ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1789.] 46 [Assembtée nationale.] De nouveaux avis, de pressantes, d’itératives sollicitations me persuadent que mes commettants croient nécessaires et très-urgent de la renouveler. Pressé entre ma soumission à leurs volontés et 1a crainte d’importuner l’Assemblée, j’ai pris le parti de mettre chacun de ses membres à même de juger si ma demande mérite attention ou ajournement. 2e ANNEXE. Rapport fait au comité des domaines, le 13 novembre 1789, sur les domaines de la Couronne par M. Ènjubault de Laroche, l'un des membres du comité (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, le temps qui répand les lumières, perfectionne aussi les lois : celles qui régissent les domaines de la Couronne ont subi des révolutions fréquentes, qui jettent sur cette matière une assez grande obscurité. Pour bien connaître cette branche essentielle de notre législation, il faut en rechercher l’origine, en étudier les variations en suivre les progrès. C’est la tâche que vous m’avez imposée. Les détails où je vais entrer sont arides et rebutants. Je compte sur votre attention, parce que la matière est importante ; et j’implore votre indulgence, parce que je connais la faiblesse de mes moyens. Les rois de France ont eu, dès l’établissement de la monarchie, des domaines considérables. Les Francs, conquérants des Gaules, s’emparèrent d’une portion du territoire des peuples vaincus. Toute l’armée victorieuse prit individuellement une part plus ou moins grande à cet intéressant partage; et l’on juge bien que celle du chef de la nation fut relative à la dignité et aux charges qu’il avait à soutenir (2); aussi le produit des domaines royaux, joint à quelques perceptions accessoires, a-t-il longtemps suffi aux dépenses ordinaires de la souveraineté. Ces précieux domaines qui formaient toute la richesse de l’Etat, n’étaient cependant pas considérés alors comme inaliénables. Les rois mérovingiens, entourés de guerriers exigeants et farouches, de prélats ambitieux (3), de courtisans avides, détachaient chaque jour des portions considérables de leurs domaines, qu'ils conféraient à litre de bénéfice. Ces dons multipliés furent (1) Le Moniteur n’a pas inséré le rapport de M. En-jubault de Laroche. (2) Rien ne nous instruit, dit l’abbé Mably,dela manière dont ils acquirent des terres... Le silence de nos lois et de Grégoire de Tours permet de conjecturer qu’ils se répandirent sans ordre dans les provinces.... et qu’ils s’emparèrent sans règle d’une partie des possessions des Gaulois.... chacun.... suivant son avarice, ses forces ou le crédit qu’il avait dans la nation. (3) Les rois mérovingiens ne levaient d’abord aucun impôt ; la guerre se défrayait elle-même, et les rois de la seconde race, les premiers mémo de la troisième, n’établissaient des subsides, avec le consentement de la nation, que lorsque quelque grande expédition militaire ou quelque événement imprévu les forçait à des dépenses extraordinaires. Le prince eut pour subsister, dit l’auteur déjà cité, ses domaines, les dons libres de ses sujets, les amendes, les contiscalions et les autres droits que la loi lui attribuait : Aiebat (1 Ihilpericus ) plerumque : ecce pauper re-mansit fiscus noster : divitiæ nostræ ad ecclesias sunt translatée: nulli penitùs nisisoli episcopi regnans, etc. Grec. Tur. d’abord amovibles à la volonté du donateur : ils furent ensuite conférés à vie, et la commune opinion est que le traité d’Andelaw ou d’Andely entre Childebert et Contran les rendit héréditaires. Celui de Paris consomma bientôt après celte grande révolution. La prodigalité des rois eut bientôt épuisé leurs possessions territoriales, et les Francs loin de contester au monarque le droit de les aliéner, cherchèrent à faire imprimer le sceau de la loi (1 ) à ces dissipations ruineuses. Le traité dont on vient de parler fut l’ouvrage des grands du royaume. Ils allèrent jusqu’à forcer les deux rois français à rétablir dans leurs bénéfices ceux qui en avaient été dépouillés (2). Ces rois privés de leurs domaines perdirent leur puissance avec leurs richesses. Les maires du palais profitèrent de cet affaiblissement et ne leur laissèrent que le vain titre de roi. Le trône même fut vacant pendant un assez long intervalle, sous le gouvernement de Charles-Martel (3) et son Fils Pépin dicta bientôt après à levêque de Rome (4) cette fameuse réponse par laquelle ce pontife disposa du trône, en déclarant qu’il convenait que le titre et la puissance fussent réunis sur la même lête. Charlemagne dont le caractère moral porte toujours l’empreinte de la véritable grandeur, gouverna ses domaines avec une attention digne du citoyen le plus économe. On trouve, dans un de ses capitulaires, un compte exact de son administration domestique. Les détails où il daignait descendre et qu’il partageait avec l’impératrice, paraîtraientaujourd’hui minutieux et presque vils. (1) Le traité d’Andely passé entre les rois français avec le concours des grands de la nation, et réglant les propriétés particulières, doit sous ce rapport être considéré comme une loi civile. (2) Les maximes du droit public étaient alors absolument méconnues : le royaume se partageait comme une grande terre ; le monarque en détachait des portions, comme on a démembré depuis un simple fief. Les bénéfices, dit l’abbé Mably, que les rois mérovingiens donnaient à leurs leudes, furent incontestablement des terres qu’ils détachèrent des domaines considérables qu’ils avaient acquis par leurs conquêtes, et dont ils se dépouillèrent par pure libéralité, pour récompenser les services de leurs officiers, ou les complaisances de leurs courtisans. Remarques et preuves sur l’histoire de France et l’esprit des lois. (3) C’était un grand homme que Charles-Martel : il avait des talents supérieurs, de grandes lumières, et quelques vertus; ruais il était austère, dur, même cruel, et excessivement ambitieux. Il voulait être craint : pour se faire redouter, et pour exécuter ses vastes projets, il lui fallait des troupes affectionnées. Il les combla donc de bienfaits, et, comme les domaines de la couronne étaient dissipés, anéantis, il s’empara des biens ecclésiastiques, et il partagea entre ses soldats les richesses immenses que le clergé avait pieusement amassées. Plus habile et plus prévoyant que les rois mérovingiens, dont la chute avait fait remarquer les fautes, il ne fit ces dons qu’à la charge de rendre au bienfaiteur des services militaires et domestiques ; de là ces bénéficiers furent appelés vassaux : le mot vassal dans la langue de ces temps reculés signifiait un officier domestique. Ceci nous conduit naturellement à observer que c’est à ces nouveaux bénéfices, et non à ceux de la première race qu’il faut attribuer l’origine des fiefs. Celte source, comme l’on voit, n’a pas été extrêmement pure ; la féodalité, cet aliment de la vanité française, a eu pour instituteur un sujet ambitieux : des projets coupables furent ses motifs, et des dons corrupteurs ses moyens. Ce n’est qu’après une révolution de 10 siècles que l'Assemblée nationale a eu le courage et le bonheur de renverser cet édifice barbare et gothique. (4) Le pape Zacharie. [13 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Quoi qu’il sentit bien le prix de ses possessions territoriales, qu’il se fût même singulièrement appliqué à les élendre, il continua d’en disposer comme son aïeul. Obligé de s’attacher les grands par des bienfaits toujours nouveaux, il multiplia les bénéfices aux dépens de ses domaines. On lui reproche même d’avoir donné à ses enfants ce dangereux exemple, et de leur avoir appris à acheter des flatteurs et à s’entourer de courtisans intéressés aies séduire (1). Sous ce prince, les bénéfices ne se