SÉNÉCHAUSSÉE DU BOULONNAIS. CAHIER Des remontrances , plaintes et doléances que le clergé de la sénéchaussée du Boulonnais fait à Sa Majesté, , et qui sera présenté par son député aux Etats généraux qui. doivent se tenir à Versailles le 27 avril 1789 (1). Sire, L’ordre du clergé de la sénéchaussée du Boulonnais, s’empressant de donner à Votre Majesté une preuve de son très-respectueux dévouement à sa personne sacrée et du désir sincère qu’il a de contribuer à la liquidation des dettes de l’Etat, comme au soulagement du peuple a, unanimement délibéré, dès sa première séance, d’envoyer des députés aux deux autres ordres pour leur manifester son consentement à ce que ses biens soient imposés dans la même proportion que ceux des deux autres ordres, tant que les Etats généraux estimeront que devront durer les subsides par eux consentis, pour parvenir à l’extinction de la dette actuelle de l’Etat. Il a eu la satisfaction de voir qu’en conséquence de sa députation l’ordre de la noblesse a fait une délibération entièrement semblable à la sienne. Luxe. Vivement affligé de la cause du déficit énorme que l’assemblée des notables a reconnu dans les finances de l’Etat, nous croyons devoir mettre à la tête des objets de nos doléances le luxe, qu’on peut nommer à juste titre le vice dominant de notre siècle, qui ose s’en glorifier et le vanter comme une belle vertu, quoiqu’il soit, ainsi que s’exprime l’illustre archevêque de Cambrai, M. de Fénelon, la perte des mœurs et l’opprobre de notre nation. Il en bannit la solide gloire d’une vie honnête, frugale, occupée d’objets utiles à la religion, à la société, à la patrie ; il y substitue la sotte estime des frivolités méprisables, des superfluités dangereuses, des excès funestes ; il y met en honneur l’amour honteux des raffinements de commodités, de sensualité, de volupté, qui affaiblissent, énervent, rendent mous, lâches, efféminés, les corps, les esprits, les cœurs. Il y détruit la véritable noblesse de sentiments, la vraie grandeur d’âm'e qui consiste à se vaincre soi-même par la force qu’on a de se soumettre, malgré les répugnances de la nature, le respect humain à la loi divine, et l’odieuse tyrannie des folies passions à l'aimable empire de la saine raison ; il y fait méconnaître le sage et utile milieu que gardent la libéralité et la magnificence, aux-uelles il subroge la prodigalité et la somptuosité ont les folles et ruineuses profusions n’ont pour but que la montre et l’ostentation. Quel mal y fait-il encore, ou plutôt quel mal n’y fait-il pas? Il est le germe, l’amorce et l’aliment d’une infinité de désordres ; il est cause que chacun \ou-lant briller et s’élever au-dessus de sa condition et ne pouvant y réussir par des moyens légitimes, (1) Nous publions ce cahier d’après ua manuscrit des Archives de l’Empire. tant de personnes ont recours à des voies criminelles, à des usures, à des rapines, à des concussions, à toutes sortes d’injustiœs ; que tant de femmes mondaines, oubliant que la pudeur et la modestiesont leplusbel ornement de leur sexe, mettent leur gloire dans levain étalage de leur parure, dont l’affectation superbe montre la petitesse de leur esprit, qui se repaît follement d’un éclat étranger à leur âme, à leur corps, et tiré en grande partie des dépouilles de vils animaux.; que tant de familles opulentes ou aisées s'appauvrissent par des dépenses fort supérieures à leurs revenus ; que tant de ménages indigents se désolent dans l’accablement de leur misère qui n’est pas soulagée ; que tant de campagnes sont dépeuplées de cultivateurs nécessaires et tant de villes remplies de bouches inutiles, et de ventres ennemis du travail ; que tant de professions oùl’on voit naître l’ambition et la cupidité, semblent avoir pour mère cette sangsue symbolique, dont, suivant le texte sacré, les deux filles disent toujours : Apporte, apporte, et sont aussi frauduleuses et injustes qu’avides et insatiables. Nous supplions donc Votre Majesté, et la conjurons de remédier à de si grands maux pat les moyens les plus propres à en tarir la funeste source et le damnable cours : parle retranchement ou du moins par la diminution notable des objets qui ne servent qu’à nourrir et entretenir le luxe et l’im-fâme luxure, dont il est le père maudit de Dieu et de toutes les âmes honnêtes. C’est donc sur ces sortes d’objets qu’il est fort important de faire tomber une partie considérable des subsides, DES SCANDALES PUBLICS. De la sanctification des dimanches et fêtes. Le clergé du Boulonnais remontre à Sa Majesté que ce n’est point seulement dans la capitale, mais dans toutes les villes du royaume qu’on a la douleur de voir publiquement les jours de dimanches et de fêtes profanés par les travaux des ouvriers. Un de ses ministres (M. Necker� a témoigné hautement dans un ouvrage public combien il était surpris et scandalisé de voir travailler le dimanche à un nouveau pont qui se construisait sur la Seine, comme si un ouvrage de simple commodité était tellement pressé que toutes les lois dussent être dédaignées pour en hâter l'exécution. Ce sont ses expressions. Le clergé de Boulogne a peut-être plus que tous autres à gémir des travaux continuels qui se font sur le port de cette ville dans les saints jours, et de la nécessité où sont quantité d’ouvriers de manquer presque jusqu’à la messe, pour servir les bateaux anglais qui viennent chercher de l’eau-de-vie dans le port. Rien ne paraît devoir excuser la multitude et la perpétuité de semblables contraventions, surtout depuis la suppression d’un bon nombre de fêtes.’ Le clergé du Boulonnais ne demande point à cet égard de nouvelles lois; il ne s’agirait que de tenir la main à l’exécution de celles qui existent 416 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boutonnais. J et d’exciter le zèle et la vigilance des officiers de police sur cet important objet. Il supplie donc Sa Majesté de faire donner les ordres les plus formels, afin que la loi de la sanctification des dimanches et fêtes soit inviolablement observée et singulièrement en ce qui concerne la cessation de tout travail, même public et pour le gouvernement, hors le cas d’une nécessité urgente et indispensable, attendu que les ouvriers ne s’autorisent que trop souvent des exemples des travaux publics pour vaquer à leurs travaux particuliers. Des concubinages. Remontre que rien n’est plus contraire à l’esprit de la religion et au bien de la société que les adultères et concubinages publics. On ose pourtant avancer qu’ils ne sont malheureusement que trop fréquents. Des pasteurs sont réduits à gémir en secret sur l’inutilité de leurs démarches et de leurs exhortations pour arrêter ces sortes de scandales. Il est surprenant que les gens du Roi, avertis de ces unions illégitimes et criminelles, ne prennent point,de mesures pour les faire cesser; il serait fort a désirer qu’il fût rendu une ordonnance et qu’on tînt rigoureusement la main à son exécution pour proscrire ces sortes de scandales intolérables, quelles que soient les personnes qui les donnent, mais tout autrement frappants quand il s’agit de parents et parentes dans les degrés prohibés, ce qui n’est malheureusement que trop commun . De la liberté de la presse. Remontre que, quel que soit le motif qui, dans ces jours d’agitation et de trouble, fait réclamer la liberté de la presse, il est de toute évidence que le gouvernement, loin de l’autoriser indéfiniment, devrait y mettre les plus grandes entraves. La quantité de mauvais livres contre la religion et les mœurs dont la France est inondée demande qu’il y soit incessamment pourvu. L’autorité du Roi n’y est pas moins intéressée que celle de l’Eglise et de la religion, puisqu’on n’a pas craint d’annoncer au peuple le dogme aussi faux que destructeur de l’indépendance de toute puissance. L’essai qu’on fait dans le moment actuel de cette malheureuse liberté de la presse montre les horreurs qu’elle est capable de produire, et confirme de plus en plus l’absolue nécessité d’en réprimer les excès. Il est donc de la sagesse de Sa Majesté de renouveler les ordonnances et édits de 1547 et 1551, déjà rendus sur cette matière, et surtout de tenir la main à leur exécution, ou au moins d’ordonner que les ouvrages imprimés soient souscrits du nom de l’auteur et toujours, au moins, du nom de l’imprimeur, qui, pour lors, deviendra responsable de ce qui pourrait être inséré contre la religion, les mœurs et le gouvernement. Jugements ecclésiastiques. Remontre que, quoiqu’il soit de là dernière importance d’écarter de la discipline ecclésiastique tout ce qui peut sentir le despotisme et l’arbitraire, il n’est pas moins d’une conséquence infinie de ne mettre point d’entraves à son exercice lorsque la gloire de Dieu, le salut des âmes, l’édification publique, la cessation des scandales, exigent que les sentences des juges d’Eglise soient promptement exécutées. * Le cas qui donne lieu à cette observation, pour n’être pas commun, est néanmoins dans l’ordre des choses possibles. Ainsi, pour en citer un exemple, s’il arrivait qu’un bénéficier, et ce qui serait bien pis, qu’un pasteur donnât fréquemment des preuves publiques d’ivresse ou s’oubliât au point de se livrer au libertinage, ne serait-il pas évident qu’il ne pourrait continuer ses fonctions sans un scandale affreux et sans un péril évident et perversion des âmes confiées à ses soins? Il serait donc à désirer qu’il intervînt une loi qui autorisât, en pareil cas, les juges d’Eglise, après information juridique suivant l’ordonnance, à prononcer sans difficulté la destitution du coupable. Le clergé du Boulonnais, en formant ce vœu, demande que l’official soit tenu de se faire assister, pour le jugement du procès, par six curés. Si le coupable était bénéficier à charge d’âmes, six assesseurs auraient voix délibérative et ne seraient tenus d’être gradués. L’appel au supérieur ecclésiastique ne pourrait être que dévolutif et non suspensif. Des appels comme d'abus. Remontre que les appels comme d’abus sont devenus trop fréquents au préjudice de la juridiction ecclésiastique et du bon ordre; que s’ils n’avaient lieu que lorsque les juges d’Eglise prononceraient en leurs jugements directement contre les ordonnances, qui est le seul cas où Charles IX et Henri III veulent, par l’article 59 de l’ordonnance de Blois, qu’ils soient admis, ils seraient plus rares, et que personne n’aurait lieu de s’en plaindre, pourvu que les cours souveraines s’astreignissent à certaines règles : 1° Que les appels comme d’abus ne fussent admis qu’au cas d’une entreprise manifeste sur la juridiction royale, et d’une évidente contravention aux ordonnances du Roi ; 2° Que tout appel interjeté en matière de discipline, quand il s’agit de délit ou crime (qui n’est point cas privilégié), ne peut être que dévolutif au supérieur ecclésiastique, non suspensif, sans quoi il en résulterait, ainsi qu’il arrive ordinairement, l’impunité des crimes jet la propagation des scandales ; 3° Que l’abus dont on se plaint soit toujours spécifié dans le relief d’appel et dans l’arrêt .à intervenir, de sorte que, sans renvoi à un autre juge, celui dont est appel puisse réparer sa contravention ou son omission, ce qui ne devrait pas souffrir de difficulté, quand il ne s’agit que a’abus peu importants. On ajoute que si ce juge ecclésiastique était consulté sur ce motif de la sentence, les cours souveraines lui rendraient vraisemblablement justice, et n’accueilleraient point si souvent les appels comme d’abus, ce qui donne toujours un air de triomphe au coupable et diminue les égards qui sont dus au juge. Monitoires. Remontre que les assemblées du clergé, notamment celle de 1775, ont fait des remontrances à Sa Majesté sur les grands inconvénients de la jurisprudence qu’on suit en France pour l’obtention des monitoires, sans que les promesses qu’elle leur a faites aient eu aucun effet ; c’est cependant un objet de la plus grande importance, c’est une maxime constante qu’il n’appartient qu’aux dépositaires de la puissance spirituelle de décerner des monitoires et de fulminer les censures. Les rois prédécesseurs de Sa Majesté, en autorisant les juges et les magistrats à permettre aux parties de se retirer devant les supérieurs ecclésiastiques pour les obtenir, n’ont point eu intention qu’ils accordassent ces permissions pour des délits légers et de peu de conséquence ; aux termes de l’ordonnance d’Orléans, une semblable permis- [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéehaussée du Boulonnais.] 417 sion ne peut être accordée que pour des crimes graves et scandales publics ; cependant il arrive tous les jours que les juges inférieurs et subalternes autorisent la voie extraordinaire des mo-nitoires pour chose de nulle importance, et ce ui est pis encore, ils prétendent que le ministère u juge d’église devient alors forcé et nécessaire, comme si le glaive de l’excommunication ne reposait dans la main des premiers pasteurs que pour frapper arbitrairement, en exécution de la sentence d’un juge de village. C’est un abus contre lequel le clergé du Boulonnais croit devoir réclamer la justice et la religion du Roi, et le supplier de donner une loi qui restreigne l’usage au cas de crimes d’Etat, ou autres cas vraiment graves au plus, mais en laissant toujours à l’official la liberté de la refuser sans qu’il puisse être pris à partie. Remontre que l’importance des fonctions pastorales, et la considération due au ministère saint et utile des curés, demandent que Sa Majesté s’occupe des moyens les plus prompts et les plus efficaces d’améliorer leur sort. Les efforts des dernières assemblées du clergé pour l’augmentation de la portion congrue sont devenus insuffisants à raison de la cherté des denrées et du prix excessif des objets de première nécessité ; parmi ceux-mêmes qui jouissent de toute la dîme de leurs paroisses, il en est dont le revenu est encore inférieur à la portion congrue actuelle, et la plupart des curés de ville n’ont pour subsister qu’un casuel précaire, qu’ils se reprocheraient de tirer des familles pauvres et que l’économie des familles aisées réduit et diminue chaque jour ; il est donc de la justice et de la bonté du Roi de pourvoir aux besoins des uns et des autres. La voie la moins onéreuse pour les décimateurs et quantité d’établissements utiles qu’une nouvelle augmentation ne peut que surcharger et appauvrir, comme aussi la plus avantageuse pour fournir aux curés des secours plus efficaces et plus abondants, serait sans doute celle des réductions, suppressions et unions de bénéfices et d’établissements moins utiles. Mais ces opérations, toujours lentes et embarrassées, n’offriraient aux pasteurs chargés du poids du ministère que des secours tardifs et éloignés. Sa Majesté est donc suppliée, d’une part, afin de faciliter aux évêques l’exécution de ces suppressions et unions de bénéfices, de simplifier les formalités prescrites et d’en diminuer les frais conformément aux vœux de l’assemblée du clergé de 1780, et de l’autre de prendre les mesures les plus promptes pour fournir, dès à présent, à ces bons et utiles pasteurs une subsistance honnête, d’ordonner en conséquence qu’il soit pourvu d’une manière convenable et sans retard à la dotation des cures de ville et de celles qui, ayant toutes les dîmes de leurs paroisses, n’auraient pas la portion congrue, et que si les moyens qu’on choisira ne peuvent avoir leur exécution que par succession de temps, on en prenne pour leur fournir par intérim une subsistance honnête ; qu’à l’égard des curés de la campagne les portions congrues soient augmentées, et que cette augmentation soit fournie par les décimateurs jusqu’à ce qu’elle soit fournie par les unions demandées et auxquelles il serait procédé de suite ; cette surcharge, n’étant ainsi que momentanée pour les décimateurs, leur paraîtrait moins lourde à supporter. Ces unions auraient encore l’avantage de procurer des fonds pour subvenir aux besoins des prêtres et des pasteurs âgés ou infirmes qui, après avoir consacré leurs travaux et leur vie à l’église, ont bien droit ire Sérié, T. II. d’attendre de la charité des secours devenus nécessaires dans leur vieillesse et leurs infirmités. 11 serait à souhaiter aussi qu’on trouve le moyen d’assurer aux curés le même sort dans tous ' les temps et que leur portion congrue fût de nature à être suceptible d’un accroissement progressif, proportionné à l’augmentation du prix des denrées, afin de prévenir toutes demandes nouvelles aussi désagréables et mortifiantes pour ceux qui sont obligés de les faire, qu’importunes et inquiétantes pour ceux à qui elles s’adressent. Le moyen qui paraîtrait le plus simple et que Sa Majesté est suppliée de peser dans la sagesse de ses conseils, serait d’assigner pour portion congrue, soit une certaine quantité de gerbes, soit un canton fixe de dîmes proportionné à l’évaluation do», la portion congrue. Ce moyen serait praticable dans nombre de paroisses de la province ; dans ce cas les paroissiens devraient être tenus de fournir aux curés des granges et écuries pour leur donner la facilité de faire valoir leurs dîmes par eux-mêmes et plus encore d’avoir un cheval dont plusieurs d’entre eux auraient soin à raison de l’obligation qu’ils ont de pourvoir à la desserte de deux églises attachées à leur cure. Remontre qu’une partie des raisons qui militent en faveur des curés sollicitent aussi en faveur des vicaires, leurs coopérateurs. Qu’il convient donc aussi d’augmenter le sort de ceux dont l’établissement aura été ou sera jugé nécessaire par les évêques des lieux, sans toutefois le porter à la moitié de la portion congrue qui serait fixée pour les curés comme n’ayant point à beaucoup près les mêmes charges ; qu’il conviendrait également que cette pension des vicaires fût payée par tous les décimateurs au prorata du revenu de leurs dîmes, soit anciennes, soit nouvelles, à l’exception néanmoins des curés à portion congrue qui n’entreraient pour rien dans le payement de leurs vicaires. Des réguliers. Remontre qu’il croit devoir réclamer : « la pro-« tection de Sa Majesté pour ceux de ses sujets « qui, animés du désir sincère de la perfection, « se consacrent à Dieu par des voeux solennels « de religion et qui, en renonçant ainsi aux em-« plois de la société civile, ne cessent pas de lui « rendre les services les plus importants par a l’exemple de leurs vertus, la ferveur de leurs « prières et les travaux du ministère auquel l’E-« glise les a associés. » ( Préambule de l’édit de 1768). Le feu Roi, auguste aïeul de Sa Majesté, a, par son édit de mars 1768, fixé l’âge où on pourrait s’engager. pour la profession religieuse à vingt et un ans; il ne l’a fait que par forme d’épreuve, dans le désir de fournir des religieux fervents aux monastères, en prévenant les dangers d’un engagement prématuré, se réservant, après le terme de dix années, d’expliquer de nouveau ses intentions là-dessus. Le clergé du Boulonnais demande que Sa Majesté remette la profession religieuse à l’âge réglé par le saint concile de Trente, et il se flatte avec d’autant plus de fondement cie l’obtenir, qu’une épreuve de vingt années montre que la fixation actuelle n’a point augmenté la ferveur des cloîtres en a même diminué la régularité en diminuant le nombre des religieux, et tend à les dépeupler entièrement; il demande encore la réforme canonique pour ceux des ordres religieux auxquels elle serait nécessaire comme le moyeq efficace de rendre aux monastères leur première ferveur. 27 418 [Etats gén. 1789. Cahiers.]' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais] • Le clergé du Boulonnais supplie Sa Majesté de se faire représenter les remontrances que les assemblées du clergé lui ont adressées à cet égard. ' Conseil de conscience. Remontre que rien n’intéresse plus la religion que la distribution des dignités ecclésiastiques et surtout le choix des premiers pasteurs de l’Eglise. Ces objets sont liés étroitement au bonheur des peuples, non-seulement par le rapport intime qu’ils ont avec le salut des âmes, mais encore parce que, comme le disait un: des augustes aïeux de Sa Majesté, « un roi de France soulagerait moins la classe malheureuse de ses sujets par la plus grande diminution possible des impôts publics que par son attention à mettre à la tête des biens ecclésiastiques des hommes vertueux et respectables » [Vie du duc de Bourgogne). Si le clergé du Boulonnais ne craignait de passer les bornes d’une liberté respectueuse, il proposerait 'à Sa Majesté : 1° d’établir un conseil composé d’ecclésiastiques d’une probité reconuue, et particulièrement de quelques-uns des supérieurs des principaux séminaires de Paris, qui aideraient le digne prélat qu’elle a honoré de sa confiance dans les fonctions délicates qu’elle lui a contiées et dont les recherches et les lumières réunies lui épargneraient les surprises que l’ambition et la cupidité ont peut-être faites à la religion. La vertueuse reine, Anne d’Autriche, en donna un exemple sous la minorité de Louis XIV, en établissant un conseil de conscience à la tête duquel était le célèbre saint Vincent de Paul. L’établissement des conseils de la guerre et de la marine semble donner un préjugé favorable des dispositions de Sa Majesté pour un projet plus digne encore d’occuper sa sagesse. 2° De ne mettre à la tête des diocèses que des hommes distingués par leurs vertus et leurs talents, et qui aient appris dans les fonctions du saint ministère à gouverner et à devenir les modèles de leurs troupeaux. 