70 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE naissance; c’est là où Chabot avait réuni les députés de toutes les sociétés populaires du Midi. Chaudron-Roussau et Dartigoeyte avaient cru anéantir le parti des terroristes en ordonnant l’arrestation de quelques uns et les faisant conduire à Auch ; mais ils n’ont pas eu le courage de faire arrêter quatre des principaux de ce parti, qui ont profité de leur liberté pour faire délibérer la société populaire de Toulouse, pendant quatre jours consécutifs, et lui faire arrêter que ces deux représentants ne méritaient pas la confiance du peuple. Mallarmé a aussi été entouré d’abord par ces gens; il ne les a bien connus que depuis, et il n’a pas eu davantage le courage de les faire arrêter. Ces individus ont eu l’audace d’entraver les arrêtés du comité de Sûreté générale et de les faire discuter dans la société populaire de Toulouse [et ils empêcheront toujours que dans ces dépar-temens la révolution du 9 thermidor ne soit connue] (95). Il faut que la Convention montre qu’elle ne veut pas souffrir que personne entrave le gouvernement ou s’attribue une partie de ses droits ; et je demande l’arrestation de ces individus. ( Applaudissements .) CAVAIGNAC : Je demande la parole pour un fait. Les hommes que Chaudron et Dartigoeyte ont fait arrêter, et ceux qui restent encore en liberté à Toulouse, avaient formé dans cette ville un comité de surveillance qui s’étendait sur tout le Midi. Ces hommes eurent l’effronterie d’envoyer à la société de Bayonne et aux représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales un député pour nous demander les motifs de l’arrestation d’un membre de la société dont le moindre crime était d’avoir voulu faire construire une guillotine roulante et à quatre tranchants. Nous recommandâmes ce député à Dartigoeyte, et je crois qu’il lui a rendu justice. CHAUDRON-ROUSSAU : Depuis six mois ces intrigants ont constamment entravé les opérations des autorités constituées ; ou ils les paralysaient, ou bien ils leur dictaient les actes qu’elles devaient faire. Quand les membres de ces autorités ne faisaient pas la volonté de ces fripons, ceux-ci les dénonçaient dans la société populaire et les en faisaient chasser. Vous n’aurez jamais la tranquillité dans ce pays tant qu’Artaud, directeur des postes, qui avait été traduit à Paris, et qui a été élargi je ne sais comment, tant que Desbarreaux, Jarville, comédiens, Gélas, secrétaire du district seront en liberté. Je demande contre eux le décret d’arrestation. CLAUZEL : L’année dernière le comité de surveillance et la société populaire de Toulouse, c’est à dire les hommes dont on vous a parlé, qui menacent l’un et l’autre, envoyèrent un commissaire auprès du comité de Salut public pour demander qu’il y eût sans cesse à Toulouse un congrès de représentants du peuple, qui délibérassent en présence des autorités constituées (95) Débats, n° 762, 500. et de l’état-major. Je fis remarquer au comité que le fédéralisme montrait là le bout de l’aile ; Robespierre dit qu’il la montrait tout entière. Je m’opposai à cette demande, et je menaçai de dénoncer le comité à la Convention si elle était accordée. JARD-PANVILLIER : S’il est une raison pour qu’on ne s’étonne pas qu’il y ait des per-tubateurs dans les sociétés populaires, c’est lorsque le comité de Sûreté générale qui a le droit de les faire arrêter, ne le fait pas. Je demande que la Convention nationale prouve à toute la France que le comité de Sûreté générale a toute sa confiance, en lui renvoyant pour prononcer les arrestations dont il s’agit. GOUPILLE AU (de Fontenay) : Le comité savait bien qu’il avait le droit de faire ces arrestations : mais il a cru qu’il était bon que ce fût la Convention qui les ordonnât, afin d’en imposer davantage aux malveillants. La Convention décrète les arrestations demandées par Chaudron-Roussau et Clauzel. La Convention décrète que les nommés Desbarreaux et Jarville, comédiens, Gélas, secrétaire du district, Barousse, officier municipal ou administrateur et Artaud, directeur de la poste aux lettres à Toulouse [Haute-Garonne], seront sur le champ mis en état d’arrestation, renvoie à son comité de Sûreté générale l’exécution du présent décret (96). 