560 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Haut-Limousin.] Goudinet, maire de Saint-Yrieix. — Présent. Greuzennet, lieutenant particulier à Saint-Yrieix. — Présent. Pommeau de la Pouyade, conseiller au sénéchal de Saint-Yrieix. — Présent. Ghavoix, avocat en parlement au bourg de Juilhac. — Présent. Chassaignac, avocat en parlement au bourg de Juilhac. — Présent. Queyroulet, avocat en parlement et substitut du procureur du Roi à Saint-Yrieix. — Présent. Moutet de La Grose, avocat au bourg de Saint-Paul-la-Roche. — Présent. Labrouche de La Borderie, avocat en parlement à Saint-Yrieix. — Présent. Moutet de Laurière, bourgeois au bourg de Juilhac. — Présent. Germignac, médecin au bourg de Ségur. — Présent. Senamaud de Beaufort, avocat en parlement à Saint-Yrieix. — Présent. Faye, notaire royal et juge de la Roche-Labeille. — Présent. Pouquet, notaire royal au bourg d’Angoisse. — Présent. Mazard, médecin et échevin de Saint-Yrieix. — Présent. Joyet de Beauroche, avocat en parlement. — Absent. Profit de la Valade, notaire royal au bourg de Miattet. — Présent. Fagois, médecin au bourg de Ségur. — Présent. Fleurât, notaire royal au bourg de Firbeix. — Présent. Chassaignac, médecin au bourg de Juilhac. — Présent. Fleurât de Doumailhac, bourgeois deLadignac. — Présent. Lamotte Duqueyrois, greffier en chef du point d’honneur. — Absent. Frélon, bourgeois au bourg de Juilhac. — Présent. Pichon Dugravier, bourgeois au bourg de Juilhac. — Présent. CAHIER Des doléances du cierge' des sénéchaussées de Limoges et de Saint-Yrieix (1). Appelé à l’assemblée nationale, pour aider au meilleur des rois à établir, dans toutes les parties du gouvernement français, un ordre constant2 d’où doit résulter la félicité publique, et, ce qui en est inséparable, le calme et la tranquillité dont ce monarque, vraiment ami du peuple, est privé depuis si longtemps, le clergé des sénéchaussées de Limoges et de Saint-Yrieix sent redoubler toute l’énergie de son patriotisme-ainsi que de sa tendresse pour un prince, émule des Louis XII et des Henri IV. L’ordre des curés se distingue surtout par son amour, comme il a été distingué par la confiance. Toutes les classes des bénéficiers du haut Limousin osent se présenter aux pieds du trône; ils y déposent, avec toute la sécurité et toute la rrancnise que leur inspirent les vertus d’un monarque bienfaisant, leurs respectueuses remontrances, plaintes et doléances; elles ont pour (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. objet les intérêts de la religion, de la nation et du clergé. ARTICLE PREMIER. Intérêts de la religion. § 1. — Catholicisme. Nous entendons conserver dans toute son intégrité le précieux dépôt de la foi que l’Eglise nous a confié, en qualité de ses ministres, et rejeter tout ce qui pourrait y porter atteinte, ainsi qu’à la solennité, la décence du culte public. Ce culte doit être exclusivement réservé dans tout le royaume à la religion de l’Etat. Nous verrions, avec une sensible douleur, que la loi qui assure aux non catholiques un état civil, multipliât en France leurs prosélytes. Nous demandons surtout qu’ils ne jouissent pas du droit du patronage qu’ils pourraient prétendre à raison de leurs fiefs, et que la nomination aux bénéfices dépendants de ce droit, soit, ainsi que cela s’observait avant la révocation de l’édit de Nantes, réservée aux ordinaires, jusqu’à ce que le patronage puisse être exercé par un catholique. § 2. — Conciles provinciaux. Nous supplions très-humblement le Roi d’accorder à l’Eglise gallicane la libre convocation des conciles provinciaux toutes les fois que les besoins des métropoles l’exigeront. G’est avec le regret le plus amer qu’elle s’en voit privée depuis si longtemps. Le clergé du haut Limousin regarde comme le plus impérieux de ses devoirs de réclamer, d’après les décrets des conciles et les ordonnances des augustes ancêtres de Sa Majesté, qu’elle fasse revivre ces assemblées si nécessaires au rétablissement ou au maintien de la discipline ecclésiastique, et que les curés y soient admis en nombre suffisant. § 3,. — Mauvais livres. Pénétrés d’une douleur profonde à la vue du