nouvelle compagnie des Indes. Du 14 avril 1785. Extrait des registres du Conseil d’Êtat. Le roi s’étant fait représenter l’arrêt rendu en son conseille 13août 1769, quiavaitsuspendul’exercice du privilège de la compagnie des Indès, et avait permis à tous ses sujets d’y commercer librement jusqu’à ce qu’il en fût autrement ordonné, Sa Ma- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES# [18 mars 1790.] 229 jesté, par le compte qu’elle s’est fait rendre du résultat des exportations de son royaume, et des retours d’Asie depuis cette suspension, a reconnu que la concurrence, utile pour d’autres branches de commerce, ne pouvait qu’être nuisible dans celle-ci; qu’en effet l’expérience avait fait voir que les cargaisons d’Europe n’étant pas combinées entre elles, ni proportionnées aux .«besoins des lieux de leur destination, s’y vendaient à bas prix, tandis que le concours des sujets de Sa Majesté dans les marchés de l’Inde, y surhaussait le prix des achats : que d’un autre côté les importations en retour, composées de marchandises de mêmes espèces, sans mesures ni assortiments, avec excès dans quelques articles, et manque total sur d’autres, étaient aussi désavantageuses aux négociants qu’insuffisantes pour l’approvisionnement du royaume. En considérant qu’à ces inconvénients “résultant du défaut d’ensemble, se joint l’im possibilité que des particuliers aient des moyens assez étendus pour soutenir les hasards d’un commerce aussi éloigné, et les longues avances qu’il exige, Sa Majesté s’est convaincue qu’il n’y avait qu’une compagnie privilégiée, qui, par ses ressources, son crédit et l’appui d’une protection particulière, pût faire utilement le commerce des Indes et de la Chine. Elle a en conséquence accepté la proposition qui lui a été faite par une association de négociants et de capitalistes dont les facultés, le zèle et l’intelligence lui sont connus, d’exploiter seule, pendant un temps limité, le commerce de l’Asie, suivant les stipulations du dernier traité de paix, qui l’ont maintenu libre, sûr et indépendant. Les soins politiques, les frais de souveraineté, les gênes d’une administration trop compliquée, ayant été les principales causes des pertes que l’ancienne compagnie a souffertes, il a paru convenable que la nouvelle en fût entièrement dégagée, que rien ne pût distraire ni son attention, ni ses fonds de l’objet de son commerce, et qu’elle fût régie librement par ses propres intéressés. Sa Majesté s’est occupée en même temps des moyens de conserver aux îles de France et de Bourbon tous les avantages compatibles avec l’exercice du privilège qui fbnde l’existence d’une compagnie ; elle leur a permis le commerce d’Inde en Inde, la traite des noirs, le libre échange de de leurs productions avec celles de l’Europe, et tout ce qui a paru nécessaire pour assurer l’approvisionnement et le soutien de cette colonie intéressante. A quoi voulant pourvoir : Ouï le rapport du sieur de Calonne, conseiller ordinaire au conseil royal, contrôleur général des finances; Le roi étant en son conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit : Art. 1er. Le privilègede la compagniedeslndes et de la Chine, qui avait été suspendu par arrêt du Conseil d’Etat du roi du 13 août 1769, continuera de demeurer sans effet à l’égard de ladite compagnie, voulant Sa Majesté que la nouvelle association qui s’est formée avec son agrément pour le commerce de l’Asie, soit et demeure subrogée pendant l’espace de sept années de paix, à l’exercice dudit privilège, et qu’elle en jouisse sous la même dénomination. Art. 2. L’ancienne compagnie des Indes ne pourra jouir, au préjudice de la nouvelle, d’aucun droit, avantages ou prérogatives, ni exercer aucune fonction dépendant dudit privilège, et ses directeurs n’expédieront désormais aucun passeport, en vertu des articles 1 et 2 de l’arrêt du 6 septembre 1769 ; ils continueront seulement de suivre les travaux de la liquidation et les autres opérations dont ils sont chargés conjointement avec les députés des actionnaires, tant pour le remboursement des actions, que pour tout ce qui reste à régler des affaires de la compagnie. Art. 3. Il sera permis à tous les sujets de Sa Majesté, de tel rang et qualité qu'ils soient, même aux étrangers, de s’intéresser en commandite, ainsi qu’il sera expliqué ci-après, dans la nouvelle compagnie des Indes, laquelle jouira du privilège de commercer seule, à l’exclusion de tous autres sujets du roi, soit par mer, soit par terre, par caravane ou autrement, depuis le cap de Bonne-Espérance jusque dans toutes le3 mers des Indes orientales, côtes orientales d’Afrique, Madagascar, îles Maldives, mer Rouge, Mogol, Siam, la Chine, Gochinchine et le Japon, ainsi et de la même manière que la précédente compagnie en a joui. Art. 4. Le privilège exclusif accordé à ladite compagnie aura lieu pendant sept années de paix, à compter du départ de sa première expédition pour l’Inde; toutes les expéditions de ladite compagnie qui se feront -d’Europe ou des lieux de sa concession avant l’expiration de sept années, et qui arriveront à Lorient après cette époque, jouiront du privilège, ainsi que tous les retours qui proviendront de sa liquidation après l’expiration de son privilège. Si la guerre survenait avant la révolution desdites sept années, les années de guerre ne seraient pas comptées; et, à la paix, le privilège exclusif serait prorogé pour le nombre d’années pendant lesquelles la guerre aurait duré. Art. S. Les îles de France et de Bourbon ne seront point comprises dans le privilège exclusif ci-dessus accordé; il sera permis à nos sujets d’approvisionner directement, des divers ports de notre royaume, lesdites îles, et d’importer en retour dans le port seul de Lorient, les productions de leur sol; les marchandises qui y seront portées de nos ports d’Europe, pour leur consommation, né pourront être exportées pour les parties de l’Inde comprises dans le privilège; et les marchadises ou productions qui y seront portées de l’Inde, pour leur consommation, ne pourront être chargées ni admises dans les ports de notre royaume, ni dans nos colonies de l’Amérique, ni aux côtes occidentales d’Afrique. Art. 6. Le