SÉANCE DU 1er FRIMAIRE AN III (21 NOVEMBRE 1794) - N° 27 29 BOUDIN : La Convention n’a pas entendu, en décrétant dans sa loi qu’on pourrait prononcer l’arrestation provisoire, que le Représentant du peuple, contre qui cette mesure de précaution serait prise, descendit à la barre. MERLIN (de Douai) : Carrier est aujourd’hui ce qu’il était la dernière fois qu’il a été entendu. Or il l’a été à la tribune ; il doit donc l’être encore. La Convention décrète qu’il sera entendu à la tribune (83). Le président, au moment où la Convention va remplir les fonctions de jury d’accusation, invite tous les citoyens qui assistent à la séance, à se maintenir dans le calme qui convient à un grand peuple lorsqu’il s’agit de statuer sur un de ses représentans accusés. Un membre commence un rapport ; le président l’interrompt pour annoncer que Carrier est dans la salle. L’accusé monte à la tribune ; il demande que, dans une affaire aussi importante, tous les citoyens qui assistent dans les tribunes fassent le plus grand silence, parce que le moindre bruit, le moindre tumulte pourroit lui faire perdre le fil de ses idées. Le président rappelle à tous les citoyens l’invitation qu’il leur a faite, et leur témoigne combien il est persuadé d’avance de leur respect pour la loi. L’accusé observe que le rapport de la commission ne lui ayant été présenté que deux jours avant, il lui a été impossible de l'analyser en entier et de faire un discours suivi pour sa défense ; il demande à être autorisé à répondre successivement sur chaque fait, à mesure qu’il sera articulé contre lui. Un membre pense qu’il n’y a aucune difficulté, parce que l’accusé doit avoir toute la latitude possible dans sa défense. L’accusé, en conséquence, commence sa défense, et répond successivement sur les faits qui lui sont imputés, suivant l’ordre établi dans le rapport de la commission (84). LE PRÉSIDENT (85): La Convention va remplir les fonctions de jury d’accusation : c’est tou-(83) Moniteur, XXII, 557. Rép., n° 62; Ann. Patr., n° 690; Ann. R.F., n° 61. (84) P.-V., L, 10. (85) Pour l’ensemble de la discussion qui débute ce jour : Moniteur, XXII, p. 557-572, 573-574, 576-598; Rép., n° 62, 63, 64, 65, 66, 66 (suppl.); Débats, n° 794, 945-948, n° 796, 978-980, n° 797, 991-1000, n° 798, 1011-1012, n° 797, 1023-1024, n° 800, 1033-1036, n° 801, 1047-1056, n° 804, 1083-1084, n° 806, 1131- 1132, n° 807, 1145-1152, n° 808, 1163-1167, n° 809, 1176-1180; C. Eg., n° 825, 826, 827, 828, 829; F. de la Républ., n° 62, 63, 64, 65, 66; J. Perlet, n° 789, 790, 791, 792, 793, 794, 795; J. Fr., n° 787, 788, 789, 790, 791, 792, 793, 794, 795, 796, 797, 798; Gazette Fr., n° 1055, 1056, 1057, 1058, 1061, 1065; Ann. Patr., n° 690, 691, 692, 693, 694, 696, 698; M.U., 1349, 1350, 1351, 1352, 1353; J. Univ., n° 1821, 1822, 1823, 1824, 1825, 1826; Mess. Soir, n° 826, 827, 828, 829, 830; Ann. R.F., n° 61, 62, 63, 64, 65, 66; J. Paris, n° 62, 63, 64, 65. jours pour elle un jour de deuil d’avoir à prononcer contre un de ses membres. J’invite donc tous les citoyens qui assistent à la séance à ne donner, lorsque Carrier paraîtra et sera entendu, aucun signe d’approbation ni d’improbation. (On applaudit.) Un membre commence un rapport sur les colons. Il est bientôt interrompu. LE PRÉSIDENT : J’annonce à la Convention que Carrier est dans la salle. Carrier paraît, accompagné des gendarmes qui le gardent ; on lui déclare qu’il peut monter à la tribune. Il y monte ; la parole lui est accordée. CARRIER : Citoyens, dans une affaire aussi importante que celle sur laquelle vous avez à prononcer, il est juste que tous les citoyens qui assistent dans les tribunes et apportent à m’écouter la plus sérieuse attention. Le moindre bruit, le moindre tumulte pourrait me faire perdre le fil de mes idées. LE PRÉSIDENT : Je renouvelle à tous les citoyens présents l’invitation que je leur avais déjà faite, et j’espère que Carrier n’aura pas à se plaindre. CARRIER : J’en étais persuadé d’avance ; mais, dans une assemblée nombreuse, il est presque impossible qu’il n’y ait un peu de rumeur. Je prie les spectateurs de s’en abstenir. Le rapport de la Commission, tel qu’il m’a été présenté avant-hier, à trois heures, ne m’a pas permis de faire un discours pour en suivre toutes les allégations. J’avais commencé à analyser toutes les pièces. Cette analyse n’est point encore faite ; cependant, à mesure que je lirai les faits, ou qu’on les lira, j’y répondrai ; à moins que la Convention ne préfère que je lise l’analyse que j’ai commencée. Plusieurs voix : Comme tu voudras. DUBOIS-CRANCÉ : L’accusé doit avoir toute latitude dans sa défense. CARRIER lit : Première liasse.- Septième pièce. (Déclaration de Giraud, directeur des postes à Nantes.) « Carrier, six jours après son arrivée à Nantes, fit entendre, en présence du représentant du peuple Ruelle, les imprécations les plus véhémentes contre tous les habitants de Nantes, et principalement contre les marchands et négociants ; il déclara que, si ces derniers ne lui étaient pas dénoncés sous peu de jours, il les ferait tous incarcérer, et ensuite décimer pour être guillotinés ou fusillés. Ruelle lui observe que ce qu’il avançait était injuste et barbare ; Carrier le traita de révolutionnaire à l’eau douce, et continua ses imprécations. » 30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE CARRIER : Citoyens, Giraud, qui a fait cette déclaration par écrit, est reconnu à Nantes pour un homme fanatique. Il a adhéré à toutes les délibérations fédéralistes. C’est un royaliste très prononcé. Il a toujours été le partisan des prêtres réfractaires. On l’a même accusé d’avoir des intelligences avec les royalistes de la Vendée. Est-il étonnant que l’esprit de fanatisme et de contre-révolution l’ait porté à faire, dans une pièce qui n’a aucune authenticité, des dénonciations calomnieuses contre un représentant du peuple qu’on s’attache à persécuter ? Les propos qu’on me prête sont faux. Si mon collègue Ruelle est présent, je l’interpelle de déclarer ce qu’il sait. {Quelques voix : Il est absent.) Au surplus, cette déclaration n’a aucune authenticité ; elle est isolée, rien ne l’appuie, rien ne la prouve ; elle ne peut donc faire foi. Quatrième liasse. -Première pièce. (Lettre de Gauthier et de la Société populaire de Nantes.) « Il a fait tout pour occasionner une émeute dans Nantes, afin de la faire déclarer en état de rébellion. » CARRIER : Quel aurait été mon but ? N’au-rais-je pas été la victime d’une émeute, s’il y en avait eu une ? Puisque j’ai tout fait, on devait au moins citer un fait de ce tout, un indice quelconque. On devait dire quels moyens j’ai employés pour exciter une émeute. Il fallait des préparatifs, des mouvements. On ne cite rien ; ce n’est qu’une déclaration vague et insignifiante. Au reste, la Société populaire de Nantes qui a fait cette déclaration, a rendu, dans