dépérissement affreux de la religion et des mœurs dans tout le royaume; consternés de voir dans notre province, jusqu’à présent dépositaire si fidèle des vérités de la foi, se glisser sourdement l’impiété et le libertinage qui la suit toujours, nous adressons à Sa Majesté les plus vives et les plus humbles représentations sur la cause funeste et trop connue de ce renversement de tous les principes. Il naît évidemment de la multitude scandaleuse de ces ouvrages antichrétiens, où l’on attaque avec audace l’Evangile, la pudeur, la raison, le trône et l’autel. On ne saurait opposer de trop fortes digues à la publicité de ces livres impurs, corrupteurs et incendiaires, répandus de toutes parts avec la profusion et la licence les plus révoltantes. Le clergé est vivement effrayé d’entendre solliciter avec tant d’empressement la liberté indéfinie de la presse, et verrait avec douleur qu’elle ne fût pas restreinte dans des bornes justes et sages. §4. — Collèges, petites écoles, petits séminaires. Les maux dont toutes les provinces sont, infiniment plus que la nôtre, témoins ; maux qui ménagent même davantage les générations suivantes, nous portent à demander avec instance à Sa Majesté qu’elle prenne des moyens efficaces pour rendre à l’éducation publique l’éclat et l’uti- (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Province du Haut-Lifllousin.] lité dont elle est déchue. Les collèges doivent au clergé leur institution primitive. Dans l’état de dépérissement où tous, excepté celui de notre capitale, sont tombés, ils méritent toute notre attention, parce que eux seuls élèvent la jeunesse qui se dispose aux divers emplois de la société, et principalement au sacerdoce. Les Etats généraux voudront donc bien s’occuper des collèges ; examiner à quel corps ecclésiastique ou religieux on doit les confier ; quel degré de surveillance sur ces établissements on doit prescrire aux évêques et aux municipalités. L’Assemblée nationale est suppliée d’observer que l’heureux don d’élever la jeunesse appartient également à la vertu et aux talents. Nous demandons aussi ia fondation de petites écoles pour les enfants du peuple, qui, sans occupation, parce qu’ils sont trop jeunes, sans frein, parce qu’ils sont trop livrés à eux-mêmes, s’habituent au désœuvrement et aux vices. Mais que, conformément aux ordonnances, aucun précepteur ne puisse être installé ni maintenu dans sa place, sans l’agrément du curé et l’autorisation de l’ordinaire. Nous réclamons, enfin, l’établissement d’un petit séminaire dans notre ville épiscopale. Ce sera un asile où ceux qui se destinent à l’état ecclésiastique se formeront, dans l’âge même des passions naissantes, aux talents et aux vertus indispensablement nécessaires pour exercer utilement le saint ministère. Les vœux du clergé du haut Limousin seraient que le séminaire et le collège de Limoges fussent agrégés à une université, et que les écoliers, après le temps d’étude requis, fussent admis à celle de Poitiers, comme la plus voisine, pour y subir les examens, et y faire tous les actes probatoires nécessaires pour obtenir des grades. L’étendue du diocèse, la pauvreté de ses habitants, doivent faire accueillir cette demande. § 5. — Chapitres et ordres religieux. Nous osons solliciter de la piété du Roi une protection particulière pour leséglises cathédrales et collégiales, où l’office est célébré avec tant d’exactitude et d’édification, et pour les ministres secondaires qui contribuent à la majesté du culte public. Par l’augmentation des portions congrues, plusieurs de ces corps utiles et même nécessaires, sous bien des rapports, seront extrêmement appauvris. Les individus qui les composent n’auraient-ils pas tous droits à une subsistance honnête et à un supplément de dotation, opéré par les moyens les plus simples et les plus faciles ? Il serait à désirer qu’on ne pût pourvoir d’un canonicat quelconque qu’un ecclésiastique initié aux ordres sacrés. Nous sollicitons aussi la protection royale en faveur des ordres religieux de l’un et de l’autre sexe, établis dans le royaume sous les auspices de la loi. § 6. — Pluralité des bénéfices. Nous supplions le