SÉNÉCHAUSSÉE DE PERPIGNAN. Nota. Le cahier de l’ordre du clergé du Roussillon n’existe pas aux Archives de l’Empire. — Nous le faisons rechercher avec soin dans les Pyrénées-Orientales, et nous l’insérerons dans le Supplément qui terminera le Recueil des cahiers, si nous parvenons à le retrouver. CAHIER Des instructions et doléances dont l’ordre de la noblesse des comtés de Roussillon, Confient et Cer-dagne charge ses députés aux Etats généraux (1). L’an 1789, et le mardi 28 du mois d’avril, en vertu des lettres de convocation qui ordonnent aux trois ordres des cointés de Roussillon, Gonflent et Cerdagne, d’élire leurs représentants aux Etats libres et généraux du royaume et de leur remettre tous les pouvoirs et instructions nécessaires pour la restauration générale et particulière de l’administration et de l’ordre public, la noblesse desdits comtés donne par ces présentes, à ses députés auxdits Etats, dont l’ouverture a été fixée au 27 du présent mois en la ville de Versailles, les pouvoirs et instructions qui suivent. Les députés aux Etats généraux ne sont que des mandataires, des fondés de pouvoirs, des organes de la volonté publique. Ceux 'de la noblesse du Roussillon, en concourant au bien général du royaume, et à celui de tous ses ordres, n’oublieront point ce qu’ils doivent à la province et à leur ordre en particulier. MANIÈRE DE VOTER AUX ÉTATS GÉNÉRAUX. Il sera opiné par ordre, et non par tête, excepté dans les cas extraordinaires, où la nécessité de voter par tête serait reconnue par la majorité des suffrages de chaque ordre séparé. « Lorsque Cromwel voulut envahir la liberté «de son pays, il réduisit le parlement à une « seule chambre, et bientôt la loi ne fut autre « chose que l’expression constante de sa vo-« lonté. » Le travail pourra être distribué par bureaux, mais les délibérations devront toujours être le résultat des suffrages recueillis dans l’ordre réuni. CONSTITUTION DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Les députés valideront par leur consentement, mais sans tirer à conséquence, la forme prescrite pour la présente tenue de l’assemblée nationale; ils en fixeront le retour périodique au terme de cinq ans pour le plus tard, sans préjudice d’une convocation extraordinaire , dans ’ l’intervalle, pour les objets qui n’auront pu être déterminés dans cette première tenue. Mais ils s’opposeront avec force à tout établissement d’une commission intermédiaire, représentative des Etats généraux, soit après leur séparation, soit même pendant le temps de leur réunion. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. I II s’agit, dans l’assemblée nationale, bien plus du bonheur des hommes, que de leur intérêt pécuniaire. L’assemblée arrêtera dans son sein la manière de convoquer et composer les tenues suivantes, en proportionnant le nombre des représentants à la population et jamais à la contribution. Elle réglera sa police intérieure, et prendra les mesures les plus efficaces pour assurer la liberté de ses membres, celle des suffrages, et l’entière exécution de tout ce qui aura été déterminé entre Sa Majesté et lesdits Etats généraux. Aucune résolution ne sera définitive que lorsque l’objet en aura été discuté dans deux séances différentes. Le Roussillon a été régi dans tous les temps par les Etats provinciaux, et Louis XIV en avait annoncé la restauration, en attribuant, dans les lettres patentes de juillet 1661, à Don Joseph d’Ar-dena la présidence de la noblesse, lorsque les Etats desdits comtés de Roussillon, Gonflent et pays adjacents seraient assemblés. Enfin les députés demanderont pour toutes les provinces, et notamment pour celle du Roussillon, des Etats provinciaux annuels, organisés sur les mêmes bases que les Etats généraux, auxquels toute juridiction et autorité, en matière d’administration, soit dévolue; les membres ne devant être responsables de leur conduite qu’en vers les Etats provinciaux réunis, et finalement par-devant les Etats généraux. Ces préliminaires remplis, les députés s’occuperont de la constitution générale du royaume. CONSTITUTION GÉNÉRALE. La définir et la régler d’une manière précise et invariable, doit être le principal objet de leurs délibérations. En conséquence, les députés demanderont qu’il soit déclaré; 1° Que la France est une monarchie héréditaire, de mâle en mâle, par ordre de primo�éniture, à l’exclusion des filles, gouvernée par le roi suivant les lois. 2° Qu'au prince seul appartient, sans partage, le pouvoir exécutif pour le maintien de l’ordre public et la défense de l’Etat. II n’y a de liberté que dans les Etats où ces deux pouvoirs sont clairement distingués. 3° Que nul acte n’est réputé loi, s’il n’a été proposé ou sanctionné par le roi, consenti ou demandé par la nation assemblée en Etats généraux. 4° Que toute loi, qui a ainsi reçu son complément, doit être portée au nom du roi, et contenir cette clause expresse : de l’avis et consentement des gens des trois Etats du royaume. [États gén. 1789. Cahiers.] 5° Que toutes lois nouvelles, tenant à la constitution générale de l’Etat, doivent être envoyées, les Etats généraux tenant, aux cours souveraines pour y être enregistrées sans délai, et sans modification ni restriction. 6° Que les mêmes cours, dont les magistrats sont inamovibles, hors le cas de forfaiture, continueront d’en être les dépositaires pour veiller à leur exécution. 7° Que toutes déclarations émanées de la volonté du Roi, dans l’intervalle d’une tenue d’Etats à l’autre, relatives néanmoins à tous autres objets qu’aux subsides, doivent être provisoirement exécutées, après avoir été toutefois vérifiées et enregistrées par les cours souveraines. « Le même serment lie le prince à tous ses su-« jets; mais diverses conditions règlent l’obéis-« sance des différentes provinces. « 8° Que les Etats provinciaux, et en leur nom, leurs procureurs généraux-syndics, seront autorisés à mettre opposition par-devant lesdites cours à l’enregistrement des lois locales et momentanées qui pourraient blesser la constitution particulière des provinces. 9° Qu’à la nation légalement assemblée en Etats généraux, appartient privativement le droit d’octroyer les subsides par forme de don gratuit (le don gratuit des subsides est un droit commun aux trois ordres; il est la sauvegarde de leur propriété); d’en fixer la durée, d’en ordonner l’assiette et la répartition, d’en régler l’emploi; d’assigner à chaque département les fonds reconnus nécessaires, d’en demander compte, enfin d’ouvrir les emprunts absolument indispensables, lesquels doivent être soumis aux mêmes règles. 10° Que tout subside que l’autorité tenterait de lever, au mépris des formes ci-dessus prescrites, ainsi que tout accroissement particulier des subsides déjà établis , quand même il serait consenti par les Etats provinciaux, est nul et vexa-toire, et que les préposés à leur levée doivent être poursuivis comme concussionnaires, par-devant les cours souveraines, à la diligence du ministère publique ou des procureurs-syndics des Etats provinciaux. LIBERTÉ CIVILE. La liberté du citoyen étant le plus précieux des biens et le plus sacré des droits, toute lettre de cachet et tous ordres arbitraires, émanés du souverain ou de ses ministres, seront déclarés illégaux, et l’usage en sera proscrit à jamais : et pour rassurer entièrement la nation contre les coups d’autorité, Sa Majesté sera suppliée d’ordonner incessamment la suppression des prisons d’Etat, et même leur vente, sous l’inspection des Etats provinciaux, pour le produit en être appliqué à l’acquittement de la dette publique; que ceux qui se trouveront détenus dans lesdites prisons , sans ordonnance de juge compétent, soient élargis ou remis à la justice ordinaire. Que les exilés par lettre de cachet obtiennent leur liberté, sauf à être poursuivis suivant les lois, s’il y a lieu. Dorénavant nul citoyen ne pourra être arrêté que pour être remis dans les vingt -quatre heures entre les mains de son juge naturel, qui prononcera, dans le plus court délai, sur la cause de la détention, dont connaissance sera donnée au prévenu. Et afin d’assurer l’observation de la règle qui sera établie à cet égard, l’officier chargé de la capture sera tenu d’en rendre compte sur-le-P Série, T. V. [Sénéchaussée de Perpignan.] 