commerce d’Inde en Inde restera libre pour les habitants desdites îles de France et de Bourbon, sans néanmoins que ledit commerce puisse se faire par des navires partis d’Europe, à moins qu’ils ne soient constatés appartenir en totalité à des habitants nationaux desdites îles de France et de Bourbon, qu’ils y aient été déchargés et par eux expédiés de nouveau pour leur destination dans l’Inde, avec soumission de faire leur retour, désarmement et déchargement dans lesdites îles. Art. 7. Ledit commerce d’Inde en Inde s’étendra aux mers orientales, au delà du cap de Bonne-Espérance, à l’exception de la mer Rouge, de la Chine et du Japon; et pour assurer l’approvisionnement desdites îles de France et de Bourbon en marchandises de Chine, la compagnie des Indes sera tenue de faire relâcher chaque année à l’île de France un de ses vaisseaux en retour de Chine, lequel y déposera et vendra les toiles de Nankin et autres objets nécessaires pour l’habillement des troupes et les besons desdites îles, aux prix qui seront fixés par un tarif que Sa Majesté se réserve de régler en son conseil. Art. 8. Les expéditions pour le commerce d’Inde en Inde se feront librement, à charge seulement de se pourvoir de passeports de ladite compagnie, 230 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.] lesquels seront, à la première réquisition, délivrés sans frais, par ses préposés, suivant le modèle qui sera imprimé; lesaits préposés pourront faire visiter les navires et confisquer, au profit de la compagnie, ceux dont les capitaines ne représenteraient pas ses passeports, qui ne pourront servir que pour un seul voyage; les armes, munitions, marchandises et tous autres effets qui seraient trouvés sur lesdiis navires, seront compris dans la confiscation : ordonne Sa Majesté à ses gouverneurs, commandants et autres, de prêter main-forte à la compagnie, pour la saisie desdits navires, lorsqu’ils en seront requis, et aux juges royaux desdites îles de tenir la main à l’exécution de ta présente disposition. Art. 9. Il ne pourra être entrepris directement d’Europe, par les particuliers, aucune traite des noirs à Madagascar ou ailleurs au delà du cap de Bonne-Espérance, que sur les permissions qui seront accordées gratis par ladite compagnie des Indes, dans le cas où elle ne ferait pas elle-même ladite traite; et néanmoins il sera permis aux îles de France et 'de Bourbon d’y armer et expédier leurs navires pour la traite des noirs à Madagascar, et sur les côtes orientales d’Afrique, au delà du cap de Bonne-Espérance, soit pour les besoins desdites îles, soit pour les transporter dans les colonies françaises de l’Amérique, en se munissant de passeports de la compagnie des Indes, lesquels ne pourront leur être refusés, et seront délivrés saùs frais à leur première réquisition, suivant le modèle qui sera imprimé et qui contiendra les clauses nécessaires pour la sûreté du commerce de ladite compagnie, Art. 10. Les expéditions dvEurope, du commerce particulier, destinées pour lesiles de France et de Bourbon, ainsi que celles qui pourraient avoir lieu auxdites îles, en retour pour le port de Lorient, seront permises, à charge de se pourvoir également de passeports de la compagnie des Indes, lesquels seront délivrés gratis a la première réquisition, et sans aucune formalité, comme il est prescrit par l’article 1er, de l’arrêt du O septembre 1769, et les capitaines desdits navires seront tenus de représenter lesdits passeports aux commandements des îles de France et de Bourbon, et des différents comptoirs où ils relâcheront, ainsi qu’aux préposés de la compagnie. Art. 11. Tout navire particulier qui aura été expédié des ports du royaume pour les îles de France et de Bourbon, sera obligé, lorsquul reviendra en Europe, chargé en totalité ou en partie, de faire son retour et déchargement dans le port de Lorient exclusivement} mais, dans le cas où il reviendrait desdites îles sur son lest et sans y avoir chargé aucunes marchandises quelconques, il pourra aller chercher un fret pour les ports de France et les colonies de l’Amérique, ou faire son retour direct dans son port d’armement. Ceux qui seront armés et expédiés dans lesdites îles pour l’Europe, ne pourront également être destinés que pour ledit port de Lorient, où ils seront tenus de faire leur déchargement, ainsi qu’il a toujours été observé pour le commerce particulier; et aucun navire français, autre que ceux appartenant aux sujets du roi, résidant et domiciliés dans les îles de France et de Bourbon, ne pourra sous aucun prétexte, au retour desdites îles, faire la traite des nègres sur les côtes d’Afrique, soit en deçà soit au delà du cap de Bonne-Espérance. Art. 12. Tous les armements particuliers, commencés, complétés ou en route pour les mers des Indes, sur des permissions particulières, auront, à compter de jour de départ de leur port d’armement, vingt-quatre mois de délai pour faire leur commerce et retour dans le port seul de Lorient et la vente de leurs chargements se fera à la suite de celle de la compagnie, s’ils se trouvent en concurrence avec elle, et à dater de ce jour, il ne sera plus accordé de permissions pendant la durée ou prorogation du privilège : mais dans le cas de perle de navires particuliers, ou autres accidents de force majeure qni seront constatés, la compagnie accordera les prolongations qu’elle reconnaîtra nécessaires, et alors elle recevra à fret sur les vaisseaux les effets des particuliers qui auront éprouvé des retards, aux mêmes prix et conditions des navires qu’elle aura frétés pour son service, pour l’aller et retour des Indes. Art. 13. Les marchandises qui seront apportées de l’Inde à Lorient, par les navires nationaux, pour compte étranger, seront mises en entrepôt réel, et ne pourront être vendues qu’à la charge d’être exportées à l’étranger; les consignataires de ces marchandises seront tenus d’en faire déclaration, à leur arrivée, aux préposés de la compagnie, et aux receveurs des fermes, à peine de er le quadruple des droits. rt. 14. Sa Majesté défend à tous ses sujets de faire, pendant la durée du privilège exclusif accordé à ladite compagnie, aucun commerce dans les lieux compris audit