donnaient cependant encore qu’à vie. Louis le Débonnaire, cédant à la nécessité, en aliéna quelques-uns à perpétuité, et Charles le Chauve bientôt après consentit à les rendre héréditaires. H voulut même que les seigneurs qui en étaient en possession pussent, à défaut d’enfants, en disposer en faveur des collatéraux. N’ayant plus de bénéfices adonner, il poussa la subversion des règles jusqu’à rendre les comtés héréditaires. Chacun sentit bien qu’il agissait contre ses intérêts; mais il ne vint dans l’esprit de personne que ce nouvel ordre de choses fût contraire aux principes du droit public, qu’on ne soupçonnait pas. On peut consulter sur ce point de fait Dom Bouquet, dans sa collection des historiens de France, et les Capitulaires de Charles le Chauve de l’année 877, article 10. On y verra pour la seconde fois, la libre disposition des domaines royaux érigée en loi de l’Etat. La suite des rois carlovingiens offre encore bien des exemples de divisions de la monarchie et d’aliénations partielles des domaines de la couronne ; ceux qui connaissent mieux le droit actuel que notre histoire ancienne, verront peut-être avec quelque étonnement la filie de Charles le Simple apporter en dot au chef d’une horde de Normands la belle province de Neustrie, et la suzeraineté sur celle de Bretagne. Les derniers rois de cette race fameuse ne cessèrent ces imprudentes prodigalités, que lorsque la source en fut entièrement épuisée. On vit avec quelque pitié les héritiers du plus puissant monarque qui ait régné en Europe, réduits à un nom sans pouvoirs, et aux villes de Laon et de Reims pour tout domaine. Cette race dégradée descendit du trône; elle fit place à celle des capétiens. Le chef de cette 3e dynastie était excessivement riche; il possédait entre autres domaines le comté de Paris, le duché de France, et celui d’Orléans. Il rendit au trône, dont il s’empara, une partie de la splendeur; mais sa fortune, immense pour un particulier, était encore médiocre pour un souverain. Les premiers rois de cette famille auguste, à qui la monarchie doit son intégrité, comprirent que la puissance tient aux richesses. Ils profitèrent des fautes et des malheurs des deux maisons auxquelles ils avaient succédé; ils ne songèrent qu’à accroître leurs domaines; les aliénations qui avaient avili le trône n’eurent plus lieu. On vit une suite de rois appliqués à se ressaisir de l’autorité échappée à leurs prédécesseurs. Ils suivirent un système d’agrandissement bien combiné, (1) Dans les forêts de Germanie, l’ambition des Francs se bornait à obtenir des chefs de la nation quelque présent médiocre, tel qu’un cheval de bataille, un javelot, une francisque, ou une épée. Etablis dans les Gaules, ils se firent donner de grandes terres, de vastes seigneuries jet, dès que les impôts furent devenus arbitraires, il léur fallut des pensions sur le trésor public. L’avidité, l’intrigue et la bassesse ont .été de tous les temps ; mais le désordre et la corruption sont à leur comble quand tous les genres de service sont mis à prix et payés en argent. 47 bien adroit pour leur siècle. Ils eurent tous, jusqu'à Philippe-Auguste, l’attention d’associer, de leur vivant, ieorfils aîné à la couronne. Ils avaient autant pour but de maintenir l’indivisibilité du trône, que de le conserver dans leur famille. La loi des apanages réversibles n’était cependant pas encore connue, leur prévoyance ne s’étendait pas jusque-là. Le duché de Bourgogne, sous Henri Ie1', l’Artois, l’Anjou et le Maine, sous Louis VIII, furent détachés de la couronne à perpétuité; on donna même aux filles de France des domaines en dot, à titre perpétuel et non réversible. Philippe le Bel, donnant en apanage à son second fils Philippe te Long, le comté de Poitou, est le premier qui ait stipulé la réversion à défaut d’hoirs mâles. Louis VIH avait déjà donné l’exemple d’une semblable réserve, mais il ne s’était pas borné aux hoirs mâles, les femmes pouvaient encore succéder. Chopin observe même que, jusqu’à Charles V, nos rois n’avaient restreint l’apanage aux mâles que par des dispositions dans leur famille, domesticâ lege, et que ce prince est le premier qui en ait fait une loi du royaume. On a cependant prétendu que vers la fin du xme siècle les princes chrétiens, assemblés à Montpellier, en personne ou par leurs représentants, avaient réglé qu’à l’avenir les domaines de leurs couronnes respectives seraient inaliénables. Cette fable, sans possibilité, sans vraisemblance, a été hasardée, pour la première fois, par un jurisconsulte anglais, dans un ouvrage donné sous le nomde Fleta, parce que l’auteur était alors dans la prison nommée The Fleel; mais personne aujourd’hui n’est dupe de cette fiction mal tissue. Après ce précis purement historique, on va rappeler dans l’ordre de leurs dates les principales ordonnances relatives aux domaines. La première de l’année 1318, a été rendue par Philippe Y, dit le Long; elle peut être regardée comme la loi constitutive de l’inaüénabilité des domaines dans l’ordre civil (1). Celle loi cependant et celle de Charles te Bel, son frère, de l’aimée 1321, semblent faire dépendre la question d’un point de fait, de la lésion et de la surprise. On trouve ensuite celle de 1356, dont les articles 41 et 45 sont relatifs aux domaines. Par le premier, Charles V, lors Dauphin, promet aux gens des trois états de ne point aliéner ses domaines, ni souffrir qu’ils soient aliénés ; il promet également de faire révoquer les dons excessifs, ou sans juste cause, faits depuis Philippe le Bel, et il veut, par l’article 45, que le chancelier fasse serment de ne sceller aucunes lettres portant alliénation du domaine. Ce prince, devenu roi, renouvela ses dispositions en 1364 : sous ce prétexte la Chambre des comptes fit saisir les dons faits à Guillaume Nogares et à Guillaume Duplessis ; mais Gharies V déclara, par d’autres lettres du 24 novembre de la même année, que ces termes, depuis Philippe le Bel, ne devaient être entendus que de ce qui avait été fait, depuis la mort de ce prince. Par une ordonnance de 1374, Charles V régla les apanages de ses enfants nés et à naître et les dots de ses filles. H tixa les apanages de ses fils à 12,000 livres de rente, la dot de sa fille aînée à 100,000 livres, et celle des autres à 60,000 livrés. (lj On verra bientôt que, dans l’ordre politique les domaines de l’Etat n’ont jamais pu être aliénés sans le consentement de la nation. 48 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1789.] En 1401, Charles VI donna une ordonnance pour la conservation de ses domaines et pour la révocation des aliénations précédentes. Il ordonna que l’apanage du duc d’Orléans son frère serait augmenté, ssil se trouvait trop faible. Louis XI exécuta les lois prohibitives faites par ses prédécesseurs, et fit plusieurs réunions des domaines aliénés; mais il éluda souvent lui-même ces sages règlements en faveur de Notre-Dame de Cléry et d'autres églises, auxquelles il assigna des rentes sur ses domaines. Il donna même des terres et des seigneuries considérables à des particuliers. « Des terres, dit Cominnes, donna grande quantité aux gens d’Eglise, mais ce don de terres, ajoute-t-il, n’a point tenu, aussi ils en avaient trop. » Louis XI mourut le 30 août 1483. Charles VIII, en montant sur le trône, ordonna la recherche de tous les domaines aliénés sous le règne précédent. En 1498, la couronne de France fut déférée à Louis XII. Il avait beaucoup de biens patrimoniaux; il maria sa fille Claude au duc d’Angou-lême, et par des lettres patentes de 1500 et de 1509, il déclara que les comtés et seigneuries de Soissons, Blois, Coucy et Dunois, formant son domaine particulier, ne seraient point confondus avec le domaine royal, mais qu’ils demeureraient