298 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1791.] l’on dit : « tout fonctionnait e public et membre de la législature ». M. Garat aîné. J’appuie l’amendement de M. Barnaw, parce que la séduction d’un membre de la législature ! eut entraîner avec elle le bonheur ou le malheur de l’Empiie; et si vous ado lez l’amendement proposé par M. Duport, on dira que nous nous sommes épargnés nous-mêmes : notre honneur en dépend essentiellement. Je demande qu’on le mette aux voix. (Vifs app laudissemen ts.) M. Prieur. Je demande à soutenir, en deux mots, l'amendement de M. Barnave. Il est certain qu’il n’y a rien de plus contraire aux lois divines et humaines que de voir un homme chargé de la confiance générale de l’Empire se laisser bassement corrompre. (Applaudissements.) Messieurs, l'honneur d< la nation, l'honneur de la légi-da'ure, demandent également cette peine. (Applaudissements. — Aux voix V amendement de M. Barnave!) M. iLe Pelletier-Saint-Fargea ii, rapporteur. J’adoi'te l'amendement de l’article additionnel de M. Barnave. M. d’Aubergeon - Burinais. Pour éclairer le peupln sur nome conduit", je demande que la loi proposée par M. Barnave ait un effet rétroactif de 2 ans. ( Applaudissements à gauche.) Ma proposition e.-t appuyée, mettez-laaux voix. (Oui! oui !) M. Prieur. Oui ! oui î nous y consentons tous! M. Bontteville-Dumetz. Je crois que l’intention du préopinant sera parfaitement remplie sans donner à vmre loi un vice très essentiel a toutes les législation s. Dan s le cas où l’on viendrait à prouver un crime de cette nature, il sera très permis, il sera même du devoir d* s juges d’imposi r alors au criminel la lm en ce moment en vigueur. Je crois donc que l’i mention du préopinant est remplie sans manquer au principe qui défend d’insérer dans une loi qu’elle aura un effet rétroactif. M. le Pelletier-Saint-Fargeaii, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Barnave et je prie Monsieur le Président de le mettre aux voix. S’il est un crime atroce, s’il est un crime dangereux pour la société, c’est certainement ce genre de corruption : c’est un délit de lèse-nation. Mais, en même temps, je crois que le sous-amendement nous ferait devier des vrais principes. Une loi ne doit pas avoir d’effet rétroactif. Il exute dans ce moment desjo s pénales en vertu desquelles le délit dont il s’agit pourrait être jugé ; mais en prononçant un grand principe ne dévions pas les principes. Je demande que l’article et l’amendement soient seulement mis aux voix. M. d’Aubergeon - Burinais. Je demande que les membres de cette Icgisia'ure puissent être poursuivis puur crime de corruption, s’ils s’en sont rendus coupables ( Applaudissements à gau-che.), et je demande que tout citoyen puisse poursuivre un membre de cetle législature pour s'être lai ssé corrompre pour de l’argent. ( Applaudissements à gauche.) (L’Assemblée consultée adopte l’amendemeut de M. Barnave.) M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rappor-teur. Il y a un amendement proposé par M. Duport et que j’adopte en mon nom : c’est l’amendement relatif à la gradation des peines pour les jurés. (L’Assemb'ée, consultée, adopte l’amendement de M. Duport.) M. Tuant de la Bouverie. Je crois que la peine proposée par le comité est la plus forte: je demande donc la question préalable sur l’amendement de M. Prieur. M. Prieur. M. Tuaut ne se souvient pas que nous sommes dans cet instant d’une extrême modération centre les juges prévaricateurs, car un trait ancien d’histoire nous apprend qu’un juge prévaricateur fut mis à mort et sou siège couvert de sa peau. Il n’y a pas de crime plus grand que c lui du juge prévaricateur; ainsi si nous ne déclarons que la peine de la dégra-tion civique, je demande que l’on y joigne encore la peine pécuniaire. M. Duport. U y a quelque chose d’évident dans ce que vient de dire le préoninant, c’est que par l’effet du trafic de l’opinion d’un jug" ou d’un administrateur, une partie a été lésée. Il faut bien exprimer que la peine que vous y appliquez n’empêche point toute poursuite en dommages et intérêts qui pourront appartenir à celte partie. Je demande donc que la loi ajoute à l’article : « sans préjudice des dommages et intérêts qui pourront té, miter du jugement ». Quant à la cumulation de la peine pécuniaire, certainement Jes refl xions du préopinant sont justes, on ne saurait trop punir de pareils délits; mais je crois cependant qu’il ne faut pas, par l’horreur que vous inspire uu tel crime, se laisser aller à une espèce de principe qui ensuite deviendrait funeste : c’est celui de la cumulation des peines; il faut trouver la peine qui s’applique immédiatement au délit, et quand une fois on l'aura trouvée, je ne crois pas qu’on doive aller au delà. Je demande donc qu’on aille aux voix sur l’article du comité, en ajoutant seulement : « sans préjudice des dommages et intérêts que la partie pourra toujours réclamer quand elle aura été lésée ». M. Bégnier. Je demande que le juge qui aura eu une somme quelconque soit tenu de la rendre, à titre d’amende. M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je demande que la proposition de M. Duport ne soit pas jointe à l’article, parce que cette proposition, renvoyée au comité, pouira faire l’objet d’un article additionnel. Quant