privilège, à peine de confiscation, à son profit, des navires, marchandises, armes, munitions et autres effets qui seraient sur lesdites navires : veut aussi Sa Majesté que toutes marchandises venant des lieux compris dans le privilège exclusif delà compagnie, qui arriveraient en France sur des navires autres que ceux de ladite compagnie, ou qu’elle aurait frétés, soient confisqués a son profit. Sa Majesté défend également à ceux de ses sujets qui auraient obtenu d’elle des passeports, ou des congés des amirautés pour des navigations permises, de se rendre ensuite dans les mers des Indes, et de commercer dans les lieux de la concession, à peine de confiscation des navires, effets et marchandises, dont les deux tiers au profit de la compagnie, et l’autre au profit du dénonciateur; si les navires font leur retour dans des pays étrangers, afin d’éviter les peines ci-dessus prononcées, il sera procédé, pour raison de cette contravention, contre les propriétaires et armateurs; et dans le cas où les navires ne pourraient être saisis, les contrevenants seront condamnés au paiement d’une somme équivalente à la valeur des navires et de leurs chargements, ainsi qu’à celles des intérêts et bénéfices, pour tenir lieu de confiscation. Art. 15. Toutes les opérations de ladite compagnie seront dirigées et régies par douze administrateurs agréés par Sa Majesté, lesquels seront tenus, dans leurs départements, de se conformer à ce qui sera décidé par délibération dans les assemblées générales, ou particulières, et d’établir la direction la plus sûre et la plus économique. Art. 16. Les fonds nécessaires à l’exploitation du privilège exclusif accordé par le présent arrêt, sont fixés à vingt millions, lesquels seront fournis, savoir: six millions par les douze administrateurs, à raison de cinq cent mille livres chacun, ou cinq cents portions d’intérêt de mille livres chacune; les quatorze millions de surplus seront divisés en quatorze mille portions d’intérêt de mille livres chacune, pour lesquelles il sera donné des reconnaissances aux personnes qui vou-dront s’intéresser dans le commerce de la compagnie, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 179Ô.] 231 Art. 17, Chaque administrateur sera tenu de fournir cinq ceftt mille livres, eu cinq cents portions d’intérêt de mille livres. chacune, pour former partie du fonds capital ci-dessus ; et en cas de décès ou dé retraite de l’un d’eux, il sera présenté par l’administration au contrôleur général des finances, trois personnes choisies à la pluralité des voix des autres administrateurs, parmi lesquelles Sa Majesté nommera ; et le nouvel administrateur sera obligé de prendre les fonds de celui qu’il aura remplacé, aü cours de la place qui aura précédé de quinze jours la retraite ou le décès de son prédécesseur ; lequel cours sera constaté et certifié par trois administrateurs, et les héritiers du défunt, ou l’administrateur qui se retirera, seront obligés d’y acquiescer. Art. 18. La mise de cinq cent mille livres de fonds à fournir par chaque administrateur sera de rigueur ; et aucun d’eux ne pourra, sous aucun prétexte, se dispenser d’en compléter le paiement, aux époques et de Ja manière qui seront fixées par l'administration* à peine de destitution de sa place à la première assemblée d’adminis-r tration qui suivra l’époque où les fonds auraient dû être faits, et dont elle rendra compte au contrôleur général des finances ; et dans le cas où l’administration n’aurait pas fait exécuter la clause de rigueur ci-dessus, elle en demeurera garante et responsable envers les jnléressés, auxquels elle fera bon du déficit, dont la somme sera répartie par contribution entre les membres de ladite administration, sauf son recours contre celui ou ceux qui seront remplacés ; ce qui aura lieu à la première assemblée d’administration, Art. 19. Chaque administrateur sera tenu de conserver la propriété de deux cent cinquante portions d’intérêt, lesquelles devront être remises dans le dépôt de la compagnie* désigné ci-après, et y rester déposées eu son nom, tant qu’il sera administrateur. Art. 20. Il sera ouvert à la caisse générale de ladite compagnie, un dépôt de portions d’intérêt, tant pour les administrateurs que pour la sûreté des intéressés, et ces derniers pourront les en retirer toutes les fois qu’ils le voudront. Art. 21. Les vingt millions de fonds fournis tant par les administrateurs que par ceux qui auront pris des portions d’intérêt, seront et demeureront affectés et hypothéqués par privilège spécial à tous les engagements contractés par la compagnie. Art. 22. Les fonds à fournir tant par les administrateurs, que par les intéressés particuliers, seront versés entre les mains du caissier générai nommé par l’administration, au fur et à mesure que les opérations de la compagnie l’exigeront, et aux termes qui seront fixés par l’administration, et le caissier générai donnera des reconnaissances provisoires des sommes qu’il aura reçues en paiement des portions d’intérêt qu’il aura délivrées. Art. 23. Les sieurs Girardot, Hallef et compagnie à Paris, et les sieurs Jean-Jacques Gérard et compagnie à Lorient, seront chargés provisoirement, pour la compagnie, de recevoir les sommes qui composeront les premiers fonds des intéressés, pour en rendre compte à l’administration, et les tenir à sa disposition à sa première demande ; et ils remettront à ceux qui désireront s’intéresser dans ladite compagnie des reconnaissances portant promesse de délivrer le nombre des portions d’intérêt dont il leur aura été fourni la valeur dans le temps prescrit, à raison de mille livres par portion, et n’excédant pas le nombre de quatorze mille portions, fixé par l’article 16. Art, 24- Les administrateurs arrêteront tous les ans, à commencer du mois de décembre 1787, le bilan général des affaires de ladite compagnie, après quoiils le remettront au contrôleur général dès finances ; et la minute, visée des administrateurs, restera déposée entre les mains de son caissier général, où chaque intéressé aura le droit d’en prendre la communication, et ce ne sera qu’après la remise du bilan, qu’il pourra être procédé à la fixation d’un dividende. Art. 25. Pour