40 Sur la proposition d’un membre [ESCHASSERIAUX, jeune], le décret suivant est rendu. La Convention nationale renvoie les articles du projet de loi sur les émigrés, relatifs aux colonies, à ses comités de Législation, de Marine et des Colonies réunis (97). 41 La Convention nationale décrète les articles suivans : Art. XXII. - Les arrêtés des directoires de district ne seront que provisoires; le comité de Législation est chargé de prononcer définitivement, d’après lesdits arrêtés, sur les réclamations contre les listes et sur toutes celles concernant les personnes des émigrés. Il lui sera adjoint à cet effet cinq nouveaux membres. (96) P.-V., XL VIII, 52. C 322, pl. 1364, p. 16. Rapporteur Chaudron-Roussau selon C* II 21, p. 17. (97) P.-V., XLVIII, 52. C 322, pl. 1364, p. 17, minute de la main de Crassous, rapporteur selon C’ II 21, p. 17. M. U., XLV, 106. SÉANCE DU 4 BRUMAIRE AN III (25 OCTOBRE 1794) - N° 41 71 Art. XXIII. - Les arrêtés qui auront rejeté les réclamations des prévenus d’émigration, seront adressés au comité de Législation dans les trois jours où ils auront été pris. Ceux au contraire qui leur auront été favorables, ne lui seront envoyés qu’après que l’agent national du district se sera procuré des renseignemens ultérieurs sur les prévenus d’émigration, de la part des communes et des administrations de département et de district où les certificats de résidence leur auront été délivrés, ce qu’il sera tenu de faire dans le mois, à compter de la même époque. Art. XXIV. - Aussitôt le mois expiré, le directoire du district prononcera sur les dénonciations ou réclamations qui pour-roient lui être parvenues à la charge des prévenus d’émigration. Dans le cas où il n’en existeroit pas, il en dressera une déclaration pour être jointe à ses arrêtés, qu’il enverra de suite au comité de Législation. Art. XXV. - Sont exceptés de cette dernière disposition les arrêtés concernant les réclamations des fonctionnaires publics et des militaires et citoyens employés dans le service des armées de la République, lesquels seront transmis de suite au comité de Législation. Art. XXVI. - Les décisions du comité de Législation seront exécutées sans recours, soit qu’elles ordonnent la radiation sur les listes générales des émigrés, soit qu’elles renvoient aux tribunaux criminels des départemens, pour les cas qui seront susceptibles de l’application des peines portées par la loi, ou qu’elles rejettent les demandes en exception qui ne seroient pas fondées. Art. XXVII. - Le comité de Législation, aussitôt qu’il aura prononcé, transmettra ses décisions aux directoires de district; celles favorables aux prévenus d’émigration, seront publiées à la diligence de l’agent national dans les communes de leur domicile et de la situation de leurs biens. Art. XXVIII. - L’état de ceux qui auront obtenu la radiation de leurs noms sur la liste des émigrés, sera imprimé à la suite des listes générales supplémentaires des émigrés de la République. Le comité de Législation fera passer, à cet effet, à la commission des revenus nationaux l’extrait sommaire des arrêtés qui auront prononcé cette radiation. Art. XXIX. - Les arrêtés des directoires de districts sur les réclamations tendantes à obtenir la main levée du séquestre, quoique le prévenu d’émigration ne soit pas porté sur la liste des émigrés, ne seront aussi que provisoires; ils devront dans ce cas être également soumis à la décision définitive du comité de Législation. Des réclamations des prévenus d’émigration portés