369 champ à la partie publique, et il sera enjoint à toutes cours de justice de requérir la remise des détenus ; le tout à peine, pour les uns et pour les autres, d’en demeurer responsables. Les commissions ne servent qu’à favoriser les ressentiments particuliers des ministres, à opprimer l’innocent sans appui, et à sauver le coupable puissant. Il ne pourra être établi de commission extraordinaire pour juger les particuliers, quel que soit leur rang, et dans quelque cas qu’ils se trouvent. Les députés pourront cependant concerter , avec ceux des autres provinces , les moyens propres à sauver l’honneur des familles ” en prévenant les crimes et l’éclat des désordres domestiques. Le secret des lettres remises à la poste sera inviolablement respecté ; et ces relations de confiance ne pourront jamais faire titre d’accusation contre aucun citoyen. LIBERTÉ DE LA PRESSE. Par une suite de la liberté civile, il sera permis de répandre toute sorte d’écrits par la voie de l’impression, à la charge par Fauteur, éditeur ou imprimeur d’y apposer leur nom, et de répondre personnellement de tout ce qu’ils pourraient présenter de contraire à la religion, aux mœurs et à l’honneur des citoyens. Pour prévenir les contraventions, et arrêter la licence, l’imprimerie sera conservée en jurande, et les imprimeurs seront multipliés dans chaque province, jusqu’à tel nombre que les Etats provinciaux estimeront convenable. RESPONSABILITÉ DES MINISTRES. Les ministres du Roi, et tous officiers publics, sont comptables par-devant les Etats généraux, ou tel tribunal qu’ils assigneront, des atteintes portées à la constitution, et des fonds dont l’administration leur aura été confiée. Les principes de la constitution française seront arrêtés et reconnus, préalablement à toute délibération sur les finances, et Sa Majesté sera instamment suppliée d’en assurer à jamais l’observation, ainsi que celle des capitulations et traités qui unissent les diverses provinces à la couronne, par une charte nationale, authentique et permanente qui sera envoyée à toutes les cours souveraines et aux Etats provinciaux, pour lui donner la publicité convenable , et mettre ces différents corps à portée d’en réclamer l’exécution. Les rois la jureront à leur sacre, et tous les officiers civils et militaires lors de leur installation . FINANCES. Les députés proposeront de consentir les impôts actuellement existants, provisoirement et en attendant que les Etats généraux aient adopté un nouveau plan de subsides. Mais avant de fixer et de consolider la dette publique, ils entreront dans tous les détails relatifs au déficit actuel ; ils s’attacheront à acquérir une connaissance exacte et précise de toutes les charges de l’Etat, notamment des rentes tant viagères que perpétuelles et des titres sur lesquels elles sont établies, afin de les discuter, de rejeter celles qui porteraient sur des titres illégitimes, et de réduire celles qui seraient excessives au taux général fixé par la loi ; enfin ils demanderont un tableau méthodique et raisonné de la recette et de la dépense dans toutes le? parties de l’administration. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. n 370 [États gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan. L’impôt indirect est le moins sensible et le plus général. Ces connaissances acquises , ils fixeront la dette ; ils la fonderont sur les impô.ts indirects. Et avant d’aviser aux moyens de remplir les engagements du souverain, ils arrêteront de concert avec lui la dépense annuelle de chaque département, et leur assigneront les fonds particuliers. MOYENS DE SUBVENIR AUX DÉPENSES COURANTES ET A L’ÉXTINCTION DE LA DETTE. Les députés rechercheront les moins onéreux, et tâcheront de prévenir, suivant les vues de Sa Majesté, le renouvellement des abus qui ont mis les finances du royaume dans l’état le plus déplorable. Ils épuiseront d’abord les ressources qui peuvent fournir l’économie. Ils demanderont : 1° que les rentes perpétuelles au denier vingt sur l’Etat soient sujettes aux mêmes retenues qu’éprouvent les rentes constituées sur les particuliers ; 2° Que les émoluments excessifs soient réduits à un taux proportionné à l’importance des emplois ; qu’il soit fait sur les pensions actuellement existantes telles réductions qu’aviseront les Etats généraux, d’après le tableau qui leur en sera présenté, contenant les motifs sur lesquels elles auront été accordées ; et qu’il soit déterminé pour l’avenir à quelle somme leur totalité pourra s’élever dans chaque département ; 3u Qu’on supprime toutes les places lucratives, purement honorifiques ; toutes celles qui sont doubles pour le même objet ; celles enfin qui ne sont pas indispensablement nécessaires, et dont les fonctions, partagées entre plusieurs titulaires, peuvent être exercées par un seul ; 4° Qu’on rejette sur les économats dont les Etats généraux amélioreront le régime, tous les secours et pensions que le gouvernement accorde aux hôpitaux de malades et maisons d’enfants trouvés, aux collèges, universités, séminaires, maisons d’éducation, communautés religieuses et toutes autres dépenses de ce genre. C’est donner à ces biens une application nouvelle, sans en changer la destination. Après avoir réglé ces divers objets d’économie et de suppression, les députés détermineront enfin le montant d’imposition indispensablement nécessaire pour subvenir aux dépenses courantes, et à l’extinction graduelle de la dette. « La périodicité des Etats jugée indispensable-« ment nécessaire, on ne peut l’assurer que pour « le terme imposé par la nation à la totalité des « subsides ; l’octroi ne devra donc être accordé « que pour quelques mois au delà du terme qui « sera fixé pour la réunion des Etats. » Iis consentiront en conséquence les subsides dont ils limiteront la durée au terme des prochains Etats, se conformant du reste aux clauses de leurs pouvoirs. L’ordre de la noblesse persistant dans le vœu qu’il a exprimé de supporter avec les autres ordres, dans une exacte proportion, les impôts et les contributions générales de la province, autorise spécialement ses députés à consentir l’égalité de répartition sans exemption pécuniaire quelconque; leur enjoignant cependant de veiller à ce qu’il ne soit porté aucune atteinte à la propriété et aux distinctions honorifiques et droits inhérents à l’ordre de la noblesse, qui tiennent à l’essence d’un gouvernement monarchique. 11 n’y a jamais eu moins de liberté que dans les empires, où, pour être libre, chacun voulut être égal ; tout gouvernement populaire a fini par l’anarchie ou la servitude. Pour assurer plus efficacement la libération de l’Etat, les députés proposeront qu’il soit établi une caisse d’amortissement, dont les fonds ne pourront être divertis à aucun autre objet, et dont rassemblée nationale prescrira le régime, en ordonnant d’abord le payement des dettes les plus onéreuses et les plus privilégiées. Afin d’entretenir la confiance, et de constater aux yeux de la nation le maintien de l’ordre qui sera établi dans les finances, les comptes détaillés de la recette et de la dépense effectives de chaque département seront rendus publics chaque année par la voie de l’impression, dans le délai fixé par les Etats généraux. «Les subsides ne vous appartiennent point, « Sire, ils sont à l’Etat, disait Fivalguiero à Fer-« dinand II. » GABELLES, TRAITES, DROITS DOMANIAUX. En attendant que des circonstances plus heureuses amènent la possibilité de supprimer la gabelle, les députés demanderont une modération dans le prix du sel, au moins en faveur de l’agriculture, et surtout que le débit de cette denrée soit soumis à l’inspection de la police ordinaire des lieux. Ils exigeront l’abolition des chambres de Reims, Caen, Saumur et Valence, cette dernière si funeste en Roussillon et-si contraire à ses libertés. Ils solliciteront la reprise du travail pour le re-culement, aux frontières, des douanes et autres droits qui gênent le