[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 décembre 1789.] 355 M. Bouche présente quelques observations à ce sujet. Le décret est ensuite rendu en ces termes : DÉCRET. a L’Assemblée nationale décrète que, par provision, les officiers municipaux actuellement en exercice clans toutes les villes et communautés du royaume, et même les corps, bureaux ou comités qui ont été établis par les communes ou municipalités pour administrer seules, ou conjointement avec les officiers municipaux, continueront d’exercer les fonctions dont iis sont en possession , et qu’il ne sera , nonobstant tout usage ou règlement contraire, procédé à aucune élection nouvelle, jusqu’à l’établissement qui va se faire incessamment des municipalités, dont l’organisation est presque achevée. » M. Fréteau de Saint-*Fust représente que M. Mounier est parti sans avoir signé plusieurs des procès-verbaux de sa présidence� L’Assemblée décide que ces procès-verbaux, demeurés jusqu’à présent avec la seule signature des secrétaires , seront signés par M. de Clermont-Tonnerre, qui avait précédé M. Mounier dans les fonctions de président. M. le Président dit que l’ordre du jour ap-le la suite de la discussion sur V organisation des municipalités. Dans la séance d’hier, l’Assemblée a renvoyé au comité de constitution l’article 51 et un article nouveau alin d’en modifier la rédaction. M. Target, organe du comité , donne lecture des articles ainsi qu’il suit : « Art. 1er. Tout citoyen actif de la communauté peut signer et présenter contre les officiers municipaux la dénonciation des délits d’administration dont il prétendra qu’ils se sont rendus coupables ; mais avant de porter cette dénonciation dans les tribunaux, il sera tenu de la soumettre à l’administration ou au directoire du département, qui, après en avoir pris l’avis de l’administration ou directoire de district, renverra, s’il y a lieu, la dénonciation devant les juges qui en doivent connaître. « Art. 2. Après les élections, les citoyens actifs de la communauté ne pourront ni rester assemblés, ni s’assembler do nouveau en corps de commune, sans une convocation expresse, ordonnée par le conseil général de la commune, qui ne pourra la refuser, si elle est requise par le sixième des citoyens actifs dans les communautés au-dessous de 4,000 âmes, et par 150 citoyens actifs dans toutes les autres communautés. « Art. 3. Les citoyens actifs ont droit de se réunir paisiblement, et sans armes, en assemblées particulières, pour rédiger des adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district , soit au Corps législatif, soit au Roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées et de ne pouvoir députer que dix citoyens pour apporter et présenter ces adresses et pétitions. « Art. 4. Les citoyens chargés de la perception des impôts indirects, tant que ces impositions subsisteront, et ceux qui occupent des places de judicature, ne pourront être élus membres des corps municipaux. » L’Assemblée décrète les trois premiers articles ci-dessus rapportés. L’article 4 entraîne une longue discussion. M. Boiiron, député du Poitou et avocat du Roi à Fontenay-le-Gomte, défend avec force la cause des magistrats. Vous ne pouvez prononcer, dit-il, une exclusion qui porterait atteinte à la considération de la magistrature. D’ailleurs vous ne devez plus voir, en faisant la constitution, les magistrats dans l’ancien ordre de choses; la Révolution va les rendre électifs; ils n’auront aucun vice aristocratique'; comment pourrait-on gêner et limiter la confiance des peuples lorsqu’ils voudront leur conférer des places municipales? iby a plus, c’est qu’à l’avenir les fonctions des juges seront beaucoup moins surchargées de travail, ils pourront réunir les fonctions municipales à celles de magistrature. En un mot, comme ils sont citoyens, ils doivent en supporter toutes les charges et en exercer tous les droits. M. Ango, député de Coutances . J’adopte l’article proposé par le comité et je