342 r Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMBNTAIRES . { *§ �mbre' m 25,000 communes à 1,200 livres par an, et je trouve une somme de 14 millions. Pour avoir une idée de ce que coûtera l’édu¬ cation dans les plus grandes villes, voyons de combien d’instituteurs nous pouvons avoir besoin pour Paris. Sous l’ancien régime, il Îk avait a Paris 52 petites écoles, qu’on avait 'insolence d’appeler écoles de charité. Ce pombre sera encore suffisant aujourd’hui, en y ajoutant 52 institutrices; voilà pour les ins¬ tituteurs à 1,200 ! 62,400, pour les institutrices à 1,000 livres, 52,000 livres. Ce calcul appliqué à toutes les grandes villes, selon leur popu¬ lation, en n’augmentant pas jusqu’à un excès de prodigalité le salaire des instituteurs et institutrices, prouve qu’il serait bien diffieilo d’employer, au delà des 14 millions dont j’ai parlé, 6 millions pour l’éducation dans les frandes villes. 11 en résulte que la totalité u premier degré d’instruction publique, do ce degré absolument indispensable, coûtera au plus 30 millions dans mon système. Il est un moyen simple d’établir les écoles primaires et de consaorer à cet objet la somme nécessaire à leur établissement et à leur entre¬ tien. La Convention peut nommer une Commission d’autant de membres qu’elle voudra charger de correspondre directement avec les munici¬ palités de toute la République; cette Com¬ mission prendra auprès des municipalités tous les renseignements relatifs à la conservation et à rétablissement des écoles primaires, l’état exact des dépenses que causeront cette conser¬ vation et ces établissements. Sur le rapport, appuyé de pièces de cette Commission, la Con¬ vention décrétera les sommes nécessaires ou les mesures ultérieures. Tout cela peut être l’ou¬ vrage de deux mois. Je demande dono que cette Commission soit nommée, je demande en outre ue mon projet de décret soit relu et mis à la iscussion si l’Assemblée le juge à propos. Projet de décret sur l’éducation NATIONALE. « La Convention nationale déorète oc qui suit : Art. l<*r. « Les maris et femmes sont invitée à se porter réciproquement l’amour, les égards, les soins qu’exige l'état jlu mariage. Art. 2. « L’homme ou la femme notoirement cou¬ pables d’adultère seront bannis pour deux ans de toutes les fêtes publiques. Art. 3. « Les mères sont invitées, au nom de la nature, à allaiter elles-mêmes leurs enfants, et il sera pourvu, par des secours publics, aux besoins de oelles qui seraient trop pauvres pour remplir ce devoir, Art. 4. «.Tous les enfants appartiennent à la Ré¬ publique et leurs parents ne peuvent être bons citoyens qu’ autant qu’ils auront pour eux les soins que leur faiblesse exige, qu’autant qu’ils leur inspireront de bonne heure le goût du tra¬ vail et de la simplicité, le courage des priva¬ tions, l’amour de la République; la haine des rois, des dictateurs et de tout pouvoir arbi¬ traire. Art. 5. « Les parents qui ne pourront pas instruire leurs enfants eux-mêmes les enverront à l’école publique. Art. 6. « Le temps d’étude pourles enfants est fixé à doux heures par jour pour les écoles primaires dans toute l’étendue de la République. Art. 7. « Les parents no remettront point aux insti¬ tuteurs l’autorité paternelle; car oo pouvoir de la nature ne peut se confier à qui que ce soit ; mais ils sont autorisés à surveiller fraternelle¬ ment les instituteurs pour s'assurer s’ils usent envers les enfants de toute la bonté, de toute la douceur que l’enfance obtient toujours des hommes de bien. Ari. 8. «Toutes corrections physiques sont expres¬ sément bannies des éooles, quelles quelles soient, et même des maisons d’apprentissage. Art. 0. « On emploiera tous les moyens pour faire trouver aux enfants un plaisir dans l’accom¬ plissement de leur devoir. Art. 10. « Les maîtres d’école actuellement existants dans chaque commune sont conservés sous le titre d’instituteurs, et il sera établi des institu¬ teurs dans toutes les communes qui en sont sus¬ ceptibles. Art. 11. « Ils seront tenus de subir, devant la muni¬ cipalité et le conseil général de la commune,, un examen sur la lecture, l’écriture, les comptes, la connaissance des devoirs et des droits de l’homme, la Constitution do la République française. Art. 12. « Il leur sera accordé un traitement propor¬ tionné� nombre des enfants de la commune. iConvention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 4g SéSSrTiTOS 243 Art. 13. « Il y aura aussi dans chaque commune une institutrice qui enseignera aux filles à lire, à écrire, à coudre, filer, eto. ; il leur sera aussi accordé un traitement. Art. 14. « Les instituteurs seront nommés par la mu¬ nicipalité sur la présentation de la majorité absolue