[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] 737 une lettre de M. le garde des sceaux, à laquelle est jointe la copie d’une lettre de M. de Montmo-rin, ministre des affaires étrangères. Cette dernière est relative aux forçats étrangers détenus sur les galères de France, et au décret rendu à leur occasion le 20 de ce mois. L’Assemblée, après la lecture des pièces, passe à l’ordre du jour. L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur le dessèchement des marais. Le comité des rapports demande à être entendu sur un e affaire qui intéresse M. de Martinet , lieutenant-colonel du régiment de Beauce, détenu à Brest. La priorité est accordée au comité des rapports. M. Giraud-Duplessis, rapporteur. M. de Martinet est accusé d’avoir voulu semer la discorde entre les régiments de la marine, de Normandie, les gardes nationales de Brest, tous confédérés, et le régiment de Beauce, qui, à cette époque, n’avait point encore accédé à la fédération. Une lettre écrite par M. de Martinet à M. le Dure, et lue par :ce dernier à son détachement, fait le fondement de l’accusation. La municipalité et le conseil général de la commune ont mandé M. de Martinet, et lui ont fait subir une espèce d’interrogatoire. Us ont arrêté de supplier l’Assemblée de faire exclure cet officier du service, et de le déclarer incapable de remplir aucune fonction militaire. Sur les ordres de la municipalité, M. de Martinet a été arrêté et détenu dans sa chambre, sous la garde de quatre fusiliers de son régiment. Recherche faite par les officiers muni-paux dans les papiers deM. de Martinet, ils n’y ont rien trouvé qui pût appuyer leurs soupçons. Une lettre confidentielle ne pouvait ni ne devait faire la base d’aucune accusation. L’excès de zèle a égaré la municipalité. M. I�e Gendre, député de Brest , demande la parole. L’Assemblée refuse de l’entendre; elle ferme la discussion et rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, considérant que, dans sa lettre du 4 mai, le sieur de Martinet n’a point exprimé son opinion personnelle sur les dispositions du régiment de Normandie, des canoniers-matelots et de la garde nationale de Brest, que d’ailleurs cette lettre, purement confidentielle, n’était point destinée à devenir publique; « Considérant que les municipalités étant incompétentes pour mander devant elles et faire arrêter les chefs et officiers des troupes réglées pour des faits relatifs à leurs fonctions et à la conduite des corps qui sont à leurs ordres, la municipalité de Brest a outrepassé ses pouvoirs dans la conduite par elle tenue à l’égard du sieur de Martinet; mais que, d’un autre côté, la circonstance d’une fermentation qui pouvait entraîner les plus grands malheurs, paraissait exiger, pour la tranquillité publique et pour la sûreté particulière du sieur de Martinet, qu’elle en prît de semblables; « Déclare qu’il n’y a lieu à aucune inculpation contre le sieur de Martinet, que la liberté doit lui êtrepncessamment rendue; et, sur le surplus, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » M. le Président communique à l’Assemblée 4re Série. T. XV. l’état qui lui est adressé par M. le garde des sceaux, des décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, qui est ainsi conçu : « Le roi a accepté le décret de l’Assemblée nationale du 18 de ce mois, concernant les assemblées électorales. « Sa Majesté a en même temps sanctionné : « 1° Le décret de l’Assemblée nationale, du 27 de ce mois , relatif à l’assemblée primaire du canton de l’Arbresle, district forain de Lyon, et a en conséquence donné des ordres pour la convocation et la tenue de cette assemblée à Sainbel, et pour qu’il soit informé des troubles arrivés à l'assemblée formée le 18 du présent mois, dans ledit lieu de l’Arbresle. 2° Le décret du même jour 27 mai, concernant les saisies et ventes de meubles contre les communautés ecclésiastiques, la remise des titres de leurs créanciers, et les causes relatives aux fonds qui ont été déclarés être à la disposition de la nation. 3° Le décret du même jour, pour qu’il soit défendu à toutes personnes d’exiger que le prix du grain soit taxé, et que les contrevenants soient poursuivis et punis. 4° Le décret dû même jour, qui approuve le régime provisoire donné à la garde nationale de Meaux. 5° Sa Majesté, sur deux autres décrets des 21 et 28, a donné des ordres : r 1° Pour désigner et faire arrêter trois dragons partis de Tarascon, à l’effet d’être conduits sous bonne et sûre . garde dans les prisons du Châtelet à Paris ; « 2° Pour arrêter sur le champ la démolition de la citadelle de Marseille. Signé Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. « Paris, ce 29 mai 1790. » M. le Président donne lecture d’une proclamation du roi destinée à être envoyée dans les départements-, elle a pour objet le rétablissement du bon ordre et de l’union ; Sa Majesté désire que l’Assemblée nationale en ait connaissance. Elle est ainsi conçue : « Jamais des circonstances plus impérieuses n’ont invité tous les Français à se réunir dans un même esprit, à se rallier avec courage autour de la loi, et à favoriser de tout leur pouvoir l’établissement de la Constitution. Nous n’avons rien négligé pour inspirer ces sentiments à tous les citoyens ; nous leur avons nous-même donné l’exemple de la confiance la moins équivoque dans les représentants de la nation, et de nos dispositions constantes pour tout ce qui peut concourir au bonheur de nos sujets et à la prospérité de la France. « Serait-il donc possible que des ennemis du bien publie cherchassent encore à troubler