3° De prendre en considération, dans la distribution des grâces ecclésiastiques, les fidèles ministres qui, occupés du soin de leurs troupeaux, sont d’autant plus dignes de la bienfaisance de Sa Majesté qu’ils sont moins dans le cas de la solliciter. Une part dans ces bienfaits serait une récompense de leurs services, un encouragement pour leur zèle et un moyen de contribuer au soulagement des pauvres. Ecclésiastiques attachés à la cour . Remontre que le nombre des ecclésiastiques attachés à la cour et les privilèges dont ils jouissent, à cause dejeurs places, demandent que Sa Majesté daigne "s’occuper des réformes qu’il y aurait à faire dans ces places. Il en est qui ne paraissent pas fort utiles, quelques-unes môme, qui à peine peut-être ont un objet. La multiplicité de ces places ne sert qu’à tirer des titulaires de leur prébendes, et à appauvrir d’une manière sensible des chapitres peu nombreux. Cette considération est d’autant plus forte, qu’il y a déjà bien d’autres privilégiés. Le service de Sa Majesté dans les cours souveraines, les études, Renseignement de la théologie sont des titres légitimes de non-résidence. Sa Majesté ne pourrait-elle pas trouver dans les saintes chapelles et dans les chapitres royaux, de quoi desservir sa chapelle et celle de son auguste famille, en simplifiant le service et en appelant, par quartier ou par semestre, le nombre d’ecclésiastiques qui lui serait nécessaire sans nuire à l’office divin dans les églises? Le trésor royal y 'gagnerait, et les chapitres ne verraient pas leurs prébendes au fond sans titulaires, n’auraient pas des membres qui leur sont inconnus, et qui, en rendant souvent très-peu de services à la cour, sont dispensés d’en rendre aucuns , dans les églises dont ils partagent les revenus. Aumôniers des régiments. Remontre qu’on ne peut qu’être vivement touché des ravages que l’ignorance de la religion, la corruption des mœurs, la fureur des duels font dans les régiments et dans les garnisons qu’ils habitent ; que le clergé ne cherche point à se dissimuler qu’une partie de ces désordres peut être l’effet de l’inconduite et de l’insouciance de quelques-uns de ses ministres, et que s’il est parmi les aumôniers des régiments des hommes respectables par leur zèle et la piété qu’ils conservent au milieu des armes, il peut s’y trouver des mercenaires qui ne prennent aucun soin de leur troupeau et même dont les discours et les exemples entretiennent la corruption dans ceux qui sont confiés à leurs soins. Le clergé doit devoir supplier Sa Majesté de prendre en considération un objet qui intéresse si directement les mœurs publiques, la discipline militaire, la conservation des soldats et le salut de ces braves guerriers, dont plusieurs serviraient Dieu avec autant de courage et de fidélité qu’ils servent leur prince s’ils étaient bien conduits; et pour cela de tenir la main à ce qu’on ne prenne pour aumôniers des régiments que des hommes sages, vertueux, capables de vaincre les obstacles que la licence des armes oppose au zèle le plus actif, le plus grand et le plus vigilant, et qu’ils fussent formés à ce genre de ministère avant d’y entrer. Gradués. , Remontre que sans vouloir porter aucune atteinte aux privilèges des universités, il croit devoir demander qu’on ne prodigue pas si facilement les titres et les privilèges des gradués ; que ce titre soit la preuve du mérite et des talents, et qu’on ne le donne qu’à ceux qui, outre le degré de maître ès-arts ; auront subi, à la fin de chaque année de leur cours de théologie, un examen véritablement rigoureux, par-devant l’un des professeurs dont ils auront reçu les leçons et dont ils rapporteront attestation de leur assiduité aux leçons, et de leur capacité reconnue dans lesdits examens. La même précaution est également nécessaire relativement aux étudiants en droit et en médecine. Maîtres d’école. Remontre que l’état actuel des maîtres d’école faisant la fonction de clercs dans les paroisses offre des inconvénients très-graves. Le premier est que la modicité de leur place empêche le choix des sujets. Ces places ont été fixées à 150 livres par les déclarations de 1698 et de 1724, mais on sent que cette somme n’est plus actuellement ce qu’elle était à ces époques. Le deuxième est que, contre le bien des mœurs et la teneur de plusieurs règlements, il n’y a souvent qu’une même école pour les enfants des deux sexes. Il faut ajouter que plusieurs personnes s’ingèrent dans l’éducation de la jeunesse sans avoir préalablement obtenu aucune approbation, ce qui, dans un temps où les bons principes sont généralement mis en oubli, ne peut être que très-préjudiciable [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 419 aux mœurs publiques. Pour remédier à ces inconvénients,, le clergé du Boulonnais ose supplier Sa Majesté avec toute l'énergie du zèle le plus pur pour l’instruction des enfants, pour le bon ordre et la tranquillité des paroisses, le bien de la religion et des mœurs, qu’elle ordonne : 1° Qu’au moins dans les grandes paroisses, les honoraires des maîtres d’école seront portés à 300 livres et ceux des maîtresses à 200 livres; 2° Qu’il sera établi des écoles distinctes pour les enfants des deux sexes ; 3° Que nul ne pourra, sans avoir obtenu approbation, tenir l’école ou pension, pour l’éducation de la jeunesse ; 4° Que les sommes nécessaires pour le payement des maîtres et maîtresses seront imposées sur tous les habitants, aux termes de la déclaration de 1698; les heureux effets d’une bonne éducation rendront le sacrifice bien léger. Conciles provinciaux. Pour prévoir tous les cas possibles, s’il arrivait que l’ordre ecclésiastique assemblé aux Etats généraux renonçât pour toujours à l’immunité de ses biens, comme il serait à craindre que les assemblées du clergé de France ne devinssent plus rares, le clergé du Boulonnais supplie Sa Majesté de permettre la tenue périodique des conciles provinciaux dont la cessation est sans contredit une des plaies les plus profondes faites à la discipline de l’Eglise gallicane. La conduite de tous les hommes d’cglise, l’administration des premiers pasteurs, leur personne même étant soumise aux jugements de ces saintes assemblées, leur tenue régulière ne pourrait que faire revivre. les temps apostoliques. L’union si désirable entre les deux ordres du clergé s’affermirait, l’exécution des canons touchant la résidence, l’emploi des biens de l’Eglise et autres chefs importants de police ecclésiastique seraient maintenus. Le Roi venant en vue du bien de certaines provinces, de permettre leurs formations en pays d’Etats, daignera sans doute accueillir favorablement la demande du clergé du Boulonnais pour le rétablissement des conciles provinciaux, qui produiront un bien d’une toute autre importance que celui qu’on attend de la nouvelle constitution de ces provinces. N’est-ce pas une vraie justice de se plaindre qu’il n’y a pas autant de régularité qu’il serait à désirer dans le clergé, tandis qu’on lui refuse, malgré ses instances continuellemenlréité-rées, la tenue des conciles provinciaux, quoique ce soit le meilleur moyen de la rétablir ? Redressement des griefs. Remontre avec la plus respectueuse soumission, et avec une juste confiance en la bonté d’un prince qui veut bien que ses sujets lui ouvrent leur cœur et portent aux pieds du trône toutes leurs doléances, que le clergé a dans différents temps formé des plaintes sur des objets qui concernaient le bien de la religion, la juridiction ecclésiastique et les intérêts du clergé ; que quel-quesfois ces plaintes n’ont point eu de réponse, d’autres fois, après avoir eu de Sa Majesté une réponse favorable, ces plaintes n’en sont pas moins restées sans effet. Que notamment la dernière assemblée a fait sans aucun fruit, sur l’édit des non catholiques, des observations qui intéressaient de la manière la plus directe la religion et ses ministres ; qu’il est de l’équité et de la justice de Sa Majesté de faire droit aux demandes et aux griefs du clergé, comme aussi à ceux des deux autres ordres, avant la séparation des Etats généraux et de ne pas permettre qu’on affaiblisse la confiance due à sa parole royale en laissant ses promesses sans exécution. Le clergé de la province adhère aux remontrances de ladite assemblée de 1788 sur l’édit, des non catholiques et il demande, en outre, que tous les non catholiques qui voudront jouir de la tolérance civile soient tenus de se faire inscrire, sous le délai d’un an, au greffe du bailliage où ils résideront. Cette précaution est nécessaire pour empêcher que des catholiques, aveuglés par la possession, n’abandonnent la religion dans laquelle ils ont eu le bonheur de naître, et elle doit entrer dans les vues d’une saine politique, puisqu’elle fournit au gouvernement un moyen de prévenir et de réprimer plus aisément les excès dont l’épreuve du passé montre la possibilité pour l’avenir. Droits de patronage attachés aux fiefs des non catholiques. Remontre que dans l’édit des non catholiques il n’a été rien statué sur l’exercice du droit de patronage attaché aux fiefs qu’ils peuvent posséder; que le Parlement a prié le Roi de s’expliquer là-dessus et que la dernière assemblée du clergé en a fait un objet de remontrances. 11 est nécessaire que Sa Majesté fasse une loi qui remette entre les mains de l’ordinaire la nomination de ces bénéfices, jusqu’à ce que le patronage puisse être exercé par un catholique. Ce serait blesser la religion d’une manière sensible que de laisser le choix de ses ministres à des hommes qui ne la suivent pas, qui ignorent ou qui ne peuvent pas apprécier les obligations du saint ministère, et qui au moins sont indifférents à ce qui l’intéresse le plus. Le droit de patronage n’a pu être attaché à des fiefs que parce qu’on a supposé dans ceux qui les posséderaient rattachement à la religion catholique et le désir sincère de pourvoir les églises cle bons ministres. La demande du clergé doit paraître d’autant plus juste que, avant la révocation de l’édit de Nantes, la jurisprudence des tribunaux y était conforme. Constructions. Remontre que le clergé ne peut faire de constructions et reconstructions sans payer le droit d’amortissement; que ce droit ne devrait pas être perçu dans ces cas et qu’il est sans fondement, puisque ces bâtisses ne tirent aucun bien du commerce de la société civile, et qu’elles sont déjà assez dispendieuses pour ceux qui les font faire, sans en exiger encore des droits onéreux ; qu’en outre le clergé est tenu, préalablement à toute construction et reconstruction, d’en envoyer les plans et devis à l'intendant et d’en passer les premiers baux à l’enchère par-devant les-subdélégués : que cet assujettissement est une entrave mise à la propriété, qu’il peut souvent tirer de leur destination des maisons appartenant aux chapitres, et principalement destinées à des chanoines, et que comme les droits d’amortissement se payent sur cette première location, des étrangers peuvent, en les poussant au delà de leur valeur, à cause du besoin qu’ils en ont, non-seulement les leur enlever, mais encore exposer les chapitres à payer un droit excessif. De la convocation des États généraux . Remontre sur la convocation des Etats généraux, qu’un juste sujet d’inquiétude pour tout homme attaché aux intérêts et à l’honneur de l’Eglise est la possibilité qu’en suivant cette forme de [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais. convocation il sé trouve très-peu d’évêques aux Etats généraux. 1° Par rapport aux Evêques. Les évêques sont les 'seuls juges de la foi, matière qu’on a quelquefois traitée dans les Etats généraux, les admimstrateurs-nés dans leurs diocèses, les principaux juges de leurs besoins, de ce qui peut leur être utile, des abus qui y régnent, des moyens d’y remédier. Eux seuls embrassent l’ensemble, et rien de ce qui peut concerner l’état de leurs diocèses, les titres, les biens, la discipline, ne leur�est étranger ; en eux résidé la juridiction ecclésiastique et rien ne peut se faire sans leur influence. Si le corps des évêques n’est pas suffisamment représenté aux Etats généraux, les évêques pourront se refuser à toutes les opérations qui demanderont le concours de leur autorité et dont le plan aura été arrêté sans eux. Les canons de l’Eglise permettraient-ils même, dans ce cas, au clergé qui se trouverait aux Etats généraux, de consentir à aucun don et à aucun sacrifice ; enfin il serait inouï et affligeant pour le clergé que cet ordre aux Etats généraux se trouvât dépourvu de ceux que Dieu lui-même a établis ses chefs et les premiers pasteurs de l’Eglise. Le clergé croit donc qu’il est de l’honneur dû au caractère épiscopal et du bien du clergé que les évêques paraissent en grand nombre aux Etats généraux, sans cependant ôter au clergé du second ordre une représentation suffisante, et sans en exclure même les religieux qui font un corps considérable dans l’Eglise et qui peuvent craindre avec fondement de ne point avoir de représentants à l’Assemblée nationale. 2° Par rapport aux dignitaires. Remontre que les dignitaires de l’église cathédrale n’ont pu se faire admettre en vertu de leurs dignités à l’assemblée des trois ordres de la province, que leur droit est cependant incontestable, 'chaque dignité étant un bénéfice distinct, pour le titre, les droits, les revenus, tant des prébendes que des autres dignités. On peut posséder une dignité sans prébende, comme cela se voit assez fréquemment; les dignitaires ne sont point alors appelés à la discussion des intérêts des chanoines, comme ceux-ci ne se mêlent point de la gestion des revenus attachés aux dignités. On peut se démettre de la dignité en conservant la prébende, et vice versa. Pour être chanoine et dignitaire en même temps il faut double provision et double prise de possession. Les dignités sont sujettes à l’impétration et à la résignation. En un mot, elles ont tous les caractères de vrais bénéfices séparés. La possession d’une prébende avec une dignité est accidentelle à celle-ci, elle n’en change point la nature, elle n’en altère point les droits, et un dignitaire qui est chanoine n’en a pas moins à l’assemblée des trois ordres qu’un abbé ou prieur qui le serait. Ce n’a donc pu être que par un défaut de connaissance sur la nature des dignités, u’on a refusé à ceux qui les possédaient un roit, dont d’ailleurs le règlement ne les privait pas, et ils ont lieu d’attendre de la justice de Sa Majesté qu’elle voudra bien manifester clairement ses intentions et qu’elle ne laissera pas exclure de l’assemblée des trois ordres de la province les premiers titulaires du diocèse. 3° Par rapport aux chapitres. Remontre que les chapitres ont lieu de se plaindre de ce que le règlement pour ladite convocation des Etats généraux, appelant tous les bénéficiers à l’assemblée des trois ordres de la province, leur permettant de constituer procureur en leurs noms, dormant droit à tout ecclésiastique dans les -ordres sacrés, domiciliés dans les campagnes, de se présenter à ladite assemblée, le même règlement restreint les chapitres à envoyer un député sur dix chanoines; chaque prébende est un bénéfice, un véritable -titre distinct et dont les-revenus même, dans plusieurs chapitres, sont pour la plus grande partie séparés de ceux des autres prébendes; chaque chanoine ne doit donc pas avoir moins de droit à l’assemblée des trois ordres ni moins d’influence sur les affaires qui y sont traitées que tout autre bénéficier, et à plus forte raison que de simples ecclésiastiques, qui peuvent n’avoir ni bénéfice ni patrimoine. La restriction mise par rapport aux chapitres est d’autant plus frappante que la contribution de chaque chanoine aux charges communes, et le rang que ceux des églises cathédrales tiennent dans les diocèses donnent plus d’intérêt aux Etats généraux, qu’à beaucoup d’autres bénéfices, et surtout qu’à un simple sous-diacre habitant de la campagne. Le règlement est fondé sans doute sur ce qu’un député sur dix est suffisant pour porter les doléances du corps; mais cette restriction prive chacun des membres du droit dont jouissent tous les autres bénéficiers de porter leurs doléances personnelles et de donner leurs suffrages soit à la rédaction du cahier, soit à la nomination des députés aux Etats généraux ; les ecclésiastiques des villes ont les mêmes réclamations à faire sur la distinction que le règlement met entre eux et les ecclésiastiques. des campagnes. Leurs titres pour paraître à l’assemblée des trois ordres sont parfaitement égaux, ils doivent donc y avoir les mêmes droits. Charges du clergé en Flandre Remontre que la situation d’une partie notable des biens de plusieurs de ses membres en Flandre lui donne de justes doléances à faire à Sa Majesté relativement aux charges qu’il supporte dans cette province. Le premier objet de plainte est que le clergé étant assujetti en Flandre aux vingtièmes comme les deux autres ordres, sa contribution est proportionnellement plus forte que celle de la noblesse et du tiers-état. Cette disproportion vient de ce que la contribution du clergé est fixée sur les locations annuelles, et par conséquent sur la valeur actuelle de ses biens, au lieu que celles des autres ordres est fixée sur d’anciennes évaluations, faites à des époques où le bien n’avait pas à beaucoup près la même valeur qu’il a actuellement. Le deuxième objet de doléances est que la fixation des portions congrues dans le& provinces étant laissée à l’arbitraire du Parlement de Flandre, les décimateurs se trouvent exposés à des demandes importunes, à des contestations toujours renaissantes, à des procédures frayeuses, pour parvenir à une fixation qui n’arrête que pour un instant les demandes et* les plaintes.il est de la sagesse de Sa Majesté et de son zèle, pour prévenir ce qui peut troubler la paix entre ses sujets, d’ordonner qu’il y ait une loi fixe sur les portions congrues en Flandre, comme dans le reste du royaume. Le troisième objet est l’abolition des placards qui réglaient la contribution des décimateurs aux réparations des églises et qui les obligent à donner pour cet objet la valeur de deux années sur six. Ces placards avaient été faits pour le sou- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 421 lagement des peuples, ils avaient augmenté la charge des décimateurs. Cependant en 1773 des lettres patentes surprises à la religion de l’auguste aïeul de Sa Majesté, ont aboli les placards ; elles ont accru le fardeau des décimateurs, et ont étendu leurs charges aux réparations des nefs et des presbytères, lorsque le revenu des fabriques n’y pouvait fournir, et ce, jusqu’à épuisement des dîmes, et l’usage de la Flandre ajoute encore à cette charge exorbitante, l’injustice criante de mettre l’administration de la fabrique entre les mains des habitants, qui ayant, au défaut des fabriques, leurs recours sur les décimateurs, n’ont aucun intérêt à la conservation des biens, ni au bon emploi des deniers, et qui en conséquence laissent perdre les fonds et dissipent l’argent en dépenses superflues. Le clergé attend de la justice de Sa Majesté qu’elle rappellera les choses aux vrais principes et qu’elle ne permettra pas que le clergé éprouve en Flandre des vexations, dont la protection des lois met les autres sujets de son royaume à couvert. Réparation des églises, etc. Remontre que les réparations et reconstructions des églises, presbytères et autres bâtiments concernant le service de Dieu, sont assujetties à des formalités dont la longueur augmente les réparations en laissant les édifices périr de plus en plus, dont les frais excèdent quelquefois le montant des réparations elles-mêmes, et dont l’abus peut arrêter jusqu’à celles qui sont le plus indispensables ; que la distinction mise entre les réparations à la charge des décimateurs, et celles qui sont à la charge des paroissiens devient une source de contestations, et laisse des prétextes à la négligence ; qu’il serait à désirer : 1° que les susdites réparations et reconstructions fussent faites sur l’ordonnance de l’évêque diocésain, en laissant simplement l’obligation de présenter requête à l’intendant pour rendre le rôle exécutoire, et si une partie des habitants s’opposait à l’exécution de l’ordonnance épiscopale, que tous les frais nécessaires pour faire constater la nécessité des réparations fussent à la charge des opposants, au cas qu’ils se trouvent mal fondés dans leurs oppositions; 2° que toutes les réparations et reconstructions sans aucune distinction devinssent communes à tous les propriétaires, soit de biens-fonds, soit de dîmes dans la paroisse, au prorata de leurs revenus; les propriétaires des biens-fonds partageant les charges des décimateurs, ceux-ci. partageraient celles des propriétaires, et il y aurait compensation. Les curés à portions congrues eux -mêmes, devenus décimateurs par la conversion de la portion congrue en dixième, seraient taxés au prorata de leurs dîmes ; cette charge doit entrer en considération lorsqu’il s’agira de fixer l’augmentation des portions congrues, et est une raison pour laquelle les pensions des vicaires ne doivent pas aller à la moitié des portions congrues des curés; 3° que les revenus des fabriques continuent toujours à être particulièrement affectés à l’entretien des livres, vases sacrés, ornements et autres choses nécessaires à l’office divin. Novales. Remontre que ce n’est que par une surprise faite à la religion de l’auguste aïeul