28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE que le comité a toujours suivies, et dont il a senti plus fortement le besoin de ne pas s’écarter dans l’affaire de Joseph Lebon. Ses accusateurs auraient désiré peut-être que c’eût été une occasion de discussion domestique ou d’altercations entre les représentants du peuple. D’autres malveillants auront pensé peut-être établir une sorte de jurisprudence litigieuse et divisante entre des hommes qui doivent être également attachés à la cause de la république, ou engager le comité à prendre parti. Mais le comité ne connaît que la république; il ne vise qu’à l’intérêt général, et cet intérêt consiste à abattre l’aristocratie, à la poursuivre dans toutes ses sinuosités, à défendre les patriotes, et à soutenir, à seconder les opérations de la représentation nationale, en les dégageant de ce qu’elles peuvent avoir ou d’âpre ou d’exagéré dans les formes, ou d’erroné dans les moyens. D’après ces vues, un de vos décrets porte que toutes les réclamations élevées contre les représentants doivent être jugées dans le comité. C’est ce qu’il a fait, et, après avoir entendu les plaintes et les réponses des représentants, il les a rappelés ou maintenus, il les a renvoyés ou soutenus. Le comité doit-il agir dans cette hypothèse d’une manière différente ? il ne le pense pas. Il est plus utile qu’on ne peut le croire à la tranquillité des délibérations de la Convention que, sous la forme de pétitions ou sous prétexte du bien public, des passions hideuses et des intérêts de localité ne viennent pas troubler les actes du gouvernement ou les délibérations du législateur. Le résultat et les motifs de conduite, voilà ce que nous recherchons. Les motifs sont-ils purs ? le résultat est-il utile à la révolution ? profite-t-il à la liberté ? les plaintes ne sont-elles que récriminatoi-res, ou ne sont-elles que les cris vindicatifs de l’aristocratie ? C’est ce que le comité a vu dans cette affaire. Des formes un peu acerbes ont été érigées en accusation; mais ces formes ont détruit les pièges de l’aristocratie : une sévérité outrée a été reprochée au représentant; mais il n’a démasqué que de faux patriotes, et pas un patriote n’a été frappé. - Et que n’est-il pas permis à la haine d’un républicain contre l’aristocratie ! et de combien de sentiments généreux un patriote ne trouve-t-il pas à couvrir ce qu’il peut y avoir d’acrimonieux dans la poursuite des ennemis du peuple ! Il ne faut parler de la révolution qu’avec respect, et des mesures révolutionnaires qu’avec égard. La liberté est une vierge dont il est coupable de soulever le voile. (Vifs applaudissements). Il pourra venir un temps où le délit de ceux qui ont cherché à laisser respirer l’aristocratie pourrait être recherché; mais Joseph Lebon, quoiqu’avec quelques formes que le comité a improuvées, a complètement battu les aristocrates; il a comprimé les malveillants, et fait punir à Cambrai surtout les contre-révolutionnaires et les traîtres; les mesures vigoureuses qu’il a prises ont sauvé Cambrai couvert de trahison; ce service nous a paru assez décisif pour ne pas donner un triomphe à l’aristocratie. C’est moins Joseph Lebon que nous défendons que l’aristocratie que nous poursuivons. Il ne doit pas être permis aux représentants de s’attaquer par des écrits polémiques, et de mettre en jugement les ressorts et les mouvements révolutionnaires. Cette méthode ressemble trop à la guerre que les ennemis de la liberté lui ont faite constamment (l). Le comité propose de passer à l’ordre du jour sur les pétitions faites contre les opérations de Joseph Lebon. Cette proposition est décrétée en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le comité de salut public sur les pétitions faites sur les opérations de Joseph Lebon, représentant du peuple, dans le département du Pas-de-Calais, passe à l’ordre du jour » (2). (Applaudissements). 