197 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.] Les membres du département de Paris sont introduits à la barre. M. de La Rochefoucauld, au nom de la députation. Messieurs, nous ne vous retracerons pas les événements qui se sont passés hier. Le directoire, dans ces circonstances, a cru devoir convoquer le conseil du département ; mais, en prenant cette mesure extraordinaire, il a cru devoir en prendre une autre pour éclairer les citoyens. Nous allons vous donner connaissance de l’arrêté que le directoire a pris hier à cet effet. M. Pastoret, procuretir général syndic , lisant : « Extrait des registres des délibérations du directoire du 18 avril 1791. « Sur le rapport de M. le procureur général syndic, le directoire arrête que les sections seront convoquées par la municipalité, pour délibérer sur la question qui suit l’exposé ci-après. « Le roi avait projeté d’aller aujourd’hui à Saint-Cloud. Un grand nombre de citoyens, craignant que les ennemis du bien public n’osassent abuser de son nom pour donner de la force à leurs manœuvres anticonstitutionnelles, sont allés le prier de ne pas partir. « M. le maire etM. le commandant général ont craint que le roi ne parût forcé dans ses volontés. Us lui ont déclaré qu’il ne cesserait en aucun moment d’être libre et que, s’il persistait à vouloir se rendre à Saint-Cloud, tous les moyens publics seraient employés pour favoriser sou départ. Le roi a craint le trouble; il n’a voulu exposer ni le peuple, ni la garde nationale; il s’est décidé à rester. « Le directoire s’cst décidé de la manière suivante : « Les sections sont invitées à donner leur avis sur la question suivante : « Faut-il, dans ces circonstances, prier le roi d’exécuter son premier projet, qui était d’aller à Saint-Cloud, ou bien faut-il le remercier d’avoir préféré de rester pour ne pas exposer la tranquillité publique? La municipalité, autorisée par le département, demande, sans aucun délai, une réponse oui ou non à cette question. « Le directoire arrête en même temps que le conseil du département sera immédiatement convoqué pour ce soir 6 heures, pour délibérer sur l’état présent des choses. Extrait des registres des délibérations de l'assemblée du département de Paris, du lundi 18 avril 1791. « Sur l’exposé, fait par le directoire au conseil assemblé, des faits énoncés dans son procès-verbal de ce raati'i,le conseil approuve les mesures prises par le directoire et la convocation des sections qu’il a donnée. » Arrête : « Qu’il sera présenté sans délai une adresse au roi pour le prier d’éloigner de sa personne les ennemis de la Constitution, qui cherchent à le tromper par des conseils perfides ; qu’il sera fait une adresse aux citoyens pour les éclairer sur leurs véritables intérêts ; les prévenir contre les insinuations dangereuses des ennemis du bien public; leur rappeler les principes d’ordre et le respect pour la loi qui conviennent à un peuple libre ; et qu’en même temps les membres du département et les officiers municipaux seraient invités à se répandre dans leurs sections respectives pour y retracer ces principes. « Que le département se rendra demain en corps à l’Assemblée nationale pour lui donner connaissance des faits qui se sont passés aujourd’hui et des mesures qu’il a prises pour en prévenir les suites. » M. le Président. L’Assemblée a entendu le compte que vous venez de lui rendre pour l’exécution des lois et le maintien du bon ordre, et eUe vous en témoigne sa satisfaction. Plusieurs membres : Accordez-leur les honneurs de la séance. Plusieurs autres membres : L’ordre du jour l (. Murmures à droite.) (La députation se retire.) M. de Cazalès. L’Assemblée nationale... ( Vives interruptions.) Un grand nombre de membres : L’ordre du jour ! M. le Président. A l’ordre ! Messieurs. ( S’adressant à M. de Cazalès). Attendez, Monsieur. M. de Cazalès. M. le Président n’a pas le droit de me refuser la parole quand je demande à combattre la motion de l’ordre du jour. M. Regnaud {de Saint-Jean-d'Angêly.) Je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur la proposition d’accorder la séance au directoire. M. de Cazalès. J’insiste pour avoir la parole contre l’ordre du jour. M. le Président. Je mets aux voix si on entendra M. de Cazalès. (L’As.-emblée décide qu’elle n’entendra pas M. de Cazalès.) M. de Cazalès. L’Assemblée a fait ce qu’elle n’avait pas le droit de faire ; je persiste à demander la parole. M. de Faucign j-Lucinge. Je demande qu’il soit fait mention dans le procès-verbal, que l’on a refusé la parole à M. de Cazalès. M. de Cazalès. J’appuie la motion et je demande qu’on y ajoute que j’ai dit que i’Àssem-blée n’était pas délibérante. M. Prieur. C’est à la réfaction du procès-verbal que se porte votre observation. M. de Cazalès. Je demande à M. Prieur comment une Assemblée, qui ferme une discussion sans avoir entendu un membre qui réclame la la parole et quand la discussion n’est pas commencée, est une assemblée délibérant'1. La suite de la discussion sur l'organisation de la marine est reprise. M. Referuioiï. Il s’agit maintenant de lixer le rang dans lequel seront appelés les aspirants, 198 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 avril 1791. J lorsqu’ils n’auront pas obtenu au concours le grade d’officier. Voici l’article que nous vous proposons : Art. 20. * Lorsque les aspiranls de la marine, qui n’auront point obtenu le concours, seront appelés au secours de l’Etat, ils ne prendront rang dans les vaisseaux qu’à la suite des aspirants entretenus de la même classe qu’eux. L’ancienneté comptera entre les aspirants