de Sa Majesté qu’il a attribué en 1768 aux possesseurs des dîmes inféodées les novales qui auraient lieu après cette époque ; que ce prince a cru qu’il était de la justice de les appeler à la possession des novales parce que , les assujettissant aux memes charges que les décimateurs ecclésiastiques , il voulait les aider comme eux a supporter les nouvelles charges que P édit de 1768 leur imposait. Qu’il est vrai de dire que les décimateurs inféodés ne partagent pas les charges des décimateurs ecclésiastiques. Que l’édit ne les assujettit au payement des portions congrues qu’au défaut, et en cas d’insuffisance de toutes les dîmes ecclésiastiques, que d’ailleurs les novales ne sont entrées pour rien dans l’acquisition qui a pu être faite des dîmes inféodées ; qu’il est cle toute justice de rendre aux curés un bien qui n’appartient aux possesseurs des dîmes inféodées à aucun titre, ou d’ordonner que les dîmes inféodées contribueront à toutes les dîmes ecclésiastiques. Perception des dîmes. Remontre combien il serait à désirer qu’une loi nouvelle consacrât des principes uniformes dans le royaume, ou au moins dans chaque province, sur le fait des dîmes ; qu’elle tarirait la source de contestations toujours renaissantes sur la forme de leur perception, sur leur quotité, sur les fruits qui doivent y être assujettis, contestations que l’immense multitude d’usages locaux, la variation des principes, la contrariété des arrêts sur les mêmes objets augmente continuellement, qui sèment la division entre les pasteurs et leurs ouailles, qui oblige le clergé de paraître à chaque instant devant les tribunaux, et qui, en dépouillant tous les jours les églises de quelques-uns de leurs droits les plus antiques, leur laissent encore l’apparence odieuse de vouloir les étendre. Le vœu que le clergé de la province forme dans ce moment, lui est dicté pas son amour.pour la paix, et il le porte avec confiance aux pieds du trône, persuadé que si Sa Majesté trouvait dans les conseils de sa sagesse un moyen de prévenir toutes ces divisions entre le clergé et le peuple, sans nuire aux droits ni de l’un ni de l’autre, elle le saisirait avec empressement. Mendicité. Remontre que la suppression de la mendicité est une des opérations les plus utiles que le gouvernement puisse faire, qu’elle rendrait au travail une foule de gens valides dont les enfants contractent l’habitude de l’oisiveté et tous les vices qui en sont la suite. Le clergé boulonnais propose, pour opérer cet heureux effet, de former des arrondissements éom-posés d’un certain nombre de paroisses, afin que la richesse des unes supplée à l’indigence des autres, et y il aurait une caisse générale pour l’arrondissement. Des députés de toutes les paroisses choisiront les préposés de la caisse qui, étant tous du pays, pourraient reconnaître les besoins de chacune de ces paroisses et y envoyer des secours proportionnés ; il y aurait clans chaque paroisse un bureau de charité dont le premier soin serait de procurer du travail aux pauvres, en sorte que le public ne serait plus obligé de fournir la subsistance à ceux qui pourraient la gagner. Le clergé croit qu’on trouverait une grande ressource pour les pauvres dans le glanage , si les ordonnancés sur cet article étaient bien observées, si les vieillards, les infirmes et les enfants des pauvres étaient les seuls qui pussent glaner; ils y trouveraient une partie de leur subsistance pour l’année, les champs ne seraient plus au pillage, on rendrait aux travaux de la campagne des bras qui leur 422 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais. manquent, et on épargnerait aux cultivateurs bien des embarras et des désagréments. Union des fermes . Remontre qu’il serait de l’intérêt du gouvernement de s’opposer à la réunion des petites fermes en un seul corps ; que cette réunion peut être avantageuse aux propriétaires en leur épargnant la constrution et l’entretien d’un certain nombre de bâtiments ; mais qu’elle est nuisible à bien des familles, à qui elle enlève les moyens de subsister, et destructive de la population en ôtant ajix jeunes gens les facilités de s’établir. Tribunaux. Remontre que l’état où se trouve la juridiction du Boulonnais, ainsi que la plupart des juridictions du, royaume, mérite toute la considération de Sa Majesté, que la plus grande partie des offices est abandonnée et tombée aux parties casuelles, en sorte qu’il n’y a plus le nombre de juges compétents. Le clergé croit que pour remédier à un inconvénient aussi grave.il convient : 1° de supprimer la vénalité des charges qui n’a pu être introduite que par l’esprit fiscal qui peut livrer les fonctions les plus importantes pour la société à des hommes dont tout le mérite soit l’envie d’avoir une place et les moyens de l’acheter, ou l’ordre de la succession dans une famille, et en écarter des hommes que leurs talents et leurs vertus mettraient dans le cas de les remplir avec distinction ; 2° D’attacher à chacun de ces offices un honoraire qui serait pris sur les provinces; 3° De remettre le choix des officiers aux administrateurs et Etats provinciaux qui, vacance avenant d’un office , seraient tenus de présenter tous sujets dignes et capables à Sa Majesté. Il est naturel de penser que des corps respectables, animés du zèle du bien public , à portée de connaître ceux que leur mérite distingue dans une province ne jetteraient les yeux que sur des hommes dont l’équité, les lumières, l’assiduité, dédommageraient les provinces de la dépense que cette nouvelle constitution leur occasionnerait. Procédures. Remontre qu’il est du zèle de Sa Majesté pour le bien de ses sujets de travailler efficacement à simplifier les procédures, à en diminuer les frais, à en abréger les longueurs, à ôter autant qu’il est possible à la chicane et à la mauvaise foi les ressources sans nombre que l’esprit de cupidité leur a fournis, à réformer surtout ces procédures qui, souvent pour des misères, soit en matière civile, soit en matière criminelle, accumulent tellement les frais dès les premiers instants que lorsque les parties, revenues de leur humeur, cherchent à s’accommoder, ce n’est plus le fond delà chose, mais la quotité excessive des frais qui empêche l’accommodement. Le clergé ne peut que former des vœux et donner des idées générales sur ces objets. C’est à ceux qui sont à portée de voir le mal de plus près à en indiquer les remèdes à Sa Majesté ; peut-être même pourrait-on trouver des moyens de prévenir beaucoup de procès ou d’en étouffer un grand nombre dans leur naissance. Code domanial. Remontre que l’administration des domaines n’a que des principes variables, inconnus à ceux mêmes qui sont versés dans l’étude des lois, fondés surtout sur des arrêts du conseil qui, rendus dans des causes particulières, deviennent des lois pour tout le royaume; que cette administration est comme une espèce de mystère inquiétant pour ceux qui peuvent avoir à faire à elle, et qui, avec la meilleure foi, se trouvent exposés à des poursuites et à des condamnations. Qu’il est de l’équité du Roi d’ordonner qu’il sera fait un code domanial, lequel sera rendu public , que les lois qui fixeront les principes dans cette partie seront soumises aux mêmes formes que les autres lois du royaume, et que les contestations qui pourront survenir sur les droits domaniaux seront portées devant les cours souveraines. Remontre que, si les besoins pressants de l’Etat exigent de nouveaux efforts de la part des peuples, il est juste que Sa Majesté, avant d’établir de nouveaux impôts et demande le sacrifice des privilèges, tire de ses domaines, qui sont ses biens propres et les premiers revenus de la couronne , la valeur dont ils sont suceptibles. (Ces domaines, est-il dit dans le compte rendu en 1781, se sont successivement dissipés ou du moins ont été mis hors des mains du Roi, et par des libéralités, et par des concessions à vil prix, et par la formation des apanages et par des échanges ruineux et par des usurpations.) L’intérêt des peuples demande que Sa Majesté se fasse rendre compte des époques, des motifs, des conditions de ces aliénations , pour peser dans sa sagesse et dans son équité les égards que chacune d’elles mérite; qu’elle prenne des moyens efficaces pour mettre, soit en rentrant dans ces biens, soit en augmentant leur redevance annuelle, une proportion plus exacte entre leur valeur réelle et leur produit pour le trésor royal. Qu'elle ordonne qu’il ne sera fait à l’avenir aucune concession dans ce genre, ni aucun échange que sur l’avis des administrations provinciales et moyennant des redevances en grains pour les aliénations qui pourraient être faites. Qu’elle ordonne encore que, pour les biens déjà concédés que Sa Majesté croirait devoir laisser entre les mains des engagisles, en augmentant les redevances annuelles , les administrations provinciales donneront leur avis sur ces augmentations et que ces redevances seront mises en grains. Remontre qu’une des plus grandes consolations pour les peuples dans les charges qu’ils ont à supporter, est de savoir que s’ils donnent une partie de leurs sueurs, les vues d’équité, d’économie et d’utilité président à leur emploi. Le clergé a vu avec admiration, comme tousles autres sujets de Sa Majesté, les retranchements qu’elle a bien voulu faire dans sa maison et que son auguste épouse a acceptés. ✓ Il ose supplier Sa Majesté de jeter un coup d’œil sévère sur les dépenses qui y restent, et de voir s’il ne trouverait pas encore de nouvelles réformes à faire ; il ne craint pas de rappeler à son cœur bienfaisant qu’une des satisfactions les plus réelles pour un souverain est d’alléger le fardeau de ses peuples, que la véritable grandeur consiste dans leur amour, et que si des réformes sévères retranchent quelque chose à l'état de la majesté royale, il en trouve un ample dédommagement dans les sentiments de reconnaissance que les moindres privations de sa part inspirent à ceux qu’il gouverne. Remontre que, pour entrer dans ces vues d’économie, il semble qu’on pourrait supprimer bien des places et des dignités dans l’Etat et dans le militaire sans service et sans utilité réelles, et qui joignent cependant à l’honorifique des appointements considérables. 11 n’y a aucune de ces places qui ne coûte à [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 423 l’Etat, qui n’augmente ses charges, et souvent pour accroître la fortune de maisons déjà opulentes. Dans un temps où il faut que les peuples joignent de nouvelles contributions à des contributions déjà bien onéreuses, il semble que la suppression de tout ce qui n’est que pure grâce doit précéder les sacrifices. Remontre que Sa Majesté fera une chose très-avantageuse à ses sujets en n’établissant plus et en supprimant même autant qu’il est possible, et avec les dédommagements que l’équité demande, ces charges créées à prix d’argent, qui donnent des droits à lever sur les peuples; ces charges sont de véritables emprunts qui accroissent la dette de l’Etat sans le consentement de la nation, ce sont des ressources d’un moment et des moyens bien petits et bien faibles pour une grande administration ; ce genre d’imposition est d’autant plus sensible à la nation qu’il n’y a souvent aucune proportion entre la fmànce que Sa Majesté tire de l’érection de ces charges et les droits qui y sont attachés, et qu’elles ne servent qu’à donner à quelques particuliers le pouvoir de vexer le reste des sujets et de faire des fortunes scandaleuses. Impôts additionnels. Remontre que les mêmes principes d’équité qui ont porté Sa Majesté a assujettir l’augmentation des accessoires de la taille aux mêmes formalités que les autres impôts, l’engagent à étendre la même loi à tous les sous pour livres, et à tous droits additionnels quelconques, en sorte que ces augmentations obscures , qui n’ont d’autre sanction qu’un simple arrêt du conseil rendu souvent sans la participation du souverain (expression du compterendu en 1781), disparaissent pour toujours. Ces droits additionnels sont de véritables impôts d’autant plus inquiétants qu’on n’en voit pas le terme et qu’ils sont une ressource toujours prête pour un ministre qui a besoin d’argent. Sa Majesté ayant reconnu les droits de la nation de consentir lés impôts, celle-ci a le droit d’espérer que, sous un prince juste, elle en jouira dans toute leur étendue et qu’il ne lui imposera jamais aucune charge qui n’ait eu son consentement. Lettres de cachets. Le clergé du Boulonnais, instruit du grand abus qu’on a fait des lettres de cachet, et de ce qui est contenu dans le rapport du ministre des finances au conseil d’Etat relativement aux mesu-• res et aux précautions qui pourront être prises dans les Etats généraux afin d’y remédier, ne pense pas de pouvoir mieux faire que de s’en rapporter à ce qui y sera décidé sur cet objet aussi délicat qu’important. Adhésion a différents articles des cahiers de la noblesse et du tiers-état. Le clergé du Boulonnais, aussi jaloux que les deux autres ordres de la province de contribuer autant qu’il est en lui au bien du royaume en général et à celui de la province en particulier, adopte, outre les objets développés dans son cahier qui ont trait au bien général, les articles contenus dans ceux de la noblesse et du tiers-état sur les logements des gens de guerre, sur les vexations de préposés des domaines et des fermes, sur les diligences et messageries, sur la marque des cuirs, sur la mendicité, sur les charlatans, vagabonds, gens sans aveu, sur la chasse avant la récolte, sur les garennes, sur l’abus de . convertir l’amende eu peine des galères pour fait de contrebande, sur la fixation des droits de foi et hommage dans les bureaux des finances. Il demande que le cours de la justice ne soit point interrompu par des arrêts de répit et de surséance ; il demande que comme tous les monuments historiques attestent que le Boulonnais s’est assemblé dans tous les temps en Etat, il soit réintégré dans ce droit primitif, demandant au surplus que telle forme que son administration puisse subir, elle soit organisée de manière que la gestion de la chose publique soit authentique ; qu’il soit rendu public chaque année par la voie de la presse un état nominatif et circonstancié de la recette et de la dépense; qu’il soit formé un cadastre de toutes les propriétés foncières afin de les imposer en raison de leur valeur réelle et non future, et toujours relativement à l’importance de l’impôt ; qu’un abonnement semblable à celui qui existe actuellement soit sollicité avec instance; que non-seulement la durée accordée à l’octroi complète la révolution, mais qu’elle soit même illimitée ; que le produit dudit octroi ait toujours une destination authentique adaptée à des objets d’utilité générale, et sanctionnée par le vœu des trois ordres exprimés par leurs représentants. Il adhère à la réclamation sur le règlement pour la convocation des Etats généraux, en tant u’il comprend le Boulonnais dans les pays 'élection, aux articles sur la séparation de la régie des droits de consommation d’avec celle des aides, sur l’affranchissement de la marque des fers, la restitution du droit de mesurage à la ville de Boulogne, l’abolition du franc-fief en Boulonnais, le tabac, les offices municipaux et le droit sur les porcs, la suppression du marc d’or, sur l'octroi, l’abolition des droits d’échange, le cure-ment des rivières et le baissement des moulins, sur les communes, sur la plantation et la conservation des oyats, sur la suppression des huissiers priseurs-vendeurs, sur la demande d’une juridiction consulaire. H demande que la sénéchaussée du Boulonnais soit établie en présidial. Que la régie actuelle des haras soit supprimée et que cette régie soit confiée aux Etats de la province. Qu’il soit nommé des commissaires dans les trois ordres de la province, pour examiner les concessions et usurpations faites dans les forêts du Roi. Qu’on obvie à la dévastation des forêts, qu’elles soient repeuplées, qu’on fasse une distribution dans les coupes, qu’on fixe le prix des bois et que les frais de transport soient fixés suivant les vues détaillées dans le cahier du tiers-état. Qu’on fixe aussi le prix de la mouture en argent dans les moulins banaux de Boulogne. Il adhère encore aux demandes de la noblesse par rapport aux notaires, à l’établissement d’un conseil de pacification , aux justices seigneuriales et aux chirurgiens des campagnes. Le clergé du Boulonnais finit les remontrances qu’il prend la liberté de présenter à Sa Majesté par une doléance qu’il lui coûte de faire, mais que la défense de ses droits rend indispensable. Il n’a pu s’empêcher de voir avec surprise que les deux autres ordres de la province demandaient qu’il fût chargé, seul, de toutes les reconstructions et réparations des églises, presbytères, clôtures de cimetières. L’applaudissement avec lequel la noblesse avait reçu le témoignage des dispositions géiléreuses du clergé et les sentiments de reconnaissance que le sacrifice de ses exemptions pécuniaires 424 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] avait inspirés au tiers-état, ne lui laissaientpaslieu de soupçonner qu’ils dussent former des demandes si onéreuses pour lui et si contraires à ses intérêts les plus légitimes ; le clergé ne croit pas devoir entrer ici dans le détail des motifs qui doivent écarter de pareilles demandes ; il se contentera de remarquer que c’est blesser la propriété d'une manière sensible que d’imposer à un corps des charges qu’il n’a jamais supportées. Il a vu avec le môme étonnement la noblesse ajouter à cette première demande celle de faire payer par les décimateurs les honoraires des maîtres et maîtresses d’école, comme si les biens du clergé étaient une mine inépuisable et un fonds sur lequel on puisse mettre toutes les charges qu’on voudra, et comme si d’ailleurs les pères n’avaient aucun intérêt à l’éducation de leurs enfants. L’intention du clergé n’est pas de mêler dans la doléance aucun sentiment d’amertume, il sera toujours jaloux de conserver l’union et la concorde ; c’est une plainte qu’il dépose dans le sein d’un père commun, persuadé que sa bienveillance pour le clergé et son amour pour la justice ne lui permettront pas de balancer un instant à rejeter les demandes des deux ordres et que, quelqu e sincères, quelque ardents que soient ses désirs de procurer le soulagement des peuples, il n’en cherchera jamais les moyens dans l’oppression du premier ordre de l’Etat. CAHIER Des demandes , plaintes et doléances de l'ordre de la noblesse du Boulonnais (1). Ce sont les très-respectueuses remontrances et doléances qu’ont l’honneur de présenter au Roi, leur très-gracieux souverain, les nobles du comté du Boulonnais, suppliant les Etats généraux du royaume de vouloir bien les adopter, ordonnant à leur député de s’y conformer dans tous les points et de les faire valoir avec tout le zèle dont il sera capable. Ils prient le Seigneur tout-puissant d’accorder de longs jours à notre monarque, afin qu’il puisse jouir du fruit de ses travaux et être témoin du bonheur et de la félicité de ses peuples. Ils ont tout lieu d’espérer que le ciel les exaucera et répandra ses bénédictions sur notre souverain et sur son auguste race qui doit occuper le trône aussi longtemps qu’il y aura des Bourbons; mais comme la Providence a des vues particulières qu’il n’est pas permis aux hommes de pénétrer, la noblesse croit de son devoir de préserver la France de malheurs semblables à ceux que* ce royaumne a éprouvés dans les circonstances désastreuses d’une minorité. Elle demande, [en conséquence, aux Etats généraux qu’il soit porté à jamais une loi dans le cas de vacance du trône et d’une minorité, ordonnant la convocation des Etats généraux du royaume, sans qu’il soit besoin d’une forme nouvelle pour les rassembler. Elle termine cet article en adressant ses vœux au ciel pour qu’il préserve le royaume d’un pareil malheur, qu’il prolonge les jours du Roi régnant jusqu’au plus long terme, et qu’il transmette aux descendants de Sa Majesté l’héritage de ses vertus. Ils forment. aussi les vœux les plus ardents pour que le ministre que le cri de la nation a placé auprès du trône soit maintenu dans sa place, et (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dos Archives de l’Empire. qu’il continue l’ouvrage qu’il a commencé heureusement. PREMIÈRE SECTION. Religion. Les Boulonnais déclarent qu’ils veulent vivre et mourir dans la religion catholique, apostolique et romaine, qui sera maintenue dans toute l’étendue du royaume; mais comme plusieurs sujets du Roi n’ont pas le bonheur de vivre dans cette religion, ils donnent pouvoir à leurs députés de consentir à toute tolérance tant civile que religieuse, autant néanmoins qu’elle ne nuirait ni aux dogmes ni au culte que nous avons le bonheur de professer. Bénéfices. Quant aux biens ecclésiastiques, l’avantage de l’Etat et la loi de la religion se réunissent pour empêcher que les bénéfices ne puissent être accumulés sur la même tête. Qu’un et l’autre prescrivent aussi que ceux auxquels ils seront accordés aient fait preuve de capacité et de vertu.ou laissent aux Etats généraux le soin de proposer et accepter la loi nouvelle, qui fixera la manière et la forme de leur nomination. 