commerce. Ils demanderont avec instance un nouveau tarif pour le contrôle, clair et précis, et dans lequel on fera disparaître les distinctions d’état, pour établir en tous sens l’égalité de l’impôt. «Il faut, pour se défendre du traitant, de « grandes connaissances. Ces choses étant sujettes « à des discussions subtiles, pour lors le traitant « interprète des règlements du prince, exerce un « pouvoir arbitraire sur les fortunes. » ( Esprit des lois.) Et comme la perception du centième denier sur les successions indirectes, expose le citoyen à des contraventions, souvent involontaires, par les déclarations que le fisc exige, et qui sont sujettes à être recherchées pendant vingt ans, les députés demanderont la suppression de ce droit, sauf à le remplacer par un autre, qui n’ait pas les mêmes inconvénients. Désormais les contestations en matière d’impôt ne seront plus jugées par des commissaires du Roi. Celles qui concerneront l’impôt direct seront portées par-devant la commission des Etats provinciaux, dont le jugement sera provisoirement exécuté, sauf l’appel auxdits Etats assemblés. Les contestations relatives aux impôts indirects seront portées, de plein vol, par-devant les cours souveraines,1 qui statueront, sans délai, sur mémoire et sans frais. SIMPLIFIER LA PERCEPTION DES SUBSIDES. Les députés proposeront à l’examen de l’assemblée, s’il ne serait pas plus avantageux d’assigner à chaque province sa quotité d’impôt, et de leur permettre d’en faire l’assiette, la répartition et la perception selon les convenances locales, et d’en verser directement le produit dans les coffres du Roi, par un trésorier au choix de l’Etat. [Etats gén. 1789. Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] 371 DOMAINE DE LA COURONNE. Les députés ne s’opposeront point à la vente des domaines de la couronne, dans le cas où les représentants des autres provinces la requerraient , mais ils donneront la plus grande attention à ce que les lois de la justice ne soient point .blessées envers les engagistes de bonne foi. Ils proposeront cependant d’examiner s’il ne serait pas plus avantageux de mettre plutôt, et pour un temps déterminé, ces domaines en régie sous l’inspection des Etats provinciaux. « Quand nos rois ne demandaient rien à leurs « sujets pour la dépense de leurs maisons et de « leur personne, il était prudent qu’une loi les « empêchât d’aliéner leurs domaines ; ils étaient « comme des enfants de famille, dont on substi-« tue les terres, pour qu’ils ne ruinent pas les « héritiers. Mais aujourd’hui qu’un roi, qui arrive-« rait à la couronne sans aucun domaine, « obtiendrait de ses sujets les mêmes revenus « qu’un Roi propriétaire des mines du Pérou, il « n’est sûrement plus nécessaire qu’il conserve « des domaine dont les revenus mal administrés « ne diminuent pas les impositions, et dont la « vente produirait deux grands avantages, au-« jourd’hui des hommes considérables qui aide-« raient à payer les dettes de l’Etat, et à l’avenir « une augmentation sur les impôts, dont devien-« draient susceptibles ces biens, améliorés par « ceux qui les auraient acquis. » RÉFORMES GÉNÉRALES. Les députés de l’ordre auront les pouvoirs les plus étendus pour concerter, avec ceux des autres provinces, les réformes et les améliorations en tout genre que le temps leur permettra d’entreprendre. Ils concourront de tous leurs efforts à tout ce qui intéresse le maintien de la religion, le repect dû au culte, la restauration si nécessaire des mœurs et de l’éducation nationale, qui, dans les anciens gouvernements, était confiée à l’expérience et à la maturité de l’âge. Ils solliciteront le rétablissement de la discipline ecclésiastique ; et notamment l’observation exacte des lois qui prohibent la pluralité des bénéficiers, et qu’ils prescrivent la résidence des bénéfices et prélats, aussi importante à la vivification des provinces, qu’à l’édification des peuples. Ils jetteront les yeux sur cette foule de solitaires, dont les talents et les travaux pourraient devenir plus utiles à l’Etat. Ils prendront en considération l’administration de la justice et les moyens de la rendre plus prompte et moins dispendieuse, mais surtout pins instructive en obligeant les cours souveraines à motiver leurs arrêts ; (tel était l’usage du tribunal souverain auquel ressortissait le Roussillon, lorsqu’il était uni à la principauté de Catalogne) ; la législation civile et criminelle, et les changements dont elle est susceptible, celui surtout que réclame l’humanité de donner un conseil à tout accusé, etd’abolir les peines atroces; et à cet effet, ils demanderont qu’il soit établi une commission de jurisconsultes et de magistrats pour traiter un objet aussi essentiel, avec le concours des parlements et des cours souveraines. On a dit avec raisonque les magistrats sont les conseillers de la législation et les ministres de la justice. Ils ne perdront point de vue l’intérêt que mérite l’agriculture, les encouragements qui sont dus au commerce , et ils demanderont que celui des grains en particulier jouisse de la liberté qui lui a été accordée. Ils demanderont qu’on délibère sur les avantages du prêt à jour avec intérêt, et sur celui qui pourrait résulter du placement, à 4 p. 0/0 des capitaux remboursés aux mainsmortables. Des capitaux considérables restent oisifs ; les rendre à la circulation, c’est faire le bien public et particulier-, cette autorisation amènerait peut-être la baisse de l’intérêt. Ils exposeront avec énergie le scandale de ces banqueroutes si multipliées, dont les causes sont si diverses et les effets si funestes; ils prescriront des règles pour prévenir et réprimer un fléau aussi destructeur du commerce, qu’affligeant pour la société. Ils représenteront les abus qui se sont glissés dans la manière d’acquérir la noblesse ; ils demanderont en conséquence qu’on supprime les offices et charges qui donnent au premier degré la noblesse héréditaire et transmissible, et qu’il soit statué pour l’avenir qu’elle ne sera acquise que par trois générations au moins de noblesse personnelle. CONSTITUTION MILITAIRE. Les députés de l’ordre s’efforceront de lui donner plus de stabilité, et d’en écarter les institutions étrangères;ils demanderont en conséquence : 1° Que la discipline et les peines qui servent à la maintenir soient analogues au caractère national ; que les coups de plat de sabre, qui humilient autant celui qui les inflige que celui qui les reçoit, soient proscrits; et qu’en général on restreigne l’usage des punitions avilissantes qui étiendraient dans le soldat français les sentiments de l’honneur ; 2° Que dorénavant le soldat, que ses services ' ont élevé au grade d’officier, soit connu sous le nom d’officier de mérite, et puisse parvenir, par son rang, aux emplois supérieurs ; 3° Que la croix de Saint-Louis ne soit désormais que le prix du temps de service fixé par les ordonnances, ou celui d’une action d’éclat à la guerre ; 4° Qu’aucun officier ne puisse, à l’avenir, être destitué qu’en vertu d’un jugement porté par un tribunal de sept officiers, dont quatre au moins de son grade ; 5° Qu’afin d’augmenter la considération due aux officiers généraux, même aux grades inférieurs et décharger l’Etat des pensions et traitements onéreux, le nombre des officiers généraux, qui est excessif, soit réduit en proportion de la force de l’armée ; 6° Que les gouvernements particuliers, qui sont une surcharge pour l’Etat, soient abolis; 7° Que les gouverneurs et commandants des provinces trouvant dans leurs appointements respectifs un revenu convenable à leurs grades, leurs pensions soient supprimées; 8° Qu’attendu que les pensions accordées, pour cause de retraite, aux lieutenants-colonels, majors, capitaines et autres officiers des deux armes, ont éprouvé différentes réductions, contre la promesse solennelle de Sa Majesté; que ces pensions sont purement alimentaires, et réellement méritées; que d’ailleurs elles ne présentent point d’excès, les plus fortes ne s’élevant point au-dessus de 1,000 écus, elles soient rétablies, et payées sans retenue ; 9° Que pour assurer au soldat une constitution robuste et vigoureuse, pour augmenter ses moyens 372 [États gën. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] de subsistance, et ménager les bras que les travaux publics enlèvent à l’agriculture, les troupes soient employées, en temps de paix, aux constructions et réparations des grandes routes et autres ouvrages de cette nature. Tels sont les objets généraux sur lesquels les députés demanderont qu’il soit statué dans l’assemblée nationale; si leurs efforts étaient infructueux pour faire admettre l’opinion de leurs commettants sur les points énoncés d’une manière précise, ils se borneraient à consigner leurs principes dans une protestation énergique, dont ils demanderaient acte. Mais ils ne se retireraient point : ils n’adhéreraient à aucune scission, et tâcheraient au contraire d’entretenir la paix et la concorde. redressement des griefs particuliers de la PROVINCE. Après avoir fixé la constitution générale, et préalablement encore à toute délibération sur les subsides, les députés s’occuperont des intérêts de la province, et feront valoir les droits avec tout le zèle du patriotisme : iis demanderont en conséquence la confirmation des traités par lesquels la province s’est volontairement soumise à la France, de celui de Péronne de 1641, et de celui des Pyrénées de 1659, sauf cependant, en conformité de l’article 1er du traité de Péronne, les changements que les circonstances et le laps de temps rendraient nécessaires, et qui seraient votés par les Etats provinciaux. Ils réclameront l’exécution littérale des articles 2 et 8 du traité de Péronne, et surtout le droit sacré-qu’ont les Roussillonnais d’avoir des juges de leur province, et à leur choix, et de ne pouvoir être traduits hors de leur ressort tant en matière criminelle pour quelque cause que ce , soit. Ils demanderont en conséquence de n’être réunis à aucun ressort étranger, et que la cour souveraine, à laquelle ressortissent et ressortiront toujours nûment toutes les autres juridictions de la province, soit réservée avec toutes les attributions, dont par l’édit de sa création elle est susceptible comme chambre des comptes, cour des aides et bureau des finances, exceptant toutefois les affaires de frontière à frontière, dont la connaissance doit être conservée aux Etats provinciaux. TRAITE DE PÉRONNE. Art. 2. « Qu’aux archevêchés, évêchés , ab-« bayes, dignités et autres bénéfices ecclésiasti-« ques, Sa Majesté présentera seulement des Ca-« talans. » Art. 8. « Que les charges des capitaines ou « gouverneurs des châteaux et principautés de « Catalogne, et des comtés de Roussillon et de « Gerdagne, et tous les offices de justice, seront « donnés aux Catalans naturels et non à d’autres. » « Un génie, fait pour éclairer les rois, disait à « votre auguste bisaïeul, sur la fidélité aux capi-« tulations : Qu’y aurait-il de sacré, si une pro-« messe si solennelle ne l’est pas ? C’est un con-« trat passé avec vos peuples pour se rendre vos « sujets. » (Rem. clerg. 1788.) Le traité de Péronne est un contrat de cette nature ; pour s’en convaincre il suffit d’en peser le titre : Traité et conventions. (Foy. les Conv. de Catalogne , livre Ier, titre LX en entier.) Us solliciteront l’abolition de toute évocation et commission, la suppression de tous les tribunaux d’exception, s’opposant à la création de tout nouveau tribunal, qui altérerait l’ordre judiciaire actuellement établi dans la province, et si conforme à la localité. Ils exposeront que la constitution de Roussillon, toute différente de celle des provinces voisines, exigeant une forme particulière d’administration, cette province doit avoir aussi des Etats particuliers; à l’effet de quoi les députés s’opposeront formellement à toute réunion qui pourrait être proposée. Ils réclameront pour les villes de la province, et notamment pour celle de Perpignan, la restitution, également sollicitée par toutes les villes du royaume, des privilèges qui ne sont pas en opposition avec les lois générales de l’Etat, la libre élection de leurs officiers municipaux, et la disposition de leurs revenus patrimoniaux et d’octroi, sous la direction immédiate des Etats provinciaux, dont l’autorité patriotique sera plus active et plus efficace. Ils réclameront encore la confirmation de toute concession de domaines faite par le souverain, avant la réunion de la province à la couronne, des lois locales qui établissent le franc-fief et la prescription de quatre-vingts ans contre le Roi ; tous objets consacrés par la constitution du pays et par des pièces particulières authentiques, réunies dans le dépôt des chartes. Attendu que les abbayes et monastères de Saint-Michel de Cuixa en Gonflent et de Notre-Dame' d’Arles en Vallespir, facilitent les moyens de subsistance dans des cantons dénués de ressources, les députés en demanderont la restauration et la conservation, soit dans leur état, soit en forme de collégiales, qui pourraient dans ce cas offrir des retraites aux anciens curés. Ils demanderont que les revenus de Saint-Martin de Canigou, monastère dont la suppression a été consommée, soient destinés à des maisons d’enseignement public, pour l’un et l’autre sexe, sous l’inspection et direction immédiate des Etats provinciaux. Ils exposeront avec force la surcharge qui résulte pour les peuples des constructions, réparations et entretien des églises et presbytères, objets auxquels il devrait être pourvu sur les revenus des fabriques ou sur le produit des dîmes ecclésiastiques. Dans la vue d’épargner aux campagnes des corvées onéreuses, et de ménager des journées précieuses à la subsistance de leurs habitants, ils supplieront Sa Majesté d’abolir l’usage des patrouilles établies pour la recherche et la saisie des déserteurs, dont l’expérience a démontré l’inutilité. Us se joindront aux députés des autres ordres, et notamment du tiers-état de la province pour obtenir l’abolition générale des cotes privilégiées de capitation, dont le fardeau retombe à plomb sur la partie la plus indigente des citoyens. Ils demanderont en conséquence la suppression des gardes de la province, des enrôlés en la capitainerie, des canonniers des places ; sauf, si ces derniers sont nécessaires, à supplier Sa Majesté d’en réduire le nombre, et de leur assigner un traitement proportionné à leur service, sur les fonds de la guerre. Us demanderont encore que les cotes d’office assignées à certains emplois et places de finance, à quelques suppôts de l’administration, à certaines fonctions, etc., soient uniquement relatives à leurs traitements et profits, et ne dispensent en aucun cas d’une capitation particulière propor- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] 373 tionnée aux biens et fortunes, ainsi que cela se pratique pour les officiers militaires. Ils représenteront qu’en vertu de lettres patentes de septembre 1785, le prix du sel en Roussillon a été porté à un taux excessif ; qu’il en est résulté un dommage évident pour l’agriculture, et un nouveau genre de fraude inconnue dans cette province; et comme la ferme générale paraît trouver déjà, dans l’introduction de la douane de Lyon, une compensation suffisante des sacrifices qu’elle a pu faire , ils demanderont que les Etats provinciaux soient autorisés à soumettre à un nouvel examen un traité condamné par l’opinion publique, et que provisoirement le prix du sel soit modéré. Ils représenteront encore que le droit odieux de pied-fourché, et celui qu’on perçoit sur les huiles et leur fabrication, occasionnent des frais énormes et une gêne perpétuelle destructive de toute industrie et d’une liberté raisonnable ; que l’intérêt du fisc se réunit donc à celui du citoyen pour en demander la suppression ; et si la situation des finances ne permet pas à l’Etat des sacrifices de cette nature, les députés pourront solliciter le rachat de ces droits par des abonnements proportionnés, non aux produits forcés d'une régie sévère, mais à la consommation modérée du pays. Ils relèveront aussi les inconvénients de l’établissement d’une messagerie royale en Roussillon; ils feront connaître les entraves que ce privilège