entretenus du moment qu’ils auront été reçus aspirants. » {Adopté.) M. de Rochebrune. Je demande, Monsieur le Président, que les aspiranls qui auront fait trois années de navigation ne se trouvent pas, après ce temps, embarrassés pour faire la quatrième; mais qu’il y ait un article qui dise que les bâtiments de commerce ou les bâtiments de guerre seront obligés d’en prendre un ou deux jusqu’à ce qu’ils puissent trouver les moyens de compléter leur quatrième année. M. Defermon. Il est dans l’esprit de tous les membres de l’Assemblée de procurer à tous les citoyens les moyens de se perfectionner dans leur état; mais j’observe à l’Assemblée qu’adopter l’amendement qui vient d’être proposé, ce serait accorder le privilège particulier d’être toujours embarqués ou sur les vaisseaux de commerce ou sur les vaisseaux de l’Etat. Je ne vois donc pas qu’on puisseadopter la proposition du préopinant, et je demande qu’on passe à l’ordre du jour. M. Eavenue. Je crois que c’est vouloir faire revivre les anciennes idées que l’on avait sur la distinction qu’il fallait mettre entre la marine militaire et la marine marchande. Je demande donc la question préalable. M. Malonet. J’insisterais sur l’amendement si je le regardais comme un secours suffisant pour les élèves que vous venez d’instituer; mais je suis loin de trouver dans cet article une issue convenable. Je demande au comité, ou à son rapporteur, de vous expliquer ce que deviendra le grand nombre d’élèves dont le calcul nous est dérobé. Vous avez voulu faire des élèves comme une condition de votre système militaire naval, c’est-à-dire qu’en trois ans il y ait plus de trois cents élèves pour recrutement du corps militaire. Or le corps militaire sera composé de 1,000 officiers ; son remplacement par année, en temps de paix, sans calculer les malheurs de la guerre, ne peut pas aller au delà de vingt-cinq. Quelle sera la perspective de ce grand nombre d’élèves? Qu’est-ce que vous allez donc faire? Je demande au comité de s’expliquer, et je prie M. de Cham-pagny de me permettre, malgré la profonde estime dont je fais profession pour lui et pour ses talents et pour ses connaissances, de lui reprocher de s’être relâché... Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah ! ah ! M. Malouet. Vous vous êtes privés d’un principe conséquent, vous en aviez un qui pouvait être soutenu. Je vous l’ai dit : il ne vous fallait point d’aspirants, il ne vous fallait point d’élèves. M. Ee Grand. Messieurs, j’aperçois clairement et nettement, par la tournure que prend cette délibération, qu’en détruisant tous les privilèges, vous en laisseriez subsister un, et c’est celui des côtes maritimes contre les provinces de la Méditerranée. Prenez garde que tous les enfants de marchands et d’armateurs trouvent facilement leur quatrième année à faire sur les vaisseaux parce qu’ils la feront sur les vaisseaux de leurs parents, de leurs amis. Les jeunes gens de l’intérieur se trouveront tour à tour expulsés de tous les vaisseaux marchands. J’insiste donc sur l’amendement de M. de Rochebrune, et je demande qu’il soit mis aux voix. M. Dupont. Il est extrêmement constitutionnel d’accoutumer notre jeunesse à servir alternativement dans un grade supérieur et un grade inférieur au service du public, ou au service particulier. Chez les Romains, Scipion l’Africain en a donné l’exemple, et nous sommes dignes de l’imiter. Il faut que les jeunes gens s’accoutument à se soumettre au service particulier, au service de l’Etat et vice versa, sans aucune difficulté. Voilà l’esprit de la Constitution. M. Gualbert. J’observe à l’Assemblée que c’est créer un privilège pour les armateurs, car il faut absolument que l’élève, pour être admis au concours, ait les 4 ans de navigation; en conséquence, s’il ne peut pas trouver à faire son complément, nécessairement il ne peut pas être admis au concours. Il en résultera que l’armateur qui voudra favoriser ou son fils ou son parent, lui fera achever sur un de ses bâtiments les 4 années de navigation, pourra le présenter au concours, et dès lors les autres en seront exclus. Je demande que l’Assemblée prenne des mesures pour procurer aux élèves le moyen de faire leurs 4 années de navigation, et que ce soit, si l’on veut, sur les bâtiments de l’Etat. M. Martineau. D’après les observations qui ont été faites par les différents préopinants, je crois que l’on n’a pas une idée juste de l’amendement proposé. On vous demande d’obliger les armateurs à choisir, parmi les 300 élèves, un élève qui leur conviendra; seulement leur choix sera limité à un certain nombre. Par là, vous fournirez à tous vos élèves le moyen de compléter leur temps de navigation et en même temps de perfectionner leur instruction. J’insiste donc sur l’amendement. M. Defermon. Tout ce que l’on dit à l'appui de l’amendement ne porte que sur la supposition qu’on n’aura pas la faculté de naviguer; mais cette supposition est fausse : vos décrets et les faits militent contre elle et la détruisent. J’invoque la question préalable contre l’amendement. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président met aux voix la question préalable. (Après une première épreuve déclarée douteuse, l’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Rochebrune.) M. Ea Ville-Eeronx. Je propose comme amendement que les élèves qui seront reçus sur les vaisseaux de commerce y soient reçus comme passagers ou y soient reçus à leurs frais, à moins d’y faire une fonction quelconque pour laquelle ils seront payés comme les autres travailleurs. M. Ee Chapelier. Mon amendement est le