[Coüveruioü nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M9 qu’on décore du nom de religion, ne sont que des contes de la Barbe-Bleue , « Plus de 'prêtres. Nous y parviendrons avec le temps; pour se hâter, il me semble qu’il serait bon d’assurer le nécessaire à ceux qui veulent rendre justice à la vérité, et qui sont disposés à descendre d’un rang auquel l’ignorance, terreur et la superstition ont pu seules les faire monter. « Plus de prêtres, cela ne veut pas dire plus de religion. Sois juste, sois bienfaisant, aime tes semblables, et tu as de la religion, parce qu’ayant toutes les vertus qui peuvent te rendre heureux, en te rendant utile à tes frères, tu as tout ce qu’il faut pour plaire à la divinité. « Si je pouvais ne prêcher que cette morale, à la bonne heure; mais mes paroissiens veulent que je leur parle de neuvaines, de sacrements, de cent mille dieux... Ce n’est pas plus mon goût que le vôtre; je vous prie donc de me per¬ mettre de me retirer, en m’assurant une pen¬ sum. « Parent, curé de Boissise-la-Bertrand. » Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi au comité des finances (1). Suit la lettre du citoyen Parent, d'après le document des Archives (2) : A la Convention naUonale, salut. « Bois sise-la -B ertran d, chef-lieu de can¬ ton, district de Melun, département de Seine-et-Marne, le 14 brumaire, l’an III de la République française une et in¬ divisible. « Citoyens représentants, « Je suis prêtre, je suis curé, c’est-à-dire charlatan ; jusqu’ici, charlatan de bonne foi, je n’ai trompé que parce que moi -même j’avais été trompé; maintenant que je suis décrassé, je vous avoue que je ne voudrais pas être char¬ latan de mauvaise foi; cependant la misère pourrait m’y contraindre car je n’ai absolument que les 1,200 livres de ma cure pour vivre; d’ailleurs je ne sais guère que ce qu’on m’a forcé d’apprendre, des or émus. « Je vous fais donc cette lettre pour vous prier d’assurer une pension suffisante aux évêques, curés et vicaires sans fortune et sans moyens de subsister, et cependant assez hon¬ nêtes pour ne vouloir plus tromper le peuple auquel il est temps enfin d’apprendre qu’il n’y a de rehgion vraie que la religion naturelle, et que tons ces rêves, toutes ces mômeries, toutes ces pratiques qu’on décore du nom de rehgion, ne sont que des contes de la Barbe bleue. « Plus de prêtres, nous y parviendrons avec le temps,; pour le bâter, il me semble qu’il serait bon d’assurer le nécessaire à ceux qui veulent rendre justice à la vérité et qui sont disposés (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 47. (1) Archives nationales, carton C 280, dossier 766. Supplément au Bulletin de la Convention nationale du 7e jour de la 2e décade du 2® mois de l’an II (jeudi 7 novembre 1793). à descendre d’un rang auquel l’ignorance, Ter¬ reur et la superstition ont pu seules les faire monter. « Plus de prêtres, oela ne veut pas dire plus de religion. « Bois juste, sois bienfaisant, aime tes semblables, et tu as de la religion, parce qu’ayant toutes les vertus qui peuvent te rendre heureux en te rendant utile à tes frères, tu as tout ce qu’il faut pour plaire à la divinité. » « Si je pouvais ne prêcher que cette morale, à la bonne heure; mais mes paroissiens veulent que je leur parle de neuvaines, de sacrements, de cent mille dieux, ce n’est pas plus mon goût que le vôtre; je vous prie doue de me permettre de me retirer en m’assurant une pension. « Parent, curé de Boissise-la-Bertrand, par Mélun. » Compte rende du Moniteur universel (1). Un secrétaire fait lecture de la lettre suivante : ( Suit le texte de la lettre que nous reproduisons ci-dessus.) On applaudit. Sergent. Je demande l’ordre du jour sur cette lettre. Un prêtre qui dit qu’il était hier dans (1) Moniteur universel [n° 49 du 19 brumaire an II (samedi 9 novembre 1793), p. 198, col. 2). D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 236) et le Journal de la Montagne [n° 159 du 18e jour du 2e mais de l’an II (vendredi 8 novembre 1793), p. 1171, col. 1] rendent compte de la lettre du curé de Boissise-la-Bertrand dans les termes suivants i 1. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets . On lit une lettre de Parent, curé de Boissise. (Suit le texte de la lettre que nous reproduisons ci-dessus. ) La lecture de cette lettre a souvent été interrom¬ pue par de vifs applaudissements. Léonard Bourdon convertit en motion la péti¬ tion du ci-devant curé de Boissise. Thuriot s’y oppose. U s’applaudit de voir ia philosophie et la raison triompher de la superstition et du fanatisme; mais il veut que l’opinion se venge elle-même de l’erreur où on l’avait entraînée et que la Convention mûrisse bien les mesures par lesquelles elle voudra la seconder. On applaudit, et le renvoi au comité des finances est décrété. II. Compte rendu du Journal de la Montagne . Un curé enfin convaincu que la profession qu’il a exercée jusqu’ici n’est qu’un métier de charlatan, et que ses confrères et lui n’ont enseigné que des contes bleus, envoie ses lettres de prêtrise, mais de¬ mande une pension qui lui donne les moyens d’en¬ tretenir sa femme et ses enfants. Sergent réclame l’ordre du jour et se fonde sur ce qu’un homme, qui a menti si longtemps à sa •cons¬ cience, pourrait bien n’être encore qu’un hypocrite. Tiiuriot observe qu’il est des patriotes de bonne foi parmi les prêtres, que la superstition aveuglait encore et qui, ne s’éclairent que par l’élan sublime de la nation, lequel, depuis quelques jours, semble présager la chute totale du fanatisme. II demande le renvoi de la pétition au comité des finances pour être examinée sous un aspect général. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 17 brumaire an 11 7 novembre 1793 550 l’erreur de bonne foi, et qui dit qu’il est dé¬ trompé aujourd’hui, ne peut parler sincèrement. Léonard Bourdon. J’observe au préopinant que l’erreur dans laquelle ont été les prê¬ tres, était chez la plupart un effet des préju¬ gés dans lesquels ils étaient nourris depuis leur enfance. Aujourd’hui, ils ouvrent les yeux, c’est l’effet de l’opinion publique fortement pro¬ noncée. Je demande que le traitement qu’a le curé lui soit conservé comme pension. Thuriot. Je me réjouis de voir chaque jour la raison et la philosophie venir briser sur l’autel de la patrie les hochets de la supers¬ tition; mais cet hommage rendu à la vérité, ne doit pas nuire à l’intérêt national. Applau¬ dissons à l’homme qui abjure l’erreur, aimons à croire que bientôt on ne verra dans les lieux publics que des citoyens prêchant la morale de la raison. Je demande le renvoi de cette lettre au comité des finances. Le renvoi est décrété. Le Président fait lecture d’une lettre à lui adressée par les autorités constituées du dépar¬ tement et de la commune de Paris, dont la teneur suit : « Citoyen Président, « Les autorités constituées de Paris précèdent dans votre sein le ci-devant évêque de Paris, et son ci-devant clergé, qui viennent, de leur propre mouvement, rendre à la raison et à la justice éternelle un hommage éclatant et sincère. » « Signé : Chaumette, Momoro, président par intérim, Luliek, procureur général du département de Paris, Pache. » Elles demandent l’admission. (Accordé.) Momoro, président de la députation, dit : « Citoyens législateurs, « L’évêque de Paris et plusieurs autres prêtres, conduits par la raison, viennent dans votre sein se dépouiller du caractère que leur avait imprimé la superstition; ce grand exemple, nous n’en doutons pas, sera imité par leurs collègues. C’est ainsi que les fauteurs du despotisme en devien¬ dront les destructeurs; c’est ainsi que dans peu la République française n’aura plus d’autre culte que celui de la liberté, de l’égalité et de la vérité : culte puisé dans le sein de la nature, et qui, grâce à vos travaux, sera bientôt le culte universel. » a Signé : Momoro, président par intérim . » Gobet, évêque de Paris, prie les représentants du peuple d’entendre sa déclaration : « Né plébéien, j’eus de bonne heure dans l’âme les principes de la liberté et de l’égalité. Appelé à l’Assemblée constituante par le vœu de mes concitoyens, je n’attendis pas la déclaration des droits de l’homme pour reconnaître la souverai¬ neté du peuple. J’eus plus d’une occasion de faire publiquement ma profession de foi politique à cet égard, et depuis ce moment toutes mes opi¬ nions ont été rangées sous ce grand régulateur. Depuis ce moment la volonté du peuple souve¬ rain est devenue ma loi suprême, mon premier devoir, ma soumission à ses ordres : c’est cette volonté qui m’avait élevé au siège de l’évêché de Paris, et qui m’avait appelé en même temps à trois autres. J’ai obéi en acceptant celui de cette grande cité, et ma conscience me dit qu’en me rendant au vœu du peuple du département de Paris, je ne l’ai pas trompé; que je n’ai em¬ ployé l’ascendant que pouvait me donner mon titre et ma place, qu’à augmenter en lui son attachement aux principes éternels de la liberté, de l’égalité et de la morale, bases nécessaires de toute Constitution vraiment républicaine. « Aujourd’hui que la Révolution marche à grands pas vers une fin heureuse, puisqu’elle emmène toutes les opinions à un seul centre poli¬ tique, aujourd’hui qu’il ne doit plus y avoir d’autre culte public et national que celui de la liberté et de la sainte égalité, parce que le souve¬ rain le veut ainsi; conséquent à mes principes, je me soumets à sa volonté, et je viens vous déclarer ici hautement que dès aujourd’hui je renonce à exercer mes fonctions de ministre du culte catholique; les citoyens mes vicaires ici présents se réunissent à moi : en conséquence, nous vous remettons tous nos titres. « Puisse cet exemple servir à consolider le règne de la liberté et de l’égalité : « Vive la République! » « Signé : Gobet, Denoux, Laborey, De¬ lacroix, Lambert, Priqueler, Voi-sard, Boulliot, Gênais, Deslandes, Dherbès, Martin, dit Saint-Martin. » « Je déclare que mes lettres de prêtrise n’étant pas en mon pouvoir, je les remettrai dès que je les aurai reçues. « Telmon. » « Je fais la même déclaration et je signe. « Nourmatre. » Les mots de : « Vive la République! » ont été 1 répétés par tous les spectateurs et les membres de la Convention, au milieu des plus vifs applau¬ dissements. Chaumette, procureur de la commune de Paris, a dit : « Le jour où la raison reprend son empire mérite une place dans les brillantes époques de la Révolution française. Je fais en ce moment la pétition que la Convention charge son comité d’instruction publique de donner dans le nou¬ veau calendrier une place au jour de la Raison. » Cette proposition, convertie en motion, est décrétée. Le curé de Vaugirard a dit « Revenu des pré¬ jugés que le fanatisme avait mis dans mon cœur et dans mon esprit, je dépose mes lettres de prê¬ trise. » Le Président a répondu : « Citoyens, « Parmi les droits naturels à l’homme, on dis¬ tingue la liberté de l’exercice des cultes; il était