me fonde sur la déclaration des droits qui dit qu’il n’y a point de bonne constitution sans une division exacte des pouvoirs. Je propose, en outre, de compléter l’article en y ajoutant la disposition qui suit : « Les citoyens employés dans le militaire et dans les milices nationales doivent être exclus, de même que les magistrats� et les percepteurs des impôts. » M. Fong. J’adopte l’article du comité, mais je pense que si les magistrats peuvent être exclus des municipalités, ils doivent être admis dans les assemblées de district et de département. M. de Oermont-Toimerre. Je ne vois aucun motif d’exclure les magistrats des places auxquelles peuvent prétendre tous les citoyens. Si vous prononcez une exclusion contre les juges, il n’y a pas de raison pour n’en pas faire contre d’autres professions. M. Michelon, député de Moulins. J’ai de grands préjugés à combattre en parlant en faveur des magistrats, mais la force de la vérité m’entraîne à attaquer l’article. Les officiers des tribunaux inférieurs, vous le savez tous, n’ont jamais cessé de défendre la cause du peuple et ont toujours été aptes aux places municipales, surtout dans les petites villes. Comment veut-on priver le peuple des lumières des magistrats, qui, plus accoutumés aux affaires et aux formes de la justice, peuvent administrer avec plus de soin les revenus et la police des municipalités? M. Rewbell. Tous ceux qui ont une portion libre ou forcée du pouvoir exécutif doivent être soigneusement exclus des municipalités. Je demande à mes contradicteurs s’ils pensent que l’élection serait vraiment libre si des juges étaient au nombre des candidats. M. de Fachèze. Quoique chef d’un tribunal, je pense que ce serait réunir trop d’autorité que d’être à la fois officier municipal et juge; mais je demande qu’on mette aussi dans l’exclusion les receveurs des impôts directs et ceux qui sont comptables aux communautés. M. l’abbé Haut-y. Il n’est pas nécessaire de 1 parler du mérite et des connaissances de la ma-\ gistrature, que personne ne conteste, mais il est 356 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES; [2 décembre 1789.] bon de dire que la réunion du pouvoir municipal et des fonctions de juge ne saurait présenter aucun danger. L’autorité municipale n’est pas une autorité politique, c’est une autorité de famille et de cité que le peuple confère librement et pour un temps ; d’ailleurs les formes du scrutin sont un grand bouclier contre l’influence dont on menace les électeurs. Enfin, exclure les magistrats ce serait les flétrir et altérer la confiance dont ils ont besoin. Les mêmes motifs s’appliquent aux percepteurs des diverses sortes d’impôts, soit directs, soit indirects, quelle différence y a-t-il entre les collecteurs des uns et des autres ? qu’y a-t-il d’infamant dans les fonctions de celui qui perçoit l’impôt? Je demande que la constitution n’exclue personne ; que les municipalités nomment qui elles voudront pour leurs officiers et que l’on donne à tous les citoyens actifs la plus grande latitude de pouvoir. M. Plson du Galant!. En présence des divergences qui se produisent au sujet de l’article qui est en discussion, je demande l’ajournement jusqu’à ce que nous ayons statué sur les impôts et sur l’organisation "des tribunaux judiciaires. M. Barrère de Vienzac. Je vois avec peine que l’on veut présenter cet article comme une exclusion odieuse, tandis qu’il ne constate que l’incompatibilité naturelle qui ne peut affliger ni dégrader personne. Autant je suis éloigné d’adopter le principe du comité pour les districts et les départements, autant je m’empresse d’y souscrire pour les municipalités. L’admission des juges aux fonctions municipales serait la confusion de deux espèces de pouvoir judiciaire dans les mêmes mains; le magistrat municipal est mi-partie d’administration, de police et de justice; le magistrat ordinaire est également revêtu du droit de juger. L’incompatibilité de ces doubles fonctions est encore plus