11 est indispensable de demander que les bénéficiers, môme ceux qui n’ont pas charge d’âmes, résident dans la province, leur absence du pays éloignant la consommation et la reproduction. Ce malheur étant aujourd’hui celui de toutes les provinces du royaume, les Etats généraux seuls peuvent apporter du remède à ce mal, et le Boulonnais adoptera avec empressement celui qu’ils prescriront. Une autre réclamation qui sera générale est l’injustice des cures à portion congrue; elle prive les curés de pouvoir secourir leurs paroissiens indigents ou malades, fonctions essentielles à leur ministère. Ces curés ont à peine de quoi vivre en Boulonnais, et l’éloignement des succursales les oblige presque tous à avoir un cheval. Les Etats généraux sont seuls capables de prononcer sur un objet aussi intéressant. Religieux. Nous observerons quant aux religieux que leur consommation se fait dans la province, que leurs aumônes y sont abondantes et que ce serait un malheur pour le pays de les perdre ; mais les Etats généraux sont priés d’aviser aux moyens de les rendre utiles, et surtout à celui d’épargner aux peuples des campagnes les dons qu’ils font aux religieux mendiants. On ne croit pas devoir terminer cet article sans donner de justes éloges aux vertus et à la générosité de M. l’évêque de Boulogne. Ce prélat vient de fonder une institution patrio - tique pour faire élever gratuitement les enfants des gens de la campagne qui montrent des dispositions pour l’état ecclésiastique ; on croit qu’une pareille institution, encouragée par les Etats généraux du royaume, serait imitée dans les autres diocèses de France et remédierait au manque de prêtres dont ils se plaignent aujourd’hui. Dîme eeclésiastique. Nous laissons aux Etats généraux le soin de statuer sur la dîme ecclésiastique et de prononcer sur ceux qui doivent en jouir. Mais il serait à désirer que cette terrible imposition fût à l’avenir assujettie aux réparations de nef, de presbytères et à toutes dépenses qui concernent le culte ou ses ministres, ainsi qu’aux gages des maîtres et maî- 424 [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] avait inspirés au tiers-état, ne lui laissaientpaslieu de soupçonner qu’ils dussent former des demandes si onéreuses pour lui et si contraires à ses intérêts les plus légitimes ; le clergé ne croit pas devoir entrer ici dans le détail des motifs qui doivent écarter de pareilles demandes ; il se contentera de remarquer que c’est blesser la propriété d'une manière sensible que d’imposer à un corps des charges qu’il n’a jamais supportées. Il a vu avec le môme étonnement la noblesse ajouter à cette première demande celle de faire payer par les décimateurs les honoraires des maîtres et maîtresses d’école, comme si les biens du clergé étaient une mine inépuisable et un fonds sur lequel on puisse mettre toutes les charges qu’on voudra, et comme si d’ailleurs les pères n’avaient aucun intérêt à l’éducation de leurs enfants. L’intention du clergé n’est pas de mêler dans la doléance aucun sentiment d’amertume, il sera toujours jaloux de conserver l’union et la concorde ; c’est une plainte qu’il dépose dans le sein d’un père commun, persuadé que sa bienveillance pour le clergé et son amour pour la justice ne lui permettront pas de balancer un instant à rejeter les demandes des deux ordres et que, quelqu e sincères, quelque ardents que soient ses désirs de procurer le soulagement des peuples, il n’en cherchera jamais les moyens dans l’oppression du premier ordre de l’Etat. CAHIER Des demandes , plaintes et doléances de l'ordre de la noblesse du Boulonnais (1). Ce sont les très-respectueuses remontrances et doléances qu’ont l’honneur de présenter au Roi, leur très-gracieux souverain, les nobles du comté du Boulonnais, suppliant les Etats généraux du royaume de vouloir bien les adopter, ordonnant à leur député de s’y conformer dans tous les points et de les faire valoir avec tout le zèle dont il sera capable. Ils prient le Seigneur tout-puissant d’accorder de longs jours à notre monarque, afin qu’il puisse jouir du fruit de ses travaux et être témoin du bonheur et de la félicité de ses peuples. Ils ont tout lieu d’espérer que le ciel les exaucera et répandra ses bénédictions sur notre souverain et sur son auguste race qui doit occuper le trône aussi longtemps qu’il y aura des Bourbons; mais comme la Providence a des vues particulières qu’il n’est pas permis aux hommes de pénétrer, la noblesse croit de son devoir de préserver la France de malheurs semblables à ceux que* ce royaumne a éprouvés dans les circonstances désastreuses d’une minorité. Elle demande, [en conséquence, aux Etats généraux qu’il soit porté à jamais une loi dans le cas de vacance du trône et d’une minorité, ordonnant la convocation des Etats généraux du royaume, sans qu’il soit besoin d’une forme nouvelle pour les rassembler. Elle termine cet article en adressant ses vœux au ciel pour qu’il préserve le royaume d’un pareil malheur, qu’il prolonge les jours du Roi régnant jusqu’au plus long terme, et qu’il transmette aux descendants de Sa Majesté l’héritage de ses vertus. Ils forment. aussi les vœux les plus ardents pour que le ministre que le cri de la nation a placé auprès du trône soit maintenu dans sa place, et (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dos Archives de l’Empire. qu’il continue l’ouvrage qu’il a commencé heureusement. PREMIÈRE SECTION. Religion. Les Boulonnais déclarent qu’ils veulent vivre et mourir dans la religion catholique, apostolique et romaine, qui sera maintenue dans toute l’étendue du royaume; mais comme plusieurs sujets du Roi n’ont pas le bonheur de vivre dans cette religion, ils donnent pouvoir à leurs députés de consentir à toute tolérance tant civile que religieuse, autant néanmoins qu’elle ne nuirait ni aux dogmes ni au culte que nous avons le bonheur de professer. Bénéfices. Quant aux biens ecclésiastiques, l’avantage de l’Etat et la loi de la religion se réunissent pour empêcher que les bénéfices ne puissent être accumulés sur la même tête. Qu’un et l’autre prescrivent aussi que ceux auxquels ils seront accordés aient fait preuve de capacité et de vertu.ou laissent aux Etats généraux le soin de proposer et accepter la loi nouvelle, qui fixera la manière et la forme de leur nomination. 11 est indispensable de demander que les bénéficiers, môme ceux qui n’ont pas charge d’âmes, résident dans la province, leur absence du pays éloignant la consommation et la reproduction. Ce malheur étant aujourd’hui celui de toutes les provinces du royaume, les Etats généraux seuls peuvent apporter du remède à ce mal, et le Boulonnais adoptera avec empressement celui qu’ils prescriront. Une autre réclamation qui sera générale est l’injustice des cures à portion congrue; elle prive les curés de pouvoir secourir leurs paroissiens indigents ou malades, fonctions essentielles à leur ministère. Ces curés ont à peine de quoi vivre en Boulonnais, et l’éloignement des succursales les oblige presque tous à avoir un cheval. Les Etats généraux sont seuls capables de prononcer sur un objet aussi intéressant. Religieux. Nous observerons quant aux religieux que leur consommation se fait dans la province, que leurs aumônes y sont abondantes et que ce serait un malheur pour le pays de les perdre ; mais les Etats généraux sont priés d’aviser aux moyens de les rendre utiles, et surtout à celui d’épargner aux peuples des campagnes les dons qu’ils font aux religieux mendiants. On ne croit pas devoir terminer cet article sans donner de justes éloges aux vertus et à la générosité de M. l’évêque de Boulogne. Ce prélat vient de fonder une institution patrio - tique pour faire élever gratuitement les enfants des gens de la campagne qui montrent des dispositions pour l’état ecclésiastique ; on croit qu’une pareille institution, encouragée par les Etats généraux du royaume, serait imitée dans les autres diocèses de France et remédierait au manque de prêtres dont ils se plaignent aujourd’hui. Dîme eeclésiastique. Nous laissons aux Etats généraux le soin de statuer sur la dîme ecclésiastique et de prononcer sur ceux qui doivent en jouir. Mais il serait à désirer que cette terrible imposition fût à l’avenir assujettie aux réparations de nef, de presbytères et à toutes dépenses qui concernent le culte ou ses ministres, ainsi qu’aux gages des maîtres et maî- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 425 tresses d’école, à l’entretien ou fournitures des bâtiments nécessaires à la séparation, des deux sexes dans lesdites écoles ; et qu’enfin les ministres de la religion eussent un traitement qui leur permît de se passer des rétributions qu’ils reçoivent à titre de casuel. Quoique tous les anciens Etats généraux du royaume aient fait des articles de doléances sur l’argent qui passe de France à la cour de Rome, on croit n’en devoir parler ici que pour mémoire, parce que cette somme est modique, etqu’ensuite elle tient à quelques arrangements avec le pape, non comme chef de la religion, mais comme temporel. C’est à la sagesse des Etats généraux à prononcer sur cet article. Hôpitaux , enfants trouvés , incurables , éducation publique et bureaux de charité. 11 y a plusieurs autres objets d’utilité publique tels que les hôpitaux, les enfants trouvés, les incurables, l’éducation publique auxquels les Etats généraux pourraient appliquer différentes portions des biens de l’Eglise. On s’en remet à sa prudence sur toutes ces dispositions; ce sera d’après elles que les Boulonnais requerront ce qu’ils croiront avantageux à leur pays. Ils observeront dans ce moment-ci que le collège de Boulogne peut à peine subsister et que ce collège étant tenu par des prêtres de l’Oratoire, il serait facile de venir à son secours par l’union de quelques-uns des bénéfices ecclésiastiques de la province. La ville de Boulogne recueille tant d’avantage de l’établissement de son bureau de charité formé en 1740, qu'on désirerait qu’il en fut établi de pareils dans les campagnes de la province. Nous supposons que les Etats généraux du royaume nommeront des commissaires pour s’occuper du grand objet de la législation. Législation générale. Ils sentiront combien est importante la rédaction du code civil et criminel. On leur demande en ce moment de rapprocher la justice des justiciables. C’est sur ce point que porte la doléance actuelle du pays. La plus petite affaire mène les habitants à Paris; on désirerait donc qu’il fût attaché à la sénéchaussée du Boulonnais un pouvoir plus-ample, et tel que les affaires qui ne passeraient pas 4,000 livres pussent être jugées en dernier ressort par son tribunal ; mais avant de lui donner une compétence plus étendue, il faudrait qu’il fût muni de juges en nombre suffisant ; cet inconvénient est commun aux autres tribunaux inférieurs du royaume. Les députés aviseront entre eux%aux moyens de munir de juges capables les tribunaux inférieurs, et le Boulonnais adoptera ce qui sera réglé à cet effet ; on y parviendra facilement en joignant aux présidiaux les justices d’attributions. Conseils de pacification. On place ici, comme une proposition qu’on croit avantageuse, l’établissement d’un conseil de pacification dans la province du Boulonnais. Ce conseil serait composé de membres des trois Etats, destinés à éclairer les citoyens sur leurs véritables intérêts, et à les empêcher de suivre les mauvais conseils que les praticiens qui courent les campagnes leur donnent souvent, et qui entraînent la ruine de leur fortune. Impôt général. Après avoir assuré Sa Majesté de leur entier dévouement, ses fidèles sujets du Boulonnais se permettront de réclamer sa justice contre les différents abus d’autorité commis par plusieurs ministres des rois ses prédécesseurs ; la propriété des biens et la liberté des personnes en ont également souffert. Il est temps d’y mettre fin et de renouveler la loi, qu’il ne puisse être établi ou prorogé aucun impôt sans le consentement de la nation assemblée, qu’à cet effet la convocation des Etats généraux soit rendue périodique, que l’impôt, qui va être consenti par la nation ne le soit qu’en proportion des besoins de l’Etat et qu’après la vérification la plus approfondie de la dette nationale. ' Que l’impôt une fois accordé soit réparti dans une juste proportion : 1° Entre toutes les provinces du royaume ; 2° Dans chaque province en particulier sur toutes les propriétés sans exception ni exemption quelconque ; toutes exceptions et exemptions devenant un crime aux yeux de la nation, celui qui en aurait obtenu serait dénoncé aux tribunaux comme coupable, et non-seulement il lui serait interdit d’en jouir, mais encore il lui serait infligé une punition. Les Etats généraux fixeront quelle elle doit être. On s’en rapporte également à la décision de la noblesse assemblée aux Etats généraux pour prononcer sur la contribution au logement des gens de guerre; il est même à désirer que le traitement de l’armée soit tel qu’au moyen des appointements attribués à chaque grade, les provinces ou villes particulières ne soient plus assujetties à aucunes charges ni impositions relatives à leur établissement, logement, gratification, fourrages, et qu’enfin le trésor paye les gouverneurs et autres officiers généraux, employés, et que les provinces ne soient plus inquiétées pour ces objets. Capitation. Il est un genre d’impôt qui, dans le Boulonnais, comme ailleurs, reste absolument soumis à l’arbitraire. « On ne peut y procéder (dit M. Necker) « que d’après la connaissance qu’on acquiert, ou « le préjugé qu’on se forme de la fortune des « particuliers, ce qui devient absolument arbi-« traire ». Cet impôt est la capitation. Après une pareille réflexion, il y a tout lieu d’espérer que son auteur indiquera aux Etats généraux les remèdes à un tel abus, et l’on se bornera ici à demander que, quelleque soit la nouvelle forme, la répartition de cet impôt soit faitepar les Etats particuliers de la province. Industrie. Le Boulonnais demande l’anéantissement total de l’impôt sur l’industrie, des péages et de tous les privilèges exclusifs, le commerce devant être libre et protégé, puisqu’il est le nerf de l’Etat. Tabac. Les réclamations sur la ferme du tabac seront générales dans tout le royaume, mais il en est de plus intéressantes à chaque province. Pourquoi, les Etats généraux sont suppliés de prêter une attention particulière aux détails sur cet objet renfermés dans le cahier du tiers-état du Boulonnais. Octroi. On a déguisé sous le nom d’octroi une espèce d’impôt que l’autorité seule se permet de concéder. C’est une attaque à la propriété. Il est de la justice qu’aucun octroi ne puisse être accordé à . M0 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. , [Sénéchaussée du Boulonnais.] l’avenir que sur la demande des Etats particuliers de chaque province et pour son bénéfice seulement, réservant aux Etats généraux seuls le droit de discuter un octroi qui, établi par le consentement d’une province, nuirait et porterait préjudice à une autre. Arrêts d'évocation. Les droits de propriété sont encore violés par les arrêts d'évocation et de surséances ; on ne connaît aucune raison capable de distraire les particuliers des.tribunauxdeleur ressort, et quant aux arrêts de surséances, aucun ne doit émaner du conseil, la loi ayant fixé et devant fixer à jamais le cas où les juges doivent les accorder our l’intérêt commun des créanciers et des dé-iteurs. Banqueroutes. Tout le royaume, les villes de commerce surtout, demandent une prompte législation sur les banqueroutes. Les projets d’une loi sur cet objet seront remis aux députés du commerce, plus en état de proposer un remède aux malheurs que les banqueroutes répétées font éprouver à tous les ordres de la société. Notaires, Il serait à désirer qu’on ne reçût à l’avenir aucun notaire qui ne fût versé dans l’étude du droit, et qui n’eût pris ses grades dans cette faculté. L’impéritie d’un grand nombre ne donnant que trop souvent lieu à des procès ruineux pour les familles, ils devront être obligés d’écrire leurs actes d’une manière lisible et correcte, et à se servir de bonne encre; plusieurs de ces actes contiennent des dispositions sur lesquelles reposent la fortune et l’état d’un grand nombre de citoyens, ils sont destinés par leur nature à passer à la postérité, et ne parviendront pas à la quatrième génération sans devenir indéchiffrables. Lettres de cachet. On a tâché de pourvoir à la sûreté des propriétés; celle des personnes violées depuis longtemps par l’usage et l'abus des lettres de cachet est plus importante encore. Il faut qu’elles soient supprimées entièrement et que nul sujet de Sa Majesté ne puisse être arrêté que sur un décret prononcé par les juges ordinaires. Si pourtant ce qu’on appelle raison d'Etat exigeait que l’autorité prévînt la justice ordinaire et fit arrêter un citoyen, ce ne pourrait être que par un ordre signé par tous les membres du conseil de Sa Majesté. Les ministres resteront responsables envers la nation de leur conduite, et les Etats ou commissions intermédiaires de la province à laquelle appartiendrait le détenu devraient être avertis, non de là cause, mais de la détention, afin qu’aucun sujet ne puisse plus disparaître de la société qu’on ne sache comment il en a été soustrait. Quant aux intérêts particuliers des familles qui croiraient devoir solliciter de pareils ordres de l’autorité, on s’en remet en entier à la prudence et à la sagesse des Etats généraux du royaume, les priant instamment de prendre cette affaire en considération, et de pas oublier qu’un préjugé très-enracinô dans la nation rend les familles responsables de la conduite d’un individu. Ce préjugé portant plus sur la noblesse que sur aucun autre corps, il est nécessaire que le député de la noblesse du Boulonnais en confère avec les députés de la noblesse du royaume. Liberté des nègres. Cet objet, des plus essentiel à la conservation de la culture, des colonies doit être traité particulièrement par le commerce. Nous nous bornerons à exprimer ici le vœu de l’humanité, que l’esclavage des nègres fait gémir depuis longtemps. Liberté de la presse. Si la liberté de la presse avait eu lieu, la nation aurait été éclairée plus tôt sur ses véritables intérêts. Le député de la noblesse opinera donc pour que cette liberté soit accordée en France, pourvu toutefois que les ouvrages imprimés soient souscrits du nom de fauteur et à son défaut de celui de l’imprimeur, qui pour lors deviendra responsable de ce qui pourrait être inséré contre la religion dominante, les lois de l’Etat, le respect dû à la majesté du trône et l’honneur des citoyens. Opinions. La question d’opiner par tête ou par corps devant être la première agitée par les Etats généraux, le représentant de la noblesse du Boulonnais ne prendra d’autre parti que celui qui sera jugé le meilleur par la pluralité des voix de son ordre, et s’il y avait partage de voix, il se rangerait du parti qui serait d’opiner par corps, cette méthode ayant été la dernière usitée dans les assemblées nationales. SECTION II. Les demandes générales et qui intéressen t également tous les sujets du Roi une fois formées et établies, les soussignés vont s’occuper plus particulièrement du pays qu’ils habitent et en réclamer les droits et privilèges. Tous ies monuments historiques attestent que le Boulonnais s’est assemblé dans tous les temps en Etats. Il demande en ce moment à être réintégré dans ce droit. Demande d’Etats pour la province. Qu’il soit formé des Etats particuliers de cette province assemblés tous les ans ; que tous les individus et toutes les propriétés y soient complètement représentés. Qu’à des époques fixes et invariables, l’universalité de la province soit convoquée comme . elle est aujourd’hui, soit pour examiner la conduite de ses représentants, soit pour en élire de nouveaux, soit enfin pour députer aux Etats généraux du royaume. Si l’on objectait qu’une assemblée aussi générale est nécessairement bruyante et tumultueuse, on répondrait que sa force n’est que dans le nombre, et que le nombre étant inséparable du bruit, il est nécessaire d’éprouver cet inconvénient, que pour le diminuer on ferait par la suite les règlements les plus sages, qu’enfin l’habitude de ces sortes d’assemblées leur donnera la tranquillité nécessaire pour opérer le bien public. Le Boulonnais se loue de l’administration qui le régit aujourd’hui; il désire qu’elle continue ses fonctions jusqu’après les premiers Etats généraux du royaume, époque à laquelle il espère se former en Etats sur le modèle des autres provinces, et de telle manière qu’il ne puisse plus rien s’opérer dans toute son étendue que de l’avis et du consentement desdits Etats, sans qu’aucune autre autorité puisse s’y immiscer. La pluralité des voix aux Etats généraux devant prononcer sur la composition des Etats de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 427 chaque province, sur la durée et la présidence, ou d’une manière uniforme pour tout le royaume, ou d’une manière relative à la constitution et aux privilèges de chaque province en particulier, le Boulonnais souscrira à la règle qui en résultera. 