exclusif met au commerce, et la gêne qu’il impose au voyageur. Le cri public en réclame la suppression. Enfin, les députés mettront sous les yeux du Roi et de la nation la position de la province. Ils observeront que, bornée dans sa population, sans numéraire, sans industrie, sans manufactures, et presque sans commerce, elle est réduite au produit de son sol ; qu’exposée tour à tour aux funestes effets de la sécheresse ou aux ravages des inondations, elle 11e peut compter que sur un revenu précaire; que déjà elle a été soumise successivement à divers droits onéreux, notamment à l’introduction du papier timbré et du parchemin de formule, impôt qui n’est pas général pour toutes les provinces, et duquel ses capitulations semblaient devoir la garantir ; que, dans cet état, le plus léger accroissement d’impositions serait au-dessus de ses forces ; leur épuisement seul peut mettre des bornes aux sacrifices que l’ordre de la noblesse, en particulier, serait toujours prêt à faire pour la prospérité de l’Etat et le bonheur de son Roi. (Il a été mis sous les yeux des commissaires , par Vun deux , un mémoire appuyé d’un tableau qui démontre qu’en proportion de la population , le Roussillon paye plus que toute autre province du royaume .) En désirant de prêter une main secourable au tiers-état de la ville de Perpignan, que les dispositions suivies dans l’assemblée particulière de la viguerie de Roussillon et Vallespir ont privés de l’influence que, d’après les vues de Sa Majesté, cette ville devait avoir dans une délibération à laquelle sa population lui donnait le plus grand intérêt ; L’ordre de la noblesse, qui, de concert avec celui du clergé, s’est efforcé d’amener cette affaire à une conciliation désirable, charge spécialement ses députés de représenter à Sa Majesté les inconvénients desdites dispositions qui ont donné lieu à des protestations et informations, sur lesquelles elle seule peut prononcer ; et attendu que la ville de Perpignan n’a point eu de part à la rédaction des cahiers, que ses représentants n’ont point signé, et qu’ils ont même soutenu ne pas être l’expression fidèle du vœu des communes, mais plutôt celui de quelques volontés particulières ; que dès lors la ville de Perpignan n’a point été représentée à l’assemblée générale des trois viguenes, et par conséquent n’a point influé sur la nomination des députés aux Etats généraux; Sa Majesté sera suppliée de ne point envisager les députés du tiers-état de la province comme mandataires de la ville de Perpignan, ni les cahiers dont ils sont chargés comme contenant le vœu Je cette capitale, qu’il ne lui a pas été même permis d’exprimer, à cause du refus de recevoir ses protestations ; de permettre en conséquence à la ville de Perpignan de lui faire connaître ses doléances générales et ses griefs particuliers sur ce fait, dans un cahier qui lui sera présenté par tel nombre de députés que le Roi voudra bien l’autoriser à envoyer à l’assemblée nationale, mais qui n’auront qu’une seule voix, laquelle se confondra dans celle des autres députés du tiers-état de la province. Avant la clôture des Etats généraux, les députés de l’ordre se concerteront avec ceux des autres provinces pour supplier Sa Majesté de consacrer l’événement le plus mémorable, l’époque la plus glorieuse de son règne, par un de ces actes de bienfaisance qui ne coûtent rien à son cœur, par une amnistie générale en faveur des déserteurs et de ces malheureux qui, coupables uniquement envers le fisc, par le seul fait de contrebande, sont poursuivis ou punis par le glaive d’une justice trop rigoureuse. Sa Majesté, en accordant au vœu de l’assemblée cette double grâce, dont l’une intéresse toute la nation, et l’autre plus particulièrement les provinces frontières, rendra des enfants à leurs pères, des pères à leurs familles, des sujets à l’Etat, et acquerra de nouveaux droits à l’amour et à lare-connaissance des peuples. Fait et arrêté dans l’assemblée générale de l’ordre et signé par MM. les commissaires et tous les membres présents. A Perpignan, le 28 avril 1789. Collationné conforme à l’original Signé : De LeüCIA, secrétaire de l’ordre de la noblesse. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du tiers-état de la province du Roussillon (1). Le tiers-état de la province du Roussillon remercie très-humblement Sa Majesté de ce qu’elle a bien voulu convoquer les Etats généraux du royaume, en une forme vraiment nationale et constitutionnelle, et y appeler ses fidèles sujets de la province du Roussillon, en donnant à l’ordre du tiers une représentation égale à celle des deux autres ordres réunis. 11 demande que les distinctions humiliantes qui avilirent les communes du royaume, lors des derniers Etats généraux tenus à Blois et à Paris, soient abolies. Qu’à l’assemblée nationale, les voix soient comptées par tête et non par ordre. Que la constitution française soit établie sur (1) Nous p blions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] 373 tionnée aux biens et fortunes, ainsi que cela se pratique pour les officiers militaires. Ils représenteront qu’en vertu de lettres patentes de septembre 1785, le prix du sel en Roussillon a été porté à un taux excessif ; qu’il en est résulté un dommage évident pour l’agriculture, et un nouveau genre de fraude inconnue dans cette province; et comme la ferme générale paraît trouver déjà, dans l’introduction de la douane de Lyon, une compensation suffisante des sacrifices qu’elle a pu faire , ils demanderont que les Etats provinciaux soient autorisés à soumettre à un nouvel examen un traité condamné par l’opinion publique, et que provisoirement le prix du sel soit modéré. Ils représenteront encore que le droit odieux de pied-fourché, et celui qu’on perçoit sur les huiles et leur fabrication, occasionnent des frais énormes et une gêne perpétuelle destructive de toute industrie et d’une liberté raisonnable ; que l’intérêt du fisc se réunit donc à celui du citoyen pour en demander la suppression ; et si la situation des finances ne permet pas à l’Etat des sacrifices de cette nature, les députés pourront solliciter le rachat de ces droits par des abonnements proportionnés, non aux produits forcés d'une régie sévère, mais à la consommation modérée du pays. Ils relèveront aussi les inconvénients de l’établissement d’une messagerie royale en Roussillon; ils feront connaître les entraves que ce privilège exclusif met au commerce, et la gêne qu’il impose au voyageur. Le cri public en réclame la suppression. Enfin, les députés mettront sous les yeux du Roi et de la nation la position de la province. Ils observeront que, bornée dans sa population, sans numéraire, sans industrie, sans manufactures, et presque sans commerce, elle est réduite au produit de son sol ; qu’exposée tour à tour aux funestes effets de la sécheresse ou aux ravages des inondations, elle 11e peut compter que sur un revenu précaire; que déjà elle a été soumise successivement à divers droits onéreux, notamment à l’introduction du papier timbré et du parchemin de formule, impôt qui n’est pas général pour toutes les provinces, et duquel ses capitulations semblaient devoir la garantir ; que, dans cet état, le plus léger accroissement d’impositions serait au-dessus de ses forces ; leur épuisement seul peut mettre des bornes aux sacrifices que l’ordre de la noblesse, en particulier, serait toujours prêt à faire pour la prospérité de l’Etat et le bonheur de son Roi. (Il a été mis sous les yeux des commissaires , par Vun deux , un mémoire appuyé d’un tableau qui démontre qu’en proportion de la population , le Roussillon paye plus que toute autre province du royaume .) En désirant de prêter une main secourable au tiers-état de la ville de Perpignan, que les dispositions suivies dans l’assemblée particulière de la viguerie de Roussillon et Vallespir ont privés de l’influence que, d’après les vues de Sa Majesté, cette ville devait avoir dans une délibération à laquelle sa population lui donnait le plus grand intérêt ; L’ordre de la noblesse, qui, de concert avec celui du clergé, s’est efforcé d’amener cette affaire à une