sensible, si l’on pense que celles des municipalités sont toutes en commandement, et celles des tribunaux toutes en délibérations. D’ailleurs les tribunaux judiciaires doivent connaître des délits commis par le magistrat municipal. Gomment tolérer que l’officier accusé soit en même temps membre du tribunal qui doit juger l’accusation? L’influence des juges sur la fortune, l’honneur et la vie des citoyens, n’est-elle pas assez grande dans la société, pour qu’on ne l’augmente pas encore par un autre genre d’autorité? Il importe à la liberté civile que le citoyen ne retrouve pas le même individu dans tous les tribunaux de la ville qu’il habite; enfin par cette division des fonctions publiques, il y aura plus de citoyens en activité, plus de liberté dans les administrations municipales et moins de despotisme dans les mains des hommes revêtus du pouvoir. M. Bémeunîer rend compte des motifs qui ont décidé le comité à proposer l'article. Il a fondé l’exclusion des magistrats : 1° Sur le danger qu’un juge soit à vingt ans officier municipal ; 2° Sur l’influence qu’il a sur les électeurs de son ressort; 3° Sur l’assiduité qu’exigent les fonctions des juges; 4° Sur le respect et l’autorité dont ils doivent jouir, et qu’ils perdraient bientôt, si d’autres citoyens leur étaient préférés dans d’autres élections. Le comité a pensé que, pour honorer la magistrature, il fallait ne pas l’exposer à l’humiliation de n’être pas choisie pour les places municipales. M. Démeunier ajoute : Quant aux militaires, je ne vois aucun danger à les admettre. Dans le nouvel ordre de choses, les citoyens n’auront rien à craindre ni à espérer des militaires et il vaut mieux qu’ils viennent se mêler parmi les citoyens et prendre l’esprit de patriotisme et d’administration dans les municipalités. Il n’y a point de parité entre les collecteurs des impôts directs et indirects : les premiers sont nommés par le fisc et les autres le sont par le peuple; quant à ceux-là, il n’y a aucun inconvénient à les admettre dans les municipalités. M. Fréteau de Saint-Just. Je propose de modifier l’article et de dire: les officiers de justice pendant le temps qu’ils seront revêtus de leurs offices. On demande de toute part à aller aux voix. M. le Président. Je consulte d’abord l’Assemblée sur la clôture de la discussion. La discussion est fermée. M. Long. Je demande la division de l’article. L’Assemblée décide que l’article ne sera pas divisé. M. le Président donne lecture des amendements. Plusieurs membres demandent la question préalable : elle est mise aux voix et adoptée. M, Pison de Galand rappelle qu’il a demandé l’ajournement de l’article. Cette motion est mise aux voix et rejetée. M. le Président met aux voix l’article 4 tel qu’il est proposé par le comité de constitution. L’article est adopté sans modification. M. Tliouret, député de Rouen, fait de la part de la communauté des cuisiniers, cabaretiers et aubergistes de cette ville l’offre d’un don patriotique de 10,000 livres, en une lettre de change, à l’ordre de M. le président. M. le vicomte de Mirabeau, l’un de MM. les secrétaires, lit une lettre de M. de la Luzerne, ministre de la marine, dont voici la teneur : « Paris, ce 2 décembre 1789. « Monsieur le président, plusieurs de MM. les membres de l’Assemblée nationale ont daigné me donner hier au soir une marque d’intérêt : ils m’ont fait savoir que, sur la motion d’établir un comité relatif au régime des colonies, M. le marquis de Gouy d’Arsv avait parié; qu’il avait dirigé contre moi "des reproches d’une nature grave et réellement injurieux, quoique vagues par leur objet et étrangers même à la question agitée. « Dans les circonstances présentes, quiconque a besoin de rendre favorable, ou l’opinion qu’il soutient, ou la cause qu’il défend, cherche à placer, de quelque manière que ce soit, des plaintes contre les ministres du Roi. Je pense que l’administrateur pur et vertueux ne peut, ne doit en général opposer à cet artifice et à la calomnie