actuellement sur les listes des émigrés. Art. XXX. - Les administrations de département remettront dans la décade de la publication de la présente loi, aux directoires de district de leur arrondissement, les réclamations et les pièces à l’appui des prévenus d’émigration qu’elles peuvent avoir dans leurs bureaux, afin qu’il y soit statué ainsi qu’il vient d’être prescrit ; elles feront parvenir de suite au comité de Législation celles sur lesquelles elles pour-roient avoir prononcé. Art. XXXI. - Ceux qui étant actuellement en réclamation, soit auprès de la Convention nationale, soit auprès des corps administratifs ou du ci-devant conseil-exécutif, contre leur inscription sur les listes des émigrés ou le séquestre de leurs biens, n’auroient pas joint, ou ne joindraient pas à l’appui de leurs mémoires, dans le délai de quatre décades, à compter de la publication de la présente loi, sauf les cas d’impossibilité constatée, les certificats en règle qui attestent leur résidence sur le territoire français, seront déchus de leurs réclamations et réputés émigrés (98). On a repris la discussion de la loi sur les émigrés. Le seul article qui suit a excité des réclamations parce qu’il n’a pas été bien entendu. Seront réputés émigrés ceux qui n’auront pas réclamé contre l’insertion de leurs noms sur la liste des émigrés, dans les cinq décades avant la promulgation de la présente loi. Quelques membres se sont récriés contre un nouveau délai accordé aux réclamans. Ruamps a prétendu que c’étoit favoriser les émigrés que les Anglais vomissoient sur nos côtes et qui alloient grossir l’armée de la Vendée. Méaulle vouloit qu’aucune personne portée sur la liste des émigrés, ne fût admise à réclamer. Le rapporteur a répondu à ces membres et surtout au dernier que si l’on admettoit sa proposition, il y auroit deux représentans du peuple, qui ont été, constamment à leur poste, qui seroient réputés émigrés, puisque malgré leur présence ici ils ont été portés sur la liste des émigrés. Tallien a dit que n’étoit pas seulement parce que deux représentans du peuple ont été portés sur la liste des émigrés, ou parce que d’autres pourront y être portés dans la suite qu’il faut rejeter la proposition de Méaulle, mais c’est parce qu’il y a un grand nombre de citoyens qui sont dans le même cas, c’est parce qu’il y a plus de 10000 pères de famille dont les biens ont été séquestrés, comme ayant des enfans émigrés, quoique ces enfans combattent actuellement aux frontières. Personne ici a continué Tallien, n’a l’intention de défendre les véritables émigrés; mais tous les membres de cette Assemblée, ou au moins la majorité, veulent la justice pour tous. On a fait une seconde lecture de l’article. Ceux là même qui l’avoient (98) P.-V., XL VIII, 52-55. 72 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE combattu, ayant reconnu qu’ils l’avoient mal entendu, il a été adopté (99). Art. XXXII. - Seront également réputés émigrés, ceux qui, portés sur les listes des émigrés dans les cinq décades qui ont précédé la publication de la présente loi, n’auront pas réclamé dans ce délai, n’auront pas par suite justifié de leur résidence dans quatre décades à partir du jour où ledit délai sera expiré. Art. XXXIII. - Les prévenus d’émigration mentionnés en l’article XXXI ci-dessus, qui auront légalement justifié de leur résidence, même ceux qui n’auroient réclamé que postérieurement aux délais fixés par les lois antérieures, seront réintégrés dans leurs propriétés, à la charge par eux de payer les frais de séquestres. Art. XXXIV. - Les ventes néanmoins des biens de ceux qui n’auront point réclamé ou constaté leur résidence en temps utile aux termes de la loi du 28 mars 1793, seront maintenues en faveur des acquéreurs, sauf le droit des ci-devant propriétaires au remboursement du capital d’après les conditions desdites ventes. Art. XXXV. - Tous arrêtés