426 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1791. offrir un don patriotique. L’Assemblée m’auto-rise-t-elle à la faire introduire? ( Oui ! oui !) (La députation est introduite.) L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Les citoyens de la section de la rue Poissonnière, constamment animés de l’amour de la liberté, du patriotisme le plus pur, de la soumission la plus absolue à la loi, viennent offrir aux pères de la patrie, une somme effective de 4,491 livres et celle de 1,070 livres en soumissions volontaires, annuelles, destinées à la paye des soldats-citoyens qui se sont dévoués à la défense de cet Empire. « Leur fermeté, leur courage, l’opinion prononcée de tous les Français, nous assurent assez que nous n’avons rien à redouter ni des despotes, ni des factieux qui nous environnent. « Mais si, égarés par un faux calcul, ils étaient encore assez féroces ou assez barbares pour oser violer le territoire sacré de la liberté, leur défaite apprendra à leurs peuples que nous ne voulons d’autre maître que la loi, et que les vôtres doivent leur servir de modèles. » ( Applaudissements .) M. le Président répond : « Messieurs, « L’Assemblée nationale est touchée de voir des citoyens généreux qui, sans cesser de remplir avec zèle leurs fonctions, s’empressent à concourir à la défense de l’Etat, en offrant à son secours le produit de leurs économies, ou le fruit de leurs travaux : elle n’est point étonnée que les habitants d’une ville qui se distingue par son patriotisme, ses vertus et ses lumières, contribuent doublement par cette conduite estimable au maintien de la Constitution, et au succès de la chose publique. Votre dévouement et votre hommage sont accueillis avec reconnaissance; ils garantissent à la nation la conservation de sa -liberté; ils assurent le triomphe de la loi. En effet, pourrait-on conserver encore quelque inquiétude, quand on voit les Français, aussi infatigables que courageuxr4’une main assurer la tranquillité publique, et de l’autre faire trembler les ennemis de la patrie.-» ( Applaudissements .) M. l’abbé Bécherel. Je demande l’impression et l’insertion au procès-verbal du discours de la députation et de la réponse de M. le Président. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. Je suis chargé de faire hommage à l'Assemblée d’un tableau de la France divisée en départements et en districts, dressé par un citoyen nommé Morinet, commis principal de la marine royale. (L’Assemblée agrée cet hommage et ordonne qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal.) M. le Président. Le résultat du scrutin, pour l’élection d’un Président ayant donné la majorité à M. Victor de Broglie, je lui cède le fauteuil. M. Victor de Broglie, président , prend place au fauteuil. {Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal du vendredi 12 août qui est adopté. M. Begnaud (de Saint-Jean-d' Angély), au nom du comité militaire. Messieurs, j’ai à vous entretenir des faits qui se sont passés dans quelques régiments de la 6e division à l'occasion d’un rassemblement de cavalerie aux environs de Gray. Depuis le décret que l’Assemblée nationale a rendu pour assurer le retour de la discipline dans les troupes, il avait paru convenable au ministre de la guerre de faire sortir autant qu’il était possible les régiments des lieux où ils étaient en garnison pour les déshabituer de l'espèce de mollesse qu’ils y contractaient et pour les faire cantonner dans les lieux où les fourrages étaient abondants, afin qu’ils s’y trouvassent plus disposés au service militaire si la défense de la patrie l’exigeait. En conséquence, des ordres qui avaient été donnés au commandant de la 6e division, cet officier a transmis ces ordres au commandant des 12e, 22e et 29* régiments qui étaient sous son commandement, l’un en garnison à Besançon, l’autre en garnison à Vesoul, et le troisième en garnison à Gray. Cependant, pour ne point laisser les villes dégarnies de troupes qui pouvaient être nécessaires à seconder les régiments d’infanterie et de la garde nationale, ce commandant