parvenir à ia fixation de ce dividende, il sera arrêté par les administrateurs un compte détaillé des bénéfices nets qui auront été faits et réalisés dans les expéditions précédentes, déduction faite de tous frais d’administration, et des pertes, s’il y en a, ou estimation de celles qui seraient à Craindre, ainsi que des primes d’assurance pour tous les risques maritimes. Sur ces bénéfices nets que l’administration générale aura admis, elle aura la liberté do dêtermiûer à la pluralité des suffrages, par scrutin, la somme qu’elle jugera à propos de répartir à titre de dividende sur chaque portion d’intérêt pour l’année courante ; en conséquence, la première fixation se fera en décembre 1787, et ensuite d’année en année. Mais, dans aucun cas, le capital de ladite compagnie ne pourra être entamé par le dividende. Art. 26. L’administration générale des affaires de ladite compagnie sera établie à Paris, dans un hôtel ù ce destiné, que Sa Majesté lui accordera gratuitement, pendant le terme de son privilège, pour ses assemblées et bureaux ; et le siège de son commerce principal, où se feront ses armements, expéditions, chargements, désarmements et ventes, sera dans le port de Lorient, exclusivement a tous autres ; l’administration générale commettra, par voie de scrutin, quelques-uns de ses membres pour diriger dans ledit port les opérations de son commerce, et leurs, fonctions et pouvoirs seront réglés par délibération de ladite administration. Art. 27. Nul administrateur ne pourra donner sa voix, s’il n’est présent à rassemblée, à l’exception de ceux qui se trouveront absents et employés pour le service de la compagnie, qui pourront le faire par procureurs choisis Iparmi les membres de l'administration seulement. Tput administrateur présent, propriétaire de mille portions d’intérêt, aura deuX voix ; il en aura trois s’il adépasê quinze cents portions, et quatre s’il eii a déposé deux mille ; sans qu’il puisse avoir un plus grand nombre de voix, quel que soit le nombre de ses portions d’intérêt, Art, 28. L’administration générale aura, à la pluralité des voix, la nomination de toutes les places d’employés, de quelque grade qu’ils puissent être, soit de terre, soit de mer, tant en Europe qu’aux Indes, et pourra les destituer et révoquer de la même manière et de sa seule autorité. le tout ainsi qu’efie le jugera nécessaire pour le bien et l’avantage de la Compagnie. Art, 29. L’administration sera tenue de foire couvrir par des assurances , autant qu’elle le pourra, et que les circonstances l’exigeront, tous les risques de mer et de guerre de la compagnie, sans cependant que l’administration soit jamais responsable des capitaux qui n’auraient pas été assurés, ou de toute autre perte provenant des assurances. Art, 30. Ladite compagnie sera autorisée à dresser et ariêter tels statuts et règlements qu’elle §32 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790 ] jugera le3 plus convenables pour la conduite et régie de son commerce, l’ordre et la sûreté des intérêts qui lui seront confiés, ainsi que pour son régime intérieur, tant en Europe que dans ses établissements, et partout où besoin sera. Art. 31. Sa Majesté protégera et défendra la compagnie, même en employant, s’il en était besoin, la force de ses armes pour la maintenir dans la liberté entière de son commerce, et empêcher qu’elle n’éprouve aucun trouble dans la navigation et dans l’exercice de sou privilège ; elle lui fera fournir, en tout temps, les officiers-mariniers et matelots que ses expéditions exigeront. Art. 32. Les administrateurs de la compagnie et ses intéressés particuliers ne pourront être inquiétés ni contraints en leurs personnes et biens, pour raison des affaires de ladite compagnie, et les effets à elle appartenant ne seront susceptibles d’aucune hypothèque pour les affaires particulières desdits administrateurs ou intéressés. Leurs portions d’intérêt ne pourront être validement saisies qu’après l’expiration du privilège et la libération entière des dettes et engagements de la compagnie; mais il sera libre à tous créanciers des uns ou des autres de saisir ou arrêter entre les mains de son caissier général, pendant la durée du privilège, leurs parts de bénéfice à répartir à litre de dividende. Art. 33. Les administrateurs présideront tour à tour, et de trois mois en trois, dans les assemblées générales ou particulières où ils se trouveront, à, commencer par le plus ancien; le président n’aura que sa voix comme administrateur; mais, dans le cas où il y aurait égalité de voix, celle du président remportera et fixera la délibération. Art. 34. Les portions d’intérêt de ladite compagnie seront imprimées conformément au modèle joint au présent, et seront numérotées depuis le n° 1, jusques et compris le n° 20,000 inclusivement ; elles seront signées par le caissier général et par trois administrateurs. Art. 35. Sa Majesté cède et accorde gratuitement à ladite compagnie, pour tout le temps de la durée de son privilège, la jouissance, dans le port de Lorient, des hôtels, magasins, caves, chantiers de construction, corderie, ateliers, pontons, ustensiles, et facilités du port, et autres bâtiments et emplacements nécessaires à la construction, radoubs, équipements et armements de ses navires ou de ceux qu’elle frétera, ainsi que pour la réception et disposition de ses marchandises et effets d’exportation. Veut Sa Majesté que touslesdits bâtiments, pontons, ateliers et autres, suivant la demande qui en sera faite par ladite compagnie, lui soient incessamment remis, après avoir été réparés aux frais de Sa Majesté, qui demeurera chargée de les entretenir pour tous ce qui concerne les grosses réparations, pendant la durée du privilège de ladite compagnie, à l’expiration duquel elle les rendra suivant l’état détaillé qui en sera dressé aussitôt après que les-dites réparations seront achevées, et au moment que la remise lui en sera faite. Art. 36. Pour l’exécution du présent article, il sera fixé, de concert entre le ministre de la marine et celui des finances, une ligne de démarcation dans le port de Lorient, qui séparera l’arsenal du roi, d’avec la portion des ports et quais qui seront cédés et