propres à la maison d’Orléans, aliénables et transitoires à tous ses héritiers de même sang et ligne. Cette exception, dit M. de la Guesle, confirma la règle pour tout le reste, et prouva qu’or-diuaire est de droit en la confusion de ces domaines. Par édit du 3 décembre 1517, Fran-çoisIerrévoquatoutes lesaliénations desdomaines, à la réserve des terres aliénées pour les frais de la guerre. Il est bon de remarquer que jusqu’ici les lois qu’on vient d’analyser n’avaient fait aucune mention des aliénations à prix d’argent qui, avant François Ier, ce prince guerrier, malheureux et prodigue, n’étaient guère en usage, et dans cette loi il n’est fait aucune mention de la faculté de rachat. En vertu de cet édit et de deux autres qui le suivirent de près, les procureurs généraux firent des recherches, on leur opposa la prescription; le roi donna un nouvel édit, le 30 juin 1539, par lequel il déclara qu’en cette matière la prescription, même centenaire, ne pouvait être opposée. François II, à son avènement à la couronne, révoqua, comme la plupart de scs prédécesseurs, toutes les aliénations antérieures; il en excepta néanmoins entre autres le duché de Chartres, le comté de Gisors et les autres terres données en mariage à la duchesse de Ferrare. C’est peut-être la dernière fois qu’une fille de France ait eu des terres en dot ; encore celle-ci pouvait mériter une dérogation à la règle générale. Nous voilà parvenus à l’année 1566, époque célèbre dans l’administration domaniale. L’ordonnance du mois de février de cette année fait un détail de toutes les différentes natures de domaines, et consacre tous les principes d’après lesquels ils doivent être administrés. Elle a conservé le nom d 1 0rdonnances des domaines, et elle est la base de tous les règlements intervenus depuis sur cette matière. Le premier article règle que le domaine de fa couronne ne pourra être aliéné qu’en deux cas seulement : le premier pour apanage, et l’autre en deniers comptants pour nécessité de guerre, mais que dans ce cas il y aura faculté perpétuelle de rachat. Le second et le troisième articles décident que le domaine de la Couronne doit s’entendre de celui qui a été expressément consacré et incorporé à la Couronne, ou qui a été administré pendant dix ans par les officiers des domaines, ou enfin des portions du domaine autrefois aliénées et retournées à la Couronne. L’article 8 porte que les aliénataires du domaine pour les causes ci-dessus autorisées, ne pourront couper les bois de haute futaie, ni toucher aux forêts. Il est statué par les articles 15 et 16 que les vassaux et censitaires des terres aliénées, à la seule exception des apanages, continueront de faire au Roi foi et hommage et les autres obéissances féodales. Par autre édit de même date, il est porté qu’attendu la nécessité de mettre en culture et labeur les terres vaines et vagues, prés, pâlus et marais vacants appartenant au Roi, ces objets seraient aliénés à perpétuité à cens et rentes et deniers d’entrée, sans que ces aliénations pussent être par la suite révoquées. Voilà l’origine de la direction qui subsiste encore entre le grand et le petit domaine. En 1576, sous Henri III, les Etats du royaume furent convoqués à Blois : l’ordonnance, rendue sur leurs demandes en 1579, ordonne l’exécution de celle de 1566 dont elle rappelle et sanctionne les principes; elle veut qu’en engageant les domaines, le Roi se réserve la nomination des officiers extraordinaires et ies droits royaux; elle révoque, avec certaines modifications et sous quelques exceptions, les aliénations antérieures. Henri IV parvint au trône en 1589 : il n’avait point d’enfants alors; l’aflection qu’il portait à sa sœur, la duchesse de Bar, lui arracha la déclaration du 15 avril 1590, par laquelle il déclara n’entendre réunir à la couronne de France ses biens patrimoniaux. Le parlement refusa <£e l’enregistrer; il reçut plusieurs lettres di* jussion, et le 29 juillet 1591, intervint arrêt, portant que le parlement ne pouvait ni ne devait procéder à la vérification. Lu duchesse de Bar mourut en 1604, et, par édit du mois de juillet 1607, le Goi révoqua sa déclaration, confirma l’arrêt de 1591, et prononça lui-même la réunion, sans préjudicier néanmoins aux droits de ses créanciers ; ainsi il n’est plus permis d’agiter comme une question l’union des biens patrimoniaux du prince, au moment et par le seul fait de son avènement à la couronne. Louis XIII, en 1611 et 1615, déclara que les taillis seuls, et non les futaies, pourraient être compris dans les engagements. M. Colbert, devenu ministre des finances, voulut en 1666 obliger tous les départements des domaines engagés de représenter leurs titres. En 1667, intervint édit qui ordonne que tous les domaines aliénés à quelques personnes, pour quelque cause et pour quelque temps que ce soit, à l’exception des dons faits aux églises, des douaires, apanages et échanges faits sans fraude ni fiction, seront réunis à la Couronne, nonobstant toute prescription, sans qu’ils en puissent à l’avenir être distraits ni aliénés, si ce n’est pour apanages, et à la charge de la réversion, le cas échéant. Les possesseurs de terres vaines et vagues, landes, marais, étangs, communes et autres domaines concédés à deniers d’entrée, à cens, rente et redevance par inféodation à perpétuité, à temps ou à vie, ainsi que les détenteurs des boutiques, échopes et places donuées par baux emphytéotiques, furent chargés de représenter les titres et baux de leur concession pour être remboursés ou [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1789. J maintenus et conservés, ainsi qu’il serait jugé par Je conseil. Le Roi déclara qu’il pouvait rentrer dans les domaines échangés, en rendant les biens et droits qui lui auraient été donnés en échange, dans le cas où il aurait souffert une lésion énorme, et dans celui où les évaluations n’auraient pas été faites selon les formes requises. Cet édit fut enregistré en lit de justice. Les guerres qui survinrent ensuite firent perdre de vue le projet de rentrer dans les domaines. En 1691, les possesseurs des biens et droits domaniaux furent confirmés dans leur jouissance, en payant des suppléments de finance. En 1695, 1702, 1708 et 1712, il fut même ordonné différentes aliénations des domaines. Lors du fameux système de Law, le gouvernement forma le projet de rentrer dans les domaines aliénés et, après quelques opérations préliminaires, le conseil rendit l’arrêt du 2 novembre 1719, par lequel il fut dit que tous les domaines et biens domaniaux aliénés ou engagés depuis quelque temps que ce fut, seraient réunis à la couronne sans pouvoir à l’avenir en être désunis ni détachés, pour quelque cause que ce lut ; on n’excepta que les apanages, les dons faits aux églises, les douaires et les échanges faits sans fiction et sans fraude. Le mode et les conditions de cette réunion sont réglés et déterminés avec beaucoup de détail, et l’exécution de l’édit du mois d’avril 1667 est expressément réservée. Un autre arrêt du 23 novembre suivant nomma des commissaires pour procéder à cette grande opération, mais elle tomba dans l’oubli avec le fatal système qui l’avait fait regarder comme possible; et au lieu de suivre ce plan, on ordonna et on exécuta de nouvelles aliénations. On abandonna ensuite l’usage de faire payer en deniers ces sortes d’acquisitions; on y substitua des baux à rente, propres à former un revenu fixe au Trésor public, on obligea seulement les nouveaux adjudicataires de rembourser la finance due aux anciens. Ces dispositions sont consignées dans l’arrêt du conseil du 13 mai 1722. Enfin, le Roi régnant a rendu en son conseil , le 7 mars 1777, un premier arrêt portant règlement pour les ventes et reventes des domaines. Il est