souverain de sanctionner par une loi civile les règles ecclésiastiques et canoniques, qui défendent, avec tant de sagesse, la pluralité des bénéfices. Cette loi généralement désirée, si elle embrasse la collation, la possession des bénéfices mêmes prétendus compatibles, opérera un partage plus égal des biens de l’Eglise entre tous ses ministres. l’e Série, T. III. §7. — Juridiction ecclésiastique, et appel comme d'abus. Nous attendons de la justice de Sa Majesté qu’elle rendra à la juridiction ecclésiastique toute l’autorité qui lui est acquise par l’édit de 1695, et que les entreprises des tribunaux séculiers ont sensiblement affaiblie. Les appels comme d’abus, souvent fondés sur les plus légers prétextes, seront restreints, et les évêques rétablis dans le droit de prononcer sur les matières de doctrine et de sacrements. Les ecclésiastiques n’auront plus à répondre, à ce sujet, devant les juges laïcs, vraiment incompétents sur ces objets augustes. Les juges civils obligent trop souvent nos officiaux à décerner des monitoires pour des objets de trop peu d’importance. Qu’il leur soit prescrit de n’en ordonner la publication que très-rarement, et pour des causes évidemment graves. § 8. — Décence du culte divin. Comme rien n’assure mieux l’observation de tous les devoirs, même de ceux de citoyen, que la religion et la piété, nous espérons que le Roi très-chrétien ne négligera rien pour maintenir, par son autorité, la décence du culte divin, le respect pour les lieux saints et pour le sacerdoce. ARTICLE DEUXIÈME. Intérêts de la nation. § 1er. — Etats généraux. Nous nous réunissons à toute la nation pour demander que les Etats généraux soient convoqués à des époques fixes et peu reculées ; qu’il y soit arrêté l’état des grâces de la cour, qu’on rendra public; qu’on y détermine l’augmentation ou la diminution des impôts; qu’aucun subside ne puisse être établi ou prorogé sans la sanction de rassemblée nationale ; que les ministres, surtout ceux des finances, deviennent comptables de leur administration aux Etats généraux; qu’enfin, tous leurs biens, meubles et immeubles, soient hypothéqués à la nation, et que toute aliénation en devienne caduque jusqu’après l’apurement de leurs comptes devant l’assemblée généralo. § 2. — Manière de voter au États généraux. D’après le vœu du Roi, clairement énoncé, nous croyons qu’il faut laisser aux Etats généraux à décider si les suffrages s’y recueilleront par ordre ou par tête. Mais nous mettrons toujours le plus grand zèle dans nos réclamations pour les intérêts pécuniaires du tiers-état. § 3. — Etats provinciaux , Il est de la plus grande importance pour notre province d’obtenir des Etats particuliers. Le ministre, en accordant à notre généralité une administration provinciale, dont “organisation peut être défectueuse, a amené l’heureuse révolution qui rassemble tous les ordres du royaume aux pieds du monarque, a reconnu nos droits sur cet objet, et a pris en quelque sorte un engagement à nous accorder des Etats provinciaux, ou plutôt à faire revivre notre ancien droit d’en former, puisque nous lisons ( Gallia christiana noua, tome III, addit.) que le 15 mai 1426, les Etats du 36 $63 [Ët§lg gân. 4789. Pahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tPrpvince du Ilaiit-bimousin.l du haut Limousin envoyèrent Ramnulphe de fenisse, évêque de Limoges, à la cour pour les affairés delà province. Nous nous opposons formellement à la réunion 4e uqs commuées aux Etats de Guienne. Le Limousin np fit jamais partie de ce duché, qui eut pouyent les mêmes maîtres que la vicomté de Li-iftOggs, et souvent aussi des princes différents. ’ On a voulu nous faire craindre qu’isolés, nous serions peu ménagés, espérer que réunis, flftus deviendrons redoutables. Nous savons que les grandes masses opposent de grandes résistances; niais nous voulons obéir, aimer toujours, repré-i senfer quelquefois, ne jamais résister. La forme 4u gouvernement français étant une fois îmmua-; Elément fixée par les Etats généraux, les demandes qp’on nous fera seront toujours légales, et dés lors la résistance d’une province particulière deviendrait un crime de