des lettres postérieures, justice à mon patriotisme et à mon républicanisme, surtout aux mesures que j’avais prises pour finir la guerre de la Vendée. Première liasse. - Dixième pièce. (Lettre aux comités de Salut public et de Sûreté générale, sans signature.) « Il a souvent déclamé à la tribune de la Société contre les riches, a traité les Nantais de contre-révolutionnaires, d’égoïstes, a dit que leur ville était le repaire des brigands de la Vendée. » CARRIER : À Nantes, comme partout ailleurs, j’ai parlé contre tous ceux qui n’aimaient pas la révolution ; j’ai parlé en faveur des patriotes partout où m’appelait ma mission. J’ai toujours dirigé mes principaux soins vers le peuple, parce que toujours j’ai eu pour principe que, dans les révolutions, ceux qui ont de la fortune peuvent se tirer d’affaire, et que ceux qui n’en ont pas sont les seuls qui souffrent. Ce sont donc ces derniers qui ont toujours attiré ma sollicitude. Ce qu’il y a ce constant, c’est que tous les prisonniers que nous avons arrachés aux brigands, et j’en ai délivré dix mille, nous ont déclaré que toutes les nouvelles, les brigands les tiraient de Nantes ; qu’ils en avaient aussi tiré des vivres, des munitions, des cartouches. Il est constant qu’il y a toujours eu à Nantes des chefs de brigands. De mon temps, il en est venu quatre dans mon cabinet. Le moyen qu’ils employaient pour entrer dans Nantes était de se déguiser en paysans ; ils suivaient les charrettes que l’on conduisait dans cette commune, et par ce moyen les brigands y entretenaient ainsi des intelligences. Malgré les précautions que je prenais pour tenir nos mesures militaires secrètes, jamais nous n’en avons pu prendre que les brigands de la Vendée n’en aient été instruits. Au 29 juin, à l’époque où Nantes fut attaqué, il est constant qu’il y avait dans Nantes quatre mille repas préparés pour les brigands, et quatre mille drapeaux blancs prêts à être arborés. Première liasse. - Neuvième pièce. (Lettre d’Orieux au Tribunal révolutionnaire, appuyée d’un procès-verbal de la Société populaire de Nantes.) « Il donnait le signal de proscription sur les riches, faisait fouiller leurs trésors et partageait avec ses satellites. Dans les administrations, dans la Société populaire, il provoquait le peuple contre les négociants. » CARRIER : Je le répète, jamais je n’ai établi de ligne de démarcation entre les citoyens. Nous avons, Francastel et moi, pris un arrêté pour empêcher les accaparements ; il s’en faisait beaucoup à Nantes ; mais est-ce là fouiller des trésors ! Les denrées coloniales se vendaient cent fois par jour ; et parce que j’ai pris des mesures pour arrêter l’agiotage et le monopole, peut-on dire que j’ai donné le signal de proscription sur les riches ? Peut-on dire que j’ai partagé leurs trésors avec des satellites ? Mais, si je les avais partagés, j’aurais de la fortune : eh bien, je porte le défi le plus formel de prouver, je ne dis pas que dans tout le cours de ma vie j’aie fait tort d’une obole à quelqu’un, mais que je possède avec ma femme au delà d’un capital de 10 000 L. Puisqu’on m’a fait une inculpation si atroce, il fallait donc dire quels trésors j’avais pillés, avec quels satellites je les ai partagés. Il y a dans l’Assemblée plusieurs de mes collègues qui me connaissent depuis plusieurs années ; je les interpelle tous : qu’ils disent s’ils ne m’ont pas toujours connu d’une probité sévère et austère. J’interpelle les membres de ma députation et ceux de mes collègues qui ont fait à Paris leur droit avec moi. Et quel est l’homme qui fait la déclaration ? C’est un nommé Orieux, ancien pilier de tripot de jeu, à Nantes ; qui jamais n’a eu ni mœurs, ni réputation ; qui, las de traîner une vie errante et vagabonde, s’est fait huissier, et se vend à qui veut l’acheter : c’est un des plus mauvais garnements qui soient sur le pavé de Nantes. Vingt et une liasse. - Sixième pièce. (Déclaration faite par Cousine, ci-devant homme de confiance de Carrier ; n’a su signer.) « Étant à table avec sept ou huit personnes, il a dit qu’il aurait voulu voir Nantes en contre-révolution ; il l’eût châtiée comme il faut. » CARRIER : Cette déclaration est faite par un nommé Cousine, qu’on dit avoir été mon homme de confiance. Je déclare que jamais je n’ai eu d’homme de confiance. Si on a voulu parler d’un nommé Cousin, attaché à mes collègues comme, avant mon arrivée à Nantes, ce qu’on appelait un domestique, certes ce n’est pas là un homme de SÉANCE DU 1er FRIMAIRE AN III (21 NOVEMBRE 1794) - N» 27 31 confiance. Voyez jusqu’où on porte le raffinement de la méchanceté, d’aller lui arracher des déclarations ! Au reste elles ne sont pas authentiques. Il y est dit qu’il ne sait point signer ; elles n’ont été reçues par aucun officier public. Et encore, que signifie le propos qu’on arrache à cet homme ? Il peut bien se faire que j’aie dit : Si Nantes eût été en contre-révolution, je l’aurais châtiée comme il faut ; mais pourquoi aurais-je voulu la voir en rébellion ? Quoi ! pour voir des maux ? Dans toute la ci-devant Normandie, dans toute la ci-devant Bretagne, j’ai fait tout pour y mettre le calme et la tranquillité ; partout je les ai rétablis. Rouen était dans une fermentation qui faisait craindre que le fédéralisme n’y triomphât. Il y a ici des collègues qui m’y ont vu ; qu’ils disent si je n’ai pas tout fait pour approvisionner cette commune et y rétablir les principes. À Caen, à Cherbourg, à Rennes, tous ceux qui m’y ont vu peuvent attester les efforts incroyables que j’ai faits pour y éteindre le fédéralisme. Partout je l’ai éteint. Il y a ici des députés de Port-Malo et de Rennes ; qu’ils disent le bien, oui, le bien que j’ai opéré dans leurs communes ! Et l’on voudrait que je fusse venu à Nantes pour y fomenter la rébellion ! Mon intérêt, comme mon devoir, était de faire le contraire ; d’ailleurs, cette déclaration est encore isolée. Première liasse. - Neuvième pièce. (Lettre signée Orieux, timbrée de Nantes, sans date, adressée au Tribunal révolutionnaire.) « Toutes les familles de Nantes étaient sous l’oppression et dans le deuil : chacun était réduit à une demi-livre de mauvais pain par jour, et Carrier menaçait alors Nantes de la déclarer en état de rébelbon. » CARRIER : C’est toujours Orieux qui parle. Je déclare que, toutes les fois que je me suis trouvé dans les fêtes pubbques, à la Société populaire, partout j’ai vu le peuple m’entourer, être dans la joie et tranquille. À la fête de la reprise de Toulon, après la bataille de Savenay, un peuple immense est venu chez moi ; tout Nantes était dans l’allégresse. Y a-t-il un seul, oui, un seul Nantais qui dise qu’il s’est plaint de moi ; au contraire, tous s’en louaient. C’est au comité révolutionnaire que l’on attribue l’origine de la terreur qu’on prétend qui s’est établie à Nantes. Eh bien ! ce n’est pas moi qui ai établi