inutile d’en rapporter les dispositions, parce qu’il est demeuré sans exécution ; il a été révoqué ou suspendu par un autre arrêt du 14 janvier 1781, qui forme le dernier état des choses. Au lieu d’en faire l’analyse, qui demanderait de grands détails, nous renverrons au compte de 1780, où le premier ministre des finances, auteur de ce dernier règlement, s’exprime en ces termes : « Votre Majesté, dit-il, s'est bornée à exiger des engagistes, qu’ils eussent à fournir l’état exact des domaines dont ils jouissent, et d’après cette connaissance, les administrateurs généraux des domaines examineront avec attention quelle est la redevance annuelle qu'on peut exiger pour établir une plus juste proportion entre les finances et le produit des domaines. Les administrateurs devront en traiter à l’amiable avec les engagistes, sans les forcer à se soumettre à cette decision, s’ils préfèrent d’être remboursés de leur finance, en rétrocédant les domaines qui leur ont été aliénés; et ceux des engagistes qui acquiesceront à la redevance déterminée, seront maintenus dans Ja jouissance de leur engagement pendant le règne de Votre Majesté. » On ne se permettra aucune réflexion sur cette opération de finances ; il est probable que les changements subits et fréquents survenus dans lre Série, T. X. 49 le ministère des finances ont empêché de lui donner toute l’exécution dont elle était susceptible. Quoi qu’il en soit, elle est fondée sur le principe de l'inaliénabilité des domaines, et sur la faculté perpétuelle de rachat, à laquelle ils sont soumis, nonobstant tout laps de temps, et quand même cette faculté n’aurait pas été stipulée par l’acte d’aliénation. Après avoir parcouru succinctement les faits historiques, les lois et les divers règlements relatifs à cette partie intéressante de notre droit public, il nous reste à classer les objets dont le domaine est composé et à indiquer les privilèges qui le concernent, et les moyens établis pour le conserver. Entre les différentes sortes de biens qui composent le domaine, les uns sont domaniaux par leur nature, les autres sont tels parce qu’ils ont fait partie du domaine dès les commencements de la monarchie, ou parce qu’ils y ont été réunis dans la suite. Dans la première classe sont les immeubles réels, comme les villes, duchés, comtés; dans la seconde, certains droits incorporels, tels que le droit d’amortissement, francs-fiefs, nouveaux acquêts, ceux mêmes d’insinuation et de centième denier. Le domaine ancien est celui qui se forma dès le commencement de la monarchie, ou dont l’origine n’est pas connue. Le domaine nouveau est composé des terres et biens qui ont été unis dans la suite au domaine ancien par acquisition, succession, conquête, etc. Les immeubles réels qui composent le domaine donnent lieu à une autre subdivision en grand et en petit domaine : le grand domaine consiste en villes, châteaux et corps de seigneuries considérables; le petit domaine est formé de divers objets détachés qui ne font partie immédiate d’aucun corps de seigneurie. Sur le second membre de cette subdivision, on peut consulter l’édit du mois de février 1566 et celui d’août 1708. Les droits incorporels, faisant partie du domaine, se subdivisent également suivant leur nature. Les uns dépendent de la souveraineté, et sont domaniaux par essence; les droits d’amortissement, de francs-fiefs, d’aubaine, de nouveaux acquêts sont de ce genre; les autres ne sont point domaniaux par leur nature et ne dépendent que du droit de justice comme les déshérences, les banalités en certaines coutumes, etc. D’autres droits ne sont domaniaux que parce qu’on les a qualifiés tels, et qu’il a plu au Roi de les unir à l’administration des domaines, tel est le droit d’insinuation. Il y a encore le domaine muable et le domaine immuable, le domaine fixe et le domaine casuel. Au reste on se croit obligé d’observer que quelques-unes de ces divisions sont arbitraires, et qu’il y a certaines dénominations qui ont été prises par les auteurs dans des sens différents. On peut distinguer deux sortes de privilèges du domaine: les uns lui sont inhérents, et tiennent à son essence; les autres n’ont rapport qu’à sa conservation et à la nature des actions dont il est susceptible. Les droits inhérents au domaine sont l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité, qui ont leur base directe et immédiate dans les principes du droit public et dans l’intérêt social; de ces principes dérive encore le droit de n’être point sujet à la complainte, ni à la plupart des exceptions qui peuvent être proposées dans les instances et procès dont l’objet est commerçable, telle est l’exception rci judicatœ. 1 Les privilèges qui ont rapport à sa conserva-4 50 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1789.] tion sont la source des diverses précautions dont | cette conservation est l’objet direct; ceci demande quelques détails. Un arrêt du conseil du 19 septembre 1684 oblige les fermiers et les sous-fermiers du domaine, même les engagistes, à remettre leur baux et sous-baux au greffe du domaine de leur généralités respectives. Une disposition d’un édit du mois d’avril 1685 porte que les fermiers généraux des domaines feront mention dans les états au Roi, et dans les comptes qu’ils rendront, de la consistance en détail et par le menu de tous les droits dépendants des domaines dans leurs généralités et départements. L’article _ 7 de ce même édit oblige les fermiers et engagistes des domaines de fournir tous ces états à la première sommation; il impose encore aux engagistes l’obligation de fournir à certaines époques des copies en bonne forme de leurs titres et contrats. On a encore pris d’autres précautions tendant au même but, par rapport aux actes de foi et hommage, dénombrements, déclarations censuelles, etc., par l’arrêt du conseil du 20 février 1722, et on a créé des officiers spécialement chargés de veiller à l’exécution de toutes ces lois; tels sont l’inspecteur général, les receveurs et contrôleurs généraux des domaines, etc. La conservation d’une partie bien essentielle des domaines est confiée au maîtrises des eaux et forêts. Les détails dans lesquels nous venons d’entrer font naître plusieurs questions relatives aux domaines de la couronne; et les principes qui en résultent peuvent en fournir la solution. Première question: Le domaine de la couronne est-il, a-t-il toujours été, sera-t-il toujours inaliénable? Pour répondre à cette première question : il faut commencer par distinguer les temps. Si l’on s’arrête d’abord à celui qui s’est écoulé depuis la fondation de la monarchie jusqu’à l’extinction (1) de la seconde race en la personne de Louis le Fainéant, on est forcé de convenir que pendant ce long intervalle, qui comprend un espace de plus de 500 ans, les lois civiles autorisaient ies rois à aliéner leurs domaines à perpétuité, sans espoir de réversion (2). Le traité d’Andely et le capitulaire de Charles le Chauve, dont nous avons l'ait mention dans l’ordre de leurs dates, avaient imprimé à ces aliénations le sceau de la loi; et aucune loi contraire ne paraît y avoir dérogé. L’avénement de Hugues Gapet au trône forme dans notre histoire une époque bien mémorable. Ce prince et ses premiers successeurs reconnurent l’abus de ces dons successifs, de ces aliénations ruineuses dont leurs prédécesseurs avaient été les victimes. Us y remédièrent par le fait en s’abstenant avec soin de ces dangereuses prodigalités, mais ils ne les prescrivirent par aucune loi; et loin, d’adopter le grand principe de l’ina-liénabilitê des biens de la couronne, on vit Hugues Capet doter ses tilles aux dépens de ses domaines (3). (1) La maison de Charlemagne, a été dépouillée mais ne s’est pas éteinte à cette époque. Elle a