11 se borne à dire qu’il a toujours été régi par des Etats séparés et qu’il demande à rentrer dans ses droits. Législation de la province. Les députés de la province aux Etats généraux ne négligeront rien pour obtenir de la bienfaisance du Roi que quelle forme que son administration puisse subir, elle soit organisée de manière à ce que la gestion des choses publiques soit aussi authentique dans ses détails que dans ses résultats. Qu’il soit rendu public chaque année par la voie de la presse un état nominatif et circonstancié de la recette et de la dépense. Qu’il soit formé un cadastre de toutes les propriétés foncières, afin de les imposer en raison de leur valeur réelle et non tictive, et toujours relativement à l’importance de l’impôt. Qu’un abonnement semblable à celui qui existe soit sollicité avec instance. Que non-seulement la durée accordée à l’octroi de la province complète sa révolution, mais qu’elle soit même illimitée. Que le produit dudit octroi ait toujours une destination authentique adaptée à des objets d’utilité générale, et sanctionnée par le vœu des trois ordres exprimés par leurs représentants. Les franchises du Boulonnais ont été reconnues par tous les rois depuis Louis XI qui en fit dresser un procès-verbal avant l’échange de cette province. Et depuis ce temps toutes ies lettres des souverains déclarent les Boulonnais exempts de toute taille, taillons, aides , gabelles et impositions mises et à mettre dans le royaume. Les Boulonnais se gardent bien de conclure de là qu’ils ne doivent contribuer en rien aux dépenses du royaume ; au contraire ils donnent pouvoir à leurs députés d’accorder en leur nom les subsides que les Etats généraux du royaume jugeront être indispensables, mais comme ils croient ne devoir point être soumis aux taxes qui seraient imposées aux autres provinces à titre de substitution des aides, gabelles, et autres charges dont ils ont été exempts jusqu’à ce jour ; ils enjoignent à leurs députés d’avoir grande attention, lors de la discussion de ces subsides, à se refuser à toute imposition établie pour tenir lieu dans les autres provinces de ce gui est actuellement franchise dans le Boulonnais. Droit de franc-fief. Cette réclamation sera générale dans tout le royaume ; mais la province du Boulonnais observe que ce droit est contraire à ses privilèges confirmés par l’arrêt du 30 décembre 1664, et autres arrêts du conseil postérieurs et confirmatifs ; mais l’autorité n’a pu mettre un frein aux poursuites des premiers. Haras. La liberté, l’âme de tout commerce, est encore plus nécessaire à celui des chevaux qu’à aucun autre ; le Boulonnais en a joui entièrement jusqu’à l’année 1740, où M. le comte de Maurepas, par pure bonté, donna des étalons étrangers qui n’eurent point le succès qu’il s’en était promis. Cette vue patriotique fut cause de la création d’une charge d’inspecteur avec appointements. On cessa de se servir d’étalons étrangers, mais la charge d’inspecteur subsista, son autorité s’accrut, de nouvelles lois furent introduites, et depuis quelques années le commerce clés chevaux, qui 'est presque l’unique de cette province, dépérit sensiblement. On demande que le Boulonnais soit rétabli dans son ancienne liberté, que la charge, les appointements, l’autorité et ies fonctions d’inspecteur soient annulés, et qu’on remette aux Etats de la province le soin d’encourager et protéger les haras comme ils le jugeront à propos. Le Boulonnais demandant à être continué dans son droit de contribuer aux charges de l’Etat par forme d’abonnement et les autres provinces du royaume devant former la même demande , il est inutile de s’étendre ici sur le vice des impositions actuelles, puisqu’il n’affecte point la province en particulier et qu’on doit y porter un remède général pour tout le royaume. Quartier d'hiver et hôpila%ioc. Il réclame contre le maintien de l’imposition, appelée quartier d�hier qui, comme son nom l’indique, avait été accordée dans les guerres anciennes et devait cesser à la paix. Celle des hôpitaux n’avait aussi été établie que pour un temps, et les moyens de soulager le pays de cette dernière ne sont pas difficiles à trouver. Gerbées et charbon. L’on demande ici l’abolition du droit de ger-bées, droit perçu sans autorité légale, et continué par l’usage, au profit du gouverneur de la province, droit pour lequel on ne donne pas quittance, quoique le receveur des vingtièmes en porte la note sur le rôle ; le gouverneur actuel a même notifié qu’il y renonçait. Enfin l’on désire que tous les droits illégaux disparaissent pour ne plus se montrer sous aucune forme, nommément ceux qui gênent le commerce, ceux perçus sur l’exploitation des mines. Et en outre que les droits sur Rentrée des charbons anglais dans la province ne soient pas plus considérables que ceux des autres ports du royaume. Contrôle et insinuation Le Boulonnais remet aux Etats généraux le soin de discuter les avantages ou les inconvénients des droits de contrôle et insinuation, ou se borne à demander que, s’ils laissent subsister ces droits, ils fassent en même temps publier un tarif qui mette les sujets du Roi à fiortée de juger par eux-mêmes de ce qu’ils devront dans-toute occasion, et que l’homme le plus simple puisse le juger par lui-même et ne plus courir le risque d’être trompé ou abusé par aucun préposé du fisc. Huissiers-priseurs. Le Boulonnais demande la suppression des offi ¬ ces d’huissiers-priseurs, tant parce que ces charges troublent les familles dans leurs affaires particulières, parce que les pourvus de ces offices exigent souvent ce qui ne leur est pas dû, et qu’il est impossible au peuple de connaître, enfin parce que le Boulonnais avait déjà remboursé ces charges les 15 avril 1738 et 29 novembre 1740. Droits d'échange. Le fisc s’est attribué les droits seigneuriaux en cas d’échange. L’article 49 de la coutume affranchit de tous droits, sauf du relief, les échanges faits sans 428 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Sénéchaussée du Boulonnais. bourse délier, et il veut que s’il y a des deniers déboursés le droit seigneurial ne se perçoive que sur la soulte. La prétention du domaine est donc directement contraire au texte de la coutume. Elle n’est pas moins nuisible à l’agriculture. Les terres d’une ferme tiennent rarement ensemble, elles sont presque toujours mêlées parmi d’autres propriétés, et dans le nombre, il s’en trouve souvent de fort éloignées où il n’est pas possible de porter des engrais, à cause de leur distance et de la difficulté des chemins ; communément aussi des terres dépendantes d’une ferme sont continguës à une ferme voisine qui en a d’autres à portée de la première. Il est sensible qu’on ne peut mettre ces terres en valeur, qu’en faisant des échanges ; mais l’assujettissement aux droits seigneuriaux s’oppose à ces arrangements de convenance, surtout en ce E, où les lods et ventes sont d’un quint pour iefs et d’un quart pour les rotures. C’est donc le cas de solliciter l’abolition du droit d’échange comme n’étant pas dû, et étant d’ailleurs préjudiciable au bien public. Forêts. La cherté du bois met les habitants de cette province dans le cas de réclamer, avec les plus vives instances, de rentrer en possession des démembrements faits à ses forêts par des usurpations ou concessions. La noblesse insiste pour que ce soit une commission composée des trois ordres de la province qui devienne juge sur cette partie et non les commissaires payés par le Roi. Moulins à l'eau. Cet article intéressant également tout le royaume, le Boulonnais réclame l’autorité des ordonnances des eaux et forêts sur cet objet dont l’inexécution porte plus de préjudice à cette province qu’en aucune autre, ce qui est prouvé par l’instance qu’elle a présentée au conseil. Police et justice seigneuriales. Dans les campagnes du Boulonnais on se plaint que la police n’est point exercée parce que les justices de tous les seigneurs ne sont point en règle. Cette plainte pourra être générale dans le royaume. Les seigneurs du Boulonnais s’en rapportent sur cet article à la décision des Etats généraux qui sera sûrement telle que les seigneurs n’en seront pas lésés, et ne pourra avoir force de loi dans la province qu’autant que les Etats auront été consultés. Communes. S’il existe encore d’anciens abus, reste de la féodalité, les communes des villages méritent bien à cet égard la plus grande attention de la part des Etats généraux ; tout est perle dans ces terrains vagues, incultes et immenses. Au lieu d’être la ressource des pauvres des paroisses et de contribuer à l’aisance de leurs habitants, ils en deviennent aujourd’hui le détriment et ravissent à l’Etat une somme considérable de rapports. Les communes anciennement plantées en bois taillis lieront plus revêtues que de souches usées dont les unes sont broutées à mesure que leur jets paraissent, et les autres de temps en temps écartées ; celles qui étaient destinées au pâturage sont actuellement couvertes de bruyères, de mousses et de fougères, et les bestiaux n’y trouvent plus la moindre nourriture. Une partie cle ces communes a perdu d’ailleurs sa vrai destination, des vagabonds sont venus s’y établir et y arrivent encore tous les jours, et quoiqu’on ait le pouvoir de les en chasser, ils se rendent redoutables au point qu’on craint avec raison leur vengeance, et que les fermiers voisins sont obligés de les ménager pour arrêter leurs pillages. Le Boulonnais désirerait que les communes d’une étendue considérable fussent affermées et le tiers au moins de leur produit destiné aux pauvres habitants des villages, suivant l’ordre inverse des impositions, et non en argent mais en nature. Qui ne gémirait sur cette perte immense de terrains abandonnés dont la culture mettrait sûrement plus d’aisance dans les campagnes et fournirait au gouvernement un remplacement de ces droits onéreux dont on désire l’abolition ! Les Etats généraux voudront bien ne pas oublier que le numéraire de ces nouvelles productions doit d’abord circuler dans le pays d’où on l’a tiré. Que des compagnies éloignées ou des particuliers étrangers qui s’en rendraient adjudicataires enlèveraient aux paroisses les avantages qu’elles auraient dû en attendre, en portant, au loin et dans le gouffre de la capitale les profits de ces défrichements. Le moyen le plus sûr de diminuer les pauvres des campagnes et d’y faire luire un rayon de bonheur, c’est de faire en sorte que les’ changements des terres, des productions de la terre puisse y circuler en partie, et rien ne peut mieux y contribuer que la résidence des bénéficiers, qu’on a déjà demandée, et celle des seigneurs dans leurs terres. Gens sans aveu. Qu’il soit donc prononcé une amende de 3, 0U0 livres contre toute communauté, le seigneur et le curé compris, qui aura souffert que des quidams sans aveu et souvent échappés au dernier supplice par leur évasion du lieu de leur naissance, viennent former sur les communes des établissements arbitraires, illégitimes et dangereux. Chasse. Le Boulonnais demande que, si le gibier se reproduisait avec une abondance destructive, les seigneurs puissent être pris à partie par les habitants et condamnés à des dommages qJ intérêts par le juge, d’après le rapport d’un commissaire de chaque ordre nommé par la province pour reconnaître le dommage et sa cause, et que les ordonnances sur la chasse soient suivies à la diligence de la partie publique. Gardes des seigneurs. Considérant les abus qui se commettent dans le tribunal des eaux et forêts et les vexations inséparables des charges vénales, on demande que les gardes des seigneurs Boulonnais soient reçus gratuitement en prêtant leur serment à leur sénéchaussée. Oyats. La mer borde le Boulonnais depuis Etaples jusqu’à Wissent, sur une longueur de 15 à 16 lieues. Toute cette côte est couverte de sables dont la finesse et la mobilité sont extrêmes ; ils forment [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 439 en divers endroits des montagnes fort élevées. Les vents d’Ouest et de Sud-Ouest qui régnent habituellement en ce pays les transportent dans l’intérieur des terres. Deux villages y ont été ensevelis, et il n’en reste plus que les noms, la plupart des maisons de Wissent ont essuyé le même sort. Les sables poussés par les vents gagnent de proche en proche, ils ont déjà couvert de vastes terrains; ils ont pénétré dans la forêt d’Hardelot, appartenant au Roi, chaque jour ils font des progrès effrayants et, si l’on n’y remédie efficacement, plusieurs paroisses du Boulonnais sont menacées d’une ruine entière. Les oyats sont la seule digue qu’on puisse opposer à ces sables. La dépense à faire à ce sujet sera très-forte, mais elle est indispensable. Le corps d’administration du Boulonnais a offert d’y contribuer selon ses facultés et a sollicité le gouvernement de venir à son secours. Depuis plusieurs aimées que cette demande a été faite, nombre de terres précieuses ont été ensablées et sont perdues à jamais pour l’Etat. Dans ce moment heureux où le Roi a daigné inviter le nation à concourir avec lui au bien général, l’ordre de la noblesse insiste parliculiè-ment sur la nécessité d’une plantation d’oyats, tout le long des forêts du pays, et propose lé règlement projeté depuis longtemps pour la conservation des oyats, La province entreprendrait volontiers ce travail, si le Roi, qui y est interressé à cause de sa forêt d’Hardelot et la conservation des villages qui ont été envahis par les sables, voulait y contribuer de moitié ; on estime qu’il faudrait employer à cette dépense environ 4,000 livres par an. Port de Boulogne. Le port de Boulogne est la mère nourrice du pays; l’état de dégradation d’une partie des quais, l’encombrement dont il est menacé par les sables, mettent la province du Boulonnais dans le cas de solliciter avec instance les secours du gouvernement. La province ne demande pas mieux que d’y contribuer en proportion de ses facultés, mais elle a peu de moyens ; la dépense peut être considérable, et elle n’ose l’entreprendre sans être assurée des concours que l’administration doit fournir au commerce. SECTION III. Mendicité. Le Boulonnais demande que la mendicité soit proscrite d’un village à l’autre, afin que dans chacun d’eux on sache si la pauvreté a pour cause la paresse ou des malheurs. Enfin que la mendicité soit détruite en entier si l’on trouve des moyens d’y parvenir. Que partout où il y a des communes et un sol qui ne se refuse pas à la culture des pommes de terre, il soit assigné un quartier de terrain à chaque maison de pauvres pour en cultiver, et que ceux qui s’y refuseront ne reçoivent aucune charité dans la paroisse. Glanage. S’il n’y avait que les enfants et les gens hors d’état de travailler qui glanassent, cette espèce de dîme serait regardée par les propriétaires des champs comme une charité à laquelle ils seraient bien éloignés de s’opposer; c’est actuellement une profession pour les fainéants et vagabonds; non-seulement ils n’attendent point que les grains soient pliés et rentrés, mais ils prennent aux javelles et aux gerbes, et vont nuitamment en enlever ; le propriétaire et les fermiers ne sont plus maîtres de leurs champs lors de la récolte; tandis que les bras manquent à l’agriculture, les glaneurs, qui en sont les parasites, sont en nombre et en force, ils ne s’embarrassent ni des plaintes ni de la surveillance, rien n’arrête leur déprédation ; sans foi comme sans honneur, ils préfèrent ce métier à celui de moissonneur parce que le profit de ce dernier est moindre et exige plus de travail que celui de glaneur. Ces gens ne connaissent d’autres lois que l’intérêt et le brigandage ; la crainte est le seul moyen capable de les arrêter. Il serait donc à souhaiter qu’à cet effet on augmentât la maréchaussée, ce corps si utile pour la sûreté des villes et des campagnes, que les cavaliers se dispersassent dans le temps de la moisson, qu’ils se montrassent dans les champs qu’on recueille, qu’ils punissent les déprédateurs et ceux qui glaneront avant le moment prescrit par les ordonnances, et qu’ils ne permissent le glanage qu’aux enfants, aux vieillards et aux personnes incapables de travailler, qui seront reconnues telles par un certificat du curé et du syndic. Droits de parcours. Le droit de parcours est vraiment un reste de cette ancienne indifférence sur l’agriculture, de cet abandon des propriétés et de cette ignorance qui caractérisait les premiers siècles. Ce droit est aussi abusif par sa nature que destructif dans ses effets ; au lieu de nourrir et d’accroître l’industrie, il l’affaiblit et l’arrête. Il est abusif parce que rien n’en arrête les désordres. 11 est injuste parce qu’il enlève aux cultivateurs une partie de leurs récoltes et du fruit de leurs travaux. Le fermier n’a plus le droit de recueillir la seconde moisson que ses soins et son intelligence active lui ont procurée. Sesprairies, tant naturelles qu’artificielles, sesgrainsd’automne, les différentes nourritures qu’ila semées pour ses bestiauxpcndant l’hiver deviennent la proie du premier occupant. Si la première récolte a manqué, il ne peut plus prétendre à une autre, et ce qui aurait pu remplacer ses pertes devient absolument nul et dispendieux pour lui. Il est donc de l’intérêt général et du particulier de demander aux Etats généraux la suppression de ce droit abusif qui n’a été fondé que par une ignorante insouciance, et qui ne s’est maintenu que par une inconséquence. Le tort qu’il fait à l’agriculture en arrêtant l’industrie et empêchant l’accroissement des rapports est d’une importance infiniment supérieure à la ressource que peuvent en tirer les habitants peu fortunés des campagnes. Une plus grande masse de production la remplacera bientôt en faisant baisser le prix des fourrages. Le Boulonnais réclame d’autant plus fortement sur ce droit qu’il est inconnu dans les provinces qui l’avoisinent. Chirurgiens dans les campagnes. Un fléau des campagnes est l’incapacité et l'impéritie des chirurgiens ; leur ignorance est destructive des tempéraments et de la population. Les députés s’adresseront avec confiance aux Etats généraux pour y porter remède. A la suite du vœu que la noblesse du Boulonnais adresse aux Etats généraux pour la répartition légale des impôts, qu’il lui soit permis de leur rappeler un article du rapport fait au Roi par le ministre de ses finances. « Votre Majesté désire ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 430 [Etats gén. 1789. Cahiers.] (dit M. Necker) que dans l’examen des droits et « des faveurs dont jouissent les ordres privilégiés, « on montre des égards pour cette partie de la « noblesse qui cultive elle-même ses champs, et « qui souvent, après avoir supporté les fatigues « de la guerre, après avoir servi le Roi dans ses « armées, vient encore servir l’Etat, en donnant « l’exemple d’une vie simple et laborieuse et en « honorant par cette occupation les travaux de « l’agriculture. » Le ministre à qui la pauvre noblesse du royaume a l’obligation de cette réflexion, saisira sûrement l’occasion d’inspirer au Roi et aux Etats généraux assemblés un moyen de lui en faire ressentir les effets, ainsi qu’à faire accorder quelques faveurs distinctives à tout particulier qui fera valoir par lui-même et fera des sacrifices personnels pour des essais avantageux à l’agriculture. Troupes Boulonnaises. Par une suite du droit des Francs dont la province a toujours joui, elle se garde elle-même depuis 1477, privilège précieux dont elle reclame la continuation, puisqu’il fait partie de saconsti-tion. Sa situation dans une étendue d’environ seize lieues de côtes l’exposant aux incursions des corsaires les plus fréquentes dès que la guerre est déclarée avec l’Angleterre, elle s’en garantit en mettant des troupes sur pied. Ces troupes consistent en : 6 régiments d’infanlerie ; 5 régiments de cavalerie ; 2 compagnies de dragons ; 1 idem de carabiniers. Les annales du règne de Louis XIV font foi de la distinction avec laquelle elles ont toujours servi le Roi, et de quels secours elles ont été à l’Etat depuis 1477. En 1491, elles empêchèrent, sous la conduite de leur gouverneur, que l’armée navale d’Edouard, roi d’Angleterre, ne descendit dans le pays, pendant que Charles VIII et son armée étaient occupés aux guerres de Bretagne. Leur valeur empêcha Henri VIII, roi de la Grande-Bretagne, d’envahir leur pays en 1513 à la tête d’une armée de quarante-cinq mille hommes. Ils citeront le siège de Boulogne sous François 1er; elles servirent en 1677 au siège de Saint-Omer et gardaient les lignes pendan t que Monsieur, frère du Roi, gagnait la fameuse bataille de Mont-Cassel. Elles furent ensuite envoyées à Aire, Saint-Omer, Gand, Arras, Béthune, le Havre-de-Grâce, Abbeville, Calais, Gravelines, Dunkerque, et pendant ce temps le reste de la province en armes empêchait encore les ennemis d’y pénétrer. Ces troupes ont encore servi en 1735 jusqu’en 1748 et depuis 1756 jusqu’en 1761. Elles tiennent lieu en Boulonnais des milices provinciales du royaume, qui n’ont été créées qu’à leur instar. L’ordonnance de Louis XIV en 1672 les forme en régiments et leur donne rang dans l’infanterie française immédiatement après le régiment de Languedoc, aujourd’hui n° 69. Elles ne sont pas levées par le sort. Chaque manoir ayant labour d’une charrue et demie est marqué par un cavaliey ou un dragon. Un manoir n’ayant qu’une charrue reçoit un aide et ceux au-dessous fournissent un fantassin. Les officiers supérieurs sont d’anciens militaires pris parmi la noblesse de la province. Les autres officiers sont pris également parmi les gentilshommes de la province qui ont servi et dans la jeune noblesse, Les uns et les autres brevetés et commissionnés par le Roi, comme les officiers des troupes réglées, excepté les lieutenants qui se font par les gouverneurs. Dès que ces troupes sont sur pied elles reçoivent la solde du Roi, et leur habillement, leur armement et leur entretien sont pris sur des masses faites aussi par le Roi. Chaque homme en Boulonnais en