pris en faveur des prévenus d’émigration, qui auront été exécutés sans avoir été préalablement soumis à la décision du ci-devant conseil exécutif, sont nuis. En conséquence, il est ordonné aux corps administratifs de les transmettre, dans le mois de la publication de la présente loi, au comité de Législation. Les prévenus d’émigration dans ce cas seront tenus de donner caution de la valeur de leur mobilier, jusqu’au jugement définitif de leur réclamation. Art. XXXVI. - La Convention nationale se réserve de prononcer sur les réclamations qui auroient pour objet une interruption de son comité de Législation, à qui les directoires de district transmettront à cet égard tous les renseignemens nécessaires et à l’avenir sur les motifs de ceux qui n’auront pas réclamé contre leur inscription sur les listes des émigrés ou justifié de leur résidence dans les délais fixés par la loi (100). 42 La Convention nationale décrète, comme articles additionnels à la loi générale sur les émigrés, ce qui suit : (99) Mess. Soir, n° 798. F. de la Républ., n° 36; J. Univ., n° 1794. (100) P.-V., XL VIII, 55-56. C 322, pl. 1364, p. 18, minute de la main d’Eschasseriaux, rapporteur selon C* II 21, p. 17. Ann. R.F., n° 34; Ann. Patr., n° 663; C. Eg., n° 798; J. Perlet, n° 762 et 764; J. Fr., n° 760; Mess. Soir, n° 798; M.U., XLV, 76 et 173-174; Gazette Fr., n° 1027; J. Univ., n° 1794; F. de la Républ., n° 36; J. Mont., n° 13; Rép., n° 35. Article premier - Les prévenus d’émigration portés sur les listes des émigrés ou dont les biens ont été séquestrés, qui ont réclamé et justifié de leur résidence en temps utile sur le territoire de la République et par suite obtenu des arrêtés favorables des administrations de département, seront provisoirement réintégrés dans la jouissance de leurs propriétés. Art. II. - Pour cet effet, les administrateurs de département enverront aux directoires de district, dans la décade de la réception de la présente loi, un extrait desdits arrêtés afin qu’il soit pourvu sans délai par l’agent national du district à leur exécution. Art. III. - Les prévenus d’émigration seront tenus de donner caution solvable de la valeur de leur mobilier et ne pourront aliéner leurs immeubles jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur leurs réclamations par le comité de Législation. Art. IV. - Les produits des biens versés dans les caisses des receveurs des domaines nationaux, ne seront également restitués qu’à cette époque. Sont néanmoins autorisés les directoires de district, à leur accorder provisoirement sur ces produits les secours qu’ils justifieront leur être nécessaires. Art. V. - Les frais du séquestre seront à la charge des prévenus d’émigration et ils seront tenus de les acquitter avant d’entrer en possession de leurs propriétés. Art. VI. - Les directoires de district feront parvenir au comité de Législation l’état de tous ceux qui auront été dans le cas de jouir de l’effet des dispositions du présent décret. Art. VII. - L’insertion du présent décret au bulletin de correspondance lui tiendra lieu de publication (101). La séance est levée (102). Signé, PRIEUR (de la Marne), président; GUIMBERTEAU, ESCHASSERIAUX jeune, ROISSY [d’ANGLAS], Pierre GUYOMAR, GOUJON, secrétaires. En vertu de la loi du 7 floréal an III. Signé, GUILLEMARDET, J.-J. SERRES, BALMAIN, C.A.A. BLAD, secrétaires (103). (101) P.-V., XL VIII, 56-58. C 322, pl. 1364, p. 18, minute de la main d’Eschasseriaux. Rapporteur anonyme selon C* II 21, p. 17. Bull., 5 brum. Ann. R.F., n° 34; Ann. Patr., n° 663; C. Eg., n° 798; J. Perlet, n° 762; J. Fr., n° 760 et 762; Mess. Soir, n° 798; M.U., XLV, 105-106; Gazette Fr., n° 1027; J. Univ., n° 1794; F. de la Républ., n° 36; J. Mont., n° 18; J. Paris, n° 35. (102) Le Moniteur, XXII, 355, indique 4 h. J. Perlet, n° 762 et J. Fr., n° 760, donnent trois heures et demie. (103) P.-V., XL VIII, 58.