ce comité. Je n’y suis revenu qu’un mois après son étabbssement. Jamais il n’a reçu de moi d’autre ordre que celui d’arrêter les acheteurs des denrées de première nécessité. Jamais Nantes n’a été réduit à une demi-livre de pain par jour. Pendant six mois cette commune n’a reçu aucun secours du gouvernement. Eh bien, au moyen des réquisitions que j’ai faites par terre et par la Loire, j’ai alimenté cent mille hommes ; toute l’armée attestera ces faits. C’est immédiatement, et peu de jours après mon départ, qu’on a senti les privations. Première liasse. - sixième pièce. (Déposition de Throuard, citoyen de Nantes.) « Carrier a dit un jour : « Comment ce f... comité révolutionnaire travaille-t-il donc ? Cinq cents têtes devaient tomber, et je n’en vois pas encore une. » » CARRIER : Citoyens, le propos que le déclarant me prêtre est d’une fausseté insigne. Il n’est venu qu’une seule fois chez moi, il a été bien reçu. La déclaration, au reste, est isolée. Par qui est-elle faite ? par un individu dont le gendre a été traduit au Tribunal révolutionnaire, sur un ordre de moi. D’ailleurs il a dit avoir entendu ce propos derrière la porte. Eh bien, il y avait entre la porte et le cabinet où je travaillais une pièce où mes collègues et moi avions mis une sentinelle pour empêcher la trop grande affluence. Huitième liasse. (Lettre de Jullien fils, trouvée dans les papiers de Robespierre.) « Une justice doit être rendue à Carrier : c’est qu’il a, dans un temps, écrasé le négociantisme, tonné avec force contre l’esprit mercantile, aristocratique et fédéraliste. » CARRIER : Il me semble que je n’ai rien à répondre à ces faits. Je déclare que ce négociantisme que j’ai écrasé est l’accaparement ; je n’ai jamais voulu entraver le commerce. J’ai dans mes pièces des lettres qui prouvent que j’ai adressé au comité de Salut public différents négociants qui demandaient à aller acheter des grains en Amérique. Onzième liasse. - deuxième pièce. (Arrêté de Carrier ; lettre du conseil permanent de Nantes.) « Il autorise la municipalité de Nantes à disposer de la somme de 183 000 livres pour ses besoins, à la charge de la remplacer par les sous additionnels, ou par une imposition sur les riches de Nantes. Le conseil général de la commune a déclaré ne pouvoir remplacer cette somme, parce que l’imposition n’a pas eu lieu. » CARRIER : J’ai autorisé la commune de Nantes à disposer de cette somme, d’après une pétition signée de la municipalité qui me la présenta. J’ai oublié d’apporter cette pièce. Si la Convention l’exige... BOUDIN : Ce n’est pas là un crime. Plusieurs voix : Non, Non ! Quatorzième liasse. - Première pièce. (Ordre de Carrier au comité révolutionnaire, du 10 pluviôse.) « Carrier a fait arrêter, sans exception, tous les courtiers et tous ceux qui depuis la révolution ont exercé ce métier scandaleux dans l’enceinte de cette commune. » CARRIER : Il est bon que vous sachiez ce que c’est que cette engeance. Ces courtiers étaient partis de Paris pour aller s’établir à Nantes ; ils y ont porté l’esprit de monopole et d’accaparement ; ils vendaient des denrées coloniales jusqu’à cent fois par jour à la hausse et à la baisse. 32 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Ils allaient dans d’autres communes les accaparer, et revenaient dire aux habitants que les denrées avaient manqué. Par ces menées ils les avaient portées à un prix exorbitant. Je donnai ordre au comité révolutionnaire de les arrêter ; je ne crois pas que ce soit un crime. Idem. (Arrêté, de Carrier, du 12 pluviôse.) « Il renouvelle l’ordre au comité d’arrêter sur-le-champ, et sans nulle exception, les acheteurs et revendeurs des denrées de première nécessité, à peine de forfaiture et de complicité avec les accapareurs des premiers besoins du peuple, qui en font un trafic honteux en les vendant au-dessus du maximum déterminé par la loi. Il a fait arrêter tous les interprètes, tous les acheteurs et acheteuses, tous les revendeurs et revendeuses des denrées de première nécessité, sans exception. » CARRIER : Ils allaient, dans les avenues de Nantes, acheter les denrées de première nécessité ; ensuite ils les revendaient aux riches à un prix fort au dessus du maximum. Les artisans et les sans-culottes m’en firent leurs plaintes. Je déclarai que, si l’abus ne cessent pas, je ferais arrêter tous ceux qui le commettaient. Il continua, j’en fis arrêter quelques-uns ; l’abus cessa, et les denrées reparurent. Au reste, si les acheteurs avaient été vexés, croyez-vous qu’ils ne réclameraient pas aujourd’hui ? Aucun d’eux ne se plaint ; c’est donc une preuve que les mesures étaient justes, et qu’il n’y a point eu de vexation. Idem. (Ordre de Carrier, du 11 pluviôse.) « Il s’est fait donner les motifs des arrestations de tous les individus suspects détenus à Nantes, et de ceux qui sont envoyés à Paris. » CARRIER : Je ne crois pas que ce soit là un crime (86). Première liasse. - Cinquième pièce. (Rapport fait au département de la Loire-Inférieure par Proust, officier municipal, et arrêté du département.) « Carrier avait requis des grains, pour la commune de Nantes, sur le district de Saumur. La municipalité de Rozier, par ordre de ce district, avait arrêté les bateaux chargés de ces grains, quoiqu’ils fussent déjà payés ; des commissaires du département de la Loire-Inférieure, accompagnés de deux officiers municipaux et de deux députés du département de la Vendée, viennent chez le représentant du peuple, lui témoigner leur sollicitude sur cet embargo et lui demander de le lever. Carrier reçoit durement et avec mépris cette députation, l’écoute avec impatience, et lui répond que cela ne le regardait pas ; que c’était à eux à écrire au département de Mayenne-et-Loire ; que ses collègues avaient pu donner des réquisitions qui se trouvaient en opposition avec la sienne. La violence de Carrier a été telle que la députation a cru devoir se retirer pour ne pas compromettre sa représentation, (86) Rép., n° 62 indique que cette réflexion est faite par la Convention entière. et peut-être le représentant du peuple lui-même. » CARRIER : Je me rappelle très bien que j’observai à la députation qui vint chez moi, non durement, comme il est rapporté dans la déposition, mais avec beaucoup de calme, qu’il était nécessaire que j’écrive à mes collègues pour savoir le motif de l’embargo mis sur les grains destinés pour Nantes, et m’assurer s’ils n’étaient pas réservés pour l’armée. J’invitai aussi la députation à écrire de son côté au département de Mayenne-et-Loire. Comme la députation insistait pour me faire lever cet embargo, je lui répondis un peu brusquement que cela ne dépendait pas de moi, et elle se retira. Première liasse. - Neuvième pièce. (Lettre d’Orieux.) « Carrier a molesté un juge de paix nommé Malonnières, et a voulu jeter dans le feu son greffier pour n’avoir pas voulu signer une