lèse-patrie. ûn nous a objecté que notre territoire était trop circonscrit; mais il l’est beaucoup moins que celui du Béarn, de la Bigorre, etc., etc., et ces provinces ont leurs Etats particuliers. On a ajouté que notre°population est peu nombreuse, mais elle s’élèye à près de Six cent mille individus, Upe si yaste famille qe suffit-elle pas pour occuper le zèle d’une administration attentive? | 4. — Unité d'impôts, perception confiée aux Etats provinciaux et comptes rendu?. Nous supplions Sa Majesté de réunir sous une seule dénomination tous les impôts directs; de n’en établir d’indirpcts que sur les objets de luxe; de confier aux Etats provinciaux l’assiette et la perception des subsides. Ils en simplifieront les moyens, et par conséquent en augmenteront les produits. Chaque année les comptes des Etats des différentes provinces seront rendus publics par la voie de l’impression. | 5, — J Disproportion des impôts de province à province. Nous recommandons au zèle de nos députés d’obtenir que les Etats généraux fassent disparaître l’inégalité manifestement injuste qui se trouve dans la répartition générale des impôts. Il est prouvé jusqu’à l’évidence que, dans notre généralité, les subsides enlèvent a peu près Ja moitié du prix de la production des biens, tandis que dans les provinces qui nous avoisinent, ils n’excèdent guère le quart du produit territorial. Le rapport de nos impositions à celles de la Sairitonge, est de quatre à deux. MM. nos députés sont en état de le constater démonstrativement. § 6. — Exemption d’impôts pour les journaliers. Cette classe, infiniment, utile de citoyens laborieux, d’autant plus infortunés qu’ils sont sans propriétés et sans considération, méritent que le clergé élève la voix pour obtenir de la bonté paternelle dp Roi, que cette partie précieuse de Ses sujets soit affranchie de tout impôt. La perception du suhside auquel elle est soumis, donne, quelque léger qu’il puisse être, trop souvent lieu à des exécutions qui dépouillent le journalier, non-seulement de ses meubles, sa seule richesse, mais encore de son crédit, son unique ressource. § 7. — Mendicité. Pour extirper ce fléau qui, né le plus souvent de l’oisiveté, enfante presque toujours la dépravation des mœurs, nous supplions Sa Majesté de proscrire sévèrement la mendicité dans tout lé royaume. Les maisons de force n’ont jusqu’ici presque rien fait pour cet objet; les bureaux de charité dans chaque paroisse feraient infiniment plus de bien. Le clergé offre ses lumières et ses contributions pour ces étabiissemeuts tout à la fois patriotiques et religieux. § 8. Justice civile et criminelle; tribunaux. Nous QSops attendre de la justice du Roi, que les lois, tant civiles que criminelles, seront réformées, les peines plus proportionnées aux délits; cglle de mort plus rarement décernée, les formes des procédures abrégées et simplifiées, les juridictions subalternes supprimées; que les justiciables serpnt rapprochés de leurs juges, le droit de com-mitiirrtus abrogé; enfin les* tribunaux des eauA et forêts éteints. § 9. — Contrôle des actes , francs-fiefs, etc.. La loi des contrôles prévient les surprises et les infidélités dans les actes publics ; mais la perception desdrqits est arbitraire; en conséquence, le clergé du haut Limousin se réunit à la nation entière pour obtenir un tarif fixe, clair et précis; et surtout que toutes les contestations relatives au contrôle des actes, centième fienier, etc., etc., soient renvoyées aux tribunaux ordinaires. On ne verra plus dès loi s de ces vexations en tout genre, dpnt On ne se garantira jamais, quand dans gou juge on trouvera sa partie. Nous espérons dp la pouté du Roi la suppression des francs-fiefs. § 10, — Moyen de diminuer }e.s procès. La mauvaise foi, l’animosité sont ingénieuses pour inventer des chicanes; il est d’un intérêt général qu’on mette un frein à l’un et à Eautre ; nous sollicitons qu’il plaise à Sa Majesté d’ordonner qu’il ne soit intenté aucun procès, sans que le demandeur y soit autorisé par la consultation de trois avocats, et qu’on ne puisse faire aucun appel sans la même formalité, qui sera de rigueur. § 11. — Arrêts