état de porter les armes est donc soldat de la province ; aussi y est-il défendu d’y afficher ou de faire battre la caisse pour recruter. ( D’où résulte la conséquence qu’il est injuste d’obliger les officiers de la province, qui servent dans les troupes de ligne, à faire pendant leur semestre les hommes dè recrues que l’ordonnance exige, et de leur en faire la retenue sur leurs appointements quand il ne les font pas. La noblesse du Boulonnais ose réclamer à cet égard la justice de Sa Majesté. Elle ose également la réclamer pour que les officiers de ses troupes obtiennent la croix de Saint-Louis aux mêmes époques de service que les régiments provinciaux qui leur sont assimilés. On la leur accordait jadis, mais depuis quelque temps on la refuse ; la loi, pour être juste, doit être égale. Il est encore un objet sur lequel la noblesse du Boulonnais réunit sa réclamation à celle de toute la noblesse du royaume. Béclamations particulières de la noblesse du Boulonnais . On distingue en France, par un préjugé inique sur les fortunes, la noblesse en deux classes. L’une, noblesse de cour, l’autre, noblesse de province, quoique la naissance soit la même, car la noblesse de cour serait bien fâchée de na pas tirer son origine des provinces et de ne pas y contracter des alliances, de ne pas y avoir des parents, des branches établies encore. Enfin l’histoire lui apprend, elle a sous les yeux des exemples qui prouvent que les faveurs de la cour sontdes distinctions passagères, qui peuvent lui manquer et l’obliger de rentrer dans les foyers de ses ancêtres. Cependant la noblesse de cour absorbe toutes les grâces de l’Etat, tant honorifiques que pécuniaires. La noblesse de province, non moins zélée pour la défense de la patrie et le service de Sa Majesté, gémit, pour ainsi dire, sous l’oppression de scs égaux qui lui ferment tout accès, non-seulement aux grades et aux distinctions, mais à toute espèce de récompense de ses longs et bons services. Les derniers règlements ou ordonnances ne lui laissent plus aucun espoir de parvenir au gracie d’officier général. Un'lieutenant-colonel et un major ne peuvent guère être faits maréchaux de camp avant soixante-six ans ; ils seront alors accablés d’infirmités et hors d’état de servir ; ce sera une raison de ne, pas les employer pendant la paix, on fera des promotions militaires, et ils seront privés d’avancement pour n’avoir servi que pendant la guerre, c’est-à-dire pour avoir mérité et n’avoir point obtenu les récompenses. Pourquoi un colonel peut-il l’être à quarante et un ans. Serait-ce qu’il a ou que ses ancêtres ont eu des charges à la cour ? Ainsi la faveur du prince tiendrait lieu de mérite, et une grâce suffirait pour avoir droit à une autre. Un colonel ne sert que quatre mois et demi par an ; major en second, il ne sert pas davantage ; [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 431 capitaine de remplacement, il sert encore moins : ses services partiels sont déjà un vice de constitution militaire. S’il a une charge à la cour, il obtient de fréquents congés pour l’exercer, parce qu’il sait toujours éluder les ordonnances. Quand il est fait maréchal de camp, sensé avoir vingt-cinq ans de service, il n’en a souvent pas six effectifs. Tandis qu’un lieutenant-colonel et un major, n’ayant tous les deux ans qu’un semestre de sept mois et demi, ont bien effectivement de trente-cinq à quarante ans de service plus actif et bien plus assidu que celui des colonels et que l’habitude la plusgrande de voir les troupes doit les rendre bien plus capables deles commander. On en juge autrement ; car si, par hasard, iis parviennent au grade de maréchal de camp, ils ne sont plus employés, on les traite d’officiers de fortune parce qu’ils ont été obligés d’avoir du mérite pour obtenir des grades, "on ne leur donne ni gouvernement ni commandement, et à peine ont-ils en pension de retraite de quoi subsister et s’acheter un uniforme, enfin les récompenses militaires ne sont pas faites pour eux. Cette distinction, la noblesse du royaume ose l’assurer au Roi, est non seulement humiliante pour elle, mais prive Sa Majesté des services que rendraient à l’Etat les officiers les plus zélés, les plus instruits et les plus exacts, qui sauraient apprécier les récompenses accordées au méritej que la noblesse de cour croit dues moins encore à son nom qu’à sa fortune. La noblesse du Boulonnais ose encore représenter à Sa Majesté que, par une suite des guerres qui en quinze ans ont ravagé et pillé cette province, les titres de la noblesse lui furent alors en levés; aussi se trouve-t-elle dans l’impossibilité de faire des preuves de quatorze cents pour être présentées. Henri II, par ses lettres patentes du mois de février 1551, daigne entrer dans cette considération pour remettre la province en jouissance de tous ses privilèges et exemptions, dont les titres lui avaient également été enlevés. La noblesse du Boulonnais ose supplier Sa Majesté de rendre un édit par lequel la noblesse de cette province qui ne pourrait établir ses preuves que par une filiation suivie jusqu’à l’époque de l’éditd’Henri II, ci-dessus cité, soit reconnue noble d’ancienne race et admise à être présentée. Elle observe que si les titres d’une province entière ont été reconnus perdus, les titres des familles particulières ont eu bien moins de moyens de se préserver de ce malheur. Par là la noblesse du Boulonnais pourra jouir de l’avantage inestimable, et de se rapprocher de Sa Majesté, et de pouvoir posséder des emplois dans sa maison militaire dont elle se trouve exclue et qui sont les seuls qu’elle ambitionne. Une doléance commune à toute la noblesse du royaume est les retenues sur les pensions. La noblesse ose supplier Sa Majesté d’ordonner qu’elle ne soit point imputée sur les pensions de retraite qu’un officier a méritées par son grade et ses années de service, telles qu’ellesont été fixées par les ordonnances depuis le grade de capitaine jusques et compris celui de lieutenant colonel, attendu que ces pensions sont souvent les seuls moyens de subsistance qui restent à ces officiers, la pauvre noblesse du royaume n’ayant d’autre profession de père en fils que celle des armes. Elle ose supplier Sa Majesté de ne jamais se départir du privilège exclusif que les ordonnances lui accordent pour remplir les places d’officier qui sont son unique ressource. En demandant d’être maintenue exclusivement dans le droit de servir Sa Majesté, la poblesse n’entend pas demander qu’on prive les soldais distingués des récompenses que leurs services auront méritées ; elle verra avec plaisir Sa Majesté leur rendre justice en les élevant au grade d’officier et ensuite à toutes les dignités auxquelles le mérite a droit de prétendre, les obstacles qu’éprouvent aujourd’hui les officiers parvenus par les grades pour arriver à celui d’officier général devant absolument disparaître. Le vœu général de la noblesse du royaume est aussi que les Etats généraux supplient Sa Majesté de décider que l’emploi d’un officier à son service ne puisse dans aucun cas lui être retiré que sur le jugement d’un conseil de guerre. La noblesse du Boulonnais supplie Sa Majesté de continuer sa bienveillance aux écoles militaires et de Saint-Cyr, ainsi qu’à tous les chapitres et autres établissements relatifs à la noblesse du royaume, ne pouvant que contribuer à l’illustration de" son règne. Sa Majesté est suppliée de permettre encore à la noblesse du Boulonnais de joindre sa réclamation à celle de toute la noblesse du royaume contre la discipline actuelle de l’armée. Elle tend au détriment de son service, puisqu’elle n’a plus pour base ce principe du point d honneur qui fut de tous les temps le premier mobile des Français, et dont Turenne, fondé, le maréchal de Saxe et Yïl-lars ont su tirer un si grand parti pour l’avantage de la nation et leur propre gloire. Que Sa Majesté daigne faire attentionà la réclamation de sà noblesse sur cet objet. Les suites peuvent en être d’une grande conséquence pour le soutien de la couronne, la gloire de son règne et la défense de l’Etat. La première preuve de justice sur cet objet que Sa Majesté pourrait accorder à la nation, serait une ammistie aux malheureux que cette discipline fait gémir hors de leur patrie. Telles sont, Sire, les respectueuses remontrances et doléances de votre noblesse du Boulonnais. Elle ose assurer à Votre Majesté qu’elle persistera éternellement dans les sentiments que lui ont transmis ses aïeux, de la fidélité la plus inviolable à l’égard de Votre Majesté, ainsi qu’à son empressement à concourir au rétablissement de l’ordre, de la tranquillité si désiréedans le royaume. Fait et arrêté ledit cahier par nous, commissaires de la noblesse du Boulonnais soussignés. A Boulogne-sur-Mer ce 30 mars 1789. CAHIER. Des remontrances plaintes et doléances du tiers-état de la sénéchaussée du Boulonnais (1). Le tiers-état, qui a vu avec le plus grand attendrissement que le Roi a daigné prévenir les vœux de ses sujets en leur accordant de son propre mouvement ce qu’ils pouvaient principalement attendre de sa bienfaisance, sent aujourd’hui tout le prix de cette faveur qui, dans les circonstances présentes , abrège ses représentations et doléances. Cependant, malgré cet acte de bonté et de justice d’un souverain qui aime a se dire le père et l’ami de ses sujets, il reste encore bien des maux de toutes parts, et que Sa Majesté demande à les connaître à l’effet d’y remédier efficacement. Le tiers-état, pour répondre à ses vues paternelles, se propose de présenter ici les objets qui méri-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 431 capitaine de remplacement, il sert encore moins : ses services partiels sont déjà un vice de constitution militaire. S’il a une charge à la cour, il obtient de fréquents congés pour l’exercer, parce qu’il sait toujours éluder les ordonnances. Quand il est fait maréchal de camp, sensé avoir vingt-cinq ans de service, il n’en a souvent pas six effectifs. Tandis qu’un lieutenant-colonel et un major, n’ayant tous les deux ans qu’un semestre de sept mois et demi, ont bien effectivement de trente-cinq à quarante ans de service plus actif et bien plus assidu que celui des colonels et que l’habitude la plusgrande de voir les troupes doit les rendre bien plus capables deles commander. On en juge autrement ; car si, par hasard, iis parviennent au grade de maréchal de camp, ils ne sont plus employés, on les traite d’officiers de fortune parce qu’ils ont été obligés d’avoir du mérite pour obtenir des grades, "on ne leur donne ni gouvernement ni commandement, et à peine ont-ils en pension de retraite de quoi subsister et s’acheter un uniforme, enfin les récompenses militaires ne sont pas faites pour eux. Cette distinction, la noblesse du royaume ose l’assurer au Roi, est non seulement humiliante pour elle, mais prive Sa Majesté des services que rendraient à l’Etat les officiers les plus zélés, les plus instruits et les plus exacts, qui sauraient apprécier les récompenses accordées au méritej que la noblesse de cour croit dues moins encore à son nom qu’à sa fortune. La noblesse du Boulonnais ose encore représenter à Sa Majesté que, par une suite des guerres qui en quinze ans ont ravagé et pillé cette province, les titres de la noblesse lui furent alors en levés; aussi se trouve-t-elle dans l’impossibilité de faire des preuves de quatorze cents pour être présentées. Henri II, par ses lettres patentes du mois de février 1551, daigne entrer dans cette considération pour remettre la province en jouissance de tous ses privilèges et exemptions, dont les titres lui avaient également été enlevés. La noblesse du Boulonnais ose supplier Sa Majesté de rendre un édit par lequel la noblesse de cette province qui ne pourrait établir ses preuves que par une filiation suivie jusqu’à l’époque de l’éditd’Henri II, ci-dessus cité, soit reconnue noble d’ancienne race et admise à être présentée. Elle observe que si les titres d’une province entière ont été reconnus perdus, les titres des familles particulières ont eu bien moins de moyens de se préserver de ce malheur. Par là la noblesse du Boulonnais pourra jouir de l’avantage inestimable, et de se rapprocher de Sa Majesté, et de pouvoir posséder des emplois dans sa maison militaire dont elle se trouve exclue et qui sont les seuls qu’elle ambitionne. Une doléance commune à toute la noblesse du royaume est les retenues sur les pensions. La noblesse ose supplier Sa Majesté d’ordonner qu’elle ne soit point imputée sur les pensions de retraite qu’un officier a méritées par son grade et ses années de service, telles qu’ellesont été fixées par les ordonnances depuis le grade de capitaine jusques et compris celui de lieutenant colonel, attendu que ces pensions sont souvent les seuls moyens de subsistance qui restent à ces officiers, la pauvre noblesse du royaume n’ayant d’autre profession de père en fils que celle des armes. Elle ose supplier Sa Majesté de ne jamais se départir du privilège exclusif que les ordonnances lui accordent pour remplir les places d’officier qui sont son unique ressource. En demandant d’être maintenue exclusivement dans le droit de servir Sa Majesté, la poblesse n’entend pas demander qu’on prive les soldais distingués des récompenses que leurs services auront méritées ; elle verra avec plaisir Sa Majesté leur rendre justice en les élevant au grade d’officier et ensuite à toutes les dignités auxquelles le mérite a droit de prétendre, les obstacles qu’éprouvent aujourd’hui les officiers parvenus par les grades pour arriver à celui d’officier général devant absolument disparaître. Le vœu général de la noblesse du royaume est aussi que les Etats généraux supplient Sa Majesté de décider que l’emploi d’un officier à son service ne puisse dans aucun cas lui être retiré que sur le jugement d’un conseil de guerre. La noblesse du Boulonnais supplie Sa Majesté de continuer sa bienveillance aux écoles militaires et de Saint-Cyr, ainsi qu’à tous les chapitres et autres établissements relatifs à la noblesse du royaume, ne pouvant que contribuer à l’illustration de" son règne. Sa Majesté est suppliée de permettre encore à la noblesse du Boulonnais de joindre sa réclamation à celle de toute la noblesse du royaume contre la discipline actuelle de l’armée. Elle tend au détriment de son service, puisqu’elle n’a plus pour base ce principe du point d honneur qui fut de tous les temps le premier mobile des Français, et dont Turenne, fondé, le maréchal de Saxe et Yïl-lars ont su tirer un si grand parti pour l’avantage de la nation et leur propre gloire. Que Sa Majesté daigne faire attentionà la réclamation de sà noblesse sur cet objet. Les suites peuvent en être d’une grande conséquence pour le soutien de la couronne, la gloire de son règne et la défense de l’Etat. La première preuve de justice sur cet objet que Sa Majesté pourrait accorder à la nation, serait une ammistie aux malheureux que cette discipline fait gémir hors de leur patrie. Telles sont, Sire, les respectueuses remontrances et doléances de votre noblesse du Boulonnais. Elle ose assurer à Votre Majesté qu’elle persistera éternellement dans les sentiments que lui ont transmis ses aïeux, de la fidélité la plus inviolable à l’égard de Votre Majesté, ainsi qu’à son empressement à concourir au rétablissement de l’ordre, de la tranquillité si désiréedans le royaume. Fait et arrêté ledit cahier par nous, commissaires de la noblesse du Boulonnais soussignés. A Boulogne-sur-Mer ce 30 mars 1789. CAHIER. Des remontrances plaintes et doléances du tiers-état de la sénéchaussée du Boulonnais (1). Le tiers-état, qui a vu avec le plus grand attendrissement que le Roi a daigné prévenir les vœux de ses sujets en leur accordant de son propre mouvement ce qu’ils pouvaient principalement attendre de sa bienfaisance, sent aujourd’hui tout le prix de cette faveur qui, dans les circonstances présentes , abrège ses représentations et doléances. Cependant, malgré cet acte de bonté et de justice d’un souverain qui aime a se dire le père et l’ami de ses sujets, il reste encore bien des maux de toutes parts, et que Sa Majesté demande à les connaître à l’effet d’y remédier efficacement. Le tiers-état, pour répondre à ses vues paternelles, se propose de présenter ici les objets qui méri-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . 432 [États gén. 1789. Cahiers] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais. tent son attention, et dont les uns intéressent particulièrement le Boulonnais, les autres lui étant communs avec tout le royaume. OBJETS QUI CONCERNENT LE BOULONNAIS EN PARTICULIER. Ce qui regarde le Boulonnais en particulier ne pouvant absolument être entendu qu’à l’aide de quelques éclaircissements sur son régime, ses libertés et franchises, il sera observé à cet égard que de tout temps les trois ordres du pays se sont assemblés, soit conjointement, soit séparément pour leurs intérêts communs : que l’origine de cet usage se perd dans les ténèbres de l’antiquité, et que les premiers titres qui en parlent remontent au règne du roi Jean. Le Boulonnais formait alors un grand corps de seigneurie qui avait ses comtes particuliers, relevant de ceux d’Artois et dominant sur ceux de Saint-Pol. Ces trois comtés, distincts les uns des autres pour leur administration particulière et intérieure, n’étaient cependant regardés par nos rois, seigneurs suzerains du tout, que comme un seul et même corps de mouvance dont le comte d’Artois leur faisait hommage, tant pour ses propres possessions que pour celle de ses vassaux et arrières-vassaux. Dans cette position des choses, les besoins de l’Etat, occasionnés par la prisonjjdu roi Jean et autres circonstances désastreuses survenues depuis, ayant obligé nos rois de demander des secours aux sujets immédiats et médiats de la couronne, les trois administrations de l’Artois , du Boulonnais et de Saint-Pol se réunirent en 1361 et dans les années suivantes, pour aviser aux moyens de fournir leur contingent pour le soulagement du royaume, sans nuire à leurs libertés et franchises primitives. M. Secousse , dans ses recherches historiques sur les Etats généraux et particuliers, tenus sous le règne du roi Jean (1) cite un mémorial reposant à la chambre1 des comptes, lequel porte en substance que les trois Etats de l’Artois, du Boulonnais et de Saint-Pol, s’étant assemblés en 1362 au château d’Hesdin, octroyèrent aux commissaires du Roi pareille somme que celle qu’ils avaient consentie de payer l’année précédente. Ces secours furent répétés la plupart des années suivantes, et à la suite de chaque assemblée, nos rois rendaient une ordonnance qui portait qu’au moyen de la somme accordée par les trois Etats, ils ne seraient sujets à aucune des subventions imposées ou à iriiposer ailleurs, que l’aide par eux accordée ne porterait aucun préjudice à leurs libertés etfranchises, qu’enfin ils resteraient francs et libres comme ils l’avaient été par le passé. Celles de ces ordonnances qui ont échappé aux ravages du temps se trouvent rapportées dans le recueil cité ci-dessus en marge (2), et ce qu’il y a d’essentiel à remarquer sur ces mêmes ordonnances, c’est que dans l’intitulé, le préambule et le dispositif, les trois Etats de l’Artois, du Boulonnais et de Saint-Pol, y sont constamment distingués, comme trois administrations qui ne se confondaient point et qui gardaient chacune leur nom particulier, quoiqu’elles se réunissent pour le même objet. Les choses restèrent sur ce pied pendant l’espace de plus d’un siècle et tant que le Boulon-(1) Préface du 3e volume du Recueil des ordonnances des rois de la 3« race. 1,2) Tome 4 et suivants. nais fut mouvant de l’Artois. Mais Louis XI] l’ayant acquis en 1477 par l'échange de Bertrand de la Tour d’Auvergne et en ayant attribué, en 1478, l’hommage aune image de la Vierge révérée dans la principale église de Boulogne, cet événement, en rompant le lien qui unissait l’Artois au Boulonnais, rompit de môme l’association de leurs Etats ou administrations particulières. Ce changement pouvait d’autant moins préjudicier au Boulonnais que Louis XI, qui, avant l’échange et au commencement de son règne, avait accepté les secours pécuniaires que les trois Etats d’Artois, du Boulonnais et de Saint-Pol étaient dans l’usage de fournir à nos rois, les avait confirmés, suivant les mêmes usages, en qualité de souverain, _ dans leurs libertés et franchises, et qu’en se faisant ensuite subroger aux droits des anciens comtes de Boulogne, ils avaient fait constater par un procès-verbal que ces seigneurs n’avaient jamais eu le droit de mettre aucun impôt sur leurs sujets. Le même procès-verbal parle encore de l’épuisement du pays par les suites d’un service qui a toujours été particulier, dont l’obligation n’a jamais discontinué, qui est dû par les propriétaires à raison de l’étendue de leurs manoirs, de quelque qualité que soient ces biens féodaux ou cottiers, et qui, suivant M. de Montesquieu (1), caractérisait anciennement ceux qu’on nommait hommes francs et libres. Le& Boulonnais, qui portaient ce titre honorable à l’époque de la réunion de leur pays à la couronne et qui avaient encore la faculté de régir leurs affaires communes par le ministère des représentants des trois ordres, ont été maintenus depuis l’échange dans l’une et l’autre de ces prérogatives. 