abandonnés à la compagnie. Art. 37. Sa Majesté accorde pareillement a ladite compagnie la jouissance gratuite des bâtiments, magasins, ateliers, loges et comptoirs qui sont à sa possession dans les divers établissements au delà du cap de Bonne-Espérance, et qui pourraient être nécessaires à ladite compagnie, et il en sera usé pour les réparations et entretiens desdits bâtiments et comptoirs, ainsi et de la même manière qu’il en est ordonn é pour ceux de Lorient, par l’article 35 du présent arrêt. Art. 38. Les ventes des retours des Indes et de la Chine de ladite compagnie se feront publiquement au seul port de Lorient et à l’hôtel des ventes, à des époque qui seront annoncées d’avance; et comme le privilège exclusif accordé à ladite. compagnie doit assurer une masse de retours suffisante pour l’approvisionnement du royaume, et même un excédent pour l’étranger, son administration s’occupera des moyens de bien apprécier la consommation intérieure, et d’étendre son commerce par de nouveaux débouchés autant que la prudence le permettra, Art. 39. 11 sera tenu tous les an� deux assemblées générales d’administration en l’hôtel de la compagnie à Paris, l’une pour rendre compte des expéditions de sortie, et l'autre pour les retours et ventes ; et il y sera, en outre, délibéré sur les affaires les plus importantes de la compagnie, lesquelles délibérations seront déposées à son secrétariat, où les intéressés pourront en prendre communication. Art. 40. Ceux qui auront acheté des effets ou marchandises de la compagnie, seront contraints au paiement de ce qu’ils devront, comme pour les propres deniers et affaires de Sa Majesté. Art. 41. Les employés de ladite compagnie jouiront des mêmes privilèges et prérogatives accordés aux employés de nos fermes et régies. Art. 42. Si aucuns des administrateurs de ladite compagnie, capitaines, officiers et matelots de ses vaisseaux, employés et commis, étaient pris par les sujets des princes et Etats avec lesquels Sa Majesté pourrait se trouver en guerre, elle les fera retirer et échanger. Art. 43. Sa Majesté garantit la compagnie de toutes demandes et prétentions quelconques qui pourraient se former contre elle soit en Europe ou aux Indes, provenant du privilège de l’ancienne compagnie des Indes. Art. 44. Ladite compagnie pourra prendre tels renseignements qu’elle jugera à propos dans les archives de l’ancienne compagnie des Indes ; et pour cet effet, les directeurs de sa liquidation, et préposés, tant en Europe, que dans les lieux de sa concession, tiendront à la disposition de l’administration de la nouvelle compagnie, ou de ses préposés, ses registres, journaux, correspondances, cartes et archives. Art. 45. Le droit d’induit, établi sur toutes les marchandises provenant du commerce de l’Inde et de la Chine sur le pied de 5 0/0 et à 3 0/0 sur celle du crû des îles de France et de Bourbon, demeurera supprimé, et ne pourra désormais être perçu que sur le retour des navires expédiés sur des permissions particulières de date antérieure à celle du 14 avril 1785. Art. 46. Ladite compagnie jouira de tous les privilèges, avantages, franchises et exceptions de droits quelconques, dont l’ancienne compagnie des Indes jouissait à l’époque de la suspension de son privilège en 1769, même de l’exemption de ceux qui ont été établis depuis cette époque; il en sera dressé un état détaillé qui sera, arrêté au conseil royal des finances, et Sa Majesté se réserve de faire connaître alors ses intentions sur les articles qui auraient besoin d’être réglés ou interprétés, comme aussi de modérer, en faveur [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790. 233 de ladite compagnie, les droits imposés parle tarif de 1664, sur les marchandises de l’Inde et de la Chine, à leur entrée dans les provinces des cinq grosses fermes ; même d’affranchir totalement desdits droits les toiles destinées pour l’impression , et autres marchandises qui ne pourraient y être assujetties sans désavantage pour les manufactures et le commerce du royaume. Art. 47. Les plombs et bulletins prescrits par l’article 6 de l’arrêt du conseil du 6 septembre 1769, continueront d’être apposés aux marchandises mentionnées en l’article 5 de l’arrêt du 29 novembre 1770, par les employés de la compagnie des Indes, concurremment avec les deux garde-magasins des fermes, qui tiendront respectivement, avec les préposés de la compagnie, un registre en compte ouvert pour le plombage; à l’effet de quoi les plombs, matrices et empreintes servant à former lesdits plombs et bulletins, seront immédiatement remis dans les magasins de la nouvelle compagnie à sa disposition, et il lui sera libre d’adopter tel nouveau plomb ou empreintes qu’elle jugera nécessaires pour prévenir l’introduction en fraude, dans le royaume, des marchandises de même espèce que celles provenant de son commerce. Art. 48. Il en sera usé avec la Ferme générale, pour toutes les marchandises des Indes et de la Chine, tant au poids qu’à la pièce, qui seront saisis provenant du commerce étranger, ainsi que pour les mousselines, toiles de coton, mouchoirs et toiles peintes étrangères, de la même manière que cela se pratiquait avec l’ancienne compagnie des Indes. Art. 49. Ladite compagnie jouira du transit par terre, pour toutes les marchandises provenant de son commerce, et propres pour la traite des noirs sur les côtes d’Afrique, en remplissant à cet égard les formalités qui seront prescrites, et ces marchandises seront désignées par un état qui sera arrêté contradictoirement avec la Ferme générale. Art. 50. Ladite compagnie aura la liberté d’exporter annuellement du royaume les matières d’or et d’argent qui lui seront nécessaires pour son commerce, et ce, nonobstant les défenses faites par les ordonnances contre tous les transports d’or et d’argent en pays étrangers, dont nous la relevons ; mais ses administrateurs seront tenus de faire connaître au contrôleur général des finances la valeur de leur exportation annuelle; et Sa Majesté, voulant la traiter favorablement, la dispense du tarif accordé au fermier général des messageries, par son arrêt du 30 septembre 1783, concernant les transports des espèces d’or et d’argent, et