g {g [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, {5 août 1790.] crimes même, épargnés à la société ; tant d’individus des deux sexes rendus à la liberté, au bonheur et à la vertu, tant d’enfants soustraits à une mauvaise éducation, à la perte de leur patrimoine; les mariages plus nombreux, plus féconds; les bonnes mœurs rétablies et surtout les droits de l’homme respectés, dans un état auquel sont appelés tous les hommes. Voici ma motion : L’Assemblée nationale décrète : Article 1er. Les époux séparés actuellement de corps en justice, ou qui seront séparés à l’avenir d’après les dispositions de l’article ci-dessus, seront libres de former de nouveaux nœuds. Art. 2. En attendant que la réforme du code civil amène les législatures suivantes à décréter de nouvelles lois de détails, les effets de cette séparation, avec mariage subséquent, seront les mêmes à l’égard des époux, que ceux de l’ancienne séparation de corps. Art. 3. A l’égard des enfants des époux séparés et remariés, on suivra, de même provisoirement, l’édit des secondes noces, relatives aux enfants des veufs. M. Brillat-Savarln. Le titre IX nous est présenté sous deux aspects : celui de tribunal de conciliation et celui de jurisprudence charitable. Je ne l’envisagerai que suus le rapport de bureau de conciliation. Si les bureaux de paix avaient effectivement tous les avantages qu’a présentés M. le rapporteur, il faudrait s’empresser de les admettre ; mais s’ils étaient inconstitutionnels et dangereux, il faudrait les rejeter. Ce n’est pas sans raison que vous avez ôté aux juges de paix la connaissance de certaines affaires : vous avez jugé que la plupart n’ayant pas l’expérience siif-tisanté, leur compétence ne pouvait s’étendre jusqu’à des affaires d’une importance majeure. Eh bien, si vous adoptiez les articles qu’on vous propose, vous leur donneriez, parle fait, le jugement de toutes les affaires que vous avez reconnu ne devoir pas être de leur compétence. Dans les questions de droit, le bureau de conciliation devient absolument inutile ; dans celles de fait, quand je serais venu au bureau de conciliation, et que j’aurais été bien ou mal entendu, le juge de district s’en rapporterait très probablement à cette unique information. Cet établissement ne serait bon que pour les praticiens, car on aurait grand soin de faire préparer tous les détails par des avocats. L’exposition des faits est la propriété de la partie, et le jugement le devoir du juge. Je demande donc la question préalable sur les trois premiers articles. M. Lanjninais. Je trouve que les avantages surpassent les inconvénients; mais comme il pourrait y en avoir qu’on n’aperçoit pas, je demande que les articles soient seulement réglementaires. M. Prugnon. L’idée d’un tribunal de conciliation m’a d’abord paru séduisante ; mais je crains que nous ne donnions au juge de paix une attribution bien supérieure aux forces d’un seul homme. Ce premier point de vue mis de côté, il s’en présente un non moins important. Ce ne sont point les établissements qu’il faut perfectionner, niais l’espèce humaine. Il est certain que rien ne favoriserait davantage un débiteur négligent ou de mauvaise foi. C’est surtout dans l’article 12 que je trouve des inconvénients. « Aucune femme », y eet-il dit. . . (On observe que l’article 12 ne fait pas l’objet de la discussion.) M. Chabroud. On a dit que l’établissement d’un tribunal de conciliation est anticonstitutionnel, dangereux, et que les juges de paixnepour-rontsuffireàtoutle travail dont ils seront chargés. Je répondrai d’abord que cet établissement, loin de s’écarter de la Constitution, s’en rapproche et l’accomplit. Dès vos premiers pas, vous avez témoigné le désir d’éteindre l’ardeur des procès; et c’est là le but principal de cette institution. Je demaude si l’accomplissement de ce vœu vous paraît dangereux. On a dit que le juge de paix dicterait le jugement du tribunal de district. S’il y a des débats relatifs aux faits, ils seront simplement consignés dans le procès-verbal; si, au contraire, la contestation est sur un point de droit, elle restera tout entière au tribunal de district. On a dit aussi que vous introduiriez des délais, et que, par là, vous favoriseriez les débiteurs négligent; mais dao6 l’ancien ordre de choses nous connaissons aussi des délais, et cependant nous avions des ressources; il y avait des saisies provisoires, et elles ne sont pas abolies. Enfin, je 11e vois, dans les articles qui vous sont proposes, que des idées très justes et très simples. Je demande que le premier soit adopté. M. Thouret. Le véritable rapport sous lequel il faut envisager la question, c'est