conciliation désirable, charge spécialement ses députés de représenter à Sa Majesté les inconvénients desdites dispositions qui ont donné lieu à des protestations et informations, sur lesquelles elle seule peut prononcer ; et attendu que la ville de Perpignan n’a point eu de part à la rédaction des cahiers, que ses représentants n’ont point signé, et qu’ils ont même soutenu ne pas être l’expression fidèle du vœu des communes, mais plutôt celui de quelques volontés particulières ; que dès lors la ville de Perpignan n’a point été représentée à l’assemblée générale des trois viguenes, et par conséquent n’a point influé sur la nomination des députés aux Etats généraux; Sa Majesté sera suppliée de ne point envisager les députés du tiers-état de la province comme mandataires de la ville de Perpignan, ni les cahiers dont ils sont chargés comme contenant le vœu Je cette capitale, qu’il ne lui a pas été même permis d’exprimer, à cause du refus de recevoir ses protestations ; de permettre en conséquence à la ville de Perpignan de lui faire connaître ses doléances générales et ses griefs particuliers sur ce fait, dans un cahier qui lui sera présenté par tel nombre de députés que le Roi voudra bien l’autoriser à envoyer à l’assemblée nationale, mais qui n’auront qu’une seule voix, laquelle se confondra dans celle des autres députés du tiers-état de la province. Avant la clôture des Etats généraux, les députés de l’ordre se concerteront avec ceux des autres provinces pour supplier Sa Majesté de consacrer l’événement le plus mémorable, l’époque la plus glorieuse de son règne, par un de ces actes de bienfaisance qui ne coûtent rien à son cœur, par une amnistie générale en faveur des déserteurs et de ces malheureux qui, coupables uniquement envers le fisc, par le seul fait de contrebande, sont poursuivis ou punis par le glaive d’une justice trop rigoureuse. Sa Majesté, en accordant au vœu de l’assemblée cette double grâce, dont l’une intéresse toute la nation, et l’autre plus particulièrement les provinces frontières, rendra des enfants à leurs pères, des pères à leurs familles, des sujets à l’Etat, et acquerra de nouveaux droits à l’amour et à lare-connaissance des peuples. Fait et arrêté dans l’assemblée générale de l’ordre et signé par MM. les commissaires et tous les membres présents. A Perpignan, le 28 avril 1789. Collationné conforme à l’original Signé : De LeüCIA, secrétaire de l’ordre de la noblesse. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du tiers-état de la province du Roussillon (1). Le tiers-état de la province du Roussillon remercie très-humblement Sa Majesté de ce qu’elle a bien voulu convoquer les Etats généraux du royaume, en une forme vraiment nationale et constitutionnelle, et y appeler ses fidèles sujets de la province du Roussillon, en donnant à l’ordre du tiers une représentation égale à celle des deux autres ordres réunis. 11 demande que les distinctions humiliantes qui avilirent les communes du royaume, lors des derniers Etats généraux tenus à Blois et à Paris, soient abolies. Qu’à l’assemblée nationale, les voix soient comptées par tête et non par ordre. Que la constitution française soit établie sur (1) Nous p blions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . 374 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] des fondements inébranlables, de manière que les droits du monarque et du peuple soient si certains, qu’il soit impossible de les enfreindre. Que nulle loi ne soit faite, nul impôt établi ni prorogé sans le consentement de la nation. Qu’à toutes les assemblées qui intéresseront les trois ordres, celui du tiers soit toujours librement représenté, au moins en nombre égal à celui du clergé et de la noblesse réunis; qu’en conséquence, la nation sera périodiquement assemblée en la personne de ses représentants à des époques fixes, c'est-à-dire chaque année pendant les quatre premières années, et dans la suite, au moins tous les cinq ans. Que les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables dès le moment qu’ils auront été élus députés, et que, dans aucun cas, ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. Que tout citoyen appelé dans les assemblées graduelles des députés, y compris celles des députés aux Etats généraux, ne puisse être tenu de rendre compte, ou de répondre de ce qu’il aura dit ou fait dans les assemblées, qu’aux officiers qui les présideront, et par appel aux Etats généraux. Que les lois générales, portées par Sa Majesté, dans l’assemblée des Etats généraux, et consenties par la nation, soient adressées aux Etats provinciaux pour y être inscrites et observées, ainsi qu’à tous les tribunaux supérieurs et inférieurs, directement pour servir de règle à leurs jugements et à leurs arrêts, sans que ni ces assemblées ni ces tribunaux puissent y mettre aucune modification, ni en arrêter la publication et exécution, sous auucn prétexte. Que tous les citoyens, sans distinction d’état ni de condition, soient également soumis aux mêmes lois. Que la liberté et la propriété de chaque individu du royaume soient également respectées et mises sous la sauvegarde des lois. Que les lettres de cachet, et autres ordres arbitraires, soient désormais abolis; que tout citoyen arrêté sera remis à l’instant à son juge compétent, et sera interrogé dans les vingt-quatre heures de sa capture. Que chaque roi, lors de son sacre, jure l’observation des lois constitutionnelles de l’Etat, en présence des députés choisis dans tous les ordres dans les diverses provinces du royaume. Que tout ministre, tout membre du conseil du Roi, tout officier public, soit militaire, soit civil, prête serment à l’ingrès de sa charge d’observer inviolablement la constitution de l’Etat, sous peine d’être puni comme traître à la patrie et d’être condamné aux peines qui seront déterminées par les Etats généraux. Que tout citoyen soit déclaré libre de dire, écrire et imprimer tout ce qu’il jugera à propos, sauf à punir les auteurs des propos et écrits, que la loi aura déclarés criminels, en évitant autant qu’il sera possible des décisions arbitraires et en défendant d’imprimer aucun ouvrage qui ne portera pas le nom de l’auteur et de l’imprimeur. Que toutes les lettres, écrits de confiance, soient déclarés sacrés et inviolables, et qu’il soit pris toutes les mesures nécessaires afin qu’elles ne soient point adultérées dans les bureaux des postes. Que la vie et l’honneur des hommes soient placés sous la sauvegarde des lois, de manière que les attentats des méchants ou les excès des dépositaires de l’autorité qui seront coupables de voies de fait et de calomnies graves, ne puissent demeurer impunis. Que la vie et l’honneur des hommes soient ga rantis de l’erreur et de l’injustice des jugements par un code pénal, qui soit aussi doux et aussi précis qu’il soit possible, par une composition des tribunaux telle, que les juges soient éclairés, et non suspects, sans que l’autorité puisse jamais donner des juges de son choix, ni établir aucune commission, enfin par une forme de procéder telle, que le crime ne puisse que rarement se cacher, et que l’innocence puisse toujours se faire connaître. Que le tiers-état ne soit point exclu des dignités de l’Eglise, des grades militaires, des charges de justice et autres, puisque la vertu et les talents sont indépendants du hasard et de la naissance ; que l’excellence du gouvernement français consiste, à ne priver aucun citoyen de l’espérance de parvenir à tout ; par ce moyen les membres de la classe la plus nombreuse pourront devenir, par le choix du monarque, ce que les autres naissent; ils ne seront plus humiliés de ne pouvoir s’élever au niveau de leurs concitoyens par la vertu et le talent ; et la grandeur de ceux-ci, loin d’être une occasion de murmure, ne sera à l’avenir qu’un aiguillon très-puissant pour l’en rendre digne ; elle fera naître et entretiendra dans tous les cœurs l’esprit public , l’amour de la gloire, de la patrie, et fera briller sur la tête du meilleur et du plus juste-des rois l’une des plus belles prérogatives de la royauté, le droit attaché à la couronne