lui permet de faire avec ledit fermier général tels marchés et conventions à cet égard, dont ils conviendront ensemble, lesquels auront leur exécution. Art. 51. Les marchandises au poids et à la pièce, de la même espèce que celles de la compagnie, dont l’entrée est admise dans le royaume, ne pourront à l’avenir y être introduites que lorsqu’elles seront accompagnées d’une permission de la compagnie des Indes, à l’exception des toiles de coton blanches qui restent soumises, quant à présent, au régime des lettres-patentes de 1759. Art. 52. Toutes les marchandises au poids et à la pièce, de la même espèce que celles du commerce delà compagnie, qui arriveront dans le port franc de Lorient, seront sujettes à être déclarées à leur entrée dans ledit port , ainsi qu’il en est usé pour le tabac fabriqué; elles seront mises en entrepôt sous clef, dans des magasins employés uniquement à les recevoir, et seront sujettes aux recensements et autres formalités prescrites par les règlements pour les entrepôts réels, afin d’en prévenir l’introduction dans le royaume; sans qu’à l’égard des marchandises étrangères, ni de celles qui proviendraient du commerce de la compagnie, la ville de Lorient puisse être regardée comme destination à l’étranger; et l’exemption des droits, accordée à cette destination, n’aura pas lieu pour celles desdites marchandises qui seront introduites dans ladite ville, mais seulement pour ce gui sera embarqué pour aller à l’étranger effectif, et déclaré comme y étant destiné. Art. 53. Pourra ladite compagnie prendre pour ses armes l’écusson accordé à l’ancienne compagnie, dont Sa Majesté lui concède la jouissance, pour s’en servir dans ses sceaux et cachets, et qu’elle pourra mettre et apposer partout où elle le jugera à propos. Art. 54. Ladite compagnie ne pourra être tenue d’armer aucun de ses vaisseaux en guerre, ni faire aucun transport d’hommes ou d’effets pour compte du gouvernement. Art. 55. Sa Majesté fait défenses à toutes personnes, de quelque état et condition qu’elles soient, de charger ni faire charger sur les vaisseaux de ladite compagnie des Indes, ou ceux qu’elle aurait frétés, venant des pays de sa concession ou y allant, aucunes marchandises ni effets quelconques, sans, au préalable, les avoir fait comprendre dans les factures du chargement, sur une permission par écrit, signée de ses administrateurs ou préposés à cet effet, à peine de confiscation à son profit, et de destitution du capitaine et officiers. Permet Sa Majesté, à ladite compagnie des Indes, de commettre telles personnes qu’elle jugera à propos, pour en faire la perquisition et saisie sur ses vaisseaux, soit à leur départ en France, soit à leur arrivée des pays de sa concession , et ensuite de les faire vendre à son profit, sans qu’elle soit tenue d’en faire autrement juger ni prononcer la confiscation ; sur le produit desquelles marchandises et effets, elle pourra accorder, tant aux commis qu’aux dénonciateurs, telle gratification qu’elle jugera convenable. Art. 56. Si à l’expiration du privilège accordé par le présent arrêt, et sur la demande en prorogation des administrateurs de ladite compagnie, Sa Majesté ne jugeait pas à propos de le proroger, il sera procédé à la vente de tous les effets quelconques appartenant à la compagnie, de la manière que l’administration le jugera le plus convenable à ses intérêts, laquelle sera seule chargée de la liquidation ; pour le produit net, après l’extinction de tous ses engagements, tant en Europe qu’aux Indes, être partagé entre tous les intéressés, au prorata de l’intérêt de chacun. Art. 57. Ordonne Sa Majesté que le présent arrêt sera imprimé, publié et affiché partout où besoin sera, et que sur icelui toutes lettres nécessaires seront expédiées. Fait au Conseil d’Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 14 avril 1785. Signé : le Baron de Breteuil. PORTION D’INTÉRÊT DE LA COMPAGNIE BES INDES [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (18 mars 1790.] N* COMPAGNIE DES INDES. Premier Dividende d’une portion d'intérêt, payable a» porteur, dent la somme et réponse de paiement seront déterminées et annoncées par Vadrâipistration. ' ‘ ' N* COMPAGNIE DES INDES, Second Dividende d’nna portion d’intérêt, payable au porteur, dont la somme et l'époque de paiement seront déterminées et Annoncées par l’administration. N° COMPAGNIE DES INDES. Troisième Dividende d'une portion d’intérêt, payable an porteur, dont la somme et l'époque de paiement seront déterminées et annoncées par l’administration. N° COMPAGNIE DES INDES. Quatrième Dividende d’une portion d’intérêt, payable iii portenr, dont la somme et l'époque dé paiement seront déterminées et annoncées par l’administration. N? COMPAGNIE DES INDES. Cinquième Dividende* d'une portion d’intérêt, payable au porteur, dont la somme et l’époque de paiement seront déterminées et annoncées par l’administration. N* COMPAGNIE DES INDES. Sixième Dividende d’une portion d’intérêt, payable au porteur, dont la somme et l’époqus de paiement seront déterminées et annoncées par l’administration, N° COMPAGNIE DES INDES. Septième Dividende d’une portion d’intérêt, payable au porteur, dont la somme et l’époque de paiement seront déterminées et annoncées par l'administration, N° COMPAGNIE DES INDES. Établie par arrêt du Conseil du 14 avril 1785. Le 'porteur est intéressé dans la Compagnie des Indes, pour une portion d’intérêt de mille livres. A Paris, le Signé pour la Compagnie des Indes, en vertu de la délibération du [Assemblée national#.