à l’amendement de M. Régnier, il est très aisé de le rédiger dans l’article. Voici, en conséquence, la nouvelle rédaction que je propose aux lieu et place des articles 7 et 8 du projet : Art. 7. « Tout membre de la législature qui sera convaincu d’avoir, moyennant argent, présent, ou. promesse, trafiqué de son opinion, sera puni de mort. Art. 8. « Tout fonctionnaire public, tout citoyen placé sur la liste des jurés qui sera convaincu d’avoir, moyennant argent, présent ou promesse, trafique 299 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1791.] de son opinion ou de l’exercice du pouvoir qui lui est confié, sera puni de la peine de la dégradation civique. Art. 9. « Tout juré, après le serment prêté, tout juge criminel, tout oifioier de police en matière criminelle, qui sera convaincu d’avoir, moyennant argent, présent, promesse, trati \ué de son opinion, sera puni de la peine de 20 années de gêne. Art. 10. « Les coupables mentionnés aux deux articles précédents seront en outre condamnés à une amende égale à la valeur de la somme ou de l’objet qu’ils auront reçu. » (Ces différents articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. Le Pellelier-Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article suivant : Art. 11 (Art. 9 du projet). « Tout fonctionnaire public, qui sera convaincu d’avoir détourné les deniers publics dont il était comptable, sera puni de la peine de 15 années de chaîne. » Un membre demande le renvoi de cet article au co'oiié. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur ce renvoi et adopte l’article 1 1 .) M. Le I*elletier-l§aïnt-Fargeau, rapporteur, donne lecture des articles suivants : Art. 12 (Art. 10 du projet). « Tout fonctionnaire ou officier public qui sera convaincu d’avoir détourné ou soustrait des deniers, effets, actes, pièces ou titres dont il était dépositaire, àiaison des fonctions publiques qu’il exerce, et par l’effet d’une confiance nécessaire, sera puni de la peine de 12 années de gêne. Art. 13 (Art. 11 du projet). < Tout geôlier ou gardien qui aura volontairement fait évader ou favorisé l’évasion de personnes légalement détenues, et dont la garde lui était coniiée, sera puni de la peine de 12 années de gêne. (Ces deux articles sont successivement mis aux voix et adaptés.) M. Le I*elletier-Saint-Fargean, rapporteur, donne lecture de l’article 12 üu projet, ainsi conçu : «. Tout lonctionnaire ou officier public, tout prépose à la perception de droits et c mtributions publiquts qui sera convaincu du crime de concussion, sera puni de la peine de 6 années de prison. » M. Thévenot de Sfarofse. Je demande que la peine soit portée à 6 années de gène. M. Bouche. Et moi, que l’on ajoute : « sans préjudice des sommes illégalement perçues ». M. Le Pelletier-Saint-Fargeau , rapporteur. J’adopte, et je propose de rédiger l’article comme suit : Art. 14 (Art. 12 du projet). « Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne commise à la perception de droits et contributions publiques, qui sera convaincu d’avoir commis par lui, ou par ses prépo-éq le crime de concussion, sera puni de la peine de 6 années de gêne, sans préjudice de la restitution des sommes perçues illégitimement. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. Le Pelletier-Saint-Fargean, rapporteur, donne lecture de l’article suivant: Art. 15 (Art. 13 du projet). « Tout fonctionnaire ou officier public, qui sera convaincu de s’être rendu coupable du crime de faux dans l’exercice de ses fondions, sera puni de la peine de la chaîne pendant 20 ans. » (Cet ariicle est adopté.) Un membre propose, comme article additionnel, la disposition suivante : * L< s autres crimes dont les geôliers, fonctionnaires publics peuvent se rendre coupables, doivent êire déierminés ainsi que la peine. » (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi de cette disposition additionnelle a x comités.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DAÜCHY. Séance du samedi 18 juin 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de jeudi matin. Une discussion s’engage sur la rédaction de l'article 10 du décret rendu dans cetie séance et relatif à la distribution de secours entre divers départements (2) . M, Ramel-Nogaret. Messieurs, l’article 10 du décret que vous avez rendu hier, relativement à la distribution de secours en re d vers départements, laisse subsister un doute que je prierai l’Assemblée de résoudre. Voici cet article : « L’Assemblée nationale se réserve de prononcer sur la distribution ultérieure des 5,760,000 livres restantes, ou par acompte ou définitivement, selon la nature et les circonstances des travaux et des besoins qui lui seront présentés par les divers départements. » Par cette disposition, l’Assemblée entend-elle que la somme restante soit réservée aux départements seuls qui n’ont eu aucune part à la distribution prononcée par le décret, ou qu’elle soit répartie entre tous les départements sans exception? M. Mauriet de Flory. Je demande à l’Assemblée la permission de lui rappeler les termes dans lesquels j’ai moi-même proposé l’article. Mon intention, en le proposant, était d’ass rer aux départements non compris dans les dispositif Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Yoy. ci-dessus, seance du 16 juin 1791, page 273.