de dispenser les grâces, de dispenser des places, dro.it qui, s’il n’existait pas, devrait être confié à la royauté par la nation en faveur du Père du peuple. Que les régents des villes et communautés des campagnes puissent y enseigner la langue latine. Que Sa Majesté soit suppliée de n’accorder aucun honneur, dignité, place ou office, soit dans sa maison, dans les fonctions du ministère, dans celles de la politique, soit dans le service militaire, dans l’Eglise, dans la magistrature ou dans la finance, qu’après avoir consulté l’opinion publique, de consentir à l’établissement des moyens les plus propres, pour qu’elle parvienne sûrement jusqu’au trône ; que, particulièrement pour les charges de justice, il n’y soit pourvu par Sa Majesté que sur la présentation des trois sujets choisis par les Etats provinciaux. Que les coups de plat de sabre et de verges soient supprimés comme destructeurs de l’honneur qui fait le caractère du soldat français ; que tout soldat du tiers-état, pourra être retiré du service, ainsi que le peuvent les nobles; que la paye du soldat soit augmentée, et qu’on l’oc-cujoe à des travaux publics, pendant la paix; qu’on réduise le nombre des officiers généraux et des autres chefs, qui est vraiment excessif. Que les Etats généraux ne puissent s’occuper de ce qui concerne l'impôt, qu’après que le déficit sera constaté et que la constitution de l’Etat, la liberté individuelle et la propriété de chaque citoyen auront été fixées et établies d’une manière invariable. Que les différentes natures d’impôts soient examinées, corrigées et refondues, dans un genre de contribution le plus favorable à l’amélioration du territoire, aux progrès de l’industrie et à la tranquillité des redevables, sans qu’aucun privilège personnel ou local puisse être opposé à cette réformation. [États géu. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Sénéchaussée de Perpignan.] 375 Que tous les citoyens de tout ordre, rang et dignité supportent la totalité des charges et contributions, de quelque nature qu’elles soient, proportionnellement à leur fortune; qu’en conséquence, il soit ordonné que les gages, appointements, bienfaits du Roi ou des Etats provinciaux, les biens fonds, les capitalistes, le commerce, l’indus-trie, les droits seigneuriaux et tous autres droits réels, soient soumis à l’impôt et taxés dans le rôle de la communauté où ils sont assis. Que la somme à payer par chaque province soit fixée par les Etats généraux, eu égard à ses ressources et à son importance; que le payement en soit fait directement dans les coffres du Roi, par un seul receveur ou payeur aux gages des provinces respectives, les Etats provinciaux, étant seuls chargés de faire la répartition de la manière la plus conforme à leurs localités, sans exception ni privilège quelconque. Que tout receveur ou préposé à la perception des impôts soit déclaré coupable de crime capital, s’il en continue la perception, passé le jour indiqué pour l’assemblée suivante des Etats généraux, avant que lesdits Etats généraux en aient autrement ordonné. Que les offices, charges, commissions, places, appointements, rétributions et pensions inutiles ou excessives soient supprimés ou modérés ; que les pensions, gratifications soient fixées et réduites à 12 millions de livres, ou à telle autre somme que les Etats généraux estimeront plus juste, en diminuant proportionnellement celles qui excèdent 1,200 livres ; qu’il n’en pourra être accordé de nouvelles, en cas de vacance, qu’à la charge que le brevet contenant les motifs de la commission sera enregistré au greffe des Etats provinciaux dans le ressort desquels le pourvu aura son domicile et que le tableau des pensions sera enregistré à chaque tenue d’Etats. Que les Etats généraux, après avoir fixé la dette légitime de l’Etat, prennent sur l’administration et la disposition des domaines du Roi et de la couronne, le parti qu’ils jugeront le plus convenable à l’accroissement des profits nationaux, à l’extension de la culture, à l’amélioration des revenus publics et à la libération de la dette; qu’on fasse le retrait de ceux qui ont été engagés en remboursant le prix ; qu’on y réunisse tous ceux qui auront été aliénés ou dembrés sans juste cause, et qu’on procède, s’il est jugé plus utile, à l’aliénation perpétuelle des biens domaniaux, aux conditions et pour les destinations qui leur paraîtront plus avantageuses, en réservant le droit de dépaissance aux communautés auxquelles il est dû, ainsi que le droit de préférence dans le cas de vente, en faveur desdites communautés. Que la nomination aux abbayes, prieurés et autres bénéfices auxquels le Roi a droit de nommer, et qui ne sont pasà charge d’âmes, soit suspendue pendant le temps qu’il sera jugé convenable ; qu’il soit même procédé, si besoin est, à la vente des biens dépendants desdits bénéfices, et que le produit et le revenu en soient versés dans la caisse d’amortissement qui sera établie pour la libération de l’Etat , ce moyen paraissant le moins onéreux à la nation pour la liquidation de la dette ; que si ces moyens sont insuffisants pour payer la dette de l’Etat, il soit établi un impôt sur les objets de luxe, tels qu’équipages et valets autres que ceux de labourage. Que la gabelle et fermes générales soient supprimées; en conséquence, le sel rendu marchand, avec la faciti'té à la province de faire valoir les marais salants. Que la régie, messageries, péages et landes soient supprimées. Que le commerce soit entièrement libre dans le royaume ; que les barrières et entraves qui le gênent soient portées aux frontières. Que la mine de fer ne puisse être exportée hors clu royaume, et qu’au contraire l’exportation du liège soit entièrement libre. Que les droits de contrôle, centième denier, insinuation, formule et autres droits qui en dépendent soient modérés, réduits et classés dans un tarif clair et précis, qui écarte tout arbitraire, de manière qu’un habitant de la campagne puisse aisément connaître le droit qu’il devra payer en contractant, et que nui droit ne puisse être relevé après l’an de la perception. Qu’aucune autorité ni aucune force ne puissent enlever, même au plus faible des citoyens, sa propriété mobilière ou immobilière, à moins que le besoin de l’Etat ou le bien public ne l’exigent, à la charge d’estimer en ce cas, au plus haut prix, et de payer comptant au propriétaire la chose dont il faudra qu’il se prive. Qu’il soit accordé à la province de Roussillon des Etats provinciaux à l’instar de ceux du Dauphiné, organisés comme les Etats généraux, de manière que les représentants du tiers-état y soient du moins en nombre égal à celui des deux autres ordres réunis ; que ces assemblées soient seules chargées, sous l’autorité du Roi, de l’exécution des lois d’administration et des établissements ordonnés par l’assemblée nationale pour les matières relatives à l’économie politique, à la culture, au commerce, aux arts, à la communication, à la salubrité, à la subsistance, aux dépenses locales, à l’amélioration et à la prospérité de chaque province, sans que dans aucun cas lesdites administrations puissent faire pour leurs provinces aucun traité, stipulation, convention, octrois et concessions quelconques sans y être autorisées par les Etats généraux. Que les municipalités de cette province, étant vicieuses, soient supprimées, et qu’il en soit établi de nouvelles, auxquelles il sera donné organisation facile et aisée, telles que les Etats provinciaux jugeront convenables, desquelles municipalités qui seront sous l’unique dépendance des Etats provinciaux, nul habitant de quelque état et condition qu’il soit, ne puisse s’exempter, en attribuant aux officiers municipaux le droit de juger sommairement, sans frais et sans appel, tous objets personnels n’excédant pas la somme de 30 livres. Que le Code civil soit refondu, et ne contienne des formes que celles qui sont nécessaires, pour assurer à chaque citoyen la conservation de ses droits. Que les Etats généraux prennent des moyens pour que la justice soit bien administrée dans chaque province ou ressort de la manière la