levée illicite de scellés. » CARRIER : Remarquez, citoyens, que c’est toujours cet Orieux qui me dénonce. Je nie le fait. Vingtième liasse. - Seconde pièce. (Déposition de Goulin, membre du comité révolutionnaire de Nantes.) « Il reprochait au comité d’être contre-révolutionnaire, et de ne prendre que des demi-mesures. » CARRIER : Cette déclaration a été faite par un accusé. Je n’ai point tenu le propos qu’il me prête. Il ne signifie rien. D’ailleurs la déclaration d’un accusé n’est d’aucun poids vis-à-vis de la justice. Vingtième liasse. - Deuxième pièce. (Déposition faite au tribunal.) « Il protégeait le comité révolutionnaire, qui a causé tant de maux aux Nantais. » CARRIER : C’est le premier témoin qui a déposé dans le procès qui s’instruit contre le comité révolutionnaire de Nantes, qui a déclaré ce fait ; mais il ne cite aucun acte émané de moi qui prouve la protection que j’accordais à ce comité. Je n’ai donné au comité révolutionnaire aucun pouvoir, aucun ordre ; je le défie d’en produire un seul, si ce n’est celui de faire arrêter les courtiers et les revendeurs. D’ailleurs l’homme qui a fait contre moi cette déclaration est le premier provocateur des arrêtés liberticides qui ont été pris à Nantes. Il est le rédacteur d’un acte coblentzien, par lequel les sections de Nantes déclaraient qu’elles ne reconnaissaient plus la Convention nationale ; qu’elles ne recevraient plus dans leurs murs aucun représentant, et qu’une force armée marcherait sur Paris. Il est aussi rédacteur d’un second arrêté, rédigé dans le même sens. Jugez maintenant, citoyens, quelle foi on peut ajouter au témoignage d’un pareil homme. SÉANCE DU 1er FRIMAIRE AN III (21 NOVEMBRE 1794) - N° 27 33 Huitième liasse. ( Lettre de Jullien fils à Robespierre.) « Carrier est invisible pour les corps constitués, les membres du club et tous les patriotes ; il n’est accessible qu’aux gens de l’état-major. » CARRIER : Il est vrai que, pendant que la guerre de la Vendée a donné les plus grandes craintes, j’ai reçu rarement les citoyens de Nantes ; j’étais occupé, de concert avec les chefs de l’armée et les commandants des ports, à prendre des mesures propres à arrêter les progrès des brigands. Je n’ai jamais voulu prendre, en présence des citoyens de Nantes, des délibérations militaires, parce que je craignais, quoiqu’il y eût dans les administrations d’excellents patriotes, que quelque indiscrétion ne nous nuisît. Les mesures que j’ai prises, de concert avec les chefs de l’armée, valurent à la République dix-huit victoires successives. Première liasse. - Neuvième pièce. (Lettre d’Orieux.) « Il jette de la défaveur sur les trois corps administratifs, en les assemblant pour les traiter de sots et de fripons. » CARRIER : C’est toujours l’huissier Orieux, qui n’a pu même conserver son état, parce qu’il l’exerçait d’une manière scandaleuse, qui m’inculpe. Il prétend que j’ai traité les corps administratifs de fripons ; jamais, non jamais un pareil propos n’est sorti de ma bouche. Plusieurs membres de ces administrations ont été entendus, et aucun n’a déposé contre moi ; s’ils avaient eu à se plaindre de ma conduite, sans doute ils eussent saisi cette occasion, où tout semble se réunir pour m’accabler, pour se venger. Onzième liasse. - Deuxième pièce. (Arrêté de Carrier, du 12 pluviôse, an II.) « Carrier a fait amener devant lui, par la force armée, Champenois, potier d’étain, officier municipal. » CARRIER : Le motif qui m’autorisa à décerner un mandat contre cet homme fut qu’il voulait que je lui confiasse deux cents hommes d’infanterie et cinquante hommes de cavalerie, pour s’emparer, disait-il, de Charette. Je crus voir dans cette demande le projet de faire massacrer nos frères d’armes, et je fis expliquer Champenois. Cet homme vint me demander ensuite communication de ma correspondance avec la Convention nationale ; je la lui refusai. Eh ! quelle confiance pouvais-je avoir dans ce Champenois, qui est perruquier, et qui se flattait de prendre Charette, avec lequel il avait vécu. Tout ceci me donna des soupçons ; je le fis amener chez moi, et le renvoyai après quelques explications. Onzième liasse. - Deuxième pièce. (Arrêté de Carrier, du 16 pluviôse.) « Il l’a destitué de ses fonctions, pour lui avoir parlé en homme libre. » Première liasse.- Quatrième pièce. (Déclaration de Lacour, adjudant général de la garde nationale de Nantes, le 4 vendémiaire, an III.- Lettre de Jullien à Robespierre, du 16 pluviôse.) « Carrier a reçu brutalement et accablé d’invectives Jean-Baptiste Lacour, administrateur du district de Nantes, lorsqu’il vint lui demander, au nom de l’administration, de compléter le nombre de ses membres. Le même jour Carrier a envoyé chercher Lacour, lui a témoigné devant plus de quinze personnes son repentir du mauvais accueil qu’il lui avait fait le matin, disant que sur le rapport de quelques patriotes, il l’avait cru aristocrate, et l’avait destitué, mais que, mieux instruit, il venait de le réintégrer. Il a chargé un secrétaire insolent de recevoir les députations de la société. Il a fait arrêter de nuit, comparaître devant lui, maltraité de coups, menacé de la mort ceux qui se plaignaient devant lui qu’il y eût un intermédiaire entre le représentant du peuple et le club, organe du peuple, ou qui demandaient que Carrier fut rayé de la société s’il ne fraternisait pas avec elle. » CARRIER : Jamais de ma vie je n’ai donné l’ordre à mon secrétaire de recevoir mal les députations de la Société populaire ; au contraire, j’ai recommandé qu’on les entendît toutes les fois qu’il s’en présenterait. On se plaint de ce que j’ai fait arrêter de nuit plusieurs citoyens. Pourquoi Jullien, qui cite ce fait, ne nomme-t-il pas un seul citoyen que j’ai fait arrêter ? Je n’ai fait arrêter que Champenois ; s’il y en avait eu d’autres, ils n’auraient pas manqué de se plaindre. Cinquième liasse. - Première pièce. (Lettre de Lebeaupin, datée de Nantes, du 22 vendémiaire ; copie certifiée par la Société populaire.) « Il a reçu des membres de la Société avec des soufflets, et des officiers municipaux à coups de sabre, lorsqu’ils lui demandaient des subsistances, étant réduits à demi-livre de mauvais pain par jour, et n’étant pas sûrs d’en avoir le lendemain.» CARRIER : Ce Lebeaupin qui a fait cette déclaration doit être connu de mes collègues de Rennes ; je leur demande s’il n’est pas royaliste et contre-révolutionnaire décidé. Il a été obligé de quitter Rennes pour aller habiter Nantes, où il était moins connu. Il se plaint d’avoir reçu des soufflets ; je nie le fait. Les officiers municipaux qu’il dit que j’ai maltraités n’ont fait aucune plainte contre moi. Il dit que les habitants de Nantes étaient réduits à une demi-livre de mauvais pain par jour. J’atteste à la Convention, et toute la garnison de Nantes pourra déposer de ce fait, que, pendant mon séjour dans