[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1791.] 409 jurée par le roi, parce que ces mots semblent ne pas engager au serment que vous avez proposé pour tous les articles qui ont été décrétés depuis le 14 juillet dernier, seule époque à laquelle le roi ait juré. M. Prieur. 11 faut parler ici franchement et ouvertement; il faut que tout homme qui porte les armes, dans le sein de la France, sache de qui il tient ce droit sacré de défendre la patrie; il faut que dans ce serment il y ait une déclaration positive qu’aucun citoyen ne doit porter les armes, en France, que par le droit qui lui a été donné. Voici comme je rédigerais ce que je propose, sauf rédaction : « L’Assemblée nationale déclare qu’aucun individu français ne peut porter les armes que d’après le droit qui lui en aura été donné par la nation. » ( Vifs applaudissements.) Un membre demande que les mots : décrétés par V Assemblée nationale soient également retranchés de la formule du serment. Un membre réclame contre cette motion et fait sentir combien il est intéressant de rappeler la volonté nationale, surtout dans un moment où on a paru vouloir faire revivre la Constitution qu’on avait voulu donner à la nation, le 23 juin 1789. M. Rewbell. Je fais une autre observation ; c’est de substituer aux mots ; troupes étrangères, les mots : troupes ennemies. {Applaudissements.) Plusieurs membres : Ennemies de la nation 1 M. Duport. Les objections qui ont été faites sont justes en général ; il faut ajouter à la rédaction du serment l’idée de défendre la Constitution contre les ennemis du dedans et du dehors; mais, Messieurs, je crois qu’il faut laisser les mots de : troupes étrangères. {Oui! oui!) Le premier motif est que les Français, parmi lesquels une majorité aussi énorme s*’est déclarée en faveur de la Constitution, n’ont aucuns troubles à craindre tant qu’ils resteront seuls à arranger leurs affaires. La seconde raison est que je ne crois pas qu’il puisse exister un homme qui, quelle que soit son opinion, ne doive pas mourir de honte, si, lorsque sa nation arrange elle-même sa Constitution et cherche le point qui doit assurer sa liberté, il laissait venir des étrangers se mêler dans ses querelles, et consentait à ce que des troupes étrangères vinssent porter dans le sein de la France le ravage et la guerre civile. Je voudrais qu’il y eût un point qui nous ralliât tous ; c’est que nous ne devons pas souffrir, c’est que nous devons périr tous plutôt que de souffrir qu’un seul étranger se mêle de nos affaires {Applaudissements.)', car je déclare hardiment : si l’étranger n’entre pas en France, il n’y aura pas de troubles dans le royaume. Quel est notre but? C’est d’attacher à la Constitution ceux qui, n’ayant pas montré des sentiments qui lui soient favorables ou n’en ayant fait connaître aucun, ont cependant assez d’honnêteté dans l'âme pour lui être fidèles, lorsqu’ils auront prêté le serment. Pour obtenir ce résultat, il doit y avoir dans le décret un article qui déclare la peine qu’encourront les Français qui porteraient le3 armes contre la France; mais ce qui est plus utile encore, c’est de nous tenir unis contre les puissances étrangères. Je demande donc, Monsieur le Président, que le serment contienne ces deux idées, et soit conçu de manière qu’aucun honnête homme, quel que soit son avis, ne puisse le prêter sans s’identifier absolument avec la Constitution. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Emmery, rapporteur. D’après les observations qui viennent d’être présentées, voici la rédaction que je propose pour l’article lor. « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que le serment ordonné les 11 et 13 juin dernier sera prêté dans la forme qui suit : « Je « jure d’employer les armes remises en mes « mains à la défense de la patrie et à maintenir, « contre tous ses ennemis du dedans et du de-« hors, la Constitution décrétée par l’Assemblée « nationale. Je jure de mourir plutôt que de souf-« frir l’invasion du territoire français par des « troupes é rangères; de n’obéir qu’aux ordres « qui seront donnés en conséquence des décrets « de l’Assemblée nationale.» (Cet article est mis aux voix et décrété à l’unanimité.) M. Emmery, rapporteur. Voici l’article 2 : « 2° Que des commissaires pris dans le sein de l’Àssembée seront envoyés dans les départements frontières pour y rerevoir le serment ci-dessus, dont il sera dressé procès-verbal, pour y concerter avec les corps administrants et les commandants des troupes, les mesures qu’il croiront propres au maintien de l’ordre public et à la sûreté de l’État, et faire, à cet effet, toutes les réquisitions nécessaires. » M. Jouy des Roches. Je m’oppose à la mesure contenue dans cet article. S’il est une circonstance dans laquelle l’Assemblée nationale doive être avare d’une mesure telle que celle du déplacement de ses membres hors du sein de cette Assemblée, c’est certainement dans la circonstance délicate où nous nous trouvons. Je crois que c'est compromettre le Corps législatif, que d’exposer quelques-uns de ses membres ; vous avez paru adopter le principe général que chaque fonctionnaire public doit être à son poste: le nôtre est dans l’enceinte de la salle ; partout ailleurs nous serions déplacés. {Murmures.) M. Briois-Reaumetz. Je demande qu’on mette l’article aux voix. (L’article 2 est mis aux voix et adopté.) M. Emmery, rapporteur. Voici l’article 3 : « 3° En conséquence, l’Assamblée nationale nomme pour commissaires MM. de Gustine, Chas-set et Regnier, pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et des Vosges ; MM. de Toulon geon, Regnaud {de Saint-Jean-d’ Angély) et Delacour-d’Ambezieux, pour les départements de l’Ain, de la Haute-Saône, du Jura et du Doubs; MM. de La Tour-Maubourg, Alquier et Boullé, pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais ; MM. de Biron, de Vismes et de Golonna, pour les départements des Ardennes, de la Meuse et de la Moselle; et MM. de Sinéty, Prieur etRamel-Nogaret, pour le département du Finistère. Ordonne qu’immédiatemenl après la prestation du serment des troupes, MM. de Gustine, de Toulon-geo o, de La Tour-Maubourg, Biron et de Sinéty viendront rendre compte à l’Assemblée nationale de 1 état des départements qu’ils auront visités. » „ M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angély). Je de-