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.1 2o5 ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT DU ROI, qui porte à 40 millions les fonds de la compagnie des Indes* et qui prolonge à quinze années de paioc la durée de son privilège , fixé à sept années par l’arrêt du Conseil du 14 avril 1785. Du septembre 1786, - Extrait des registres du Conseil d’Etat. Le roi, s’étant fait rendre compte, en son conseil, delà situation présente de la compagnie des Indes, établie par son arrêt du 14 avril 1785, Sa Majesté a reconnu, par le détail des expéditions considérables que cette compagnie a déjà faites, et de celles qui doivent avoir lieu incessamment, qu’elle a employé tous les moyens dont elle pouvait faire usage, pour fournir des marchandises d’Asie, en proportion des besoins du royaume, et qu’il y a sujet d’espérer que le développement ultérieur de son commerce, la mettra dans le cas d’assurer aux manufactures un approvisionnement mieux assorti, et moins cher que les achats précédemment faits par les particuliers, en concurrence libre, ne pouvaient le leur procurer. Sa Majesté en a été d’autant plus satisfaite que le succès des premiers efforts des administrateurs a déjà servi à remplir les vues qui l’avaient déterminée à prohiber les marchandises étrangères de ce genre, dont l’introduction sans bornes ne pouvait qu’être préjudiciable à l’Etat ; ces motifs et la connaissance qui a été donnée à Sa Majesté; du nombre des vaisseaux que la compagnie est sim* le point d’armer pour sa seconde expédition� l’ont déterminée à consolider son établissement, dont les premières opérations annoncent ce qq'on peut attendre du zèle avec lequel elle se propose de les continuer j et Sa Majesté a jugé que le moyen d’en assurer la réussite, en fixant invariablement l’existence de cette compagnie, était d’augmenter un capital qui, dès le principe, avait paru insuffisant, mais qu’il n’eût pas été prudent d’étendre davantage dans le premier moment, et avant que l’expérience pût fonder la confiance du public dans l’intelligence et l’activité de l’administration à laquelle oe commerce est confié. Pour mettre la compagnie en état de retirer de cet accroissement de fonds tous les avantages que l’on doit s’en promettre, Sa Majesté a bien voulu prolonger la jouissance de son privilège et le proportionner à l’importance de ses nouveaux moyens*, mais en même temps qu’elle lui donne cette nouvelle preuve de la protection qu’elle lui accorde, elle n’a point perdu de vue la conservation des.droits des anciens actionnaires, et elle a trouvé juste de leur assurer dans la répartition des nouvelles portions d’intérêt, une préférence qui semble leur être due, en raison des risques qu’ils ont courus, et des avances qu’ils ont faites. A quoi voulant pourvoir : Ouï ie rapport du sieur de Galonné , conseiller ordinaire au conseil royal, contrôleur général des finances : le roi étant en son conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit: Art. lef. Autorise Sa Majesté ladite compagnie à user en ce moment de la faculté à elle réservée par l’article 31 de ses statuts, homologués au conseil le 19 juin 1785, d’augmenter son capital quand il en serait besoin ; en conséquence, les fonds de ladite compagnie, qui n’avaient d’abord été portés qu’à vingt millions, suivant l’article 16 de i’arrêt du 14 avril 1785, seront doublés et s’élèveront à quarante millions. L’augmentation de de vingt millions sera divisée en vingt mille portions d’intérêt de mille livres chacune, valeur primitive des anciennes, avec lesquelles formeront un total de quarante mille actions, auquel elles demeureront invariablement fixées. Art 2. Ce capital réuni de quarante millions supportera tous les risques, frais et charges de la compagnie, depuis son établissement, ainsi que ceux à venir, et il partagera tous les bénéfices et dividendes acquis et futurs, aux même clauses et conditions portées dans l’arrêt du 14 avril 1785 et autres subséquents, sans aucune exception. Art. 3. Les nouvelles portions d’intérêt appartiendront de droit et seront données de préférence aux porteurs des anciennes, en nombre égal à la quantité qu’ils en présenteront en nature, en observant les formalités ci-après prescrites; Et pour leur procurer la facilité de profiter de la préférence qui leur est promise, Sa Majesté consent à accorder l’intervalle d’un mois, à compter de la date du prés eut arrêt, pour que tous les intéressés soient suffisamment avertis, et puissent se préparer à remplir les obligations prescrites par les dispositions suivap tes: Art, 4. A l’expiration du mois accordé poqr avertissement, et dans le cour des trois mois suivants, ceux qui voudront participer aux nouvelles portions d’intérêt, seront tenus de présenter ou faire présenter à l’hôtel de la compagnie, aux jours et heures qui seront indiqués, les anciennes ac-, tions ou portions d’intérêt dont ils seront porteurs, d’y faire enregistrer les numéros aesdites anciennes actions, de les faire contrôler par un des administrateurs, et de les faire estamper d’une empreinte portant ces mots : « Pouf portion d’intérêt du doublement ordonné pair arrêt du conseil du 21 septembre 1786. Art. 5. Les porteurs de portions d’intérêt feront, en les représentant à la compagnie, un premier paiement comptant de cinq cents livre? pour chaque nouvelle portion d’intérêt, et seront tenus de compléter la somme de mille livres par un second et dernier paiement comptant, qui pourra être différé au delà de sept mois, à compter de la date du présent arrêt. Ge sera seulement au moment de ce second et dernier paiement que la nouvelle action leur sera délivrée en représentant de nouveau l’ancienne; le conlrôle qui aura été mis et l’empreinte qui aura été apposée sur ladite ancienne action, conformément à l’article précédent, serviront de reconnaissance pour le premier paiement , et seront bétonnés au dernier, Art, 6. Ceux des porteurs de portions d’intérêt qui ne se seront pas présentés dans les trois mois fixés par l’article?4, pour représenter leurs actions et effectuer le paiement comptant, ou ceux qui, après y avoir satisfait, ne rempliront pas le second dansle délai fixé, seront, dans Gun ou l’autre cas, également déchus du droit qui leur est accordé de participer aux nouvelles, et ces derniers ne pourront exiger la restitution des cinq cents livres par eux payées, lesquelles seront des lors acquises au bénéfice des actionnaires. Art. 7. Les nouvelles portions d’intérêt désignées dans l’article précédent, comme n’ayant pas été acquises par les porteurs des anciennes, seront sur-le-champ mises en réserve, au dépôt de la compagnie, pour être vendues au profit des actionnaires, aux époques et de la manière que l’administration jugera le plus convenable à leurs intérêts. Art. 8, Ceux qui voudront anticiper les paiements pour