57 Le même membre [BARÈRE] fait part à la Convention des succès des armées. Du Midi au Nord, et de la Sambre au Rhin, les troupes de la République sont encore victorieuses : l’armée des Pyrénées-Orientales continue sa marche dans la Cerdagne-Espagnole; de riches magasins d’effets militaires, de munitions et de cartouches, les fusils que leurs manufactures d’armes renfermoient, sont en nos mains : les établissemens sont ruinés et détruits, pour que l’Espagnol n’en use plus contre la liberté. Le poste de l’Etoile a été pris avec 300 tentes, des mulets chargés de munitions et quelques prisonniers ; plusieurs drapeaux et des saints d’argent ont été apportés au camp des Français. L’armée commandée par Dugommier a tué 600 Castillans et fait 400 prisonniers. Sur le Rhin, l’armée a attaqué le Prussien; sur tous les points, l’ennemi a été frappé et poursuivi; par-tout les avant-postes ont été taillés en pièces, et tous les villages, tous les postes emportés avec la plus grande valeur. Plusieurs Prussiens ont péri dans le combat : aucun n’a échappé, ils les ont traités comme des Anglais. L’armée de Sambre et Meuse avance vers Bruxelles; Nivelles, Jemmapes, Marbaix, Som-brefe sont occupés par les républicains : les villes de Gand et Oudenaarde sont aussi en notre pouvoir (3). BARERE : Citoyens, l’intervalle de quelques jours pour les nouvelles des armées a réuni plu-(1) Mon., XXI, 172; Débats, n° 657; J. Mont., n° 74. (2) P.V., XLI, 139. Minute de la main de Barère. Décret n° 9859. Reproduit dans Bm, 21 mess, (suppl1); J. Sablier, n° 1427 ; J. Matin, n°715; J. Paris, n° 556; C. Univ., n° 921 ; J. Perlet, n°655; Rep., n°202; J. Fr., n°653; Audit, nat., n°654; F.S.P., n° 370; Ann. R.F., n°221; Mess. Soir, n°690; J. S. Culottes, n° 510. (3) P.V., XLI. 139. Minute de la main de Barère. Décret (d’insertion) n°9861. Bin, 21 mess. (ler et 2e supplts); Débats, nos 689, 690, 691; J. Univ., n08 1689, 1690, 1691; J. Sablier, n° 1427; F.S.P., n08 370-371; J. Perlet, nos 655, 656 ; J. Paris, n08 556, 557 ; J. Fr., nos 653, 654 ; Ann. R.F., nos 221,223; Audit, nat., n08 654, 655; C. Eg., nos690,691; J. S. Culottes, n08 510, 511; J. Matin, n°715; M.U., XLI, 349-350; J. Mont., n°74; C. Univ., n°921; Rép., n°202; Ann. pair., n°DLV; J. Lois, n° 649. 28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE que le comité a toujours suivies, et dont il a senti plus fortement le besoin de ne pas s’écarter dans l’affaire de Joseph Lebon. Ses accusateurs auraient désiré peut-être que c’eût été une occasion de discussion domestique ou d’altercations entre les représentants du peuple. D’autres malveillants auront pensé peut-être établir une sorte de jurisprudence litigieuse et divisante entre des hommes qui doivent être également attachés à la cause de la république, ou engager le comité à prendre parti. Mais le comité ne connaît que la république; il ne vise qu’à l’intérêt général, et cet intérêt consiste à abattre l’aristocratie, à la poursuivre dans toutes ses sinuosités, à défendre les patriotes, et à soutenir, à seconder les opérations de la représentation nationale, en les dégageant de ce qu’elles peuvent avoir ou d’âpre ou d’exagéré dans les formes, ou d’erroné dans les moyens. D’après ces vues, un de vos décrets porte que toutes les réclamations élevées contre les représentants doivent être jugées dans le comité. C’est ce qu’il a fait, et, après avoir entendu les plaintes et les réponses des représentants, il les a rappelés ou maintenus, il les a renvoyés ou soutenus. Le comité doit-il agir dans cette hypothèse d’une manière différente ? il ne le pense pas. Il est plus utile qu’on ne peut le croire à la tranquillité des délibérations de la Convention que, sous la forme de pétitions ou sous prétexte du bien public, des passions hideuses et des intérêts de localité ne viennent pas troubler les actes du gouvernement ou les délibérations du législateur. Le résultat et les motifs de conduite, voilà ce que nous recherchons. Les motifs sont-ils purs ? le résultat est-il utile à la révolution ? profite-t-il à la liberté ? les plaintes ne sont-elles que récriminatoi-res, ou ne sont-elles que les cris vindicatifs de l’aristocratie ? C’est ce que le comité a vu dans cette affaire. Des formes un peu acerbes ont été érigées en accusation; mais ces formes ont détruit les