plus digne de la confiance de la nation, en conservant aux habitants de la province de Roussillon les avantages de la première instance dans chaque viguerie respective, et de l’appel par-devant le conseil souverain ; comme aussi le droit bien juste de ne pouvoir être traduits hors les limites de la province, et qu’on rende tout tribunal chargé de l’administration de la justice, un corps vraiment national, en le faisant comptable à la nation elle-même. ’ Que tous les citoyens, sans distinction d’état ni de condition, soient jugés par les mêmes tribunaux, et que les tribunaux d’exception et d’attribution , qui ne doivent leur création qu’aux 376 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] agents du fisc, ou à des intérêts particuliers, que l’homme le plus instruit en connaît à peine les noms, et qui font naître des conflits ruineux pour les parties, et retardent la décision de leurs différends, soient supprimés, qu’ils soient réunis aux tribunaux ordinaires dont ils sont des démembrements, sauf à pourvoir au remboursement des officiers supprimés, ainsi qu’il appartiendra. Que le tribunal des experts estimateurs établis dans la ville de Perpignan, afin que ses habitants puissent faire estimer les dommages occasionnés aux fruits des terres qu’ils possèdent dans les différents terroirs de cette viguerie, soit pareillement supprimé, lors même que les Etats généraux jugeraient à propos de laisser subsister d’autres tribunaux d’exception et d’attribution, comme étant ladite attribution abusive, odieuse et vexa-toire, et que dans aucun cas nul habitant de Perpignan ne puisse charger les consuls dans les territoires desquels ilstont des biens-fonds, de découvrir celui qui a occasionné des dommages à leursdits fonds, et qu’ils ne puissent faire estimer les dommages que par les experts estimateurs des lieux et territoires où leurs biens sont situés. La justice de laquelle suppression est reconnue par les trois vigueries réunies, quoique ce privilège ne s’étende que sur la viguerie du Roussillon et Vallespir. Que la bourse de Perpignan soit établie à l’instar de celle de Montpellier, composée uniquement de négociants, qui ne prendront point d’épices, et ûe l’ordonnance du commerce, ainsi que l’édit e 1701 concernant les juridictions consulaires, soient exécutées en Roussillon. Que les tribunaux ecclésiastiques soient conservés, à la charge cependant qu’ils ne puissent prendre connaissance que des matières purement spirituelles, la connaissance de toutes les autres matières devant leur être interdites, même entre les ecclésiastiques. Que le droit de committimus, l’usage des commissions extraordinaires et des évocations soit entièrement aboli, à moins qu’elles ne soient demandées par toutes les parties, ou par l’une d’elles, lorsque la partie contraire sera membre du tribunal devant lequel la cause devrait être portée, auquel cas, l'affaire sera dévolue au tribunal le plus voisin de la même nature de celui dans lequel on aurait dû être jugé. Que la justice soit administrée promptement et gratuitement à tous, et particulièrement aux pauvres, par juges compétents et non suspects, auquel effet il sera attribué et fixé par la province, aux officiers chargés de la rendre, des gages ou appointements convenables. Que l’imprescriptibilité du domaine direct et des droits féodaux soit abrogée comme exposant les possesseurs de bonne foi à des recherches vexa-loires et ruineuses dont aucun laps de temps ne peut les garantir, cette imprescriptibilité devant d’autant moins avoir lieu dans le Roussillon, puisqu’on matière de droits régaliens, la maxime de la prescriptibilité y est consacrée par la jurisprudence, et que la prescription de cinq ans, pour les pensions des rentes constituées, y a été établie, l’intérêt public exigeant que cette prescription soit établie par une loi générale, tant pour les pensions des rentes constituées que pour les pensions des censives seigneuriales ou autres. Que l’académie et école des haras, la maison de force, dite de Charité, connue sous la dénomination d 'Espitalet, chaire de médecine, chimie, botanique et pépinières établies dans la ville de Perpignan, soient supprimées ; que les habitants des villes et communautés de la campagne ne soient plus tenus de faire aucun service à l’occasion de la désertion des soldats, service désigné et connu sous le nom de la boëte et du canon, à moins qu’ils ne fussent payés des deniers de la province. Qu’il soit accordé une protection générale aux curés et vicaires, quoique plusieurs dans une même paroisse, à cette classe d’hommes si utiles à l’Etat, à l’Eglise et surtout aux habitants de la campagne; que leur congrue soit donc augmentée et leur sort amélioré. Que tous les évêques et bénéficiers à charge d’âmes soient obligés à la résidence, conformément aux lois de l’Eglise, et qu’en cas d’infraction, les Etats provinciaux soient autorisés à faire saisir leurs revenus, et en appliquer le produit à des œuvres de bienfaisance et de bien public, et par ce moyen ces fonds reviendront à leur première destination. Que tout évêque ou archevêque ne puisse avoir d’aubre bénéfice ni pension, à moins que ce ne soit à titre de retraite, qui ne devra point excéder la moitié du revenu du bénéfice dont il se sera dépouillé. Que tout ecclésiastique ayant 2,000 livres de rente en bénéfices, ou pensions, ne puisse obtenir d’autres bénéfices ou pensions sans se dépouiller de ce qu’il possède. Que la province continuera d’être exempte de tirer à la milice et classes, attendu sa position et l’obligation où elle se trouve de se garder elle-même ; de conserver en conséquence Je droit qu’ont ses habitants du port d’armes ; que le tirage des gardes-côtes soit suspendu en temps de paix, et que les appointements des officiers y attachés soient supprimés. Que tous les droits quelconques qui ont été imposés, surtout ce qui est blé, pain ou farines, soient abolis comme contraires à l’intention du Roi et à sa justice, puisqu’ils pèsent principalement sur la classe indigente. Que toutes les exemptions des droits des villes soient supprimées, puisque le produit de ses droits est affecté à la chose utile et publique de la généralité des habitants. Que le tiers-état de cette province ait une représentation permanente, un syndic et la faculté de tenir des assemblées périodiques, afin qu’il puisse s’occuper efficacement des moyens les plus paisibles, les plus prompts et les plus’ convenables pour corriger les abus sans nombre qui pèsent sur lui et pour empêcher qu’ils ne se renouvellent. Que la police actuellement établie sur les bois de la province étant vicieuse et peu propre à en maintenir la conservation, Sa Majesté, sera suppliée de vouloir bien la réformer, et d’en confier la surveillance aux communautés intéressées, sous l’autorité des Etats provinciaux, à la charge que les délits quelconques commis dans lesdits bois seront jugés par les juges royaux de chaque viguerie, à la requête de la partie publique, sur la dénonciation qui en sera faite par les officiers desdites communautés ou par les procureurs-syndics des départements. Le tiers-état demande que la jouissance des privilèges généraux de la province rappelle sans cesse à son souvenir cette époque heureuse où elle fut réunie à l’empire français, laissant pourtant à ses députés le pouvoir de les modifier, relativement au bien général, en exceptant de cette modification et modération le port d’armes, le [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Perpignan.] 377 droit de chasse, des milices et classes auxquelles il n’est pas sujet, privilège dont il ne saurait consentir à être jamais dépouillé. Fait et arrêté en l’assemblée 'générale du tiers-état de la province du Roussillon, tenu à Perpignan le 26 avril 1789. Signé Terrats, président; Graffan; Berge fils aîné; Le Raynalt-Triquère; Vila; F. Gastelnon; In. Moynier ; Cantaloup; Anglada; Rayros ; Xinxet-Lanquine; Gardas ; Bigosse; B. Vilars-Tixedor; Fabre; Marie; J. Escanyé; Grives; Lord Trilles; Grau; Roca. Collationné. Bon, commis principal au greffe de la viguerie de Roussillon et Vallespir.