motivés. Nops supplions le Roi qu’il soit prescrit à tout tribunal subalterne ou souverain de motiver toutes ses sentences ou ses arrêts, tant en matière civile que criminelle ; que dans cette der? nière, il soit donné â l’accusé un défenseur et des délais Suffisants, même après sa condamnation ; qu’on n’exige plus le serment des prévenus en justice. § 12. —- Curateurs à l'effet du mariage. Ea lui qui défend aux curés de procéder au mariage des mineurs satis l’autorisation d’un curateur nommé en justice, empêche ou du moins retarde uu grand nombre de mariages, parce que les contractants sont trop pauvres pour fournir aux frais de cette nomination ; il serait d'une utilité frappante que les notaires, dans le contrat de mariage, ou les curés, dans l’acte de sa célébration, fussent autorisés à donner un curateur ad hoc à l’un des parents des époux mineurs, sur la demande et désignation de quatre des plus près parents ou voisins. [Etats gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAMES. (Province du Haut-Limousin.] 563 § 13. — Banalités. Les banalités, restes du système féodal, occasionnent à ceux qui sont encore asservis à celles des fours et moulins, outre la perte d’un temps précieux, le malheur de trouver une mauvaise manipulation des farines et du pain, et d’être les victimes d’une foule de vexations : nous réclamons pour nos peuples qu’ils soient affranchis de cette servitude, en indemnisant toutefois, d’après un tarif arrêté par le Roi, les propriétaires des banalités. § 14. — Rentes seigneuriales. Les lois relatives aux censives sont trop rigoureuses, surtout dans les provinces régies par le droit écrit ; et les devoirs qu’elles imposent occasionnent plus de procès que toutes les autres espèces de propriétés réunies : nous sollicitons également pour nos peuples que Sa Majesté étende à toutes les rentes seigneuriales, censuelles, directes, foncières, etc., le dispositif de la plupart des coutumes qui accueillent la prescription trentenaire des rentes, et qui bornent à cinq ans la réclamation des arrérages. § 15. — Lettres de cachet. En reconnaissant que les lettres de cachet sont utiles, ou même quelquefois nécessaires pour l'honneur des familles et la sûreté de l’Etat, nous conjurons Sa Majesté que désormais il n’en soit décerné aucune que de l’avis du conseil, auquel il sera donné à ce sujet un règlement fixe et concerté avec les Etats généraux. § 16. — Etat militaire. L’exclusion du service militaire avilit un des ordres les plus intéressants de la nation ; néanmoins, à l’époque où les grades étaient accessibles à tous les états, des hommes nés dans la classe trop dédaignée des citoyens, ont donné des preuves de bravoure, d’intelligence. Nous osons espérer que Sa Majesté réformera les ordonnances militaires sur cet objet, et déclarera que les enfants issus de familles honnêtes pourront être admis au service en qualité d’officiers. § 17. — Commerce. Nous osons réclamer la liberté du commerce, au moins intérieur, et le reculement ides douanes aux extrémités du royaume. § 18. — Conservation de la monarchie. Nous chargeons nos députés aux Etats généraux de s’opposer, autant qu’il sera en eux, à tout changement, à toute innovation qu’on pourrait proposer de faire dans la monarchie, à laquelle nous sommes inviolablement attachés. Cette forme de gouvernement est la mieux adaptée au caractère national, la plus propre à maintenir la tranquillité intérieure et la sûreté au dehors comme la plus convenable à l’étendue de nos provinces. ARTICLE TROISIÈME. Intérêts du clergé. § 1er. — Portions congrues. Tous les ordres du clergé des sénéchaussées de Limoges et de Saint-Yrieix sollicitent Sa Majesté d’améliorer, autant qu’il se pourra, la dotation évidemment trop médiocre de MM. les curés coq-gruistes, de ceux quj, quoique décimateurs, pqs-sesseqrs même de toutes les rentes ecclésiastiques assises sur les fonds de leurs paroisses, ne sont pas suffisamment dotés* Nous demandons humblement, mais avec force, que MM. lés curés de Malte soient désormais inamovibles, et pensionnés comme les autres congruistes. En combinant, à çet effet, une loi avec Messieurs des