470 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sans avoir donné leur démission; il y en a une quantité considérable qui sont passés en pays étrangers. Dans d’autres régiments, les sous-officiers et les soldats se sont assemblés, sans aucune forme, sans en avoir le droit, ils ont prononcé la destitution arbitraire et très illégale de leurs officiers. On peut dire, en général, qu’il teste heumu.-e-ment dans notre armée une ressource, c’est le courage de nos soldats, et c’est le courage qui, cependant, peut les rendre extrêmement dangereux, s’ils ne sont pas soumis aux règles de la discipline et de la subordination. Celle-ci n’existe pour ainsi dire plus : les exercices se font mollement. Le service est à peu près nul et nous n’avons plus d’instruction. Cependant, les circonstances dans lesquelles nous pouvons nous trouver, sans être alarmantes, exigent que nous prenions les mesures convenables pour pouvoir opposer une armée aux forces que l’on pourrait diriger contre uous. Nous n’avons rien à espérer dans ce genre que du rétablissement de la discipline, que de la ferme volonté de l’Assemblée de la faire observer et respecter. Il faut pourvoir, Messieurs, à ce que justice soit faite à tout le monde. Les officiers qui ont manqué à leur devoir doivent être punis suivant l’exigence des cas. Les soldats qui ont manqué à la discipline et qui, je puis le dire, se sont permis un acte de licence intolérable, lorsqu’ils ont, eux-mêmes, destitués leurs officiers, doivent aussi recevoir quelques marques d’improbation de la part de l’Assemblée. Voilà, Messieurs, les pointsde vue généraux sous lesquels nous allons vous proposer les différents articles suivants : « L’Assemblée nationale, instruite que plusieurs régiments de l’armée sont dépourvus de leurs officiers, dont les uns ont été destitués illégalement par les soldats, tandis que d’autres ont abandonné d’eux-mêmes le poste où l’honneur leur faisait un devoir de mourir pour le maintient delà discipline : fortement décidée à la rétablir dans toute sa vigueur : considérant que, par la nature de l’engagement que les militaires contractent envers la nation, le sacrifice de leur vie n’esi ni le seul, ni même le plus grand qu’elle soit en droit d’exiger d’eux, mais qu’ils lui doivent celui d’une portion considérable de leur indépendance, à laqu' II; ils renoncent momentanément pour mieux assurer la liberté de leurs concitoyens; qu’ainsi, l’honneur d’un brave et loyal soldat ne peut pas être plus gravement compromis par une lâcheté qu’il ne le serait par un acte d’insubordination ou de licence; voulant que désormais de semblables actes soient punis irrémissible uent dans toutes les classes du militaire, et que, pour ôter tout prétexte d’excuses, les fautes et délits de ce genre qui seraient commis à l’avenir, ne puissent être confondus avec ceux dont il est possible de rejeter le blâme sur les circonstances dont nous sortons; après avoir entendu le rapport de son comité militaire, a décrété ce qui suit: « Art. 1er. Les officiers qui, depuis l’époque du premier mai dernier, ont abandonné volontairement leur corps ou leurs drapeaux, sans avoir donné leur démission, et qui sont ensuite passé à l’étranger, seront incessamment poursuivis comme transfuges, par les commissaires auditeurs des guerres, et jugés par b-s cours martiales. Il en sera de même à l’égard des officiers, qui, ayant donné leur démission, sont ensuite passés à l’étranger, si, dans le délai d’un mois, à 121 juillet 1791.] compter du jour de la publication du présent décret, ils ne sont pas rentrés dans le royaume. « Art. 2. Les officiers qui, sans être passés à l’étranger, ont abandonné volontairement leur corps ou leurs drapeaux sans permission, ni congé, seront censé avoir renoncé pour toujours au service, et ne pourront prétendre à aucun remplacement ni avancement. « Art. 3. A l’égard d-s officiers qui ont été forcés de quitter leur corps en conséquence de souçons élevés contre eux, mais non légalement vérifiés, toutes dénonciations individuelles que voudront faire à leur charge aucuns des sous-officiers ou soldats de leur régiment, seront reçues par les commissaires auditeurs des guerres, qui en rendront plainte, et poursuivront devant la cour martiale le jugement des officiers ainsi dénoncés. « Art. 4. Ceux desdits officiers contre lesquels il n’y aura pas de dénonciation faite, dans la quinzaine de la publication du présent décret, au commissaire auditeur ayant aujourd’hui la police du corps, ou contre lesquels le premier juré