1° Ils ont obtenu de règne en règne des lettres patentes qui, les confirmant dans leurs libertés et franchises, les déclarent, en conséquence, exempts de toute taille, taillons, aides, gabelles, subsides, et impositions mis et à mettre dans le royaume. 2° Les trois ordres n’ont point cessé de s’assembler quand leur intérêt commun l’a exigé, ce qui est constaté par les registres qui contiennent leurs délibérations, par leurs demandes adressées au conseil, les arrêts intervenus en conséquence et notamment par des lettres patentes du 13 juillet 1759, qui, en reconnaissant en termes formels la continuité de leur usage, ont réglé ce qui devait être observé pour la convocation et la présidence de l’ordre de la noblesse et de celui du tiers-état. Gomme les mêmes lettres patentes rendent ce témoignage flatteur aux trois ordres, que leur as-, semblée et députation ont été de la plus grande utilité, non-seulement pour le pays, mais encore pour le service du Roi, le tiers-état peut rappeler ici que dans tous les temps les trois ordres de la province ont cherché à allier leur liberté et franchise, avec l’obligation naturelle que contracte tacitement chaque sujet de contribuer aux frais de la protection qu’il reçoit du souverain à proportion de ses forces, qu’en conséquence et relativement à la clause de leurs privilèges qui porte qu’ils sont exempts de tous impôts mis et à mettre, ils n’ont point entendu être absolument affranchis du devoir devenir au secours de l’Etat, mais avoir uniquement, dans les circonstances critiques, la faculté de payer leur contingent relativement à leurs forces d’une manière analogue à leur constitution, ou d’une façon qui ne fût point destructive de leur franchise, enfin compensation (1) Esprit des Lois liv. XXX, cliap. xm. [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLl faite des services personnels qu’ils avaient rendus au royaume dans ces mêmes occasions. La preuve de ces faits se tire des ordonnances citées ci-dessus, puisque l’Artois, le Boulonnais et Saint-Pol fournissaient des secours pécuniaires dans l’instant même qu’ils insistaient sur leurs libertés et franchises. Enfin, depuis la réunion du Boulonnais à la couronne, les trois ordres ont conclu avec le gouvernement divers abonnements, dont la plupart n’ont été modérés qu’à raison de services personnels que le pays avait rendus. Confusion du Boulonnais avec les pays d'élection. Art. 1er. Les députés, après avoir présenté le tableau ci-dessus de la constitution du pays, de ses libertés, franchises et en avoir développé au besoin les différentes parties d’après les mémoires et titres qui leur seront remis, représenteront particulièrement que toute la province a été vivement affectée de ce que dans la liste annexée au règlement du 24 janvier dernier, la sénéchaussée a été confondue avec les pays d’élection, comme si, dans la réalité, le Boulonnais faisait partie d’aucuns de ces arrondissements ; que, d’une part le Boulonnais n’est point plus sujet au pays d’élection, que ne l’est l’Artois, puisque le régime des deux provinces était précisément le même dans l’origine, que d’ailleurs les élections ayant été formées pour surveiller la perception de la gabelle, de la taille, du taillon et des aides, tout cela est étranger au Boulonnais qui n’est passible d’aucun de ces impôts directs et indirects; qu’enfin le Roi, par un arrêt du 25 mars 1730, a défendu aux fermiers de s’adresser pour le Boulonnais aux élections voisines de ce pays, et par un autre du 7 octobre 1787, Sa Majesté ayant distrait le Boulonnais de l’assemblée provinciale d’Amiens par la raison que cette province n’avait aucun rapport avec la généralité des élections de Picardie, ce ne peut être que par erreur que la sénéchaussée du pays a été placée dans des arrondissements qui ont des régimes tout différents., Pourquoi le tiers-état, en faisant toute protestation convenable contre la surprise faite à la religion de Sa Majesté, charge ses députés de les mettre sous les yeux du ministre ou du conseil du Roi; de les réitérer, partout où besoin pourra être, et de requérir en conséquence que pour les convocations futures aux Etats généraux, leur pays soit appelé séparément et sans aucune confusion avec les élections de la Picardie. Art. 2. Quoiqu’il ait été exposé ci-dessus que jusqu’à présent les trois ordres ont conservé le droit de s’assembler, d’agir ou de faire représenter pour défendre leurs libertés, franchises, ou régir leurs affaires communes, quoique le Roi leur ait accordé le 6 mai 1766, de nouvelles lettres patentes qui règlent leur administration et qui ont fait cesser bien des difficultés qu’ils avaient eues principalement avec les prédécesseurs de l’intendant que la province a le bonheur d’avoir dans le moment actuel ; Si l’on considère que pendant plus d’un siècle le Boulonnais a été en égalité de droits avec l’Artois, ainsi qu’il est prouvé par les ordonnances citées ci-dessus ; Si enfin on fait une comparaison de ce que les Etats d’Ariois peuvent faire avec ce qui est attribué par les lettres patentes de 1766 aux représentants des trois ordres du Boulonnais, On trouvera que ceux-ci sont bien déchus de leurs droits primitifs, quoiqu’ils en aient conservé lre Série, T. II. 1ENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 433 une grande partie. C’est même un hasard qu’étant attaqués journellement par les fermiers et que Payant été en plusieurs occasions par les anciens intendants, il aient pu conserver ce qu’il leur reste aujourd’hui. Mais comme le Roi a daigné leur manifester l’intention où il est de les réintégrer dans leurs droits primitifs, Le tiers-état ose se flatter que Sa Majesté, en reconnaissant ce qu’étaient anciennement les Etats du Boulonnais, en reconnaissant encore que le sort des habitants de ce pays n’a pu être détérioré par la réunion de ces provinces à la couronne, voudra bien accorder à son administration actuelle le degré d’activité et de perfection nécessaires pour le mettre au niveau des autres Etats provinciaux. Le tiers-état, chargeant ses députés de solliciter cet acte de justice ou cette grâce, conjointement avec ceux des autres ordres de la province. Art. 3. En sollicitant l’acte de justice dont il vient d’être parlé à l’article précédent, le tiers-état est forcé de reconnaître que le règlement actuel du 6 mai 1766, quoique ayant force de loi, ne pourra suffire dès qu’on étendra les pouvoirs et les fonctions des représentants du pays. Dans l’état même actuel des choses, le règlement de 1766 était susceptible de perfection, et le Roi l’avait reconnu en chargeant les administrateurs, par i’ariiele 49 , de convoquer une assemblée du conseil pour délibérer sur les moyens de parvenir à la meilleure administration possible. Gomme les administrateurs n’ont point:satisfait jusqu’ici à cette disposition du règlement dans la vue de pouvoir éclairer plus sûrement la religion de Sa Majesté, et de connaître par l’expérience ce qu’ils pourraient proposer de mieux pour l’avantage du pays et l’utilité du service, il semble que les trois ordres du pays pourraient proposer aujourd’hui ce qu’il est nécessaire d’ajouter ou changer aux lettres patentes de 1766 par d’autres lettres patentes interprétatives ou explicatives des premières. Mais Sa Majesté paraissant avoir intention de mettre un certain ordre et une liaison entre les divers Etats provinciaux qui doivent être donnés au sein des Etats généraux, et dans cette position les réformes particulières devant partir des principes généraux qui seront adoptés dans l’assemblée de la nation, le tiers-état se contente de reguérir pour le présent : 1° Que dans l’administration du corps provincial du Boulonnais, la représentation soit égale à celle du clergé et de la noblesse pris ensemble ; 2° Que pour sa représentation particulière, moitié de ses représentants soient choisis parmi les habitants des cinq villes de lois de la province, l’autre moitié par les divers arrondissements qui renferment toutes les communautés du pays, avec liberté néanmoins pour chaque ville et arrondissement de'choisir pour députés ceux en qui ils auraient plus de confiance; 3° Que le nombre de députés des villes soit déterminé entre elles en raison de leur population ; 4° Que les députés qui seront nommés par les trois ordres de la province auront la grande direction des affaires, qu’ils arrêteront les ouvrages à faire dans le cours de chaque année pour le bien de la province, prendront connaissance de l’état de ses finances, arrêteront les comptes, feront la répartition des impôts consentis, ou des deniers à lever pour les abonnements et connaîtront généralement tout ce qui concerne les impôts 28 434 [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] du pays, à l’effet de quoi il sera fixé une ou plusieurs époques pour les assemblées générales , sauf à recourir au règlement pour fixer les fonctions des administrateurs et syndics, dans J 'intervalle des assemblées, et être avisé aux autres parties tendant au perfectionnement de cette administration. Le tiers-état déclarant, au surplus, s’en référer à la prudence du conseil sur les différentes parties de ce règlement, sur lequel il paraît que le conseil actuel de l’administration du Boulonnais doit être consulté, ainsi que les anciens présidents et administrateurs des trois ordres qui peuvent connaître par leur expérience ce qui est plus utile et avantageux pour le pays. Art. 4. Après ce qui vient d’être observé sur les franchises du pays et les divers abonnements qu’il a faits avec le gouvernement, il paraîtrait qu’il dût être affranchi de tout impôt; mais outre la capitation qu’il acquitte et ses abonnements actuels pour le vingtième, il paye deux sortes d’impositions qui lui sont particulières, l’une nommée le quartier d’hiver, l’autre les hôpitaux. La première, créée en 1657, ne devait durer, suivant une ordonnance du 25 janvier de la même année, que pour le temps de la guerre que la France soutenait alors contre les Espagnols. L’autre, mise à la suite de la capitation par un arrêt du conseil, du 11 septembre 1725, pour subvenir principalement à la subsistance des mendiants qui seraient enfermés dans les hôpitaux, ne devait être perçue que l’espace de six années. Mais ces deux sortes d’impôts sont devenus perpétuels, et dans l’état actuel des choses, le pays paye pour le quartier d’hiver avec les sous pour livre la somme de.... et pour les hôpitaux, aussi avec les sous pour livre, la somme de.... Vu la manière et les conditions sous lesquelles ces deux impôts ont été établis dans le principe et l’irrégularité de leur continuation, le pays pourrait demander qu’il en fût affranchi, ainsi que de la capitation; mais le tiers-état considérant que malgré les différentes réformes que Sa Majesté se propose de faire dans les dépenses de l’Etat, et l’ordre qu’elle a intention de mettre dans l’administration des finances, il peut se rencontrer que, balance faite des revenus du royaume avec ses charges ordinaires et extraordinaires, Axes et non fixes, le gouvernement ait besoin non-seulement de la masse de toutes les sommes qu’il perçoit, à titre d’impôts directs ou indirects, mais encore qu’il faille un supplément pour subvenir aux charges, du moins pendant un certain temps, Sur ces considérations le tiers-état se soumet non-seulement de fournir l’importance de ce à quoi monte sa capitation, son quartier d’hiver, les hôpitaux et l’abonnement des vingtièmes, mais encore de payer àproportion de sa force son contingent dans le supplément qui aura été reconnu nécessaire par les Etats généraux, ne réclamant à cet égard que la faculté de faire, conjointement avec les deux autres ordres, la répartition de tout ce que le pays aura à payer, de manière que ladite répartition soit égale, et que chaque individu ait à supporter sa part à raison de ses facultés personnelles ou réelles, abstraction faite de tout rivilége, sauf les indemnités qui se trouveront tre de droit pour quelque ordre ou communauté à raison des charges particulières qu’elles justifieront être obligées d’acquitter. Art. 5. L’arrêté etla soumission que le liers-état vient de faire semble lui interdire toute représentation sur les impôts indirects que Sa Majesté retire du Boulonnais, vu qu’on ne peut diminuer l’importance de ces objets sans affaiblir les ressources du gouvernement. Mais comme il y a des articles qui ne peuvent subsister sans une injustice manifeste ou une lésion considérable pour le pays, et qu’il y en a d’autres qui, sans être anéantis, n’exigent qu’une réforme pour leur perception, les représentations du tiers-état vont se borner à ces deux objets principaux. Art. 6. Le Boulonnais qui n’a jamais été sujet aux aides, non plus que l’Artois, avait demandé ou souffert l’établissement de quelques menus droits sur les consommations, partie pour des secours extraordinaires, partie pour faire enceindre de murs la basse ville de Boulogne. Ces mêmes droits, tout à fait distincts de ceux des aides et consistant dans 9 livresl8 sous par tonneau de vin, un sou par pot de la même liqueur au détail, et dans ce qu’on appelle les anciens et nouveaux cinq sous, avaient été dans le principe perçus et régis principalement au profit du Roi, qui s'était chargé des dépenses attachées à aucun d’eux; mais le conseil en ayant réuni la régie en perception à celle des aides dans le bail fait à Rouvelin en 1663, ce fermier prit prétexte de cette réunion pour inquiéter le Boulonnais et l’assujettir à de véritables droits d’aides. Ceux qui lui ont succédé ont suivi le même plan de vexation, et le tiers-état peut assurer qu’il ne s’est presque point passé d’année depuis 1663 u’on n’ait eu des difficultés ou des procès pour es droits dont on voulait charger le pays au détriment de ses libertés et franchises. Gomme toutes ces difficultés qui doivent avoir fatigué le conseil viennent d’une réunion de régie qui, dans la règle, ne devait point avoir lieu, le tiers-état charge les députés de demander que'les choses soient remises dans leur état primitif et que les différents droits que Sa Majesté a à percevoir dans le Boulonnais y soient régis sans aucun rapport avec les aides. Art. 7. Du nombre des droits dont Rouvelin, fermier des aides en 1663, voulait charger le pays, malgré ses libertés et franchises, s’en trouvait un connu ailleurs sous le titre de droit sur la marque des fers et qu’il voulait percevoir sur les marchandises de cette espèce que le Boulonnais tire de l’étranger pour sa consommation, Mais un arrêt du 28 mai 1664, rendu après la discussion la plus ample avec Rouvelin d’une part, les maire et échevins de Boulogne et la noblesse du pavs d’autre part, proscrivit l’injuste prétention du premier. Qui croirait qu’après une décision aussi formelle un autre fermier, sous prétexte qu’il avait fait ordonner en 1734 que les Calaisiens qui avaient laissé établir le droit chez eux continueraient de le payer, ait entrepris d’inquiéter les Boulonnais pour le même droit? La chose est néanmoins arrivée, et ce nouveau procès, où l’on veut faire juger par le conseil tout le contraire de ce qu’il a décidé, est encore subsistant. Mais comme en mettant l’ordre dans les finances pour la tranquillité de ses peuples, le Roi peut, par le même motif et par un règlement général, mettre fin au procès où on remît en question ce qui a été décidé, le tiers-état charge ses députés de demander que celui qu’on a fait au pays pour la marque des fers soit fini de cette manière. Art. 8. Le Roi perçoit par le ministère de -deux engagistes et sous le titre de minage et polquinage [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 435 des droits sur tous les grains qui viennent à Boulogne par mer ou par terre et qui sont dans le cas d’être mesurés. Quoique par le droitcommun et par l’usage général du royaume l’existence seule de ces deux droits parût grever le domaine de l’obligation de fournir les mesures, mines ou polquins, de les entretenir et de payer les mercenaires qui faisaient le service des marchés, néanmoins, par un ancien droit dérivant de celui de la haute justice et de la police appartenant aux maire et échevins de Boulogne, ces officiers municipaux commettaient des mesureurs sous le titre de bréamands qui faisaient le service et fournissaient les mesures, sous la faible rétribution d’un sol par chaque septier de grains du poids de 270 livres. Cette même rétribution, qui ht à la suite l’objet d’une ferme de la ville, d’abord sous la qualification de prévôté de bremendage et après sous celle de mesurage de grains, fut enlevée à la ville par un des régisseurs des droits réservés, qui vint à bout de l’en priver par des arrêts dont la surprise est d’autant plus évidente que ce régisseur est parti de ce fait principal, qu’il y avait eu un office de mesureur des grains créé à Boulogne par édit de janvier 1697, et qu’ensuite le même office avait été réuni au domaine, tandis que l’édit même prouvait la fausseté de ces faits, puisqu’il portait qu’il ne serait rien innové pour les villes où le Roi avait un droit de minage et autres semblables. . Sur ces considérations et vu que l’intention de Sa Majesté est de rendre à ses peuples ce qui leur a été enlevé injustement, le tiers-état charge ses députés de demander que le gouvernement rende à la ville de Boulogne une rétribution dont elle ne pouvait être privée avec justice. Ce qu’il y a même d’étrange, c’est que les régisseurs se sont ensuite emparés du droit de mesurage sur les sels et charbons de terre, en vertu d’un simple arrêt du conseil rendu sur requête non communiquée. Ainsi les députés supplieront Sa Majesté de rendre à la ville lesdits droits de mesurage. Art. 9. Le tiers-état a des doléances très-sérieuses à présenter pour l’article des francs-fiefs. Il a été observé ci-dessus que tous les Boulonnais sont sujets, sans distinction quelconque, à un genre de service qui, dans nos anciens usages, était propre à ceux qu’on qualifiait d’hommes francs et libres, en sorte que la nation assemblée ne peut être que charmée de retrouver dans un petit coin du royaume une image subsistant de la manière dont nos pères se consacraient au service de l’Etat. Tous les habitants du pays, par une suite de cet ancien état d’hommes francs et libres, se trouvent qualifiés de nobles Boulonnais dans les différentes lettres patentes qu’ils ont obtenues de nos rois pour la confirmation de leurs privilèges et franchises, vu que la noblesse la plus ancienne et la plus respectable est Celle qui dérive de l’état des anciens Francs. Enfin, par une suite de même état de liberté et franchise , les Boulonnais avaient toujours été regardés comme exempts des droits de francs-fiefs. Dans une pareille position il paraissait que 1er pays dût être tranquille pour la perception de ce droit, puisque ses habitants avaient en leur faveur l’état même qui en exempte et le titre qui. règle les droits les plus sacrés, savoir: la possession de plusieurs siècles, à quoi ils ajoutaient par surabondance de droits un arrêt contradictoire et définitif du conseil d’Etat du 30 décembre 1634 qui les avait déclarés non sujets aux droits; d’autres arrêts du conseil qui avaient mis un frein aux poursuites des fermiers, enfin les lettres confirmatives de leurs privilèges postérieures à 1634, où, d’après les dispositions de l’arrêt de cette année, l’affranchissement du droit en question avait été repris pour qu’il ne fît plus la matière d’une difficulté. Mais comme il en reste toujours avec les fermiers qui ne craignent point de remettre en question ce qui a été décidé jusqu’à ce qu’ils trouvent le moment favorable d’obtenir ce qu’ils réclament, ils sont venus à bout de faire ordonner, par un autre arrêt du conseil d’Etat du 28 mars 1752, que le droit serait perçu dans le Boulonnais à chaque mutation à compter du 1er janvier 1751. Ce nouvel établissement a été d’autant plus funeste au pays qu’il a donné lieu à des recherches considérables et à des vexations sans nombre par la circonstance que, par une suite de la constitution du Boulonnais et les dispositions de sa coutume, il n’y a point de pays où les fiefs soient plus morcelés, de sorte qu’on peut assurer que si les habitants ont infiniment perdu à toutes les recherches qui ont été faites par les sacrifices qu’ils ont été obligés de faire pour se rédimer des poursuites exercées à leur charge, le domaine n’a rien gagné par l’inutilité des frais faits en plusieurs occasions et la nécessité de récompenser des préposés qui ont profité seuls du nouvel établissement. Dans ces circonstances, le tiers-état charge ses députés de demander que, vu que l’état des Français, qui tient à l’ordre public, ne peut changer quelque décision que le fisc ait pu obtenir, les Boulonnais soient maintenus dans leur ancien état d’hommes nobles, francs et libres, et déchargés en conséquence de tous droits de francs-fiefs ainsi que des recherches qu’on pourrait faire contre eux à ce sujet. Art. 10. La fraude qui se commet journellement dans le Boulonnais au sujet du tabac est un fléau pour le pays en ce que, d’une part, elle enlève à l’agriculture quantité de journaliers qui deviennent ensuite des vrais vagabonds, et que d’autre côté, elle a fait établir dans la province une armée de commis, sans cesse en guerre non-seulement avec les fraudeurs, mais encore avec les plus honnêtes gens de la province. Les députés qui mettront ces inconvénients sous les yeux du conseil et de l’assemblée de la nation, qui feront voir encore que le Boulonnais, dans toute sa longueur, touche à l’Artois, où le tabac