[Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] RH CAHIER De rassemblée du tiers-état de la ville de Paris, du district, de Saint-Louis-de-la-Culture , commencé le mardi 21 avril 1789 au soir (1). Le vœu de cette assemblée est : Que dans la prochaine assemblée des Etats généraux on opine par tête et non par ordre; que les voix soient recueillies alternativement dans les trois ordres, de manière qu’en commençant par prendre l’avis d’un membre du clergé, on prenne ensuite celui d’un membre de la noblesse, et enfin celui de deux membres du tiers-état, et toujours dans le même ordre alternatif. Que les bases de la constitution soient établies et scellées. Qu’il soit reconnu que l’état est monarchique, que la couronne est héréditaire en ligne masculine par ordre de primogéniture, et que la régence est dative aux mâles seulement. Que la majorité du roi soit réglée. Qu’il soit reconnu que le pouvoir législatif appartient à la nation et le pouvoir exécutif au Roi. Que les troupes doivent serment de fidélité à la nation comme au Roi. Que les ministres sont responsables envers la nation comme envers le Roi. Qu’aucun impôt ni subside ne peuvent être établis que par la nation, à laquelle seule il appartient d’en déterminer la durée. Que le retour périodique des Etats généraux soit assuré de manière qu’ils aient lieu tous les trois ans. Que la forme de la convocation, le nombre des électeurs et députés, l’organisation des assemblées et le régime des délibérations soient déterminés, dans la prochaine tenue, d’une manière invariable. Que le tiers-état ne puisse jamais être représenté que par des membres choisis dans son ordre. Que dans toutes les provinces du royaume il soit établi des Etats provinciaux, chargés de veiller à toutes les parties de l’administration, et particulièrement à la répartition des impôts. Qu’il y ait une assemblée particulière chargée des mêmes objets pour la ville de Paris et ses faubourgs. Que la dette nationale soit reconnue et consolidée. Qu’il soit établi une caisse d’amortissement, dans laquelle seront versés tous les fonds destinés aux remboursements, sans que ces fonds puissent être employés à aucun autre usage. Que les domaines de la couronne soient déclarés aliénables à perpétuité. Que la liberté individuelle, la liberté civile et la liberté religieuse soient assurées. Que la liberté de la presse soit consacrée, sous l’obligation, de la part de l’auteur, de signer, et de la part de l’imprimeur, de garantir la sincérité de la signature. Que les propriétés soient sacrées, et qu’on n’y puisse porter aucune atteinte, pas même pour cause d’intérêt public, sans estimation à l’amiable ou légale, et sans payement effectué. Qu’on supprime tous les impôts actuels, et qu’on y substitue un impôt territorial en argent et une capitation. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Corps législatif. Que ces nouveaux impôts frappent également, et dans une juste proportion, sur toutes les personnes et sur tous les biens sans distinction. Que tous les privilèges et exemptions pécuniaires, ou tendant à affranchir de quelque charge, soient supprimés. Qu’il ne puisse être établi aucun impôt que pour un temps limité, lequel temps expiré, l’impôt cessera de droit. Que toutes les dépenses des différents départements soient réglées. Qu’il soit fait une révision des pensions et des causes pour lesquelles elles auront été accordées. Qu’il y ait un fonds déterminé pour les pensions dans chaque département, sans qu’il puisse jamais être rien accordé au delà du fonds destiné, pas même à titre de survivance. Qu’il soit publié tous les ans une liste nominative des pensions accordées pendant l’année, avec mention des causes pour lesquelles elles auront été accordées. Que ces pensions, ainsi que les appointements militaires et civils, soient susceptibles d’oppositions et saisies. Suppression absolue de tous les gouverneurs et commandants, et de tous les intendants de province. Abolition de la milice et de la corvée. Suppression de toute servitude personnelle