n’aura pas trouvé qu’il y eut lieu à accusation, ou qui seront absous par le jugement définitif des cours martiales, reprendront leurs places; ou, s’ils l’aiment mieux, seront pourvus de places équivalentes dans d’autres corps, pourvu que ces officiers n’aient pas refusé te serment prescrit par le décret du 22 juin dernier, et, dans le cas où ils n’auraient pas été à portée de le prêter à leur régiment, qu’ils le fassent parvenir sous quizaine au ministre de la guerre et à la municipalité de leur domicile. «Art. 5. Les dénonciateurs, qui n’auront pas administré des preuves suffisantes pour établir le mérite de leurs dénonciations, seront punis comme calomniateurs; la moindre peine qu’ils pourront encourir sera celle d’être cassés et déclarés incapables de porter les armes pour le service de la patrie. « Art. 6. Sur les dénonciations individuelles qui pourront être faites, ou même d’après la notoriété publique, le commissaire auditeur des guerres, et les accusateurs publics auprès des tribunaux civils, chacun en ce qui les concerne, seront tenus de rendre plainte comre toutes personnes de quelque état et qualité qu’elles soient dénoncées ou indiquées pour avoir été les instigateurs, auteurs ou principaux fauteurs du délit commis par les sous-officiers et soldats qui se sont permis de destituer illégalement leur.-, officiers. « Art. 7. La disposition de l’article 5 du décret du 24 juin dernier, par laquelle la moitié des emplois vacants dans les différents corps a été réservée aux sous-officiers des corps dans lesquels ils vaqueraient, n’aura pas lieu à l’égard des régiments qui se sont permis des destitutions illégales; et dans ces mêmes régiments' la nomi-nat on aux places d’officiers, spécialement affectées aux sous-officiers par la loi du 23 septembre 1790, demeurera suspendue jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, d’après le compte qui pourra être rendu par les officiers généraux et supérieurs de la bonne conduite de ces mêmes corps, et sur la demande expresse de leurs chefs. « Art. 8. Toute faute ou délit militaire commis avant la publication du-présent décret (au'res néanmoins que les délits spécifiés dans 1 s articles précédents, et les crimes de désertion, d’embauchage ou de trahison), toutes plaintes portées en conséquence, mais non encore jugées, toutes I Assemblée aationale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1�1 juillet 1791.] m condamnations intervenues à l’occasion de ces fautes et délits, mais non encore exécutées, seront censées et réputées non avenues. En conséquence, la liberté sera rendue aux accusés ou condamnés qui se trouvent prisonniers, et il sera expédié, à tous ceux qui sont dans le cas du présent article, des cartouches pures et simples. « Art. 9. A l’avenir, et à compter du jour de la publication du présent décret, tout acte d'insubordination et de désobéissance, toute contravention aux lois tle la discipline militaire, seront punis suivant l’exigence des cas et la rigueur des ordonnances-, les commissaires auditeurs des guerres seront tenus de poursuivre les délinquants lorsqu’ils leur seront particulièrement dénoncés ou indiqués par la notoriété publique, et demeureront personnellement responsables de leur négligence à cet égard. « Art. 10. Du jour de la publication du présent décret, les sous-officiers seront personnellement responsables des mouvements combinés qui se feront dans les régiments contre la personne des officiers, lorsque les coupables apparents de semblables désordres ne seront pas d’abord désignés ou connus. Dans ce cas, les commissaires auditeurs des guerres seront tenus de poursuivre et faire juger, par les cours martiales, lesdits sous-ofli îers, qui ne pourront encourir de moindre peine que celle d’être cassés et déclarés indignes de porter les armes pour le service de la pat io*, à moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont point eu de part aux mouvements, qu’ils ont pris toutes les précautions qui dépendaient d’eux pour les arrêter, et qu’ils eu ont averti les chefs dès qu’ils en ont eu connaissance. « Art. 11. En cas de mouvements combinés dans les régiments contre l’ordre et la discipline militaire eu général, les sous-officiers et soldats en seront graduellement responsables, suivant l’ordre de leur grade ou de leur ancienneté, lorsque les coupables apparents de semblables désordres ne seront pas d’abord désignés ou connu-. Dans ce cas, les commissaires auditeurs seront tenus dejendre plainte contre les sergents-majors ou maréchaux