480 [Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Le ministre de la guerre annonce à la Conven¬ tion nationale que les Piémontais qui souillaient de leur présence le territoire de la République, à l’entrée de la vallée de Barcelonnette, viennent d’être forcés de retranchements en retranche¬ ments; que leur camp de la Madeleine a été pUlé, et que les troupes de la République occupent les villages de la frontière qu’on leur a enlevés; il joint à sa lettre le rapport qu’il a reçu du ci¬ toyen Henri Sarret, commandant de cette expé¬ dition (1). Compte eendu du Moniteur universel (2). Lettre du ministre de la guerre Paris, ce 11 frimaire. « J’annonce à la Convention nationale que les Piémontais qui souillaient le territoire de la République à l’entrée de la vallée de Barce¬ lonnette, viennent d’en être chassés. Leur camp a été pillé. Je joins ici la lettre qui m’écrit le général Sarret ; elle contient de plus grands détails sur cet avantage. » Copie d'une lettre du général de brigade Sarret, commandant le camp de Tournoux. Du quartier général de l’Arche, le 25e jour du 2e mois, au ministre de la guerre. « D’après les différents rapports et les mou¬ vements de l’ennemi, jugeant qu’il se disposait à faire sa retraite, tout occupé de l’inquiéter, je me suis transporté avec de forts détachements des différents bataillons qui se trouvent sous mes ordres, le 23e jour du 2e mois, en avant de Mérone, et sur les hauteurs de Malamare; les Croates qui formaient les avant-postes de l’en¬ nemi, renforcés depuis quelques jours pour mieux couvrir sa retraite, ont été repoussés avec succès; les villages de l’Arche, Malboisset, Maison -Miane, ont été évacués, ainsi que les redoutes de droite et de gauche, en avant du camp de la Magdelaine, où l’ennemi, couvert par une chaîne de retranchements presque inac¬ cessibles s’est replié. Craignant les approches de la nuit; et n’ayant pas d’ailleurs assez de monde pour forcer ce camp redoutable par sa position et les ouvrages qu’on y avait élevés, je me suis contenté d’occuper le terrain d’où l’en¬ nemi avait été chassé... Le 24, après avoir assuré mes derrières et renforcé la troupe que j’avais portée en avant, je me suis avancé sur deux colonnes; celle de gauche qui, précédée de quelques compagnies d’éclaireurs, devait s’avancer par les hauteurs de Levrier et du Bec de Lièvre, était comman¬ dée par le citoyen Malin Larivoire, chef du 4e ba¬ taillon de l’Isère, celle du Bec, commandée par le citoyen Fibrecis, chef du 1er bataillon de (I) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 296. (2) Moniteur universel [n° 72 du 12 frimaire an II (lundi 2 décembre 1793), p. 292, col. 2]. Le texte du Moniteur est reproduit avec quelques légères va¬ riantes dans le Bulletin de la Convention du 1er jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (dimanche 1er décembre 1793) et dans le Journal des Débats el des Décrets (frimaire an II, n° 439, p, 147). Il frimaire an H l,r décembre 1793 l’Isère, sous les ordres du général Gouvion, était chargée de suivre la ligne des Coteaux, et de soutenir les compagnies de tirailleurs portées en avant, qui formaient depuis l’escarpement jusqu’au pied de la montagne, une ligne de feu contre laquelle le canon de l’ennemi avait peu de prise. Un corps de réserve, commandé par l’adjudant général, chef de brigade Comin, précédé par deux pièces de canon, s’avançait 300 pas en arrière des colonnes, en prenant des positions. L’ennemi assailli dans ses postes, effrayé de l’ardeur républicaine de nos braves soldats, qui, sans s’amuser à tirailler, fondaient sur lui, la baïonnette en avant, a abandonné précipitam¬ ment ses retranchements de la Magdeleine. Son camp, où il avait pratiqué une espèce de ville, a été pillé; la troupe se divisant sur trois colonnes, et suivant toujours la ligne des hau¬ teurs, enfonçant dans la neige jusqu’à la ceinture a poursuivi avec vigueur les Piémontais, qui se sont sauvés dans les différentes redoutes qu’ils avaient construites sur les hauteurs qui domi¬ nent l’Argentière. Là, soutenus par les feux croisés de leur artillerie, favorisés par un temps pluvieux, ils ont balancé quelque temps l’ar¬ deur do nos soldats, qui enfin allaient fondre sur ces redoutes exhaussées; quand la pluie, mêlée de neige et de glace, a redoublé. La nuit ap¬ prochant, j’ai cru devoir modérer cette ardeur et le temps ne me permettant pas de garder les postes avantageux, où, par le froid rigoureux, le soldat ne pouvait bivouaquer, je me suis replié sur le camp de la Magdeleine, d’où après avoir fait ruiner la majeure partie des ouvrages-dirigés contre nous, je suis venu occuper les villages enlevés à l’ennemi. Nos braves volontaires ont montré le plus grand courage, et ont fait voir, dans cette cir¬ constance l’ascendant que des soldats républi¬ cains ont sur les satellites des despotes. Les chefs ont montré beaucoup de valeur; le citoyen d’Herbez-Latour, représentant du peuple dans le département des Basses-Alpes, a assisté à la première affaire ; il a montré le plus grand sang-froid au milieu des balles et des boulets qui pleuvaient sur lui de toutes parts : sa présence et sa fermeté n’ont pas peu contribué aux succès de cette journée. Nous n’avons perdu qu’un seul homme, et avons très peu de blessés. La perte de l’ennemi a été considérable, laissant partout sur la neige des traces de sang : il a été poursuivi comme un cerf aux abois. Si le temps et la saison nous l’avaient permis, nos succès ne se seraient pas bornés là; malgré toutes ses redoutes, l’ennemi pliant sous les efforts de nos armes, et cédant à l’ardeur de nos braves sol¬ dats, aurait été contraint de nous abandonner le terrain et de fuir en désordre au delà de Démon. Vive la Bépublique ! salut et fraternité. , « Henri Sarret. » Pour copie conforme : «Bouchotte (1). » (1) Vifs applaudissements, d’après les Annales patriotiques et littéraires [n° 335 du 12 frimaire an II (lundi 2 décembre 1793), p. 1518, col. 1] et d’après le Mercure universel [12 frimaire an II] (lundi 2 dé¬ cembre 1793), p. 187, col. 1].