que la plupart des affaires qui excéderont la compétence du juge de paix présenteraient à des juristes la matière d’une procédure longue et épineuse, tandisqu’elles auraient été facilement jugées, dans leur origine, par un homme sage et probe, qui aurait eu un bon jugement. Ne désespérons pas des effets de la Révolution sur les esprits. Il faut semer les bonnes institutions. Dès qu’un homme de bien ne peut dire qu’elles feront du mal, et qu’il est certain, au contraire, qu’elles présentent de grands avantages, il est impossible que le Corps législatif ne les adopte pas. Voici l’article 1er tel que nous vous le proposons: Art. leT\ « Dans toutes les matières qui excéderont la compétence des juges de paix, ce juge et ses assesseurs formeront un bureau de paix et de conciliation. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Thouret, rapporteur, lit l’article 2. Art. 2. « Aucune action principale ne sera reçue au civil devant les juges de district entre parties qui seront toutes domiciliées dans le ressort du même juge de paix, soit à la ville, soit à la campagne, si le demandeur n’a pas donné, en tête de son exploit, copie du certificat du bureau de paix, constatant que sa partie a été inutilement appelée à ce bureau, ou qu’il a employé sans fruit sa médiation. » (Cet article est adopté sans discussion.) M-Tanjiiinais propose un amendement conçu en ces termes ; « L’avertissement de se trouver devant le juge de paix aura l’effet d’interrompre la prescription et d’autoriser les poursuites conservatoires, lors qu’elles seront d’ailleurs légitimes. > (Cet amendement est adopté comme article à reporter dans les articles réglementaires qui seront décrétés par l’adoption de toutes les bases de l’ordre judiciaire.) M. Thouret lit l’article 3 en ces termes : 019 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août i790.| Art. 3. « Dans le cas où les deux parties comparaîtront devant le bureau, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux et dénégations sur les points de fait. » M. Thouret. Cet article contient un des principaux avantages des bureaux de paix. Quand, une partie ne s’est pas consultée près des praticiens, ou des gens de loi, elle s’explique franchement et sincèrement sur les faits. Il faut rechercher avec soin ces explications naïves. Quand, au contraire, la partie a passé par l’épreuve d’une consultation, elle a appris à présenter les faits, non dans leur ordre naturel, non avec leur vérité tout entière, mais dans le sens le plus favorable à sa prétention. L’objet principal de l’instruction des juges de paix est donc de recevoir les aveux et les dénégations. M. Tanjuinats. Il est possible qu’une partie traduite au bureau de paix soit absente ou empêchée d’une manière quelconque. Il faut aussi que les dires soient signés, ou que les procès-verbaux fassent mention du refus ou de l’impossibilité de signer. Les parties ne sont pas liées par des actes non revêtus de leurs signatures. M. de lLiachèze. En autorisant les parties à être représentées, elles prétexteront des maladies pour faire comparaître des praticiens. M. Tlioaret. Ce serait perdre l’utilité et la pureté de cette institution, que de permettre la représentation des parties. Il est certain qu’il peut se trouver des cas où la comparution de l'une ou de l’autre, en personne, serait impossible. L’exception nécessaire, pour cette circonstance, est un objet de règlement : il ne faut pas perdre de vue que, dans ce moment, nous posons uniquement les principes. M. Brillat-Savarin. C’est se faire illusion que d’imaginer que les parties ne se seront pas consultées avant de venir au bureau de paix ; c’est se faire illusion qne de croire qu’elles auront toutes la même facilité pour exposer les faits et pour se défendre. Un homme naïf se trouvera en opposition avec un praticien consommé, ou avec un homme qui, pour n’être pas praticien, n’en sera pas moins rusé. On mettrait d’ailleurs les parties à la merci du juge de paix, qui, le plus souvent, serait un praticien. Vous lui confieriez les titres qui assurent les droits et les propriétés des contendants. Il faut réduire l’article à ceci : « Le procès-verbal du bureau de paix ne contiendra que la comparution des parties, ou la non comparution de l’une d’elles. » M. lie Bois-Besguayg. Les praticiens existaient avec les justices seigneuriales; ces justices sont supprimées. Les parties pourront désormais paraître en personne; il n’y aura plus de praticiens, puisqu’il n’y aura plus rien à gagner pour eux. Ainsi, il est inutile de stipuler pour les parties la faculté de se faire représenter. M. Gaultier de Biauzat. Quelque faveur