subsisté dans des branches collatérales, telles que celles de Verman-dois. (2) On a dit, pour sauver les principes que les inféodations n’étaient pas des aliénations; mais les inféodations, proprement dites, et dans le sens que nous attachons à ce mot, n’ont commencé qu’à Charles Martel. Les rois mérovingiens donnaient et n’inféodaient pas. (3) Hugues Capet, en montant sur le trône, avait un patrimoine immense, et le titre auguste dont il fut re-Son fils Piobert et ses autres successeurs donnèrent à leurs enfants puînés de grandes terres eu toute propriété. Cependant Louis VIH entrevit l’utilité des apanages réversibles, Philippe le Bel goûta cette première idée et ta perfectionna ; il était réservé à Charles le Sage de l’ériger en en loi du royaume. En 1318, Philippe V défendit l’aliénation des domaines; il ordonna même la révocation des dons excessifs et sans cause, faits par ses prédécesseurs; mais ce prince et les rois qui lui succédèrent, jusqu’à François II inclusivement, ne consacrèrent point le vrai principe qui rend les domaines inaliénables; ils alléguèrent la lésion, la surprise, et ils se retranchèrent sur des motifs de fait qui sont toujours douteux; au lieu d’avouer que, n’étant que de simples administrateurs, ils ne pouvaient transmettre une propriété qui ne leur appartenait pas. Enfin Charles IX, éclairé par le génie puissant du chancelier de L’Hôpital, donna les deux ordonnances du mois de février 1566 qui servent de base à notre jurisprudence actuelle. Les grands domaines furent déclarés frappés de l’inaliénabilité la plus absolue, sous les réserves et exceptions dont nous avont parlé; et si les petits domaines purent être aliénés, ce ne fut que pour favoriser l’agriculture et contribuer au bien général. Gardons-nous bien de conclure de cet aperçu rapide qu’avant Charles IX les domaines de la couronne fussent vraiment aliénables. Il est vrai que la loi civile n’avait pas prononcé la prohibition; elle fournissait même des inductions contraires ; mais, comme l’observe le président de Montesquieu, c’est par la loi politique et non par la loi civile que cette question doit être décidée; aussi les différentes ordonnances que nous venons de citer donnent-elles à leurs dispositions un effet rétroactif : ce qui ne pourrait pas être, si le principe de l’inaliénabilité n’avait pas le droit public pour base. Il ne faut cependant pas donner trop d’extension à ce principe; il y aurait de l’inhumanité et beaucoup d’inconvénient dans l’ordre civil, de franchir tout intervalle, et de pousser ces recherches aussi loin que le droit public semble le permettre; mais ce n’est pas dans un comité qu’it est permis de déterminer les limites auxquelles ces recherches doivent être bornées : l’Assemblée nationale peut seule prononcer sur cette grande question; elle seule peut déterminer les points où nous devons agir, et ceux où nous devons nous arrêter : il serait même possible qu’elle ne se fît point à cet égard de loi générale, et que sur chaque espèce elle se déterminât par les circonstances, la bonne ou mauvaise foi connues ou présumées, les facultés personnelles des détenteurs, les mutations fréquentes et les actions en garantie auxquelles elles pourraient donner ouverture; tout cela peut influer plus ou moins sur le parti qu’il conviendrait de prendre dans chaque affaire. Le laps de temps seul ne sera jamais une cause de ménagement bien décidée, à cause des précautions que vêtu n’ajouta presque rien à ses richesses. Il ne se doutait sûrement pas que, par son élévation au rang suprême, ses propriétés territoriales fussent devenues celles de la nation, et qu’il eût perdu le droit d’en disposer. Pour le convaincre de cette espèce d’interdiction légale, on n’aurait pu se foncier que sur l’exemple ou sur la loi; or la loi et l’exemple, comme on vient de le prouver, autorisaient les aliénations. Les principes de droit public qui devaient les faire proscrire étaient encore au-dessus de la portée du peuple français. [Assemblée nalionale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES les lois ont prises pour rappeler aux engagistes leurs obligations, et en perpétuer la durée. L’omission qu’ils auraient faite de satisfaire aux formalités prescrites tournerait même contre eux, parce qu’elle ferait présumer un projet d’usurpation. 11 est d’ailleurs une considération générale qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est qu’on ne peut ménager les engagistes qu’aux dépens des autres citoyens, et que, dans un moment de détresse, c’est de préférence à ses débiteurs légitimes que l’Etat doit avoir recours. Mais l’inaliénabilité des domaines aura-t-elle lieu pour l’avenir (1)? C’est ici une simple affaire de calcul. La conservation des domaines a ses avantages, l’aliénation a les siens. La nation assemblée, réunissant en elle-même tous les droits de la propriété, peut en faire tel usage qu’elle voudra; elle peut à son gré aliéner ou conserver. Si elle préfère grossir ses revenus actuels pour remplir le déficit des finances, si elle veut mettre dans le commerce des fonds précieux que des acquéreurs, certains d’une propriété incom-mutable, cultiveront avec soin et amélioreront avec intelligence; si enfin elle veut éviter les frais de régie, les profits des fermiers, les abus, les gaspillages que doit entraîner une simple administration; elle peut ordonner l’aliénation des domaines à perpétuité, et les acquisitions fondées sur les décrets, seront assurées et au-dessus de toute atteinte. Ce nouveau système s’étendra-t-il jusqu’aux forêts? Il y a sur cet objet des distinctions à faire. Tous le monde reconnaît que l’aliénation des bois épars, des simples bouquets, des taillis mêmes serait avantageuse, par cela seul que les frais d'une administration étendue à tant de détails doivent en absorber les produits ; mais les forêts en grandes masses sont dans un cas différent (2) : elles sont la ressource de la marine, et celles qui sont situées dans le voisinage des places fortes sont nécessaires à leur entretien. Des particuliers devenus propriétaires de ces forêts pourraient s’empresser de jouir et ne pas conserver les grands arbres dont on a besoin pour celte double destination. Les règlements qu’on ferait pour les y contraindre pourraient être éludés; et les belles pièces de bois, déjà très-rares en France, le deviendraient encore davantage. La nation préféra ces motifs pour se déterminer sur cette grande question; et si elle prend le parti de conserver les grandes forets, elle en améliorera le régime ; elle fera veiller aux aménagements, à ce qu’elles soient bien gardées et peuplées de bois convenables au sol. Les administrations provinciales fourniront à cet égard de grandes ressources. Seconde question : Le roi de France peut-il avoir un domaine privé distinct du domaine de la couronne? Cette question semble devoir se résoudre par une distinction : ou ce domaine fait partie du royaume de France comme ceux que possédait Henri IV dans plusieurs cantons du royaume, ou bien c’est une souveraineté ou une seigneurie étrangère à la France, et située au delà de ses limites, comme la Navarre, venue à la brandie (1) Il ne faut pas perdre de vue que ce rapport a été fait au comité avant le décret du 19 décembre, qui ordonné d’avance l’aliénation des biens domaniaux. (2) On ne doit pas distinguer des forêts en masse les bouquets assez voisins les uns des autres pour être soumis à une même administration sans en augmenter considérablement les frais, autrement plusieurs départements resteraient sans forêts domaniales. [13 novembre 1789.] royale par la maison d’Albret, ou comme le Milanais qui formait le patrimoine de Louis XII. Au premier cas, les règlements dont on vient de rendre compte, établissent