[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1190.] j03 proposerais de donner un illustre exemple du danger de calomnier un bon citoyeD. Je conclus, avec le comité, à ce que M. de Bournissac soit renvoyé au Châtelet ; je conclus à ce que tous les citoyens qu’il a décrétés y soient aussi renvoyés. C’est la que le prévôt accusé prouvera à l’Europe entière sa soumission à vos décrets ; c’est là qu’en présence de ses ennemis, il sera entendu devant ces juges à qui vous avez accordé votre confiance. Ils oseront sans doute être justes, et M. de Bour-nissac sera vengé. (M. l’abbé Maury est vivement applaudi, des mains et des pieds, par un côté de la salle. Il est embrassé par deux ou trois de ses amis, et son triomphe est ainsi complet.) M. le comte de Mirabean. Je ne profiterai pas de la permission qu’a bien voulu me donner M, l’abbé Maury de me prévaloir des avantages que m’a présentés sa générosité, en observant que j’en avais besoin. Je n’examinerai pas non plus une question de morale publique, piquante peut-être pour M. l’abbé Maury, dont l’objet serait de savoir si un rapporteur qui a été dépouillé de la connaissance d’une affaire, parce que son rapport a paru incomplet ou inexact, partial ou infidèle, peut avoir le droit de parler contre l’une des parties intéressées : vous conviendrez qu’il y aurait peut-être du pour et du contre dans le débat d’une telle question. Le préopinant nous a tant de fois répété qu’il était engagé par la candeur et l’amour de la justice, qu’il faut lui pardonner de n’avoir pas examiné cette question. Je n’userai pas de la même sobriété dans la suite des inter-pellations que je me suis permises pendant que le préopinant parlait. J’avais le droit de l’interpeller sur un fait faux, parce que l’énonciation étant fugitive, si on n’interrompt pas l’orateur au moment même où il parle, il est impossible de se rappeler avec précision les termes qu’il a employés pour énoncer ce fait. IL a commencé par nous dire qu’il allait nous donner un exemple de la crédibilité due aux attestations que nous présentions ; il a prétendu que nous ne pouvions pas mieux connaître que les juges celui dont nous invoquions le témoignage. Eh bien ! ce n’était ni le même homme, ni les mêmes juges. M. l’abbé Maury aurait pu se douter que l’homme condamné par arrêt du Parlement n’était pas le même que celui dont le nom est au procès ; car alors le procès aurait été infirmé. Je ne sais pas si tout l’art des rhéteurs répondra à cette observation. J’avoue que la correspondance de M. de Bournissac avec M. l’abbé Maury devait paraître étrange, si l’orateur n’avait pas déployé le caractère simple et ouvert d’avocat de M. de Bournissac, s’il n’avait pas avoué qu’il avait eu la précaution d’exiger renvoi des pièces au comité des rapports. Voilà, Messieurs, je crois, une intrigue complète, le demande que les lettres qui constatent l’envoi des pièces inconnues jusqu’alors soient données en communication. M. Duval d’Eprcmesnil. J’appuie Ja motion faite contre i’avocat de M. de Bournissac, par l’avocat des particuliers décrétés. M. le eomte de Mirabeau reprend. 11 ne suffisait pas à M. l’abbéMaury de chercher à nous embarrasser dans un cercle de dates et dans la confusion desfaits; il avait à répondre au nouveau rapport que vous avez ordonné, et non nas aux différents rapprochements qu'il a voulu saisir dans mou opinion, pour en faire jaillir des contradictions. Il est étrange, Messieurs, qu’on ait fait un crime au nouveau rapporteur d’avoir produit des pièces jusqu’alors inconnues; comme si, parce que le premier les avait oubliées, il aurait dû s’ensuivre que le second devait les oublier aussi ! Quant à l’interprétation qu’a donnée M. l’abbé Maury des termes usités au parlement de Provence, je ne suis pas assez expérimenté dans les termes de chicane pour oser le contredire : mais vous avez ici le lieutenant général de la sénéchaussée ; c’est un des magistrats les plus respectés du royaume, et c’est à lui que je m’eu rapporte. On accuse la nouvelle municipalité de vouloir usurper tous les pouvoirs. Non, Messieurs, les officiers municipaux n'ont fait que leur devoir en interpellant les juges de faire exécuter vos décrets. Quant aux citoyens actifs qui ont concouru à l’élection de ces officiers, je ne sais pas comment M. l’abbé Maury a pu en déterminer le nombre ; j’ignore quelles sont à Marseille ses correspondances, quoique jelui en connaisse d’em-poisonnées. M. le marquis de Fonçant. Il n’est pas permis de faire une interpellation flétrissante, injustement ou non, à un membre de cette Assemblée. M. le comte de Mirabeau. Je me reconnais pour coupable, si l’on peut donner à mes expressions une autre interprétation que celle-ci : Je venais de me plaindre de la correspondance de M. de Bournissac avec M. l’abbé Maury ; je la qualifie d 'empoisonnée, et je ne dis que ce qu’il a très longuement prouvé. Voulez-vous savoir, Messieurs, comment est composée cette municipalité, dont on cherche à trouver la conduite répréhensible? Le maire est depuis trente ans appelé à Marseille Martin le Juste : cet hommage de ses confrères et de ses concitoyens est une vraie couronne civique. Les deux autres officiers municipaux l’étaient déjà sous l’ancien régime; leur conduite a été celle de pères du peuple; ils ne sont pas, comme on vous l’a dit, décrétés de prise de corps, ce qui d’ailleurs me serait tout à lait égal ; c’est ainsi, Messieurs, que M. l’abbé Maury vous présente les faits. Il a grand soin de lire les pièces lorsqu’il n’a pas intérêt à les travestir ; mais il dit de mémoire celles qu’il veut falsifier. (On rappelle denouveaurorateuràTordre.) Je me sers du mot falsifier et je le confirme. M. l’abbé Maury fait dire, par exemple, à la municipalité qu’elle somme les troupes réglées de se retirer ; je dis qu’il est faux que la municipalité ait rien dit de pareil. Elle a chargé des députés extraordinaires de supplier te roi de ne pas laisser six mille hommes à Marseille qui n’avait pas de quoi les loger. Voilà donc cette municipalité que l’on calomnie aussi indécemment, et de laquelle on ose dire que c’est le vœu d’une faction qu’elle présente ! Oui, sans doute, il y a à Marseille une faction, une fàction obscure de quarante mille citoyens qui cabalent contre un grand homme, un excellent patriote, M. de Bournissac. {La suite de la discussion est renvoyée à jeudi.) M. le Président fait lecture d’une lettre du maire de Paris, qui demande, au nom des représentants de la commune de cette ville, l’heure de l’Assemblée pour lui rendre compte demain du travail qu’ils ont fait, en conséquence de son décret, sur les moyens d’opérer la réduction de# maisons religieuses.