n’a donné l’ordre du cantonnement qu’à un certain nombre de cavaliers de ces 3 régiments. La terreur a semblé être répandue dans ces différents cantons par des individus qui sont sans doute les moines, qui ailleurs ont cherché à répandre le trouble pour empêcher la soumission et l’obéissance; il paraît qu’on a surtout réuni ces efforts contre le 12° régiment en garnison à Gray : on a prétendu que l’on faisait marcher les troupes pour une contre-révolution; on a fait des assemblées particulières et je dois encore dire que la société des amis de la Constitution de Gray a eu une discussion fort animée à ce sujet, dans laquelle on annonce qu’on a empêché le régiment de partir. Une autre société, celle de Besançon, a décidé d’envoyer une députation à l’officier général, pour lui demander de ne pas exécuter les ordres qu’il avait reçus de tous ces différents mouvements, qui étaient, sans doute, le fruit d’un patriotisme égaré.... A gauche : Non 1 non 1 M. Begnaud (de Salnt-Jean-d' Angély)... mais qui sont extrêmement dangereux, et qu’il importe aux corps administratifs de réprimer par tous les moyens que la Constitution a mis au pouvoir des corps administratifs. Il en résulte que les craintes les plus fausses se sont emparées de l’esprit des soldats, qu’enfin ils étaient disposés à refuser de partir et que le 12e régiment, en garnison à Gray, est revenu dans une révolte, car on ne peut pas dire dans une insurrection. Dans une rébellion absolue aux ordres de ses chefs, dans ces circonstances l’officier général commandant n’a pas cru qu’il fût convenable de réunir le régiment qui était à Besançon, et celui qui était en garnison à Vesoul, avec celui qui venait de donner des preuves assez marquées d’indiscipline. Il a suspendu pour l’instant, sous quelques prétextes apparents, l’exécution des ordres qu’il avait donnés, et il a adressé le compte des faits, que je viens d’exposer, au ministre de la guerre. 11 a fait rester le 12° régiment à Gray, il a fait retourner à Besançon, le détachement du 22e régiment qui était déjà parti, il a fait demeurer également à Vesoul 250 hom�* [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1791.] A 27 mes qui doivent être cantonnés près Gray. Je dois vous ajouter que dans l'insubordination, tous les officiers ont donné leur démission, et ce n’est que sur les instances réitérées de M-deToulomreon, que les officiers se sont déterminés à rester à leur poste, malgré leur démission qu’ils avaient donnée, jusqu’aux ordres ultérieurs quipourraient leur parvenir. Voici le projet de décret que votre comité vous propose: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur les événements arrivés relativement aux troubles de la 6e division : « Décrète qu’elle approuve la conduite du lieutenant-colonel, commandant de la 6e division, qu’elle l’autorise, dans le cas où les troupes immédiatement à ses ordres, ne rentreraient pas dans le devoir, à suspendre les officiers, à éloigner par des congés limités, les sous-officiers et soldats qu’il jugerait être les fauteurs des troubles ; « Décrète que les ordres donnés parle ministre de la guerre, pour un cantonnement de cavalerie dans les environs de Gray, seront exécutés ; « Ordonne aux administrateurs, officiers municipaux, et autres fonctionnaires publics, préposés au maintien de laloi,d’empêch r qu’aucune société particulière ou individu (Murmures), ne s’immisce dans l’administration militaire, et de dénoncer aux tribunaux quiconque mettra obstacle à l’exécution des ordres du ministre de la guerre ou des commandants militaires. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Tuant délia Bouverie. M.le rapporteur vient de jeter de la défiance sur les clubs en nous exposant l’influence qu’ils ont pu avoir sur les faits reprochés aux régiments de la 6° division. Je dis, Messieurs, que l'établissement des clubs est certainement d’une grandeutilité parce qu’ilsrépandentla vérité, parce que de la discussion naît la lumière; mais je crois extrêmement dangereux que les fonctionnaires publics y assistent, et je vais appuyer l’amendement que je fais, que les fonctionnaires publics ne puissent y assister, sur 2 ou 3 motifs : 1° Les fonctionnaires publics sont salariés par l’Etat pour être ailleurs et non pas pour être là ; 2° Leur présence dans les clubs leur donne une importance extrême, et c’est ce qui est la cause des abus ; 3° Leur présence dans les clubs établit une incompétence manifeste relativement à toutes les affaires qui s’y traitent. En conséquence, Messieurs, je demande, par amendement, que l’Assemblée nationale, en approuvant les clubs pour le rassemblement des citoyens, défende qu’aucun fonctionnaire public salarié par l’Etat puisse y assister. M. Martineau. I) est essentiel d’user de la plus grande sévérité envers ces sociétés à qui la loi a permis de s’assembler et qui abuse de ce droit pour arrêter l’exécution de la loi; je demande que l’Assemblée charge les tribunaux d’informer à leur égard et que l’on sévisse contre les officiers et soldats qui ,ont prêté l’oreille à leurs insinuations. M. de Custine. Des clubs dans les villes où sont les corps armés sont, aiasi que nous l’avons établi dans le rapport fait par vos commissaires envoyés dans le département du Rhin, les établissements les plus dangereux. Mais ce n’est pas ce dont il s’agit en ce moment-ci. Il s’agit de s’occuper d’un moyen qui empêche de se propager cet esprit d’insurrection qui gagne l’un après l’autre tous les régiments de votre armée. Etcertainement, ce ne peut être en donnant des congés limités aux hommes qui sont tombés dans d’aussi graves erreurs; ce serait, au contraire, un moyen dontse serviraient des malintentionnés pour aller répandre ailleurs leur esprit d’insubordination. Ce n’est pas non plus en laissant cette action aux officiers chargés de faire exécuter la loi ; car il sera très difficile qu’une cour martiale puisse prononcer de longtemps surde semblables délits: ce ne peui-être qu’avec une punition exemplaire, une puniiion prononcée dans l’instant, que vous pouvez en imposer aux régiments. Je demande dune que les hommes accusés dans le 12e régiment d’avoir provoqué l’insurrection qui fait l’objet du décret présenté, soient mis en état d’arrestation, renfermés dans la citadelle de Besançon, et qu’il soit rendu compte à l’Assemblée des suites de cette affaire. M. d’Estourmel. Il est temps que l’Assemblée fasse des lois sévères contre ces sociétés qui, instituées pour éclairer les citoyens, se mêlent in-pudemment de l’administration. Les soldats ont été égarés; je demande que ceux qui les ont trompés soient poursuivis et rendus responsables des événements. M. Chabroud. Je ne vois ici, Messieurs, que le désir de transiger avec vos décrets. La loi relative aux faits dont il est question est sortie ; il est évident qu’elle doit être exécuiée et qu’il ne s’agit ici que de cette exécution. En ce qui concerne l’insurrection du 12e régiment, je demande que, relativem -ntaux militaires, l’affaire soit renvoyée au ministre de la guerre, et relativement aux sociétés, au ministre de la justice. M. Emmery. J’appuie les observations du préopinant et je propose, par sous-amendement, que le renvoi au pouvoir exécutif porte, avec lui, les motifs de ce renvoi. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély ), rapporteur. J’adopte. M.Tronchet. Il y aurait lieu de commettre pour les poursuites d’autres juges que ceux du lieu des séances des amis de la Constitution, car il est à craindre que les juges ne soient, eux-mêmes, membres de ces sociétés. M. La Poule. Je propose un amendement. Plusieurs membres : La discussion fermée I (L’Assemblée, consultée, ferme le discussion.) M. La Poule. Messieurs, le ministre a ordonné un cantonnement : il serait bon de connaître ses motifs et de l’approuver, de l’autoriser... M. Emmery. Les motifs fussent-ils détestables ne nous regardent point. Nous devons avoir confiance dans le ministre ou lui faire son procès. C’est ainsi que l’on fomente les divisions et l’insubordination dans l’armée. L’ordre a été donné, il s’exécutera. M. La Poule. L’Assemblée ne doit pas auto-