de la manière la plus formelle que le domaine particulier du prince qui parvient au trône, les successions mêmes qui lui arrivent, sont de plein droit réunis à la couronne. C’est une suite naturelle de nos anciennes lois féodales. Les objets qui lui viennent à titre de déshérence, de bâtardise, d’acquisition même se confondent également avec le domaine royal ; ils sont le produit des revenus nationaux, dont le Roi n’est que l’administrateur et non l’usufruitier ; mais hors le cas de la conquête, ces règles s’appliqueraient difficilement aux possessions foncières situées hors des limites du royaume; parce que nos lois ne peuvent avoir d’autorité au delà du territoire qui leur est soumis, et qu’il est difficile de penser que sans un consentement formel, deux nations, souvent opposées de caractère et gouvernées par des lois différentes, se confondent de plein droit pour n’en faire plus qu’une, parce que le hasard de la naissance leur a donné le même souverain ; ainsi la fille de Louis le ïïutin hérita de la Navarre, quoiqu’elle fût incapable de succéder à la couronne de France, et lorsqu’on 1500 et 1509 Louis XII prit des précautions pour empêcher la confusion du patrimoine de la maison d’Orléans, il ne parla dans ses lettres patentes que des seigneuries situées dans le royaume, il ne lit aucune mention du Milanais ni" des autres objets qu’il possédait en Italie. Il ne pensa jamais que, parce qu’il était monté sur le trône de France, des fiefs impériaux pussent cesser de l’être, et devenir des parties intégrantes de son nouveau royaume. Ce que l’on vient de dire ne peut s’appliquer à la partie de la Navarre rendue à la France par le traité des Pyrénées, ni à la Lorraine échangée avec la Toscane en 1735. La réunion de ces deux provinces, prononcée par les traités, a été confirmée par le laps de temps, et surtout par le vœu et l’assentiment des peuples. ( Voyez à la fin quelques observations sur les réunions; elles ont paru trop longues pour être mises en noie.) Troisième question : La révocation des engagements nécessite le remboursement de la finance qui en a été le prix. Doit-elle être rendue selon sa valeur mumérique actuelle, sans étrard à celle qu’elle avait au temps de l’aliénation? Une nation qui exerce un droit rigoureux doit surtout être juste, et les engagistes dont un titre régulier b rait présumer la bonne foi ont droit d’exiger l’équité la plus exacte; on sait les augmentations progressives qu’éprouve graduellement la valeur numérique des métaux. Après une certaine révolution le même nombre de livres ne répond plus à la môme quantité effective, ne désigne plus la même chose, et c’est la quantité et la chose qui sont dues, indépendamment de l’expression (1). (1) L’opinion que l’on adopte ici peut être combattue avec avantage, en citant les lois civiles de la jurisprudence ; elle se conciliera mieux avec les principes du droit naturel. Ce qui est permis peut-il quelquefois être injuste? Lorsque le législateur ordonne que la même quantité d’argent qui valait 3 livres vaudra désormais 6 livres, c’est dans le fond comme s’il ordonnait qu’un demi-boisseau de blé s’appellera à l’avenir un boisseau. Le changement de l’expression n’ajoute rien à la valeur effective. Nota. Les engagistes qui en ont obtenu le droit, et les apanagisles pouvaient, avant l’abolition du système féodal, retirer les biens vendus dans la mouvance des portions de domaine à eux cédées ; mais à l’égard des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1789.] Si l’engagement avait acquis des héritages dans le commerce, ils auraient augmenté de valeur en raison directe delà diminution de celle du numéraire. On dira qu’il a trouvé dans les jouissances une indemnité anticipée ; mais nous supposons une acquisition faite de bonne foi; et d’après les principes du droit, tout possesseur de bonne foi gagne les fruits sans restitution. Quatrième question : L’abolition de la féodalité et l’aliénation des domaines obligera de changer la loi des appanages; il sera nécessaire de les convertir en une rente annuelle réversible à la couronne aux cas de droit. Il faudra que la quotité de cette rente soit relative à la dignité et à l’éclat qui doit environner la personne des enfants de France. On sent bien que la somme de 200,000 livres, à laquelle le revenu des apanages est actuellement fixé, n’a aucune proportion avec l’éclat qu’ils doivent tenir : de là ces évaluations feintes, ces estimations illusoires, ces tours de force (permettez-moi cette expression), autorisés par l’usage et que nous avons vu employer pour transgresser la loi, en paraissant lui obéir. 11 faudrait donc assignera l’apanagiste un revenu décent qui le dispensât d’être à charge à l’Etat, et de puiser arbitrairement dans le trésor public; il serait même juste de pousser la prévoyance jusqu’à assurer à ce revenu une augmentation graduelle et successive, en raison de la diminution de la valeur effective des espèces et de l’augmentation du prix des terres. Mais ce règlement pourrait-il avoir un effet rétroactif ? La nation pourrait-elle dans un moment de crise retirer les anciens apanages et les convertir en rente annuelle équivalente au produit? Les princes qui en jouissent pourraient invoquer les lois anciennes, et se retrancher sur leur possession; mais le salut de l’Etat est la suprême loi ; et si le chef de la nation n’est que simple administrateur, si la nation a le droit de disposer des biens domaniaux pour libérer le fisc, la portion de ces domaines dont la jouissance a été abandonnée aux enfants puînés de nos rois serait-elle plus sacrée que celle qui est restée dans les mains de notre monarque? C’est à vous, Messieurs, ou plutôt c’est à l’Assemblée nationale de résoudre ce grand problème. Cinquième question : Quelle est la forme des aliénations du domaine de la couronne ? Autrefois, du temps même d’Henri IV, les engagements se faisaient par acte devant notaires et les différents protocoles peuvent encore en fournir des minutes. Aujourd’hui le Roi nomme des commissaires pour en faire les adjudications au plus offrant et dernier enchérisseur après publications préalables; ces commissaires, pris d’abord dans le parlement et dans la Chambre du domaine, ont depuis été choisis par mi les conseillers d’Etat elles intendants des finances. 11 y a actuellement un bureau particulier pour les aliénations. Les échanges sont sujets à d’autres formalités. Elles consistent à faire des procès-verbaux d’évaluation des fonds qui sont donnés au Roi en échange de ceux qu’on en reçoit. Il faut qu’après la clôture de ces évaluations, il soit expédié des lettres de ratification, et que ces lettres soient enregistrées dans la forme ordinaire ; jusque-là premiers, c’est un nouvel engagement, où le Roi peut rentrer comme clans le principal domaine ; et à l’égard des autres, ces réunions suivent le soxH de l’apanage. Les échangistes, quoique propriétaires du domaine principal, ne sont néanmoins qu’engagistes des objets qu’ils retirent féodalement dans sa mouvance. l’échange n’est point parfait, et l’échangiste n’est point propriétaire incommutable. On ne peut assimiler, disait en 1776, M. le procureur général de la Chambre des comptes, dans l’affaire de M. le duc de Bouillon, on ne peut assimiler les échanges faits avec le Roi avec ceux qui peuvent avoir lieu entre particuliers; ces derniers acquièrent leur perfection par la signature de l’acte qui annonce la volonté des parties, tandis que les échanges faits avec le Roi ne sont que projetés par la signature du contrat; et qu’ils deviennent dès lors sujets à des formalités qui sont tellement essentielles , que leur omission compromet à toujours la propriété; jusque-là elle n’est que précaire : ce n’est qu’une jouissance