509 lAssemblée nationale-] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791] haut, et d’autres firent venir en bas des canonniers qui étaient à Varennes; de cette manière les hussards se trouvèrent alors entre 2 feux. On les somma de mettre pied à terre. M. de Jou-glas,àceque jecrois, s’y refusa disant qu’il voulait garder le roi et lui parler. Nous lui répondîmes qu’il ne lui parlerait pas et qu’il ne le garderait pas; que la garde nationale était là, qu’elle le garderait et qu’on n’avait pas besoin de ses services. 11 insista beaucoup ; à la fin on menaça de faire feu s’il ne se retirait point, et même je criai : « Canonniers à vos rangs. » Les canonniers firent avancer les pièces, mais je vous observe qu’il n’y avait rien dans les canons. ( Rires et vifs applaudissements,) Après quelques instances ils cédèrent à nos menaces et obéirent. En un mot, M. le commandant de la garde nationale et la garde nationale de Varennes tirent si bien qu’ils parvinrent à faire retirer les hussards. Des citoyens partirent sur-le-champ pour aller demander du secours aux villages voisins, et en moins de 2 heures, près de 1,500 hommes furent rassemblés. Le roi demeura donc prisonnier. Le lendemain, le roi fut entouré de toutes les gardes nationales des environs et d’une foule de citoyens qui accoururent de toutes parts pour former "sa garde et veiller à sa sûreté : Quant à nous, ayant rempli notre mission, et voyant qu’il était en sûreté, nous retournâmes chez nous jouir de la satisfaction de nos concitoyens; et nous sommes venus déposer dans le sein de l’Assemblée les sentiments du patriotisme qui nous anime. ( Applaudissements prolongés.) Je voulais vous dire encore les noms des gardes nationales qui ont si bien concouru à l’arrestation du roi. Le roi fut arrêté à Varennes en Ar-gonne, le 21 juin à 11 heures et demie du soir environ, par la garde nationale avertie par M. Drouet, maître de poste à Sainte-Menehould et Guillaume, commis au directoire de Sainte-Menehould. Les arrêtants furent MM. Pontot et Bellet, officiers de grenadiers; Thévenin, volontaire des Islettes; Chevallot, lieutenant-colonel de la garde nationale; George, capitaine de grenadiers; Chevallot le jeune|, grenadier, Ponsin fils, grenadier, Le Blanc, officier de la garde nationale, et Sauce, procureur de la commune. Nous en avons encore oublié quelques-uns que nous n’avons pas distingués. Si vous le souhaitez, je vous en remettrai la liste. (Oui! oui! Applaudissements.) M. le Président répond : « L’Assemblée nationale vous a reçus avec cet enthousiasme qu’elle devait à des citoyens aussi zélés pour la chose publique, à des hommes qui ont peut-être préservé la France d’une guerre désastreuse. La commune de Paris regrette que vous n’ayez pas pris naissance dans son sein, mais la France entière vous réclame : c’est elle que vous avez sauvée; et l’Assemblée nationale s’engage à reconnaître les services que vous avez rendus à la patrie ; elle vous offre l’assurance de sa satisfaction et vous engage à assister à sa séance. » (La séance est suspendue à dix heures du soir ; elle est reprise à onze heures.) M. Duport, ex-président, occupe le fauteuil. Les membres du directoire du département de Paris sont introduits à la barre. M. Pastoret, procureur général syndic, prend la parole et dit : « Messieurs, « Appelés dans votre enceinte, exécuteurs de vos lois, heureux d’en être les organes, nous nous livrons sans réserve aux devoirs importants que le peuple nous a confiés. Un grand événement nous avait rassemblés; il avait réuni tous les citoyens; il leur inspire à tous le même besoin : celui d’un nouvel hommage au Corps législatif, d’un nouveau serment à la ioi. Ceux qui l’ont offert avant nous, nous auraient-ils donc prévenus? Non, Messieurs : nous le prêtions nuit et jour en servant la patrie, mais nous aimons à le prêter encore; nous voulons le prêter dans vos mains; nous voulons vous dire, vous répéter que vos vertus sont notre modèle; vos travaux, notre gloire et notre bonheur. Quel plus sûr garant vous donner de notre inébranlable fidélité à la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale? Nous jurons de la maintenir, et nous n’avons pas besoin de promettre de l’aimer. » (Applaudissements.) M. le Président répond : « Messieurs, « L’Assemblée nationale, qui sait combien il vaut mieux servir que de parler, n’est point surprise que vos premiers soins aient été pour les grands travaux que réclamait la circonstance, et qui prouvaient le mieux votre zèle. « Elle reçoit avec sensibilité le nouvel hommage que vous présentez à la nation, entre les mains de ses représentants. L’heure à laquelle vous l’apportez, montre que vous veillez, comme eux, pour la chose publique. L’Assemblée vous invite à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’impression et l’insertion au procès-verbal du discours du directoire et de la réponse du président.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre des officiers municipaux de la ville de Valenciennes, dans laquelle ils exposent les mesures qu’ils ont prises, et celles qu’ils auront encore à prendre pour la sûreté publique, et la défense de leur ville en cas d’attaque. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre à son comité militaire.