les travaux importants dont l’Assemblée nationale est occupée, de concert avec nous, pour assurer les droits du peuple et préparer son bonheur; que l’on essayât d’émouvoir les esprits, soit par de vaines terreurs et de fausses interprétations des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par nous, soit en entreprenant d’inspirer sur nos intentions des doutes aussi mal fondés qu’injurieux, et en voilant des intérêts ou des passions privées du nom sacré de la religion? « Une opposition si coupable nous affligerait 47 738 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.) sensiblement, en même temps qu’elle exciterait toute notre animadversion. L’objet continuel de nos soins est de prévenir et de réprimer tout ce qui en porterait le caractère. Nous avons même jugé digne de notre sollicitude paternelle d’interdire jusqu’aux signes qui seraient propres à manifester des divisions et des partis. « Mû par ces considérations, et instruit qu’en divers lieux du royaume des particuliers se seraient permis de porter des cocardes différentes de la cocarde nationale que nous portons nous-même, et considérant les inconvénients qui peuvent résulter de cette diversité, nous avons cru devoir l’interdire. « Ën conséquence faisons défense à tous nos fidèles sujets, et dans toute l’étendue de notre royaume, de faire usage d’aucune autre cocarde que la cocarde nationale. « Exhortons tous les bons citoyens à s’abstenir dans leurs discours, comme dans leurs écrits, de tous reproches ou qualifications capables d’aigrir les esprits, de fomenter la division, et de servir même de prétexte à de coupables excès. « Donné à Paris, le 28 mai 1790. « Et plus bas : • Signé : Louis. « de Sàint-Priest. » Cette lecture, que des mouvements d’enthousiasme avaient souvent interrompue, est à peine terminée, que la salle retentit des applaudissements de l’Assemblée, auxquels les spectateurs mêlent des transports de joie et des cris réitérés de : Vive le roi. ! L’Assemblée rend à l’unanimité le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait une députation au roi, composée de vingt-quatre de ses membres, pour rapporter à Sa Majesté les mouvements de joie, d’attendrissement, d’amour et de gratitude qu’a excités la lecture de sa proclamation, et la remercier, au nom delà nation, des soins qu’elle prend, dans sa sollicitude paternelle, pour défendre le peuple des insinua-tious perlides que l’on emploie pour l’égarer, et resserrer de plus en plus les nœuds saints qui unissent les Français libres à leur monarque chéri. » (De nouveaux applaudissements se font entendre.) M. le Président lève la séance à onze heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAUMETZ. Séance du dimanche 30 mai 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Chabroud, secrétaire , donne lecture des procès-verbaux des deux séances d’hier. M. Defermon demande qu’on ajoute au décret rendu hier soir sur l’affaire de Brest ces (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. mots : « Il n’y a pas lieu à inculpation contre la municipalité. » Après de légers débats l'Assemblée décide de passer à l’ordre du jour. Un de Messieurs les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse des citoyens de l’assemblée primaire du canton de Saint-Barthélemy, district de Lau-zun, départemeut du Lot-et-Garonne, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale acceptés ou sanctionnés par le roi, comme étant l’expression de leur volonté. Autre de la municipalité de la ville de Vertus, renouvelant les hommages d’adhésion de la commune de cette ville à tous les décrets, et portant soumission d’acquérir tous les biens-fonds ecclésiastiques de son territoire. Autre des citoyens de l’assemblée primaire du canton de Barbantane, district de Nérac, département de Lot-et-Garonne, qui acceptent avec joie et reconnaissance la Constitution dont l’Assemblée nationale a posé les bases, et adhèrent à tous les décrets de l’Assemblée, acceptés ou sanctionnés par le roi, comme étant l’expression de leur volonté. Ils manifestent leur indignation contre l’écrit ayant pour titre : « Déclaration des députés de l’Assemblée nationale qui ont protesté contre le décret du 13 avril 1790, concernant la religion. » Autre de la commune du Luc, département du Var, à l’Assemblée nationale, exprimant avec admiration et reconnaissance son adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et invitant ses députés à continuer leurs travaux. Autre de la ville de Saint-Malo, département de l’Ile-et-Villaine, qui, en renouvelant avec énergie sa reconnaissance de? travaux de l’Assemblée, et son adhésion aux décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, improuve hautement et dénonce à l’indignation publique les libelles ayant pour titre : « Déclaration d’une partie de l’Assemblée sur le décret du 13 avril ; déclaration du chapitre de Rouen sur le même décret ; délibération des catholiques d’Uzès, et protestation de M. l’évêque de Dol, avec les prétentions et déclarations de trois grands-vicaires qui sont au pied. » M. le Président annonce que la députation au roi, décrétée hier soir, se réunira à une heure après midi et qu’elle est composée de : MM. L’abbé Gouttes. L’abbé Golaud de La Salcette. Coroller. Rocque de Saint-Pons. Defermon. De Colbert-Seignelay, évêque de Rodez. De Bonnal, évêque de Clermont. L’abbé Grégoire. D’Ambly. Le comte de Bournazel. Pochet. Guillotin. Long. Le marquis de Vaudreuil. Ratier. Moutier. L’abbé Rangeard. Petit-Mangin. Mougins de Roquefort, curé. Bizard. Graffan. Fricaud. Viguier. Martineau