provisionnelle. Voyez l’édit d’octobre 1711; on finira par observer que, dans l’ordre naturel des choses, les évaluations devraient précéder le contrat et l’envoi en possession. Dans l’échange des domaines de la couronne on suit une marche contraire ; on contracte avant de connaître d’une manière légale et positive la valeur des objets dont on traite, on met l’échangiste en jouissance, et on lui laisse le soin de faire procéder aux évaluations; l’on sent bien que, s’il en craint le résultat, il ne manque pas de moyens pour s’y soustraire. Cette forme vicieuse est la source des plus grands abus ; on pouvait les prévenir en ordonnant que l’évaluation précéderait le contrat, ou du moins en fixant à l’échangiste un délai fatal, après lequel les biens domaniaux donnés en échange seraient réunis de plein droit à la couronne, faute d’avoir consommé les évaluations et accompli toutes les formes. Ce serait ici l’instant, Messieurs, de yous proposer un projet de décret pour établir et consacrer les principes sur lesquels repose cette partie essentielle de notre législation; mais la matière est si importante, elle a des branches si étendues, elle donne lieu à des questions si délicates que l’entreprise serait prématurée. Je sens d’ailleurs, malgré votre indulgence, combien est faible et superficielle l’esquisse que j’ai eu l’honneur de vous présenter. La lecture rapide que vous en avez entendue ne vous a pas même permis de saisir des nuances que je n’ai fait qu’indiquer, et que je n’ai peut-être pas énoncées d’une manière assez précise. Je ne puis donc que vous inviter a vous occuper séparément de ces grandes questions, à approfondir et à méditer les principes qui doivent en fournir la solution, et, dans une autre séance, vous déterminerez les points sur lesquels doit porter ce décret important. Un projet digne d’être présenté à l’Assemblée nationale sera le fruit de vos travaux, de vos méditations, et de vos recherches. Observation sur les réunions. ( Voir page 51.) La réunion des biens propres et acquêts du prince régnant au domaine de la couronne n’est point fondée sur une loi particulière; elle avait lieu avant l’ordonnance de 1566 (1). C’est une émanation, une suite nationale de nos lois féodales, en vertu desquelles le fief dominant est réuni de plein droit au fief servant, lorsque l’un et l’autre se trouvent appartenir au même propriétaire. Cette réunion, appliquée au domaine royal, s’opère de plein droit à l’instant même de l’événement qui y donne lieu, et son effet est (1) On l’opposa à Louis XII, en 1500 et 1509. [Assemblée nationale.] perpétuel et irrévocable ; autrement les biens de la maison de Valois, ceux de Louis XII et de François Ier seraient passés depuis longtemps dans des familles étrangères. Il n’est pas même nécessaire que ces biens aient été régis pendant dix ans par l’administration des domaines, comme le suppose l’ordonnance de 1566; c’est dans la seconde année de son règne que Henri IV donna une déclaration pour empêcher la confusion de ses domaines particuliers avec ceux de la couronne, et elle ne produisit aucun effet; le parlement en opéra la rectification et maintint les vrais principes. La réunion en matière domaniale n’a donc rien le commun avec l’inaliénabilité, on ne peut tirer de conséquence de l’une à l’autre, parce qu’elles parteut de deux sources différentes : l’une procède du droit féodal, et l’autre du droit politique. Il peut sans doute arriver que les biens échus au souverain ne soient pas dans la mouvance directe de la couronne; mais la réunion n’en aurait pas moins lieu en ce cas, parce que tout ce qui appartient au Roi est sur-le-champ affranchi de la mouvance des seigneurs particuliers ; au reste, l’abolition du système féodal obligera l’Assemblée nationale à consacrer cette réunion, pour l’avenir, par un décret formel. Autorités et passages relatifs à la réunion. M. Gilbert, inspecteur général du domaine, a fait, en 1760, un mémoire, où les principes exclusifs du domaine privé sont établis avec autant de force que de précision. Il dit que la personne du Roi est tellement consacrée à l’Etat qu’elle s’identifie en quelque sorte avec l’Etat même, et que comme tout ce qui appartient à l’Etat est censé appartenir au Roi, tout ce qui appartient au Roi est réciproquement censé appartenir à l'Etat. Le Roi devient l’homme de l’Etat; il contracte avec sa couronne une société perpétuelle et indissoluble, qui, lui communiquant tous les avantages attachés à la couronne, communique aussi à la couronne tous les droits propres à la personne du Roi. M. Freteau, aussi inspecteur du domaine, a dit, dans un mémoire contre M. l’évêque de Péri-gueux, que la constitution de cet état ne permet pas de reconnaître dans le prince d’autre caractère qu’un caractère public, qui efface absolument toute idée, tout attribut d’une personne privée ; qu’on ne peut supposer que le prince ait quelque bien propre, quelque domaine particulier, à raison duquel son intérêt puisse être différent de celui de la couronne. M. de la Guesle, déjà cité, pose pour principe que par le saint et politique mariage entre nos Rois et la couronne, les seigneuries qui leur appartiennent particulièrement sont censées, par même moyen, appartenir au royaume : que le domaine public attire le domaine particulier, en sorte qu’il se fait un mélange indissoluble du tout en tout. M. Dubeloy, avocat général au parlement de Toulouse, dit que le patrimoine particulier du prince se confond et se réunit à la couronne ; que tout ce qui lui appartient est dù à la chose publique, ainsi que ce qui lui advient par succession, acquisition, ou autre moyen quelconque. Par l’édit de juillet 1607, dont on a rapporté les dispositions, Henri IV prononça lui-même la réunion de ses domaines particuliers au domaine public. 11 établit pour principe que les rois de France sont dédiés et consacrés au public, duquel [13 novembre 1789.] 53 ils ne veulent rien avoir de distinct et de séparé; qu’ils ont contracté avec leur couronne une espèce de mariage saint et politique, par lequel ils l’ont dotée de toutes les seigneuries qui, à titre particulier, pouvaient leur appartenir. Un arrêt du 9 janvier 1679 a jugé que la terre de Bohin, que ce monarque possédait n étant encore que Roi de Navarre, sous la mouvance des religieux de Vermand, avait été réunie au domaine par son avènement à la couronne de France, et que la mouvance de ces religieux avait été dès ce moment éteinte. On finira ces citations par une anecdote propre à confirmer les maximes adoptées au rapport. Quand Louis le Grand eut acheté le palais d’Orléans, ou du Luxembourg, il dit à M. de Harlay que c’était pour remplacer le Palais-Royal, qu'il avait donné à M. le duc de Chartres; ce magistrat lui demanda en quel nom il l’avait acheté : Au mien, répondit le Roi. — Tantpis, sire, répliqua-t-il ; car tout ce que vous acquérez en votre nom appartient à la couronne, et par conséquent l’achat du Luxembourg ne remplace point l’aliénation que vous avez faite. ( Dict . des arrêts, V° Domaine.) Nouvelle observation. Ce rapport était à l’impression, lorsque l’Assemblée nationale a été forcée d’abandonner pendant deux séances l’ouvrage immortel de la constitution, pour s’occuper du droit public de la Bretagne. Plusieurs orateurs, divisés d’opinion, ont discuté avec chaleur et énergie la question intéressante dont le décret de 11 janvier a donné la solution. Au milieu d’une foule de vérités instructives, il est échappé à un honorable membre une erreur, ou du moins une inexactitude, qui semble contredire les principes que nous avons établis au comité des domaines, et que nous soumettrons bientôt au jugement de l’Assemblée. Il a dit que, sans le contrat de 1532, la Bretagne serait passée sous