et de tout droit de mortaillabilité, à la charge toutefois d’une indemnité. Abolition de tout privilège exclusif. Suppression de tous privilèges dans les corps et communautés, et notamment dans les trois corps de la médecine. Suppression de toutes les justices seigneuriales qui ne ressortissent pas nûment aux parlements, sauf à indemniser les seigneurs s’il y a lieu. Faculté de racheter les droits seigneuriaux, de banalité et de corvée. Que la vénalité des charges de magistrature soit abolie. . Qu’il soit procédé à la réformation des lois civiles et criminelles. Qu’il n’y ait point de distinction dans la manière de juger et de punir les criminels nobles ou roturiers. Que la peine prononcée contre un membre d’une famille ne soit point un obstacle à l’admission des autres membres de cette famille dans aucun ordre, grade, charge ou emploi. Que la confiscation soit abolie. Que le tiers-état soit admissible dans tous les grades militaires et dans toutes les charges de magistrature, et qu’il puisse être élevé à toutes les dignités ecclésiastiques. Suppression du droit de franc-fief. Qu’il n’y ait qu’un poids et qu’une mesure. Que le traité de commerce avec l’Angleterre soit examiné. Que les Etats généraux s’occupent d’établir une bonne législation sur le commerce des grains. Qu’il soit pourvu d’une manière honorable à la subsistance des ecclésiastiques attachés aux paroisses. Que tous les ecclésiastiques bénéficiers soient tenus de résider dans le lieu de leur bénéfice, et qu’ils ne puissent jamais en posséder plusieurs à la fois. Qu’aucun ecclésiastique ne puisse jamais être admis dans le ministère. Qu’il ne soit plus accoraé ni arrêt de surséance ni sauf-conduit. Abolition de toutes les capitaineries. 312 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES P Suppression de toutes les loteries et maisons de jeux. Réformation du régime actuel de la municipalité de la ville de Paris. Suppression de toutes celles des charges de ladite municipalité qui ne tiennent point au contentieux, sauf les indemnités. Que le prévôt des marchands et échevins et conseillers de ville soient nommés par des notables bourgeois, choisis dans chaque quartier de la ville, sans que la naissance dans la capitale puisse être considérée comme une condition nécessaire pour l’admission (1). Que nulle charge ou commission ne puisse donner la noblesse héréditaire, ni même personnelle. Que les collèges de plein exercice soient distribués dans les différents quartiers de la ville de Paris. Qu’il soit établi dans cette même ville un bureau général pour la conservation des hypothèques sur les immeubles réels et fictifs dans toute l’étendue du royaume, sans cependant qu’il en résulte l’extinction des différents bureaux particuliers, et que ce bureau général soit tellement constitué, que l’opposition qui y sera formée conserve l’hypothèque du créancier sur tous les biens de son débiteur, dans quelque partie du royaume qu’ils soient situés. Que le prêt par obligations ou billets puisse produire intérêt. Qu’il soit établi une banque nationale dont l’in-lluence se fasse sentir dans toute l’étendue du royaume, et qui soit sous la protection immédiate des Etats généraux. Que les compagnies fiscales soient supprimées, en pourvoyant, d’une manière certaine, au remboursement de leurs avances. Que la perception des droits soit faite directement pour le compte de la nation, et que ceux qui seront chargés de la suite de ces perceptions soient comptables de leur conduite aux Etats généraux. Que l’on accorde des facilités au commerce pour le payement des droits, s’il en est conservé, sauf aux États généraux à statuer sur les mesures à prendre pour la sûreté des crédits qui seront faits. Que la destruction des murs de Paris soit faite incessamment. Que le boulevard Saint-Antoine soit continné, et que, pour l’avantage du commerce et la communication des boulevards, et qu’avant de s’occuper d’aucune autre entreprise publique, il soit construit un pont vis-à-vis le Jardin du Roi. Enfin que tous les bâtiments de