Etats généraux, et en observant que pour prévenir les inconvénients quirésultent delà variation continuelle du prix des denrées, il paraît nécessaire que la portion des congruistes ne soit plus acquittée en argent, mais en cession des principaux revenus déclinables de chaque paroisse , équivalente à la somme qu’il plaira à Sa Majesté de fixer. Gette augmentation sera telle que les curés y trouvent de quoi fournir pain, vin, lumière, livres nécessaires à l’office divin et à leur ministère, linges d’église et leur blanchissage, ornements et leur entretien : après toutefois que MM. les décimateurs auront mis tous ces objets en état, d?après un procès-verbal fait dans les six mois après la promulgation de la loi. xMais où trouver les fonds nécessaires pour la dotation des cures? On les trouvera dans la réunion des bénéfices moins utiles, dans les arrondissements des bénéfices curiaux, et même dans les revenus des bénéfices consistoriaux. La faveur que MM. les congruistes attendent du gouvernement doit proportionnellement s’étendre a MM. les vicaires, leurs collaborateurs. § 2. — Gradués. ' Pour encourager les études et récompenser les talents, il est nécessaire qu’une simple congrue ne remplace pas les grades. Mais il est important de réformer les universités qui accordent trop facilement les titres de gradués, bacheliers, etc. § 3. — Casuel. Tous les vœux se réunissent pour demander la suppression de tout casuel forcé. Gette espèce de revenu, d’une indispensable nécessité dans le système actuel, révolte toute âme honnête, et ayilit le plus respectable des ministères. Cette suppression facilitera l’arrondissement des paroisses. § 4. — Synodes. Nous réclamons le rétablissement des assemblées synodales, et que MM. les curés y députent par archiprêtres. § 5. Assemblées générales du clergé. MM. les curés mettent le plus vif intérêt à demander, ce qui est une suite naturelle de la pétition précédente, que, dans les assemblées générales du clergé de France, les députés des ecclésiastiques du second ordre soient véritablement pris dans leur classe. Ils ne sont pas suffisamment représentés par des abbés commenda-taires ou qui aspirent à le devenir. § 6. — Chambres diocésaines. Si l’antique forme, pour la répartition et la S64 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province dm Haut-Limousin.] levée des impôts ecclésiastiques est respectée , nous réclamons un droit imprescriptible, établi par les lois communes du royaume, et les anciens usages du diocèse de Limoges. Ges lois et ces usages donnent pouvoir aux différents ordres ecclésiastiques, séculiers et réguliers, de nommer en synode leurs représentants aux chambres diocésaines. La nôtre sera composée d’un syndic, de huit conseillers, sous la présidence du seigneur évêque, et d’un commissaire député par lui dans le cas où il serait malade ou absent. Le syndic, nommé trois ans d’avance, sera en activité pendant trois autres ans, et lés conseillers élus sortiront chaque année successivement deux à deux, à commencer par les plus anciens. Tous exerceront gratuitement leurs commissions. § V , — Renonciation aux privilèges pécumaires. Le clergé du haut Limousin consent à ce que désormais les impôts soient répartis proportionnellement aux revenus territoriaux, sans aucune distinction d’ordre; de manière néanmoins que les subsides pèsent peu sur les bénéficiers réduits au pur nécessaire, et beaucoup sur ceux qui sont censés avoir un ample superflu, après avoir donné à leur état ce qui est dû sans faste. § 8. — - Suppression des déclarations aux bureaux du contrôle. Une fois soumis aux impôts comme tous les ordres de la monarchie, l’obligation pour les bénéficiers séculiers et réguliers, de déclarer aux bureaux des contrôles qu’ils entendent jouir par eux-mêmes de leurs dîmes et autres revenus, devient sans objet et serait vexatoire. §9. — Maison de repos pour les ecclésiastiques. La loi interdit et interdira toujours justement à tous le congruistes la faculté de se réserver la plus modique pension sur les bénéfices qu’ils quittent, puisque leur dotation a pour objet de leur procurer seulement une subsistance honnête ; cependant, après avoir supporté le poids de la chaleur et du jour, devenus întirmesoudécrépits, s’ils étaient sans ressources, ils se verraient forcés de garderun bénéfice qu’ils ne peuvent plus desservir. Nous sollicitons de la bonté du Roi que surtout dans notre diocèse, où se trouvent près de six centscongruistes,il soit fondé une maison de repos pour les prêtres réduits à un état d’infirmité ou de décrépitude, et qu’ils aient l’option d’une pension égale aux frais qu’ils occasionneraient dans cet asile. § 10. — Dotation des séminaires et bourses pour les jeunes clercs. Quiconque s’intéresse à la gloire du sacerdoce, à la solidité des principes de la doctrine et de la bonne conduite de ceux qui se destinent au saint ministère, doit vivement désirer que les Etats généraux prennent des moyens pour la dotation des séminaires, et pour le payement de la pension des séminaristes privés de fortune, mais pouvus de talents. § li. — Dettes du clergé. Les dettes du clergé ont été contractées pour les besoins de l’Etat, d’après des ordres supérieurs ; elles ne peuvent donc donner lieu à aucun reproche fondé contre nous. Il est néanmoins nécessaire de les payer. Pour y parvenir, il sem ble qu’il faudrait, chaque année, retenir de l’imposition sise sur les biens ecclésiastiques une somme qui, versée dans une caisse d’amortissement, éteindrait successivement nos dettes. Nous rejetons absolument tout projet d’aliénation de fonds. Nous conjurons enfin Sa Majesté d’appeler aux futurs Etats généraux, suivant l’ancien usage, MM. les agents généraux du clergé, obligés, par état, de défendre les intérêts de tous les corps ecclésiastiques. Telles sont les humbles remontrances, plaintes et doléances, que dépose aux pieds du trône le clergé des sénéchaussées de Limoges et de Saint-Yrieix. Ce sera pour lui la plus délicieuse des jouissances d’avoir pu concourir à la gloire de la religion, au service du Roi et à la prospérité publique. CAHIER De l’ordre de la noblesse des sénéchaussées de Limoges et Saint-Yrieix, dans le haut Limousin , pour être porté par ses députés au Roi , dans les Etats généraux qu'il a convoqués à Versailles pour le 27 avril 1789 (l). L’ordre de la noblesse du haut Limousin, assemblé à Limoges, en vertu de lettres patentes données par le Roi pour la convocation des Etats généraux du royaume, pénétré de la plus vive reconnaissance, èn voyant le Roi appeler la nation auprès de lui, pour écouter ses doléances, remédier avec elle à ses maux, et la rétablir dans ses droits constitutionnels, supplie Sa Majesté d’agréer l’hommage de son attachement pour sa personne sacrée, et la protestation qu’il lui fait d’être toujours prêt à sacrifier sa vie et ses biens pour son service et celui de la patrie. Doléances , plaintes et remontrances. La province du Limousin comprend le sol le plus ingrat du royaume ; la semence n’y donne tout au plus que trois de net par an, en faisant la supputation de vingt années ; ses vallons, noyés d’une infinité de sources qui filtrent près de leur surface, ses montagnes qui n’offrent au travail qu’un terrain sec et sablonneux, ne produisent, en grande partie, que deux ou trois récoltes après le défrichement, et l’on est obligé de les laisser incultes plusieurs années, pendant lesquelles la bruyère, qui est leur seule production, suffit à peine à la nourriture de quelques brebis, dont le revenu est de la plus mince valeur dans cette province. Aucun débouché, un grand éloignement de la mer, point de rivières navigables, un commerce d’exportation borné à la vente de ses bestiaux, le seigle et le peu de froment récoltés suffisent à peine à la nourriture du colon dans les années ordinaires, et ne pouvant se débiter par la difficulté des transports, dans les années abondantes. Un pain de seigle, dont le son fait la moitié de la substance, est la nourriture du paysan limousin, qui ne s’abreuve que de l’eau qui arrose son pacage; le droguet fait son vêtement, le sabot sa chaussure ; il dispute à ses bestiaux une partie du chaume destiné à les nourrir, pour se mettre (1) Nous publions ces cahiers d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.