des pères de famille, et leur examen aura lieu entre la présentation et la nomination. Art. 15. « Les institutrices seront présentées par les mères de famille. Elles subiront aussi un examen sur ce qu’elles doivent enseigner et seront nom¬ mées par la municipalité. Art. 16. « Tous les citoyens qui se sont adonnés à l’étude de la morale et de la bonne littérature sont invités à présenter -à la Convention natio¬ nale, avant le premier novembre prochain, le catéchisme républicain. Ils s’attacheront à développer dans cet ouvrage les vrais principes de la liberté, de l’égalité, les motifs de toutes les vertus républicaines, du respect dû aux lois, aux personnes, aux propriétés. Le style de ce catéchisme devra être simple, clair; on n’y emploiera que les mots de la langue française, les phrases et les tournures les plus générale¬ ment usitées dans la République. Art. 17. « La Convention nationale, sur le rapport de son comité d’instruction publique, portera le jugement motivé des ouvrages qui seront pré¬ sentés, et il sera accordé aux auteurs des récompenses proportionnées à leurs succès. Art. 18. « Dans chaque commune, un citoyen choisi par la municipalité, enseignera aux enfants mâles le maniement des armes, et les jeunes gens de la commune feront l’exercice aux mêmes lieux, jours et heures que les enfants. Art. 19. « Une école de natation sera établie dans toutes les communes qui en seront susceptibles. Art. 20. « Il sera distribué annuellement des prix aux enfants de tous les citoyens, sans exception, qui, dans quelque école que ce soit, ayant fait des progrès dans leurs études auront eu le plus d’assiduité au travail ou aux exercices de corps relatifs à l’agriculture ou aux métiers d’utilité première. Ces prix consisteront en exemplaires de la Constitution; et dans une fête instituée à cet effet, les enfants les recevront du maire de la commune, et en mettant un genou en terre, pour marquer le respect dû à la loi. Tous les pères leur donneront ensuite le baiser civique; il y aura aussi des prix pour les filles ; ces prix consisteront en ajustements simples, en rouet à filer, etc. ; ils leur seront délivres en présence de la municipalité, par la plus âgée des mères de famille. Art. 21. « Les jours de congé ou de récréation seront les mêmes pour toute la République; et tous les enfants élevés, soit aux écoles, soit chez leurs parents, seront confondus ensemble et s’ocu-peront de jeux communs, sous la surveillance des pères et des instituteurs. Art. 22. « Les pères et mères, riches ou pauvres, emploieront tout leur zèle, tous leurs moyens, ou ceux que la République leur offre, pour que leurs enfants à l’âge de 15 ans soient en état de gagner leur pain par un travail quel¬ conque, et qu’au même âge ils sachent aussi facilement que possible, le catéchisme répu¬ blicain, lire, écrire et compter. Art. 23. « Il sera établi dans chaque district une mai¬ son commune d’instruction, où. les enfants, qui auront montré un goût particulier et irré¬ sistible pour les sciences et les arts, seront admis à l’âge de 15 ans; mais ils ne seront reçus dans ces maisons qu’autant qu’ils seront en état de gagner leur pain par un travail quelconque, et üs continueront les choses qui leur seront en¬ seignées dans ces maisons. Art. 24. « On enseignera dans ces maisons les éléments de toutes les sciences et la théorie des arts, et douze professeurs seront à cet effet salariés par la République. Art. 25. « Ceux des enfants, qui, dans l’espace d’une année, auront fait des progrès dans cette pre¬ mière étude, seront envoyés et entretenus aux frais de la nation, dans les différents endroits où l’on exerce la pratique des arts qu’ils auront choisis : ils feront tous leurs voyages à pied par étapes. Art. 26. « Ils ne seront ainsi entretenus que pendant un temps proportionné à Futilité sociale répu¬ blicaine de la science ou de l’art qu’ils auront embrassé. Un peintre ne sera entretenu qu’un an, un chirurgien le sera pendant six, etc., un poète pendant trois mois. Art. 27. « On apprendra la chirurgie et la médecine dans les hôpitaux civils ou militaires, la navi- 244 [Convention nationale, | ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 4J SK”»?