une domination étrangère, à l’extinction de la branche royale de Valois ; et il a fait le détail des maisons que les lois civiles auraient appelées, selon lui, à cette belle succession. Nous nous croyons obligés, pour le maintien des principes, de prouver que si ce fameux contrat n’avait pas eu lieu, la Bretagne n’en serait pas moins unie à la France. La province, ou, pour parler plus juste, la nation bretonne, a eu comme tous les peuples ses temps obscurs, dont il n’est resté que des traditions peu fidèles ; sans nous arrêter à démêler le petit nombre de vérités qu’une saine critique apprend' à discerner parmi les fictions que nous ont transmises la crédulité ou la mauvaise foi des historiens, nous conviendrons que de temps immémorial la Bretagne a eu ses souverains particuliers, dont la reine Anne, issue par mâles du sang royal de France, avait recueilli les droits ; mais lorsque cette princesse s’unit à Charles VIII, chef de la maison, il y avait longtemps que la Bretagne était devenue un fief de la couronne qu’elle allait partager. On sait que tous les fiefs ne sont pas de concession ; une foule d’aleux ont été successivement transformés en fiefs, sans avoir été détachés du fief dominant : cette conversion s’opérait le plus souvent par une simple convention, dont Marculfe nous a conservé la formule; et l’on conçoit aisément qu’un grand nombre d’événements politiques pouvaient, entre deux souverainetés voisines, conduire au même résultat. La Bretagne était donc alors une mouvance de la ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 54 [14 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. couronne; ses ducs, soumis à la formalité de l’hommage, ne contestaient que sur sa nature; ils voulaient qu’il fut simple, et nos rois le prétendaient lige; dès la fin du XIIIe siècle, la Bretagne avait été érigée en pairie, et comme l’on sait, c’était dans la mouvance immédiate que consistait l’essence de cette éminente dignité ; c’était donc, dès lors, un fief de la couronne, et elle formait à ce titre une partie intégrante de la monarchie française. Ce précieux héritage fut successivement apporté en dot à trois de nos rois, Charles VIII, Louis XII et François Ier. Ce monarque le réunit à la couronne par le contrat de 1532, que les Bretons ont jusqu’ici regardé avec raison comme le palladium de leurs franchises et de leurs libertés. Mais si ce contrat n’eût pas existé, la réunion qu’il a produite n’aurait été retardée que de quelques instants. La Bretagne, dans cette hypothèse, serait passée à titre successif à Henri II, fils et successeur de François Ier, et à son avènement au trône elle aurait été réunie irrévocablement et de plein droit au domaine royal, comme l’avaient été avant elle les patrimoines de Louis Xll et de François Ier, et comme l’a été depuis celui de Henri IV. Je n’examinerai point si les deux contrats de mariage de la reine Anne auraient empêché cette réunion; je laisse aux publicistes à décider si une convention privée, un pacte domestique peut déroger à une ioi de l’Etat ; je me borne à prétendre que les lois générales du royaume auraient consommé cette réunion sans le "secours d’autres actes. Les généreux Bretons, si jaloux de leur liberté, et si dignes d’en jouir, n’en auraient pas moins conservé leurs franchises. Le principal but du traité de Vannes, était de maintenir les maximes d’après lesquelles leurs ducs les gouvernaient; et les rois de France, héritiers de ces ducs, n’auraient pu, sans injustice, s’arroger des droits plus étendus que ceux des souverains qu’ils représentaient. Signé : Enjubault de La Roche. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du samedi 14 novembre 1789 (1). M.deLiachèze, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance de la veille. M. Camus fait une motion tendant à faire déclarer que, dans tous les monastères et chapitres où il existe des bibliothèques et archives, les supérieurs seront tenus de déposer des états et catalogues au greffe du siège royal ou municipalité le plus voisin ; de les affirmer véritables et d’y désigner particulièrement les manuscrits qui pourraient se trouver dans les bibliothèques ; de s’en constituer les gardiens ; d’affirmer qu’ils n’ont pas connaissance qu’il en ait été soustrait. — 11 demande que sa motion soit immédiatement adoptée et ajoutée au décret d’hier. La discussion du cette motion est retardée par la lecture des adresses suivantes : Délibérations et adresses des villes, bourgs et communautés de Méracq, de Souprosse, de Sainte-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Croix, de Fichous et de Damoulens en la sénéchaussée de Saint-Sever de Guyenne, contenant félicitations et remercîments à l’Assemblée nationale, de ses glorieux travaux, renonciation à tous leurs privilèges particuliers, adhésion pleine et entière à tous ses décrets et notamment à ceux du 4 août et jours suivants, et à l’article 17, qui proclame Louis XVI, notre glorieux monarque, le restaurateur de la liberté française. Délibération du même genre, de la ville de Boiscommun en Gâtinais. Elle demande d’être rangée dans la classe des bailliages secondaires du second ordre. Délibération de la ville de Saint-André en Dauphiné, contenant adhésion aux décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, ainsi qu’aux principes renfermés dans l’arrêté de la ville de Vienne, relativement à la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire. Adresse de félicitations et remercîments de la ville de Bourganeuf. Elle demande un siège royal. Adresse du même genre, des habitants de la ville, vicomté, ancien bailliage et district de Rochechouart, en Haut-Poitou. Adresse du comité permanent de la ville de Chatellerault, où il adhère, avec un respectueux remerciaient, au décret de l’Assemblée nationale sur la disposition des biens écclésiastiques. Adresse de la municipalité de Yatan, contenant deux procès-verbaux qui constatent une violente émotion populaire arrivée dans cette ville au sujet de l’exécution du décret de l’Assemblée nationale sur la libre circulation des grains. Elle la supplie de lui indiquer la conduite qu’elle doit tenir, lui présentant une adhésion parfaite et une soumission entière à ses décrets. Adresse des religieux bénédictins de l’abbaye de Saint-Georges de Boscbervilie, où iis abandonnent leurs biens à la nation, pleins de confiance en la justice de l’Assemblée nationale, pour leur subsistance. Délibération de la ville de Gap, en Dauphiné, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale. Délibérations des communes de Loriol et Li-vron, en Dauphiné, où elles adhèrent avec un dévouement absolu aux décrets de l’Assemblée, et protestent de la manière la plus forte contre la convocation des Etats de la province, et du doublement, faite par la commission intermédiaire. Adresse du même genre de la ville du Buis, de la même province. Adresse du comité permanent du pays d’Aunis, qui supplie l’Assemblée nationale, par les motifs les plus pressants, d’organiser au plus tôt les assemblées provinciales et municipales; il représente que les citoyens, ne pouvant se soumettre à l’ancien régime pour la répartition de l’impôt, se trouvent dans la nécessité de s’assembler dans peu au sujet des impositions de l’année 1790. Adresse de l’abbé Batbedat, prébendé de l’église cathédrale de la ville d’Acq, syndic des chapelains prébendés de la dite cathédrale, et de plusieurs autres, où il supplie l’Assemblée de casser la prétendue assemblée du clergé du diocèse d’Acq, du t4 octobre dernier, tenue et convoquée par M. l’évêque, comme nulle et irrégulière, attendu que les bénéficiers simples et électeurs du diocèse n’y ont pas été appelés, et comme contraire aux décrets de l’Assemblée nationale,