cette commune, les habitants n’ont souffert aucune réduction dans les subsistances. Ce n’est qu’après mon départ que la disette s’est fait sentir ; et, quant c’eût été pendant le temps que j’y étais, pourrait-on m’en faire un crime ? Je n’ai reçu, pendant six mois que je suis resté à Nantes, aucun secours du gouvernement, excepté un convoi venu de Brest, 34 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE que mon collègue Bréard m’a envoyé. C’est au bon ordre que j’ai établi, et aux subsistances que j’ai tirées de la Vendée, que Nantes a dû son salut. Vingtième liasse. -Neuvième pièce. (Déclaration de témoins, rapportée dans une lettre de l’accusateur public.) « Il n’a jamais voulu écouter ni recevoir les députations que les différents corps administratifs lui envoyaient pour le prévenir de ce qui se passait dans la commune, lui demander des secours en vivres, et lui donner des renseignements sur la guerre de la Vendée. » CARRIER : Je déclare que j’ai constamment reçu chez moi et entendu toutes les députations des corps administratifs et des sociétés populaires ; si ce n’est que, lorsque la guerre exigeait des mesures secrètes, je refusais de les recevoir. Je dois dire qu’alors je ne voulais pas communiquer avec les corps administratifs, parce que tous les renseignements qu’ils m’avaient donnés sur la guerre de la Vendée s’étaient trouvés faux. Troisième liasse. - Deuxième pièce. (Procès-verbal de la Société populaire de Nantes, du 28 fructidor.) « Il a dit à un magistrat qui lui demandait du pain pour sa commune que la sentinelle avait eu tort de ne pas lui passer sa baïonnette au travers du corps. » CARRIER : Comme la calomnie envenime tout ! Il me souvient qu’après avoir passé plusieurs nuits, je prenais quelque repos ; tout à coup le maire de Nantes entre chez moi. Je lui dis : « Pourquoi entres-tu si précipitamment ? » Il me répondit qu’il avait forcé la sentinelle : « Une consigne est sacrée, lui dis-je, et tu t’exposais à ce que le factionnaire te passât son sabre au travers du corps. » Onzième liasse. - Quatrième pièce. (Extrait des minutes déposées au greffe de la municipalité de Nantes, du 25 frimaire, an II.) « A la séance du 25 frimaire de la Société populaire, Champenois, officier municipal, dit que l’armée de l’Ouest dispose des grains destinés à l’approvisionnement de Nantes. Les habitants des Deux-Sèvres et de la Vendée prétendent aussi à ces grains. Champenois fait voir que ces prétentions sont injustes ; il propose d’envoyer trois commissaires chez le représentant du peuple, pour le prier de s’expliquer sur cet objet. » Dix-neuvième liasse. - Pièce unique. (Copie de la lettre du représentant du peuple Carrier, du 23 frimaire, au général Haxo.) « J’apprends à l’instant, mon brave général, que des commissaires du département de la Vendée veulent partager avec ceux du département de la Loire-Inférieure les subsistances ou fourrages qui se trouveront dans Bouin ou dans Noir-moutier. Il est bien étonnant que la Vendée ose réclamer des subsistances, après avoir déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante, la plus cruelle. Il entre dans mes projets, et ce sont des ordres de la Convention nationale, d’enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout, en un mot, de ce maudit pays ; de livrer aux flammes tous les bâtiments, d’en exterminer tous les habitants, car je vais incessamment t’en faire passer l’ordre ; et ils voudraient encore affamer les patriotes, après les avoir fait périr par milliers ! Oppose-toi de toutes tes forces à ce que la Vendée prenne ou garde un seul grain. Fais-les délivrer aux commissaires du département séant à Nantes ; je t’en donne l’ordre le plus précis, le plus impératif : tu m’en garantis, dès ce moment l’exécution. En un mot, ne laisse rien dans ce pays de proscription : que les subsistances, denrées, fourrages, tout, absolument tout, se transporte à Nantes. Signé, le représentant du peuple CARRIER. » CARRIER : Cette lettre, dans le passage même qui semble m’inculper, est conforme aux décrets de la Convention nationale. En effet, pouvions-nous laisser à la disposition des brigands les grains et les fourrages ? Un autre décret porte de livrer aux flammes les bois et les maisons, et d’exterminer les habitants de la Vendée, c’est à dire les brigands ; ce sont les propres expressions de la proclamation de la Convention ; elle porte que les brigands de la Vendée doivent être exterminés avant le 1er d’octobre. J’entends dire, à mes côtés, qu’il y a de la différence entre les brigands et les habitants de la Vendée ; cette différence, je l’ai faite moi-même ; je n’ai jamais poursuivi, de concert avec le général Haxo, que les brigands qui avaient pris les armes contre la République ; et je cite Goupilleau pour garant du fait que j’avance. Si je me suis servi, dans ma lettre au général Haxo, du mot habitants, c’est une mauvaise expression, car je n’ai pu entendre, et je n’ai entendu, en effet, que les brigands pris les armes à la main. D’ailleurs, citoyens, dans la Vendée, où je me suis constamment battu contre Charette, aucune commune ne s’est soumise ; je n’ai donc pu exercer d’actes de rigueur contre les brigands qui se seraient rendus. Plusieurs sont venus se réfugier à Nantes, et j’ai fait la défense expresse qu’on ne les inquiétât en aucune manière. J’ai fait la guerre de la Vendée avec le général Haxo, dont le nom est honorablement inscrit sur la colonne du Panthéon ; aucun reproche n’a été fait à ce général ; comme je ne l’ai jamais quitté, on ne peut donc me faire aucun crime pour mes opérations militaires. Huitième liasse.- (Lettre de Jullien fils, du 16 pluviôse, trouvée dans les papiers de Robespierre.) « Il se dit malade et à la campagne, et l’on sait qu’il est en ville et bien portant. Il a de tous côtés des espions ; les discours sont écoutés, les correspondances interceptées ; on n’ose ni parler, ni écrire, ni même penser : l’esprit public est mort. Il a mis la terreur à l’ordre du jour contre les patriotes ; il rejette leurs avis, comprime leurs élans. » SÉANCE DU 1er FRIMAIRE AN III (21 NOVEMBRE 1794) - N° 27 35 CARRIER : Jullien fils, qui a écrit cette lettre, peut attester lui-même que, quand il est venu chez moi, il m’a trouvé malade et au lit ; sur quarante jours, je n’avais pas dormi vingt heures. Je déclare que de ma vie je n’ai eu d’espions que dans la Vendée, pour connaître la marche des brigands. Pendant le fort de la guerre, on est venu me dire qu’il était prudent d’intercepter les correspondances ; je m’y suis refusé, j’ai toujours respecté le secret des lettres. J’aurais peut-être dû les intercepter à Nantes, car il est prouvé qu’on correspondait avec les brigands ; mais je ne l’ai pas fait. Deuxième liasse. -Première pièce. (Déclaration de Dechartres devant le comité de surveillance de la Société populaire de Tours.) « Un