que semble prendre l’article proposé, je le crois inutile: ou les parties seront d’une capacité égale, ou elles seront d’une capacité inégale. Dans ce dernier cas, l’homme ru>é aura trop d’avantages sur l’homme simple. Dans le premier, si les parties sont toutes deux de bonne foi, elles seront accordées avant de venir devant le juge de paix. Si le demandeur est de mauvaise foi, il s’armera avant de comparaître, et le défendeur sera sacrifié. Si celui-ci est également rusé, s’il prévoit la ruse de son adversaire, ils ne se présenteront ni l’un ni l’autre : la conciliation sera impossible. L’article est donc inutile; il doit être rayé. M. Martineau. Il n’y a lieu à aucune espèce d'amendement. Si vous admettez la comparution par procureur, vous ressuscitez les praticiens. Les consuls appelaient les parties pour comparaître en personne, lors même qu’elles étaient éloignées, et les jugements rendus après les avoir entendues étaient toujours équitables. M. Bnzot. Il n’est point de jurisconsulte qui ne sache que très souvent on a beaucoup de peine à entendre les plaideurs, quand ils viennent exposer leurs affaires. La partie la plus instruite embarrassera l’autre, et les aveux arrachés seront en sens contraire de la vérité; il ne faut pas donner une ressource aux gens de mauvaise foi. (J’appuie la proposition de M. Brillat-Savarin.) M. Duquesnoy. Il n’y aura plus d’inconvénients à permettre aux parties de se faire représenter, si l’on exige en même temps qu’elles ne soient jamais représentées par des praticiens. M. Gaultier de Biauzat. Si vous admettez les patriciens, vous allez contre vos décrets; si vous n’en admettez pas, l’homme honnête et simple devient la victime de sa probité et de sa naïveté; mais surtout craignez que le juge de paix, disposé plus favorablement pour celui qui, dans son opinion, paraîtra avoir raison, ne mette dans le procès-verbal sa propre opinion à la place de la vérité. Cette dernière considération me paraît très forte et doit déterminer à adopter la proposition de M. Brillat-Savarin. M. Devillas. L’article est excellent sans procès-verbal; un procès-verbal est un procès; au lieu d’un bureau de paix vous aurez un bureau de guerre. M. Thouret. En décrétant les deux premiers articles, vous avez posé des principes dont il faut suivre les conséquences. La comparution en personne est le plus sûr moyen pour amener à la conciliation, et la conciliation est la base fondamentale de l’institution qu’on vous propose : il y aura une exception pour les impossibilités absolues de comparaître; mais il faudra que cette exception soit resserrée en entendant les parties en personne, à l’expression simple des faits; quand il ne s’agit que des faits on ne peut craindre la ruse ou le défaut de capacité. L’homme borné connaît parfaitement les fait3 qui lui sont personnels : il ne se passe rien de péremptoire devant le juge de paix, puisque tout est extrajudiciaire. Les parties s’étant expliquées dans la position la plus avantageuse pour la vérité, elles ne pourront pas, dans l’instruction, varier sur les faits, sous la direction des praticiens. Le procès-verbal a pour objet d’éviter cette variation. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements. MM. Biauzat et Thévenot demandent la question préalable sur l’article. Cette demande est rejetée. M. Thouret propose d’ajouter: 620 15 août 1790. J (Assemblée nationale.) ARgHIVES PARLEMENTAIRES. « Lequel procès-verbal sera signé des parties, où, à leur requête, il sera fait mention de leur refus de signer. » Cette addition est adoptée et l’article est décrété ainsi qu’il suit : Art. 3. « Dans le cas où les deux parties comparaîtront devant le bureau de paix, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait. Ce procès-verbal sera signé des parties, où, à leur requête, il sera fait mention de refus. » L’article 4 est mis à la discussion. Art. 4. « En chaque ville où il y aura des juges de district, le corps municipal formera un bureau de paix, composé de six membres choisis pour deux ans parmi les citoyens recommandables par leur patriotisme et leur probité, dont trois au moins seront hommes de loi. » M. Gaultier de fiiauzat. Il ne faut admettre dans ce tribunal aucun homme de loi. M. Thouret. J’observerai sur cette demande : 1° que le bureau de paix ne pourra remplir utilement ses fonctions, s’il ne renferme des hommes de loi. Lorsqu’il s’agira de l’appel, il faudra bien être homme de loi pour éclairer les parties sur les réformes du jugement, ou sur les principes sur lesquels il aura été rendu; 2° le bureau de paix sera aussi bureau de jurisprudence charitable; il doit fournir aux