la Bastille soient détruits, et que sur les ruines de cette prison d’Etat, il soit élevé, à la gloire de Louis XVI, un monument en reconnaissance de la convocation des Etats généraux et du recouvrement de la liberté publique. L’assemblée a cru devoir terminer ici ses demandes, en regrettant que les bornes étroites du temps ne lui aient pas permis d’y donner plus d’étendue, et de les présenter avec plus d’ordre ; elle déclare, au surplus, qu’elle se repose sur le zèle, les lumières et l’intégrité des électeurs et des personnes qui seront choisies pour représenter la nation aux Etats généraux. Arrêté en l’assemblée, le 22 avril 1789, à six heures du matin. (1)11 y a eu différentes réclamations contre la dernière partie de cet article, et particulièrement de la part du président de l’assemblée. ELEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] Signé Deyeux, président élu, et Türiot de la Rosière, secrétaire-greffier élu. CAHIER De l'assemblée partielle du tiers-état de la ville de Paris, séante en Véglise de Suint-Nicolas-des-Champs (1). Aujourd’hui mardi 21 avril 1789, en l’assemblée convoquée par affiches, en exécution des mandements de MM. les prévôt des marchands et échevins, le sieur Pierre Rousseau, se disant nommé par commission spéciale en date du 18 de ce mois, par mesdits sieurs prévôt des marchands et échevins, à l’effet d’assembler les habitants domiciliés dans l’arrondissement du premier district, quartier Saint-Denis, en l’église de Saint-Nicolas-des-Champs , lieu de réunion de l’assemblée desdits habitants, tous nés Français ou naturalisés et âgés au moins de vingt-cinq ans, et lesdits habitants s’étant assemblés audit lieu pour obéir aux ordres du Roi portés par les lettres données à Versailles le 8 mars dernier pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement arrêté par Sa Majesté le 13 du présent mois, ainsi qu’à l’ordonnance y relative desdits sieurs prévôt des marchands et échevins, et après avoir justifié de leurs droits d’admission en ladite assemblée et de celui de voter pour le choix des électeurs dudit district Saint-Denis, ont déclaré avoir une parfaite connaissance de tout ce qui est contenu audit règlement, ainsi que dans les-dites lettres du Roi, tant par la lecture qui en a été faite par M. Bon Maximilien-Thomas, avocat en parlement, choisi par ledit sieur Rousseau pour greffier, que par les publications antérieures et affiches ci-devant mises. Après quoi ledit sieur Rousseau, assisté de MM. Etienne-Innocent Ghavet, conseiller du Roi, notaire à Paris, y demeurant, rue Saint-Martin ; Toussaint-Nicolas Garnier, aussi notaire à Paris, rue Saint-Martin; Jean Maugé, procureur au châtelet, susdite rue Saint-Martin ; Claude-Louis Du-lion, procureur en la chambre des comptes, demeurant aussi susdite rue Saint-Martin, qu’il avait choisis pour scrutateurs parmi les personnes notables dudit district, ayant procédé à la vérification du nombre des personnes présentes en ladite assemblée, et après avoir constaté, par l’énumération exacte des billets, qu’il y avait trois cent quarante-trois votants, ledit sieur Rousseau a alors annoncé que la nomination des électeurs devait être fixée au nombre de quatre, à raison d’un sur cent personnes présentes, de deux, de cent à deux cents, conformément à l’article 18 dudit règlement , et qu’en conséquence, lesdits habitants devaient inscrire sur leurs feuilles imprimées qui leur avaient été remises en entrant, par le préposé à cet effet, les noms des quatre personnes du district, tant absentes que présentes, qui leur paraîtraient les plus dignes de les représenter à titre d’électeurs. Cette déclaration faite et chacun ayant repris sa place, il a été fait une motion tendante à protester contre le règlement : 1° en ce qu’il fait de la commune de Paris un partage qui tend à la détruire, et à rendre illusoire la double députation qui a toujours appartenu à la ville de Paris ; en ce que, par des distinctions nouvelles entre les (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque impériale.