recevoir plus tôt la nouvelle action ou la reconnaissance qui la représentera, pourront le faire aussitôt après le délai du premier 236 'Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1790.] mois, accordé par l’article 3 du présent arrêt, et l’escompte des intérêts leur sera alors bonifié par la compagnie, au taux de 5 0/0 par an. Art. 9. Le privilège accordé à la compagnie, par l’article 4 de l’arrêt du 14 avril 1785, pour sept années, à compter du départ de sa première expédition dans l’Inde, sera et demeurera prolongé et fixé à quinze années de paix, aux mêmes clauses, conditions, avantages, franchises, exemptions et jouissances généralement quelconques portées par l’arrêt du 14 avril 1785, et autres arrêts subséquents, relatiFs à son établissement, desquels Sa Majesté ordonne l’exécution pour les années dont elle veut bien augmenter la durée de son privilège. Art. 10. Les nouvelles portions d’intérêt garnies de sept dividendes, seront imprimées conformément au modèle joint au présent arrêt; elles seront numérotées depuis le n° 20,001, jusques et compris le n° 40,000, et elles seront signées par trois administrateurs. Lors du paiement du septième dividende, les quarante mille actions seront remises au caissier de la compagnie, qui délivrera en échange des actions nouvelles portant les mêmes numéros, et garnies chacune de huit dividendes pour les huit années qui resteront de la durée dudit privilège. Art. 11. Ordonne Sa Majesté que le présent arrêt sera imprimé, publié et affiché partout où besoin sera, et que sur icelui toutes lettres nécessaires seront expédiées. Fait au Conseil d’Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le vingt-unièmejour de septembre mil sept cent quatre-vingt-six. Signé ; LE baron de Breteüil. (Ce rapport est fort applaudi.) M. de Montlosier. Je demande l’impression du rapport, celle de l’arrêt portant création de la compagnie des Indes, et des motifs qui ont déterminé à accorder le privilège. M. de Virleu. Je demande qu’on joigne à ces pièces les états du commerce libre, de ses retours et de ses ventes avant la création de la compagnie; que ces détails soient également donnés pour la compagnie, afin qu’on puisse faire une comparaison complète. M. Roussillon. J’ai l’honneur de vous assurer que, si vous ordonniez l’impression demandée par le préopinant, vous ajourneriez indéfiniment. Plusieurs vaisseaux sous pavillon français, à Ostende, à Livourne, n’attendent que votre décret pour mettre à la voile. M. Gillet de La Jacqueimiiière, Je demande l’ajournement à deux jours après l’impression du rapport. M. de Hoailles. Si l’on veut juger avec connaissance de cause une question aussi importante pour le commerce et pour la nation même, l’ajournement ne peut être ainsi rapproché. Je demande qu’il soit fixé à mardi matin. M. Malouet. Afin de jeter plus de jour sur cette affaire, je voudrais qu’on entendît contradictoirement à la barre un député des actionnaires de la compagnie des Indes et un député du commerce. (L’Assemblée ajourne la discussion à la séance du vendredi 26 de ce mois. Elle ordonne l’impression du rapport, de l’arrêt du conseil portant création de la compagnie des Indes, et des motifs de cet arrêt.) M. le Président. L’ordre du jour appelle un rapport des comités ecclésiastique et des domaines sur les bois et forêts. M. Lanjulnafs, au nom des deux comités réunis, propose un projet de décret. M. Parent de Chassy. L’article 1er ne se rapporte qu’aux seuls échangistes. Je propose d'y comprendre les apanagistes, eugagistes, donataires, concessionnaires et tous détenteurs, à quelque titre que ce soit. M. Pison du Galand. Le comité n’a-pas compris les engagistes dans son article premier, parce qu’il y a une. loi particulière qui les concerne. M. de Folleville. Je demande que les mots ci-devant faits, soient retranchés de l’article 8 parce que la loi ne doit pas avoir d’effet rétroactif. M. Merlin. Je m’oppose à l’adoption de cet amendement parce que les ecclésiastiques doivent jouir des bois en bons pères de famille et que ce n’est pas user, mais abuser de couper des arbres de 20 ans. Après cet échange d’observations, le décret est rendu en ces termes : L’Assemblée nationale.... voulant comprendre dans une seule et même loi les dispositions nécessaires pour prévenir et arrêter les abus relatifs aux bois et forêts, dans la possession desquels la nation peut être dans le cas de rentrer, ou dont elle pourrait avoir à disposera décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. 11 sera provisoirement sursis par les apanagistes, engagistes, donataires, concessionnaires, et tous détenteurs, à quelque titre que ce soit, de bois et forêts domaniaux, et par tous échangistes dont les échanges ne sont pas consommés, à toute coupe de futaie dans lesdits bois et forêts, à peine de confiscation des bois coupés, et de mille livres d’amende pour toute coupe au-dessous d’un arpent, et de mille livres par arpent pour toute coupe excédante, sans préjudice néanmoins à la pleine et entière exécution des coupes extraordinaires autorisées et adjugées dans les formes légales jusqu’au jour de la publication du présent décret. Art. 2. Il sera pareillement sursis à toute permission, adjudication et exploitation de coupes extraordinaires de bois dépendant d’établissements ecclésiastiques, sans préjudice à la pleine et entière exécution des coupes extraordinaires autorisées et adjugées dans les formes légales jusqu’au jour de la publication du présent décret, à la charge aux adjudicataires de verser dans la caisse de l’administration des domaines, le prix des adjudications, dont il ne sera disposé que d’après l’avis des assemblées de district, de département ou de leur directoire, ou pour le paiement des dépenses extraordinaires faites avant la publication du présent décret, conformément aux arrêts et lettres-patentes qui les ont autorisées. Art. 3. Les apanagistes, engagistes, concessionnaires des bois et forêts domaniaux, à quelque titre que ce soit, et les échangistes dont les échanges ne sont pas consommés, ainsi crue tous bénéficiers ou autres possesseurs ou administrateurs des bois et forêts ecclésiastiques, ne pourront faire