pièges de l’aristocratie : une sévérité outrée a été reprochée au représentant; mais il n’a démasqué que de faux patriotes, et pas un patriote n’a été frappé. - Et que n’est-il pas permis à la haine d’un républicain contre l’aristocratie ! et de combien de sentiments généreux un patriote ne trouve-t-il pas à couvrir ce qu’il peut y avoir d’acrimonieux dans la poursuite des ennemis du peuple ! Il ne faut parler de la révolution qu’avec respect, et des mesures révolutionnaires qu’avec égard. La liberté est une vierge dont il est coupable de soulever le voile. (Vifs applaudissements). Il pourra venir un temps où le délit de ceux qui ont cherché à laisser respirer l’aristocratie pourrait être recherché; mais Joseph Lebon, quoiqu’avec quelques formes que le comité a improuvées, a complètement battu les aristocrates; il a comprimé les malveillants, et fait punir à Cambrai surtout les contre-révolutionnaires et les traîtres; les mesures vigoureuses qu’il a prises ont sauvé Cambrai couvert de trahison; ce service nous a paru assez décisif pour ne pas donner un triomphe à l’aristocratie. C’est moins Joseph Lebon que nous défendons que l’aristocratie que nous poursuivons. Il ne doit pas être permis aux représentants de s’attaquer par des écrits polémiques, et de mettre en jugement les ressorts et les mouvements révolutionnaires. Cette méthode ressemble trop à la guerre que les ennemis de la liberté lui ont faite constamment (l). Le comité propose de passer à l’ordre du jour sur les pétitions faites contre les opérations de Joseph Lebon. Cette proposition est décrétée en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le comité de salut public sur les pétitions faites sur les opérations de Joseph Lebon, représentant du peuple, dans le département du Pas-de-Calais, passe à l’ordre du jour » (2). (Applaudissements). 57 Le même membre [BARÈRE] fait part à la Convention des succès des armées. Du Midi au Nord, et de la Sambre au Rhin, les troupes de la République sont encore victorieuses : l’armée des Pyrénées-Orientales continue sa marche dans la Cerdagne-Espagnole; de riches magasins d’effets militaires, de munitions et de cartouches, les fusils que leurs manufactures d’armes renfermoient, sont en nos mains : les établissemens sont ruinés et détruits, pour que l’Espagnol n’en use plus contre la liberté. Le poste de l’Etoile a été pris avec 300 tentes, des mulets chargés de munitions et quelques prisonniers ; plusieurs drapeaux et des saints d’argent ont été apportés au camp des Français. L’armée commandée par Dugommier a tué 600 Castillans et fait 400 prisonniers. Sur le Rhin, l’armée a attaqué le Prussien; sur tous les points, l’ennemi a été frappé et poursuivi; par-tout les avant-postes ont été taillés en pièces, et tous les villages, tous les postes emportés avec la plus grande valeur. Plusieurs Prussiens ont péri dans le combat : aucun n’a échappé, ils les ont traités comme des Anglais. L’armée de Sambre et Meuse avance vers Bruxelles; Nivelles, Jemmapes, Marbaix, Som-brefe sont occupés par les républicains : les villes de Gand et Oudenaarde sont aussi en notre pouvoir (3). BARERE : Citoyens, l’intervalle de quelques jours pour les nouvelles des armées a réuni plu-(1) Mon., XXI, 172; Débats, n° 657; J. Mont., n° 74. (2) P.V., XLI, 139. Minute de la main de Barère. Décret n° 9859. Reproduit dans Bm, 21 mess, (suppl1); J. Sablier, n° 1427 ; J. Matin, n°715; J. Paris, n° 556; C. Univ., n° 921 ; J. Perlet, n°655; Rep., n°202; J. Fr., n°653; Audit, nat., n°654; F.S.P., n° 370; Ann. R.F., n°221; Mess. Soir, n°690; J. S. Culottes, n° 510. (3) P.V., XLI. 139. Minute de la main de Barère. Décret (d’insertion) n°9861. Bin, 21 mess. (ler et 2e supplts); Débats, nos 689, 690, 691; J. Univ., n08 1689, 1690, 1691; J. Sablier, n° 1427; F.S.P., n08 370-371; J. Perlet, nos 655, 656 ; J. Paris, n08 556, 557 ; J. Fr., nos 653, 654 ; Ann. R.F., nos 221,223; Audit, nat., n08 654, 655; C. Eg., nos690,691; J. S. Culottes, n08 510, 511; J. Matin, n°715; M.U., XLI, 349-350; J. Mont., n°74; C. Univ., n°921; Rép., n°202; Ann. pair., n°DLV; J. Lois, n° 649.