™ gation dans les ports de mer et en course, la peinture dans les ateliers des grands maîtres, et mieux encore chez le pins grand maître de tous, la nature. Art. 28. � « A des jours marqués, les professeurs de physique expérimentale, de botanique et d’a¬ griculture tiendront, dans chaque district, des cours publics où tous les laboureurs seront invi¬ tés d’assister. Art. 29. « Ces professeurs s’attacheront à déraciner les préjugés de la routine, de l’habitude et de la superstition même, qui nuisent aux progrès de l’agriculture; mais ils approcheront douce¬ ment la vérité de ces esprits, et ils la laisseront plutôt deviner qu’ils ne l’enseigneront. Art. 30. « Il y aura dans chaque département des communes des arts et des sciences. L’objet de ces communes, dont l’organisation, ainsi que celle du lycée républicain, sera indiquée par un décret particulier, sera : 1° de conserver et d’entretenir dans chaque département le dépôt de toutes les connaissances humaines; 2° de cultiver la partie des sciences et des arts qui se trouvera avoir un rapport plus particulier avec les localités du département; 3° d’entre¬ tenir une correspondance active d’observa¬ tions sur les anciennes ou sur les nouvelles découvertes en tout genre, sur l’utilité sociale de ces découvertes, avec le lycée dont il va être parlé. Art. 31. « Il sera établi dans Paris un lycée républi¬ cain, où des prix seront accordés à ceux qui donneront les ouvrages les plus propres à amé¬ liorer l’instruction publique, l’éducation natio¬ nale, à perfectionner les lois, à encourager les hommes à toutes les vertus. Les grandes actions y seront récompensées, et elles passeront avant les beaux discours; le corps législatif fixera le motte de toutes récompenses et ce mode variera selon la nature des actions ou des ouvrages. Art, 32. «L’on conservera avec soin les dépôts précieux qui ont été confiés à toutes les ci-devant acadé¬ mies, et ces dépôts seront remis à la garde des communes des arts aussitôt après leur orga¬ nisation. Art. 33. « Les pensions des savants ou artistes, obtenues de l’ancien gouvernement, seront conservées aux titulaires; et le gouvernement de la Répu¬ blique, plus généreux que l’orgueil des mo¬ narques, pourvoira aux besoins de ceux qui s’étant livrés à l’étude de la morale ou des sciences auront fait plusieurs ouvrages utiles. Art. 34. « Il est permis à tout citoyen d’établir et d’organiser des maison: d’enseignement, d’ou¬ vrir des cours, etc., pourvu qu’il donne des le¬ çons en public. Art. 35. « La Convention nationale déclare que l’agri¬ culture est le premier des arts, et l’amour de la République une et indivisible, la première de toutes les vertus. Opinion de A.-C. Thibaudeau, membre de la Convention nationale, sur l’instruction PUBLIQUE, ÉNONCÉE A LA SÉANCE DU 19 PRI¬ MAIRE. (1) (Imprimé par ordre de la Convention nationale.) L’instruction publique, au point de civilisa¬ tion auquel le peuple français est parvenu et au degré de perfection auquel les arts ont été portés par les découvertes et les efforts de l’industrie, n’est pas un art aussi difficile qu’on semble le croire. Les savants et les instituteurs par métier ne voient de moyens d’instruction pour la jeu¬ nesse que dans les classes, les livres et des établis¬ sements dispendieux ; les véritables philosophes pensent tout autrement. L’instruction doit être d’abord négative; l’éducation n’est que le libre développement de la nature ; il faut donc moins l’encourager, que d’empêeher qu’il ne soit arrêté par les préjugés meurtriers et les vices de nos institutions; l’art en cette matière nuit plus qu’il ne sert, c’est lui qui hébète les enfants et déforme leur corps. Ne perdons jamais de vue que la société a moins besoin de savants, que d’hommes forts, éclairés et vertueux; qu’une bonne éducation consiste moins en préceptes, et en un système de pédagogie plus ou moins ingénieux, que dans le résultat des lois, des mœurs, des usages, dans des institutions qui rappellent sans cesse le culte sacré de la patrie, et la nécessité des vertus morales sans lesquelles il n’y a point de liberté. On a déjà écrit des volumes sur cette matière de la Convention nationale; on a proposé et discuté divers plans, décrété et rapporté des bases, créé des Commissions pour les vérifier; d’où vient cette versatilité? De ce que peu de personnes ont posé les véritables principes, et qu’ils ont été toujours étouffés par les décla¬ mations des savants. Depuis l’Assemblée constituante jusqu’à ce jour, on a cru qu’il fallait que la nation créât dans son sein des établissements scientifiques, des corporations de docteurs; on a cherché à multiplier les places, sans examiner s’il se trou¬ verait assez d’hommes capables de les remplir. Les projets d’éducation et d’instruction publique qu’on a mis à jour, ne sont qu’une copie enlu¬ minée des collèges et des académies rétablis avec plus de luxe et surchargés de règlements. L’es¬ prit réglementaire est devenu une maladie : sous le prétexte de grands systèmes, on veut tout (1) Bibliothèque nationale : 10 pages, in-8°, Le38, n° 598. Bibliothèque de la Chambre des députés s Collection Portiez (de l'Oise ), t. 93, n° 60 et 435, n° 10.