convoi allait partir de Nantes, escorté de quinze hommes seulement. Un volontaire de la section des Gardes-Françaises de Paris observe au représentant du peuple que cette escorte était trop faible. Carrier tire son sabre, il menace de la guillotine. Le convoi partit, fut pris par les brigands ; douze hommes de l’escorte furent tués. » CARRIER : Cette déclaration est faite par un nommé Dechartres. J’observe et j’affirme que, pendant tout le temps que je suis resté à Nantes, pas un seul convoi n’a été enlevé par les brigands. Les convois que je faisais partir de Nantes étaient toujours escortés au moins de trois cents hommes ; toute la garnison attestera ce fait. S’il en eût été autrement, sans doute plusieurs témoins l’eussent déposé au tribunal révolutionnaire ; mais, citoyens, connaissez ce Dechartres : il s’annonçait comme ayant la confiance des brigands ; je vous le demande, citoyens, comment l’eût-il acquise s’il n’eût servi avec eux ? Je n’étais pas à Nantes quand Dechartres dit avoir été arrêté ; j’étais à Cholet, où je battais les brigands qui se portèrent sur Ancenis. Dechartres dit m’avoir parlé le 18 octobre, et à cette époque j’étais à Cholet ; je me rendis ensuite à Nantes ; mais huit jours au moins se sont écoulés pendant cet intervalle. Ce n’est donc pas à moi qu’il a parlé, et qui l’ai fait emprisonner. Deuxième liasse. - Première pièce. (Déclaration du même.) « Un citoyen se plaint de ce que le cuisinier de Carrier s’approvisionnait tous les jours de volailles avant l’heure du marché, à tout prix, et en telle quantité qu’il n’a pu en trouver lui-même pour sa femme, qui était malade. Carrier le fait venir chez lui, le menace de la prison, dont il n’échappe qu’en réclamant le droit de la liberté et de l’égahté. CARRIER : Comme on porte contre moi l’esprit de rage et de méchanceté ! Mes collègues qui sont venus chez moi savent que je ne me mêle pas de ce que je mange. Né dans les montagnes d’Auvergne, j’ai été accoutumé de bonne heure à la frugalité. Première liasse. - Sixième pièce. (Déposition de Throuard, datée de Nantes, le 14 vendémiaire, an 111.) « Throuard se présente avec sa fille devant le représentant du peuple Carrier, pour l’engager à permettre que Dorvo, dont la santé était mauvaise, ne partît pas pour Paris avec les autres prisonniers ; Carrier passa dans une autre chambre, le pétitionnaire l’y suivit ; Carrier prit un chandelier, menaça de l’en frapper, et le mit brusquement à la porte. » CARRIER : J’observe que jamais de ma vie je n’ai commis cet acte de violence. Troisième liasse. - Deuxième pièce. (Procès-verbal de la société populaire de Nantes, séance du 28 fructidor, an II.) « Carrier ne paraissait à la tribune de la Société populaire que la menace à la bouche, et le sabre à la main. » CARRIER : Le sabre à la main ! Jamais de ma vie je ne l’ai mis en pareille circonstance ; quand j’arrivais de l’armée, je l’avais à mes côtés ; j’allais à la Société populaire avant même de descendre chez moi, lui faire part des nouvelles. Première liasse. - Neuvième pièce. (Lettre d’Orieux, et précis des débats du Tribunal révolutionnaire.) « Il ne sortait pas de la banlieue de Nantes. » CARRIER : C’est toujours Orieux qui me dénonce. Si vous pouviez entendre tous les défenseurs de la République qui composent l’armée de l’Ouest, ils déclareraient de quelle manière je me suis montré avec eux dans toutes les occasions ; et la société populaire elle-même a déclaré que j’étais l’un de ceux qui avaient le plus contribué à achever la guerre de la Vendée. Cinquième liasse. - Douzième pièce. (Lettre de Lebeaupin, datée de Nantes, le 22 vendémiaire, an III. Pour copie : Les président et secrétaires de la Société populaire.) « Cinq cents patriotes étant arrivés à Nantes, à huit heures du soir, chassés, ainsi que la garnison de Mortagne, par les brigands, l’officier municipal chargé de distribuer les billets de logement, après s’en être acquitté, alla rendre compte des événements à la Société. Il témoignait son indignation contre ceux qui trompaient la Convention sur la guerre de la Vendée, qu’on croyait éteinte ; et, pour les connaître, la Société envoya des commissaires à Carrier, comme membre de la Société, pour lui demander communication de sa correspondance avec la Convention, qu’il devait sans doute instruire des dégâts que faisaient les brigands, qui journellement égorgeaient les patriotes. L’insolence du secrétaire, la fermeté de l’officier municipal, l’un des commissaires, formèrent une scène violente qui est consignée au procès-verbal de la Société. Le lendemain Carrier vint, le sabre à la main, à la Société, et dit que, si elle ne rapportait pas son procès-verbal de la veille, il allait déclarer Nantes en état de rébellion, et y faire fondre 36 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE soixante mille hommes pour la détruire comme Lyon. Il se retira, fit fermer la Société pendant trois jours, fit porter les registres chez lui, où sans doute il arrangea le procès-verbal. CARRIER : Il y a un faux matériel dans cette déclaration de Lebeaupin. Je vous ai annoncé ce qu’était ce Lebeaupin, un contre-révolutionnaire décidé. Je vous observe qu’à l’époque où Mor-tagne fut repris par les brigands, j’étais rentré dans le sein de la Convention. Jamais je n’ai laissé de subsistances à Mortagne et à Cholet ; je les faisais conduire à Nantes. Il y a un second faux dans cette déclaration. Mon collègue Lequinio était présent à la séance de la Société dont parle Lebeaupin, et je l’interpelle de déclarer s’il est vrai que je m’y suis présenté le sabre à la main et la menace à la bouche ? LEQUINIO : Je me suis trouvé à une séance où l’on reprochait à Carrier d’y être venu avec un sabre, et d’avoir même battu quelqu’un ; mais, dans cette séance, je n’ai rien vu du fait dont il est question. CARRIER : Ainsi le faux témoin est reconnu. Ah ! si les débris de la colonne de Mayence, si tous les braves bataillons qui ont fait la guerre avec moi, entendaient toutes ces horreurs, ils frémiraient d’indignation. Dernièrement j’ai vu un défenseur de la patrie, couvert de blessures, à qui les calomnies qu’on prodigue sur mon compte causaient une telle affliction, qu’il en versait des larmes de sang. Ne voyez-vous pas, citoyens, que ce sont tous faux témoins, tous aristocrates, tous coquins, tous brigands de la Vendée, qui se coalisent contre moi, parce que j’ai terminé cette guerre ; car, je vous le répète, au moment où je quittai ces contrées, il n’y avait pas trois cents brigands armés. Ils n’avaient aucunes munitions de guerre ni de bouche, et aujourd’hui cependant ils en sont bien fournis : qui les leur a données ? Est-ce moi, chétif individu ; moi, vrai sans-culotte, moi bon et brave républicain ? Si vous connaissiez bien les ressources de la Vendée, vous verriez quels sont les motifs du procès qu’on