des logis en chef, premiers sergents ou maréchaux des logis, premiers caporaux ou brigadiers, appointés et plus anciens soldats, cavaliers, dragons, hussards, chasseurs ou canonniers par rapport auxquels il en sera usé ainsi qu’il est dit en l’article précédent. « Art. 12. Seront considérées et punies comme mouvements combinés contre l’ordre et la discipline en général, toute réunion soit de militaires de différents grades, soit d’officiers, soit de sous-officiers ou de soldats, pour délibérer entre eux dans d’autres circonstances que celles permises ou prescrites par la loi, à plus forte raison toute délibération formée et toute émission de vœu collectif. « Art. 13. Aussi longtemps que subsistera l’autorité provisoire, accordée aux généraux d’armée par le décret du 24 juin dernier, de suspendre les officiers dont la conduite leur paraîtra suspecte, les commandants en chef des divisions jouiront du même droit chacun dans sa division, et les conseils de discipline de chaque régiment auront aussi provisoirement le pouvoir d’ordonner, à la pluralité des cinq septièmes des voix, le renvoi avec une cartouche pure et simple des sous-ofticiers et soldats dont la conduite sera répréhensible; néanmoins leconseil de discipline ne pourra jamais user de ce pouvoir que sur une demande expresse et par écrit, qui devra être signée, s’il est question d’un sous-officier, par 9 de ses camarades du même grade et par un officier de sa compagnie ; et s’il est question d’un soldat, par tous les sous-ofticiers de sa compagnie, ou par un sergent ou maréchal des logis, un caporal ou brigadier, et par 9 soldats de sa compagnie. » M. Ren bell. Dans une circonstance aussi importante, je demanderais qu’on laissât lire le projet pendant 24 heures. Ou les commissaires nous ont trompés, ou la plupart des officiers de l’armée sont tous des contre-révolutionnaires décidés; et avant tout je voudrais qu’on mît l’incivisme marqué, le mépris ouvert pour les décrets de l’Assemblée nationale, l’opposition manifeste contre la Constitution, au rang des crimes qui doivent nécessiter l’expulsion des officiers. (Applaudissements.) M. Emmery, rapporteur. Il est juste que ce projet soit réfléchi. Je vous demande, pour l’intérêt le plus cher de la patrie, de ne prendre que le temps nécessaire pour vos réflexions. Plusieurs membres : L’ajournement à samedi ! (L’Assemblée ordonne l’impression du projet de décret présenté par M. Emmery et en ajourne la discussion au lendemain de la distribution.) M. Emmery, au nom du comité militaire , présente un projet de décret concernant le 96e régiment d'infanterie , ci-devant Nassau , et les régiments ci-devant désignés sous le nom de régiments d'infanterie allemande, irlandaise et liégeoise; il s’exprime ainsi : Le 96e régiment, ci-devant Nassau, avait marché vers Montmécly, sous les ordres de M. de Brouillé. Lorsque les” commissaires d-l’Assemblée nationale ont été dans les départements de la Meuse et de la Moselle, ils avaient donné des ordres provisoires pour la disposition des différents corps de troupe dans les postes où il paraissait plus important de les placer. Le régiment de Nassau avait reçu ordre de se rendre à Sedan. Les officiers municipaux de Sedan ont menacé de fermer leurs portes. Pour éviter les désordres, les commissaires ont changé l’ordre de la marche. Ils ont ordonné au régiment de se rendre à Tbionviile. Thionville a répondu qu’il lèverait ses ponts-levis si le régiment de xNassau se présentait pour entrer. On a envoyé le régiment de Nassau à Sarrelouis. Il était en marche; la ville de Sarrelouis a répondu que les canons seraient placés sur les remparts et qu’on tirerait sur le régiment de Nassau. Cependant, Messieurs, d’après le rapport de MM. les commissaires, le régiment de Nassau, qui était au grand complet, est non seulement un des plus beaux, mais un des plus sages de l’armée. Le régiment de Nassau a consenti de bon cœur à prêter serment; mais il avait été à Montmédv. On supposait qu’il était dans le complot de M. de Bouillé; on se rappelait qu’il avait été employé à l’Orangerie à Versailles, et voilà ce qui animait contre lui le ressentiment de 3 villes qui ne voulaient pas le recevoir. Dans cette circonstance difficile, le régiment passant à Metz, les corps administratifs, les officiers militaires, ont arrêté qu’il convenait de suspendre sa marche, afin d’empêcher les suites du ressentiment des villes de Sedan, Thionville et Sarrelouis. Le régiment de Nassau a donc fait séjour à Metz. Un grenadier de ce régiment a eu