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre écrite au commandant général de la garde nationale parisienne , par les commissaires [ que l'Assemblée a envoyés joindre le roi , par laquelle ils annoncent qu’ils espèrent être de retour à Paris dans la journée de samedi, et témoignent le désir qu’ils ont de rencontrer en route l’armée parisienne. M. le Président communique à l'Assemblée un arrêté des administrateurs du département de Seine-et-Oise, par lequel ils autorisent le sieur Thierry à se rendre à Paris pour y exécuter les ordres de l’Assemblée nationale, relativement au garde-meuble de la couronne. M. le Président. Messieurs, une députation des administrateurs du département de Seine-et-Oise demande a être admise à la barre à ce sujet: voulez-vous l’entendre ? (Oui ! oui!) (La députation est introduite; M. Thierry l’accompagne.) Un des administrateurs : Messieurs, en conformité de votre décret, nous nous sommes assurés f}|0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin n9l.j de la personne deM. Thierry et nous ayons l’honneur de vous le présenter. M. Bouche. M. Thierry n’a rien à faire ici, c’est par devers les commissaires que vous avez nommés qu’il doit se retirer. Cependant je demande qu’il soit entendu s’il a quelque chose à nous dire. M. le Président. Messieurs, voulez-vous l’entendre? (Oui! oui f) M. Thierry. Messieurs, depuis 2 ans j’ai eu le malheur d'entendre débiter les calomnies les plus ridicules sur la dilapidation des diamants de la couronne ; j’ai cependant l’honneur d’assurer l’Assemblée qu’on peut être tranquille et je suis prêt à donner tous les éclaircissements qu’on peut désirer. M. Delavigne. Les commissaires chargés de faire l’inventaire du garde-meuble ne sont pas présents à l’Assemblée ; il n’y a aucune délibération à prendre sur l’opération de cet inventaire. Tout ce que M. Thierry doit faire, c’est de retourner chez lui et d’y rester aux ordres de MM. les commissaires qui se proposent de continuer dès demain, en sa présence, l'inventaire dont l’Assemblée les a chargés. C’est à cela que je conclus. (La motion de M. Delavigne est adoptée.) M. l’abbé Grégoire, [ex-président, prend le fauteuil. (La séance est suspendue à une heure et demie du matin.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS. Suite de la séance permanente commencée le mardi 21 juin 1791. La séance est reprise le samedi 25 juin à sept heures du matin. M. d’André, ex-président, occupe le fauteuil. M. le Président fait part à l’Assemblée d’une lettre des trois commissaires envoyés au-devant du roi. Cette lettre est ainsi conçue : « Meaux, ce 24 juin 1791, à onze heures et demie du soir. « Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de vous prévenir que le roi et les personnes qui l’accompagaent sont arrivés à Meaux, où elles passeront la nuit et seront rendus à Paris demain, 25 du courant, entre 2 et 3 heures après-midi. « Cependant, comme nous ne pouvons calculer avec une exactitude précise le retard que notre marche pourrait éprouver , nous vous prions , Monsieur le Président, de vouloir bien engager l’Assemblée nationale à demeurer séante jusqu’à ce que nous l’ayons prévenue que le roi et les personnes qui l’accompagnent sont arrivés au château des Tuileries. « Nous avons l’honneur d’être, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Signé : PÉTION, La ToüR-MaüBOüRG, Barnave. M. le Président communique à l’Assemblée une lettre du directoire du département du Loiret. « Tout y est calme : Vivre libre ou mourir, est le cri général. — - Comptez, — disent ces administrateurs, — sur le civisme et le dévouement des habitants des villes et des campagnes. Nous avons recommandé le calme, l’union et la vigilance; et le calme, l’union et la vigilance étaient partout : c’est un beau spectacle que l’attitude fière et tranquille d’un peuple libre, qui a la conscience de ses droits et le sentiment de ses forces! » Un membre de la municipalité de Paris se présente à la barre et demande, au nom du corps municipal, d’être autorisé, attendu le retour du roi à Paris, de lever les scellés apposés au château des Tuileries. Un membre propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que la municipalité de Paris demeure autorisée à faire lever les scellés apposés au château des Tuileries, et ce en présence de l’intendant de la liste civile. * (Ce décret est adopté.) M. Treilhard, ex-président, prend place au fauteuil. M. le Président fait donner communication à l’Assemblée d’une lettre du directoire du département de la Marne , ainsi conçue : « Ghâlons, 24 juin, 1 heure après-midi. « Monsieur le Président. « Nous nous empressons de vous faire part que les bruits qui nous avaient alarmés, ainsi que tous les citoyens, sur les tentatives de l’ennemi sur nos frontières, ne paraissent pas se vérifier, et semblent n’avoir eu de fondement que dans la position de régiments ou de détachements de troupes de ligne, disposés pour protéger l’enlèvement du roi et de la famille royale. Nous devons au surplus vous rendre compte du zèle et de l’ardeur que tous les citoyens montrent dans la circonstance. « Les nouvelles de notre danger ne se sont pas plus tôt répandues que les gardes nationales de tous les pays, même hors de notre département, se sont réunies en cette ville, pour nous prêter secours; mais nous devons en même temps vous prévenir que le défaut de fusils empêche d’armer au besoin nos concitoyens. Ce qui excite leurs plaintes, et expose les officiers municipaux et les administrateurs à la fureur et aux mouvements populaires. « La municipalité de cette ville a été obligée de faire distribuer toutes les armes de la compagnie des gardes du roi qui restaient ici en déposition ; mais la quantité en étant insuffisante, les citoyens qu’on De pouvait rassurer sur leurs inquiétudes, se sont portés à des violences sur la personne du maire de cette ville, qui a été obligé de sortir par une fenêtre de la maison commune, pour se soustraire aux dangers qui menaçaient ses jours. Il s’est retiré dans une maison parti-