m’intente aujourd’hui. Ce sont les villes voisines qui alimentent les brigands ; ce sont elles qui leur donnent des fusils et des cartouches ; car ce ne peut pas être l’Angleterre, lorsque nous sommes maîtres de l’île de Noir-moutier et de Bouin. Je le répète ; ces Vendéens, qui étaient au nombre de deux cent cinquante mille, qui avaient trois cents pièces de canon portant le nom des frères Périer, dont tous les fusils nous appartenaient ; ces Vendéens ont été détruits, à l’exception de trois cents ; tous leurs canons et fusils ont été repris ou jetés dans la Loire. Qui donc peut leur en avoir donné de nouveaux depuis mon départ ? Tous ceux de nos défenseurs qui avaient été pris par eux, et qui revenaient ensuite, tous les brigands que nous avons attrapés, nous ont déclaré qu’ils tiraient leurs munitions de Nantes ; et c’est parce que je leur ai enlevé tous les moyens de s’en procurer, qu’ils se soulèvent aujourd’hui contre moi. Quant à la suspension de la Société populaire, j’avais pris, avec plusieurs patriotes, le parti de l’ordonner, pour la rétablir de suite. Tout cela fut fait de concert. Onzième liasse. - Première pièce. (Extrait des registres de la société de Vincent-la-Montagne, séance du 20 brumaire, an II. Lettre de Jullien fils à Robespierre.) « Un extrait du procès-verbal de la société de Vincent-la-Montagne, séance du 25 frimaire, présente une autre cause de cette suspension. Un militaire remet sur le bureau un échantillon du mauvais pain qu’on distribuait aux défenseurs de la patrie, et demande la punition du munition-naire. Le général Vimeux reconnaît la mauvaise quahté du pain. Carrier, croyant avoir été calomnié, témoigne son mécontentement, demande le nom de l’orateur qui a soutenu la calomnie. Il dit que le président et les secrétaires lui en répondraient ; qu’ils seraient sur le champ mis en arrestation et la société dissoute. Il ordonne, au nom de la loi, que les registres de la Société seront portés chez lui. Par un arrêté du représentant du peuple, la Société rouvre ses séances le 25, après trois jours de suspension. » CARRIER : C’était un militaire qui avait déserté son poste, et à qui j’ai dit de le rejoindre, parce qu’il devait d’autant moins s’en éloigner qu’il était chef de bataillon : sur le surplus on s’est trompé. Ce n’est pas l’échantillon du mauvais pain qui a donné lieu à la suspension de la Société ; elle avait été convenue avec les patriotes. Vingtième liasse. - Neuvième liasse. (Déclarations de témoins, rapportées dans une lettre de Vaccusateur public.) « On aurait pu s’emparer de Charette et de son état-major, si Carrier eût voulu entendre une députation de la société populaire, qui avait des moyens à proposer, et s’il eût donné deux cents hommes d’infanterie et cinquante de cavalerie. La députation fut très mal reçue et même maltraitée. » CARRIER : Je n’ai jamais maltraité aucune députation ; mais je n’ai pas voulu consentir à donner deux cent cinquante hommes pour prendre Charette, parce que c’eût été les envoyer à la boucherie. Dixième liasse. - Deuxième pièce. (Lettre de la société populaire de Vincent-la-Montagne au représentant du peuple Carrier, du 12 pluviôse, an IL) « La société de Vincent-la-Montagne a envoyé cinq de ses membres auprès du représentant du peuple, pour concerter avec lui les moyens de faire cesser ses inquiétudes sur le sort de la guerre de Vendée. Cette députation est mal reçue par le secrétaire de Carrier, qui lui ferme la porte. Elle avait de grandes mesures à lui communiquer, pour assurer la capture de Charette. SÉANCE DU 1er FRIMAIRE AN III (21 NOVEMBRE 1794) - N° 27 37 CARRIER : Je ne sais ce qui s’est passé entre mon secrétaire et les députés de la Société populaire. Si mon secrétaire ne s’est pas bien conduit, ce n’est pas ma faute. Quant aux mesures qu’on voulait me proposer, c’étaient les mêmes dont il est parlé dans le chef d’accusation précédent. Deuxième liasse. - Première pièce. (Extrait des registres du comité de surveillance de la société populaire de Tours, an III.) « Charles Dechartres, chasseur à cheval du 15e régiment, pris par les brigands au mois d’août dernier (vieux style), s’en est sauvé au 17 octobre suivant, avec Louis-Jean Douillard, Jean Mouardan, officiers municipaux de Saint-Julien de Concelles. Ayant obtenu la confiance des brigands, il était instruit qu’ils se portaient sur Ancenis. Envoyé à Carrier par le département, il l’avertit qu’en envoyant six cents hommes de ce côté-là on ramasserait les traîneurs des brigands, qui ne voulaient pas passer la Loire. Carrier les traita d’imposteurs et d’aristocrates, commanda vingt fusiliers, et les fit mettre séparément dans la prison du Bouffay. Les officiers municipaux sortirent cinq ou six jours après. Dechartres fut mis en liberté un mois après, par jugement de la commission militaire. » CARRIER : Je n’ai point traité cet homme d’imposteur ni d’aristocrate, car je n’étais pas à Nantes, mais à Cholet, au moment où les brigands se portèrent sur Ancenis. Il dit qu’il m’a averti d’envoyer six cents hommes pour ramasser les traîneurs ; mais mon collègue Merlin se porta dans le même temps sur Ancenis avec huit cents hommes, où il atteignit les traîneurs des brigands. Ainsi la mesure dont parle ce Dechartres fut prise par mon collègue. Lorsqu’ils passèrent la Loire à Ancenis, j’étais avec Merlin, qui se détacha de Saint-Florent pour les poursuivre de plus près. J’arrivai à Nantes cinq ou six jours après, et mes collègues Ruelle et Boursault me recommandèrent un homme qu’ils avaient fait arrêter. Il se disait échappé de la Vendée, et prétendait avoir des renseignements très précieux à donner sur les brigands ; mais ses déclarations avaient paru suspectes, et l’on trouvait dans ses poches des cocardes blanches et des ordres donnés par des chefs de brigands. On enveloppa dans la même mesure deux autres hommes. Voilà ce que je connais de cette affaire, et je ne me souviens pas d’avoir jamais vu ce Dechartres. Sixième liasse. - Première pièce. « Le directeur général des charrois ayant été incarcéré, les dénommés cherchent à s’évader ; les chevaux abandonnés meurent dans les dépôts, dans les rues ; les voitures sont éparses, découvertes, brisées ; les subordonnés ne sont pas payés, et crient ; la réunion ne se fait pas. Il fallait porter au mal un remède prompt : l’inspecteur général des charrois militaires se présente chez Carrier pour lui en parler ; son secrétaire le fait mettre à la porte par quatre fusilliers avant d’avoir pu proférer quatre paroles. Carrier, à une seconde visite, dit à l’inspecteur qu’il s’occuperait de cette affaire, mais qu’il voulait prendre du repos, et qu’il se f... de toutes ces régies, qu’il les ferait tous guillotiner quand il s’en occuperait. L’inspecteur a voulu insister ; Carrier l’a menacé de le faire mettre à la porte par les grenadiers de sa garde. » CARRIER : Je parlai à l’inspecteur, ensuite au secrétaire, et tout se termina aimablement. Au reste, on peut entendre l’inspecteur, et il dira que ne sont que des propos qui ont eu lieu entre lui et le secrétaire, et que cela n’était pas de conséquence. Je me plaignis des dilapidations et de la négligence qui avaient heu. J’avais écrit au ministre de m’envoyer des patriotes, des gens sûrs. Je n’en avais pas alors. Je ne pouvais destituer personne sans avoir quelqu’un pour le remplacer. L’inspecteur écrivit à Blondel qu’il vînt à Nantes. Je crois que ce Blondel est employé au comité de Salut public. On pourrait l’entendre pour savoir de quelle manière j’en ai agi avec lui. Aussitôt qu’il me dénonçait des dilapidateurs je les faisais arrêter, et il les remplaçait ; plusieurs même ont été condamnés aux fers. Troisième liasse. - Première pièce. (Arrêté pris à Nantes, le 7 brumaire, an II, signé Francastel, Carrier. « Carrier et Francastel approuvent la formation et l’organisation de la compagnie révolutionnaire, donnent à Joseph Padiolleau le droit de surveiller tous les citoyens suspects de Nantes, les étrangers, ceux qui s’y réfugient, les accapareurs, ceux qui soustrairaient les subsistances et autres denrées nécessaires. Il veillera sur tous les malveillants, les dénoncera au comité, aux autorités constitués et aux représentants du peuple, s’il s’agit de complot contre la liberté. Il arrêtera tout individu dont il croira prudent de s’assurer, et les conduira de suite au comité ; il surveillera tous les conciliabules des ennemis de la révolution, s’attachera à découvrir les assemblées appelées chambres littéraires, arrêtera tous les individus qu’il trouvera assister à ces assemblées. Il exercera ses pouvoirs dans tout le département de la Loire-Inférieure. La force publique obéira aux ordres de la compagnie ou des membres individuels qui la composent. Il fera des visites domiciliaires partout où il le jugera convenable, se fera ouvrir les portes de tous les lieux et appartements qui pourront appeler sa surveillance ; en cas de refiis, Padialleau est autorisé à les faire enfoncer ; en cas de rébellion, il requerra la force armée ; et ceux qui auront opposé la rébellion seront saisis et punis comme rebelles à l’exercice de l’autorité nationale » CARRIER : On nous présenta Padiolleau comme un excellent patriote, comme un homme qui connaissait beaucoup Nantes et les environs. Beaucoup de brigands entraient dans cette ville ; il s’y faisait des accaparements ; l’agiotage était extrême. Nous déléguâmes des pouvoirs à Padiolleau, et ces pouvoirs se bornaient à la surveillance. Comment voulez-vous que dans une ville qui est environnée par les brigands, où ils ont des correspondances journalières, d’où ils tirent tou- 38 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tes les munitions, on n’ait pas besoin d’une surveillance active ? Le peuple manquait de tout ; la disette était extrême. Nous avons cru, Francastel et moi, que nous n’avions d’autre moyen de faire cesser les plaintes du peuple que de donner des pouvoirs à Padiolleau pour rechercher ses ennemis. Treizième liasse. - Deuxième pièce. (Ordre de Carrier au comité révolutionnaire de Nantes, le 30 brumaire, an II.) « Carrier accorde à chaque membre de la compagnie révolutionnaire, dite Marat, la somme de 10 L par jour ; ordonne au quartier-maître de payer à la fin de chaque décade. » CARRIER : Je ne vois pas où est le crime de cette disposition. Treizième liasse.- Troisième pièce. (Arrêté de Carrier, du 8 frimaire, an IL) « Le représentant du peuple Carrier subordonne entièrement à la surveillance du comité les opérations de la compagnie révolutionnaire ; enjoint à tous les membres de cette compagnie de ne faire aucune arrestation, aucune descente, sans un réquisitoire signé de trois membres au moins du comité. CARRIER : C’est un surcroît de précautions que j’avais prises, afin de ne pas être trompé par les membres de cette compagnie, dont on m’avait garanti le patriotisme, mais que je ne connaissais pas. Quatrième liasse. - Première pièce. (Arrêté du comité révolutionnaire, du 24 brumaire, an II ; signé Grandmaison, Goulin, Richelot, confirmé le 6 brumaire [?] par Carrier.) « Carrier confirme un arrêté en neuf articles, du comité révolutionnaire de Nantes, qui a pour objet de faire arrêter et conduire à Paris toutes les personnes soupçonnées d’avoir trempé dans un complot qui se tramait à Nantes contre les administrateurs, les représentants du peuple et tous les républicains ; ce complot a été découvert par des écrits saisis sur des brigands. » CARRIER : Effectivement on me fit voir des lettres prises sur les brigands, qui constataient qu’il y avait eu des complots à Nantes contre les autorités constituées et le représentant du peuple... (On remarque que la voix de Carrier s’affaiblit.) BERNARD (de Saintes) : Personne de nous ne veut juger cette cause sans être instruit des faits et des réponses de Carrier. Je n’entends rien de ce qu’il dit ; sans doute que la fatigue de cette longue séance ne lui permet pas de parler plus haut. Nous ne voulons pas mettre de précipitation dans cette affaire. Carrier est gardé à vue ; il ne s’échappera pas ; je demande que la séance soit continuée à demain ; je demanderais même que les faits imputés à Carrier fussent imprimés à mi-marge, avec ses réponses à côté. (Murmures.) Comme il me paraît qu’on ne veut pas adopter cette deuxième proposition, je me borne à la première. MONESTIER (du Puy-de-Dôme) : J’appuie aussi la première proposition seulement. Cette proposition est décrétée (87). L’accusé, après avoir parlé pour sa défense pendant plusieurs heures, observe qu’il est extrêmement fatigué, et que sa voix s’éteint. La Convention nationale lui permet de prendre quelques instants de repos. Après une demi-heure il reprend la parole pour continuer. Un membre [BERNARD (de Saintes)] observe que de sa place, il ne peut plus entendre l’accusé, sans doute fatigué d’une très longue séance ; qu’il importe cependant que chacun entende ses réponses; il demande que la Convention ajourne à demain midi la continuation de la discussion, attendu qu’il seroit absolument impossible de la terminer dans la séance, puisque l’accusé n’est pas encore à la moitié de sa défense. La Convention adopte cette proposition ; en conséquence la séance est levée, et le représentant Carrier reconduit à sa maison sous la garde de ses gendarmes (88). Séance levée à neuf heures du soir (89). Signé, LEGENDRE, président , GUIMBERTEAU, MERLINO, THIRION, DUVAL (de l’Aube), secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, GUILLEMARDET, J.-J. SERRES, CAA. B LAD, secrétaires (90). (87) Moniteur, XXII, 564. Rapporteur Bernard (de Saintes) selon C*II, 21. (88) P.-V., L, 10-11. (89) P.-V., L, 11. Moniteur, XXII, 564 indique sept heures et demie. (90) P.-V., L, 11.