pauvres le conseil sur les droits contentieux et la défense ministérielle dans les tribunaux. (L’Assemblée décide qu’il n’y a point lieu à délibérer sur la proposition de M. de Biauzat.) M. Brunet. Il est dit, dans l’article, que le corps municipal formera le bureau de paix ; il serait plus convenable d’exiger que cette formation fût faite par le conseil général de la commune. M. üfougins. Ce qui nécessite le concours des hommes de loi dans le bureau de paix, c’est parce que ce bureau servira en même temps à défendre les pauvres ; mais, au lieu de trois, on peut fort bien n’en admettre que deux. (Cet amendement est adopté.) L’article 4, amendé, est ensuite mis aux voix et décrété dans la teneur suivante : Art. 4. « En chaque ville où il y aura un tribunal de district, le conseil général de la commune formera un bureau de paix, composé .de six membres choisis pour deux ans, parmi les citoyens recommandables par leur patriotisme et leur probité, dont deux au moins seront hommes de loi. » M. le Président lit une lettre deM. Guignard Saint-l'riest, ministre d’Etal, qui envoie à l’Assemblée son mémoire justificatif sur la dénonciation dont il a été l’objet au Châtelet de Paris ( Voy . plus haut ce document annexé à la séance du 2 août 1�90). Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le President, j’ai eu l’honneur de prévenir l’Assemblée nationale, le 13 du mois dernier, d’une dénonciation faite contre moi au Châtelet de Paris par le comité des recherches de cette ville ; je prends aussi la liberté de vous adresser un mémoire à consulter, et la consultation de trois jurisconsultes sur cetle même affaire, dont il a été récemment question à l’Assemblée nationale. Je joins ici des exemplaires de ce mémoire pour tous les membres qui la composent, et je me livre avec confiance et sécurité à l’opinion qu’elle prendra de mon innocence, en attendant que ce tribunal équitable, auquel je suis dénoncé, puisse la prononcer. Signé : Guignard. » M. Petit, député d'Artois, demande un congé de quinze jours. M. d’Andlau de Homhourg demande l’autorisation de s’absenter egalement pour quinze jours. Ces congés sont accordés. On revient à la discussion du titre IX du projet sur l'organisation judiciaire. M. Thouret, rapporteur, donne lecture des articles 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11. Ces articles sont successivement adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : * Art. 5. « Aucune action principale ne sera reçue au civil dans le tribunal de district, entre parties domiciliées dans les ressorts de différents juges de paix, si le demandeur n’a pas donné copie du certificat du bureau de paix du district, ainsi qu’il est dit dans l’article 2 ci-dessus; et si les parties comparaissent, il sera de même dressé procès-verbal sommaire, par le bureau, de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait; lequel procès-verbal sera également signé d’elles, où mention sera faite de leur refus. Art. 6. « L’appel des jugements des tribunaux de district ne sera pas reçu, si l’appelant n’a pas signifié copie du certificat du bureau de paix du district où l’affaire a été jugée, constatant que sa partie adverse a été inutilement appelée. Art. 7. « Le bureau de paix du district sera en même temps bureau de juriprudence charitable, chargé d’examiner les affaires des pauvres qui s’y présenteront, de leur donner des conseils, et de defendre ou faire défendre leurs causes. Art. 8. « Le service qui sera fait par les hommes de loi dans les bureaux de paix et de juriprudence charitable, leur vaudra d’exercice public des fonctions de leur état auprès des tribunaux et le temps en sera compté pour l’éligibilité aux places de juges. Art. 9. « Tout appelant, dont l’appel sera jugé mal fondé, sera condamné à une amende de 9 livres pour un appel du jugement du tribunal de district, sans que cette amende puisse être remise ni modérée sous aucun prétexte. Art. 10. « Elle aura également lieu contre les intimés qui n’auront pas comparu devant le bureau de paix lorsque le jugement sera réformé, et elle sera double contre ceux qui, ayant été appelés sans s’être présentés au bureau de paix et en avoir obtenu le certificat, seront, par celte raison, jugés non-recevables. Art. 11. « Le produit de ces amendes, versé clans la caisse d’administration de chaque district, sera employé au service des bureaux de juriprudence chantable. » M. Thouret, rapporteur , lit l’artice 12 ainsi conçu : Art. 12. « Aucune femme ne pourra se pourvoir eu justice contre son mari, aucun mari contre sa femme, aucun fils ou petit-fils contre son père ou son aïeul, aucun frère contre son