688 [Assemblée nationale.] les différentes lois et coutumes du royaume ont établie relativement aux immeubles réels, sans rien innover, quant à présent, en ce qui concerne la prescription des arrérages. » L’Article 8 n’éprouve aucune opposition ; l’Assemblée le décrète de la manière suivante : Art. 8. « Les lettres de ratilication, établies par l’édit du mois de juin 1771, continueront de n’avoir d’autre effet sur les droits féodaux et cen-suels, que d’en purger les arrérages, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu, par une nouvelle loi, à un régime uniforme et commun à toutes les rentes et charges foncières, pour la conservation des privilèges et hypothèques. » M. Merlin donne lecture de l’article 9 et en développe les dispositions en disant : Quelle est l’origine du retrait féodal? Elle est dans le service militaire auquel était anciennement tenu tout propriétaire de fief. Un seigneur suzerain avait intérêt à avoir, dans la petite armée que composaient ses vassaux, un soldat vigoureux plutôt qu’un infirme ou un enfant. De là la possession devenue presque générale, dans laquelle les seigneurs se sont mis de retirer les fiefs des mains des acquéreurs qui ne leur convenaient pas, pour porter les armes sous leurs bannières, soit pour les incorporer au gros de leurs domaines, soit pour les aliéner de nouveau et se procurer par là des vasseaux qui fussent plus à leur convenance. D’après cela il est incontestable que le retrait féodal doit son origine à ce qu’on appelle proprement le régime féodal ; qu’il n’est conséquemment qu’une émanation de cette hiérarchie de puissance publique, de cette puissance seigneuriale qui s’était établie sur les ruines du gouvernement monarchique et qui, par conséquent, ne peut survivre à la destruction de ce régime. 11 est vrai que, par un abus trop favorisé par la puissance seigneuriale on est venu dans la majeure partie du royaume à regarder le retrait féodal comme un droit utile qu’on a rendu cessable et dont on a permis l’exercice à un usufruitier et même à un simple fermier; mais il n’en est pas moins constant que ce droit ne tient qu’à la puissance féodale, et cela est si vrai, qu’il y a des coutumes qui n’accordent ce droit de retrait féodal qu’à des seigneurs qui se trouvent à un certain degré de puissance. Telle est la coutume d’Orléans, qui n’admet que le seigneur châtelain à l’exercice de ce droit. Plusieurs amendements sont proposés sur l’article 9 ; ils sont rejetés. M. Boussion. Je propose un nouvel amendement ; il consiste à compléter l’article par ces mots : « Seront également abolis les droits d’échange perçus par les seigneurs sur les propriétés territoriales, lorsque les propriétaires font entre eux et par convenance ces échanges de fonds. » M. de Montlosier. Je demande la question préalable sur cet amendement ; il n’est pas de votre justice de vous en occuper un seul moment. Cette demande est appuyée. L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer. On demande que cet amendement soit ajourné. L’Assemblée adopte cet avis. L’article 9 est relu, mis aux voix et décrété ainsi qu’il suit ; Art. 9. « Le retrait féodal, le retrait censuel, [25 février 1790.J le droit de prélation féodale ou censuelle, et le droit de retenue seigneuriale sont abolis. » Lecture faite de l’article 10, l’Assemblée en a ajourné la délibération à demain. M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’AUTUN. Séance du jeudi 25 février 1790, au matin (T). M. \o ni père de Champagny secrétaire , donne lecture du procès-verbal delà veille. Il ne s'élève pas de réclamation. Un de MM. les secrétaires lit une lettre du margrave d’Anspach. Ce prince, en conformité du décret qui appelle les créanciers de l’Etal, annonce que ses sujets et provinces ont, sur le gouvernement, une créance de 572,000 livres pour fourrages fournis dans la dernière guerre de Sept ans. Cette lettre est renvoyée au comité de liquidation. M. Bidault, député de Franche-Comté, demande et obtient l’agrément de l’Assemblée pour s’absenter pendant quelques jours. M. le marquis d’Estourinel, membre de la députation qui, sur l’invitation de la commune de Paris, a assisté hier au service funèbre de l’abbé de l’Epée, rend compte de la réception faite à la députation, de l’oraison funèbre prononcée par M. l’abbé Fauchet, dont la commune a ordonné l’impression et qui sera distribuée ( voy . ce document annexé à la séance de ce jour ); il ajoute que le maire de Paris, M. Bailly, a témoigné à la députation, au nom de la commune, le désir que l’Assemblée nationale voulût bien pourvoir, sur les biens ecclésiasliqdtes, à l’établissement créé par l’abbé de l’Epée pour les sourds et muets. M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la suite de la discussion du projet de décret présenté par le comité de féodalité sur la suppression des droits féodaux abolis sans indemnité. M. Merlin, rapporteur. Messieurs, l’article 10, tel qu’il vous a été proposé d’abord, était ainsi conçu : Art. 10. Toute féodalité et nobilité de biens étant détruite, les droits d’aînesse et de masculinité sont abolis à l’égard des fiefs, domaines et aïeux nobles, qui seront en conséquence soumis dans les successions et partages aux mêmes lois, statuts et coutumes que les autres biens. » Cette rédaction avait d’abord paru au comité remplir exactement les deux objets que nous nous étions proposés: l’un d’effacer de la jurisprudence française les disputes que le régime féodal y avait* introduites entre les fiefs et biens allodiaux, relativement à la manière d’y succé-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.