est libre et qu’il y a même sur les limites des deux provinces des villages partie de l’une, partie de l’autre, établiront comme une vérité incontestable qu’il n’y a point d’autres moyens d’arrêter la fraude du tabac dans le pays, et de prévenir tous les inconvénients qui en résultent, qu’en diminuant ou éloignant le nombre des fraudeurs par le défaut d’intérêt. Cette vérité, qui avait été sentie par les précédents fermiers, les-avait engagés à tenir dans les bureaux du Boulonnais du tabac d’une qualité inférieure à celui de Paris et de le vendre à un prix très-modéré, avec l’intention d’avoir pour les gens aisés un tabac tout à fait semblable à celui de la capitale. Mais dans ces dernières années certains fermiers qui comptent qu’on peut venir à bout de tout par les peines et la rigueur, et qu’à force de séquestrer des hommes de la société on peut 436 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] parvenir à rendre ceux qui restent plus raisonnables, ont mis la vente du tabac dans le Boulonnais. sur le pied où elle est à Paris et ailleurs. ' On peut voir par le dépouillement des registres et l’état des dépenses, lequel des deux systèmes a produit le plus à la ferme, et comme la balance est sûrement pour le premier, les députés insisteront à ce que les fermiers ou ceux qui administreront ce qui concernera le tabac soient tenus de revenir aux premiers usages. Ils concerteront d’ailleurs avec les députés de l’Artois, s’il n’v a pas d’autres voies d’arrêter la . fraude, vu que'cette dernière province a un intérêt sensible, pour le maintien de sa constitution, à ce que l’on n’abuse point de ses privilèges et franchises. Art. 11. On se plaint généralement dans la province de la régie des haras. On voit par les instructions envoyées aux intendants et à ceux qui devaient veiller sur cette partie de police lors des premiers règlements faits à ce sujet, qu’il leur avait été recommandé d’avoir certains ménagements pour les pays qui pouvaient réclamer quelques exceptions. Le Boulonnais était dans ce dernier cas, cette province spécialement renommée à cause de son commerce de bestiaux de toute espèce, dont la principale branche consiste dans la vente des poulains. Dans une pareille position le principal objet qu’on doit se proposer en Boulonnais est d’aider la fécondité des femelles, sans avoir trop d’égard à la qualité de ce qu’elles produisent, parce que dans un royaume, il faut des bestiaux pour toute sorte d’usages et pour toute sorte de personnes. Sur ces considérations il ne fut point établi dans le principe d’inspecteurs aux haras dans le Boulonnais, et ceux qui, pour certaines causes, furent choisis ensuite dans le pays pour veiller sur cette partie de police, étaient des gens de considération pris sur le lieu même et qui savaient allier les intérêts du particulier avec ceux du public. Mais cette inspection fut confiée en dernier lieu à un étranger qui, ne connaissant pas le pays, s’obstina à rejeter les observations que lui tirent les administrateurs sur la nécessité de tempérer la rigueur des règlements et de répondre par là aux vues du législateur, consignées dans ses propres instructions, en sorte que dès lors, par des gênes mal entendues et autres faits qu’il serait trop long de relever ici, le nombre des poulains est diminué sensiblement dans le Boulonnais, et que quantité de laboureurs, qui n’ont d’autres� moyens pour payer leurs fermages ou satisfaire aux charges dont ils sont tenus, se sont trouvés dans le plus grand embarras et ont été forcés de se récrier contre une régie qui les appauvrissait. Il n’y a d’autre remède à ces maux que de confier la 'police des haras aux administrateurs de la province, trop intéressés à leur commerce pour le faire tomber par des abus que le vulgaire pourrait négliger, et qui, connaissant encore les cas où les ménagements sont nécessaires pour futilité publique, ne manqueront point d’y avoir égard. , , . Pourquoi les députés sont chargés de solliciter la suppression de la régie actuelle des haras et de demander que cette partie de police soit confiée au corps provincial du Boulonnais. Art. 12. La cherté du bois qui se fait sentir partout, et l’état de la plupart des forêts du royaume qui fait craindre une disette pour les bois de chauffage et même ceux de construction, engageront sans doute la nation assemblée à faire à ce sujet des représentations à Sa Majesté, surtout pour l’administration de ses forêts qui font la principale ressource du public ; sur ces considérations leviers-état, pourrait se borner à charger ses députés à se joindre à ceux des autres provinces; mais comme chaque pays, a, à cet égard, ses inconvénients particuliers, voici en peu de mots ceux qui occasionnent en Boulonnais la cherté du bois et qui en font craindre une disette par la suite. Ce sont : 1* Les concessions et usurpations faites dans les forêts de Sa Majesté ; 2° Les dégradations affreuses qui s’y trouvent ; 3° Les défrichements des bois des particuliers ; 4° Enfin les monopoles des différents marchands de bois. Pour que les députés puissent sans confusion faire les représentations convenables sur ces quatre articles essentiels, l’assemblée va leur tracer la substance de ce qu’ils pourront dire sur ce sujet. Art. 13. Les concessions ou usurpations dans les forêts forment des articles de la plus haute considération, vu surtout qu’en privant le public d’une partie essentielle de son nécessaire, elles diminuent encore le domaine du Roi, dont la perte augmente les impôts. Mais comme l’assemblée n’a point sous les yeux un tableau exact des différentes concessions et usurpations qui ont été faites dans les forêts, qu’en en attaquant quelques-unes et en laissant les autres à l’écart, on paraîtrait autoriser ces dernières ; qu’enfm parmi les concessions il peut et doit même s’en trouver qui aient des causes légitimes, tout ce que le tiers-état peut demander en pareille circonstance, pour ne point témoigner de partialité ni faire d’injustice, c’est de charger ses députés de requérir que Sa Majesté daigne nommer des commissaires sur les lieux qui , après avoir pris communication de la réformalion des forêts, faite sous le ministère de M. Colbert, et vérifié les parties qui s’en trouvent actuellement détachées, se fassent représenter les titres de ceux qui les possèdent pour donner leur avis sur la légitimité ou l’injustice de leurs possessions. Art. 14. L’article des dégradations mérite encore une attention toute particulière, vu l’étendue du terrain qu’elles embrassent en plusieurs parties; mais comme le tableau de ces désordres qui ne peut que faire naître des regrets est moins intéressant que le remède qu’on peut y apporter, le tiers-état observera à cet égard qu’ii est de la dernière nécessité d’aviser au repeuplement de ces parties, et même d’y ajouter à cet égard aû règlement qu’on dit avoir été sollicité en dernier lieu et qui parait n’avoir point produit grand effet jusqu’à présent. Comme il est vraisemblable au surplus que le conseil s’est occupé d’un projet à cet égard, et que la nation s’en occupera également, le tiers-état ne peut que charger ses députés de concerter avec les autres le plan nécessaire pour mettre en valeur les différentes parties de forêts qui se trouvent dégradées et de témoigner en même temps que l’administration des Etats du Boulonnais est dans la disposition de concourir, si le conseil ou la nation le jugent convenable, à l’exécution d’ouvrages aussi désirés. Il est cependant un article qui exige un règlement provisoire : c’est qu’à cause des dégradations [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[Sénéchaussée du Boulonnais.] 437 actuelles on est menacé que les coupes ordinaires tombent incessamment dans des parties de triages qui, se trouvant sans bois, occasionneront une vraie disette dans le pays. Cela exige nécessairement une autre distribution dans l’ordre" actuel établi pour les coupes ordinaires, et elle est d’autant plus nécessaire que l’âge des coupes n’est point uniforme dans les différents triages, qu’il y a des endroits où le bois se coupe à trente-sept ou trente-huit ans, d’autres à vingt-sept, et qu’en ramenant le tout à une certaine uniformité, on peut augmenter annuellement le nombre d’arpents de bois mis en exploitation. Enfin les députés pourront étendre ces observations particulières d’après les mémoires et instructions qui leur seront fournis à ce sujet. Art. 15. Quantité de particuliers, croyant pouvoir rofiter des avantages que la déclaration du 3 août 1766 accorde aux particuliers qui défrichent les terres incultes en les déchargeant pour un certain temps de tout impôt et de l’obligation de payer la dîme, ont défriché quantité de parties de bois au lieu de s’attacher à leur donner plus de valeur, ce qui n’a pas peu contribué à diminuer les approvisionnements du pays. Comme c’est un abus du règlement qui n’a entendu que favoriser le défrichement des terres qui ne rapportaient aucuns fruits, et que, dans les circonstances actuelles, toutes les parties de bois deviennent de la plus grande nécessité pour le public, les députés demanderont qu’il soitdéfendu a tous particuliers de défricher les bois taillis, à moins qu’il n’ait été dûment vérifié ou constaté que, eu égard au sol du terrain et à la situation des terres auprès de la mer, ou pour toute autre cause semblable, il soit en quelque sorte impossible de retirer aucuns bénéfices des taillis en les laissant à cet usage. Art. 16. Les monopoles des marchands et adjudicataires de bois exigent encore d’autres représentations. Il a éié reconnu que dans une ville comme Boulogne, où se fait la grande consommation des bois de chauffage, et où le prix qu’on met à cette denrée sert de règle pour toute la province, la liberté qu’ont les adjudicataires des forêts du Roi de mettre tel prix qu’ils veulent à leur bois est une des principales causes de leur cherté. Vu la nécessité où l’on est à Boulogne de s’adresser à eux pour les approvisionnements de cette espèce;' Sûrs de vendre leurs bois parce qu’il en faut, certains encore de les vendre plus cher en les gardant parce que le prix augmente avec les besoins, il faut les prier pour les approvisionnements qu’on veut taire. Ils poussent les choses plus loin vis-à-vis des habitants de la campagne; c’est que, leur faisant payer les bois qu’ils vont prendre dans les forêts avec leurs chariots d’après le prix que leur en donnent les habitants de la ville, ils ne leur en déduisent point les frais de voiture, quoique cette déduction entre à Boulogne dans le prix de la denrée. Le domaine gagne sans doute à cette conduite des adjudicataires, parce que, dès qu’ils sont maîtres du prix du détail, celui des adjudications leur devient indifférent. Mais comme l’intérêt réel d’un souverain qui est le père et l'ami de ses sujets , n’est autre que le leur propre, les dépu tés sont chargés de demander qu’avant chaque vente publique des forêts même, Je prix soit fixé à raison du taux courant par les officiers de la maîtrise conjointement avec le corpspro-vincial du Boulonnais, que ce prix ainsi fixé fasse un des articles du cahier des charges, et qu’il soit défendu aux adjudicataires de l’excéder, sauf à y ajouter les frais du transport à raison de la distance des lieux, ceux de garde ou d’emmagasinage, l’importance desquels frais sera réglée annuellement par les officiers municipaux de Boulogne et les officiers de police des autres lieux pour leur approvisionnement particulier. Offices municipaux , droit sur les porcs. Art. 17. La double finance pour les officiers municipaux à Boulogne, ainsi que le droit sur les porcs dont le fisc s’est emparé, sont des injustices frappantes. Li s offices municipaux rétablis en vertu del’édit de novembre 1733, ont été réunis à l’hôtel de ville de Boulogne par arrêt du conseil du 21 novembre 1747, moyennant une finance de 16,566 livres pour le payement de laquelle la ville a été autorisée par le même arrêt à percevoir un droit de 24 sous sur les porcs tués dans la ville et banlieue. Les édits d’août 1764 et mai 1765 ont supprimé les dits offices et ont autorisé les' habitants des villes à élire eux-mêmes leurs officiers municipaux. Ces offices ont été rétablis par un édit de novembre 1771, et Boulogne, a encore été obligé de lesrachetermoyennant une somme de 20,000 livres Il fallait du moins que le droit établi sur les porcs cessât ; mais il a été envahi parles régisseurs du domaine et il s’est perpétué avec les sols pour livre additionnels par des arrêts de prorogation rendus de six ans en six ans, en sorte que le fisc, après avoir exigé deux fois dans l’espace de vingt-cinq ans la finance des offices municipaux, perçoit encore à son profit un droit que la ville s’était imposé pour en acquiter la première finance. Il est donc indispensable que les députés de-mandentla suppression absolue du droit de 24 sous sur les porcs, dans la ville et banlieue de Boulogne. Que cette ville soit maintenue à perpétuité dans le droit d’élire les officiers municipaux, conformément à la délibération prise le 31. août 1772 et aux lettres patentes du 30 septembre suivant ; qu’en-fim les dits offices soient affranchis des droits de centimes et de mutation, et qu’ils restent irrévocablement réunis à l’hôtel de ville de Boulogne, sans qu’ils puissent jamais être supprimés, recréés et revendus, ni être assujettis à une augmentation de finance ou à quelque autre opération bursale que ce soit. Droit de marc d'or sur l’octroi. Art. 18. Le marc d’or exigé pour les pouvoirs d’offices depuis qu’ils ont été rendus vénaux, ainsi que pour l’érection des terres en dignités, et pour certaines concessions, dons et privilèges, a été pareillement exigé pour la prorogation de l’octroi de 40 sous par velte d’eau-de-vie qui se consomme en Boulonnais. Mais on ne saurait mettre dans la classe des grâces et concessions sujettes au marc d’or une charge que la province a établie sur elle-même, et dont le produit est employé à l’entretien desgrandes routes et à d’autres objets d’utilité publique. 11 est nécessaire que l’octroi subsiste aussi longtemps que sa destination. Le pays devra donc être dispensé d’en demander la prorogation, et ce ne peut être le cas de payer une finance pour l’obtenir. C’est même détourner une partie des fonds destinés aux travaux publics, pour les appliquer 438 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] au profit du fisc qui s’approprie encore les deux cinquièmes du produit de l’octroi, par la perception des huit sols pour livre. Droit d’échange. Art. 19. L’article 49 de la coutume du Boulonnais affranchit de tous droits, sauf du relief, les échanges faits sans bourse délier, et il veut que s’il y a des deniers déboursés, le droit seigneurial ne se perçoive que sur la soulte. Ainsi c’est contre le texte même de la coutume que le domaine s’est attribué les droits seigneuriaux en cas d’échange dans le Boulonnais. D’ailleurs cette prétention est très-nuisible à l’agriculture. Les terres d’une ferme tiennent rarement ensemble; elles sont presque toujours mêlées parmi d’autres propriétés, et dans le nombre il s’en trouve souvent de fort éloignées, où il n’est pas possible de transporter des engrais à cause de leur distance et de la difficulté des chemins. Communément aussi des terres dépendant d’une ferme sont continguës à une ferme voisine qui en a d’autres à portée de la première. Il est sensible qu’on ne peut mettre ces terres en valeur qu’en faisant des échanges ; mais l’assujettissement aux droits seigneuriaux s’oppose à ces arrangements de convenance, surtout en Boulonnais, où les lods et ventes sont d’un cinquième pour les fiefs et d’un quart pour les rotures. Les députés devront donc solliciter l’abolition des droits d’échange comme n’étant pas dus et étant préjudiciables au bien public. Baux à longues années. Art. 20. Des arrêts du conseil, dans la vue d’encourager l’agriculture, ont affranchi du droit de demi-centième les baux à longues années des biens de la campagne, lorsque les preneurs sont chargés de les améliorer. Il n’y a point de pays où ces baux soient plus utiles qu’en Boulonnais, parce que le sol étant fort inégal et rempli de sources, on ne peut en tirer parti qu’en y pratiquant des pierrées ou fossés couverts et en y répandant de la marne. Mais l’article 127 de la coutume ayant servi de rétexte à plusieurs seigneurs pour prétendre que es baux au-dessus de neuf ans font ouverture aux droits seigneuriaux, les députés demanderont que les baux à longues années des biens de la campagne soient expressément autorisés en Boulonnais sans que les seigneurs puissent en prétendre aucun droit. Curement des rivières et moulins. Art. 21. Le défaut de curement des rivières, et l’usage où sont les meuniers de tenir leur vannes trop élevées occasionnent chaque année des débordements très-préjudiciables au public. Des prairies entières se trouvent inondées, et les récoltes gâtées ou emportées par les eaux. Le corps d’administration du Boulonnais a fait £ rendre le niveau d’une partie de la rivière de iannes ; il s’est proposé de la faire redresser et élargir et d’obliger les meuniers à baisser leurs vannes. Des conflits de juridiction ont retardé l’exécution de ce projet. C’est un objet digne de considération et qui paraît devoir être confié entièrement aux soins du corps provincial, sans être soumis à des formes de procédure longues et dispendieuses qui ne font qu’apporter du retard et de l’embarras dans les affaires d’administration. Destruction et réunion des fermes. Art. 22. En Boulonnais la population diminue sensiblement dans les campagnes et les laboureurs ont beaucoup de peine à trouver des domestiques et des moissonneurs, ce qui fait languir leurs travaux et empêche qu’ils ne se fassent en saison convenable. Quoique le luxe des villes contribue à dépeupler les campagnes, cette dépopulation provient principalement de la destruction des petites fermes, et de la réunion de plusieurs en une seule. Comme le Boulonnais est un pays d’élèves, et qu’il faut conséquemment beaucoup plus de bâtiments à un fermier que partout ailleurs, les fermes médiocres sont fort onéreuses aux propriétaires, à qui elles coûtent à peu près autant de frais de réparations et d’entretien qu’une plus forte exploitation. C’est pour éviter ces dépenses qu’on détruit tous les jours les bâtiments des fermes moyennes ; on en a peut-être supprimé plus de trois cents depuis vingt ans ; ce sont plus de trois cents familles supprimées, car chacune de ces fermes faisait vivre un ménage, et on voit une quantité de gens de la campagne qui ne refusent de se marier que parce qu’ils ne trouvent pas de ferme pour s’y établir. Il est donc très-intéressant de solliciter un règlement qui, sans trop gêner les droits de propriété, pourvoie à cet objet d’intérêt public. Communes. Art. 23. Dans un pays qui a été ravagé par les Anglais et dont ils ont détruit les anciens monuments, chacun reposait sur la foi de sa profession ; elle avait même été sanctionnée par des lettres patentes d’Henri II qui ont confirmé le Boulonnais dans tous les droits et privilèges dont il était en jouissance, comme s’il en avait conservé les titres primitifs. Mais depuis que le gouvernement a encouragé les défrichements, divers particuliers se sont fait concéder, soit par les commissaires du conseil, soit par le bureau des finances d’Amiens, des terrains dont les paroisses et communautés avaient toujours joui et qui servaient au pâturage de leurs bestiaux. L’intérêt de l’agriculture a servi de prétexte à ces concessions qui, au fond, n’ont abouti qu’à procurer une faible augmentation aux revenus du fisc et à satisfaire la cupidité de quelques particuliers. Les petits avantages qu’il ont retirés ne sauraient entrer en comparaison avec la perte qui en résulte pour le public, surtout en Boulonnais, où les pâturages communs sont de la plus grande importance en raison de la grande quantité de bestiaux qu’on y élève. Les lois anciennes veillaient avec soin à la conservation des communes qu’elles regardaient comme un patrimoine inaliénable; on ne doit pas s’en écarter pour adopter de nouveaux systèmes qui causent la ruine des campagnes. Ainsi les députés demanderont que les paroisses et communautés soient maintenues dans la jouissance de leürs communes et usages, et que celles qui en ont été dépossédées depuis quarante ans par des concessions des commissaires du conseil ou du bureau des finances y soient rétablies, conformément à l’édit du mois d’avril 1667, sauf aux habitants à former des divisions ou à prendre d’autres arrangements convenables , principalement en faveur des pauvres, de la manière qui sera réglée sous l’inspection du corps provincial. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 439 Plantation et conservation des oyats. Art. 24. La mer borde le Boulonnais depuis Eta-ples jusqu’à Wissant sur une longueur de seize lieues. Toute cette côte est couverte de sables d’une finesse et d’une mobilité extrêmes. Ils forment en divers endroits des montagnes très-élevées ; les vents d’Ouest et de Sud-Ouest qui régnent habituellement en ce pays, les transportent dans l’intérieur des terres. Deux villages y ont été ensevelis, et il n’en reste plus que les noms. La plupart des maisons de Wissant ont essuyé le même sort; les sables, poussés par les vents, agnent de proche en proche ; ils ont déjà couvert e vastes terrains, ils ont pénétré dans les forêts, dans celle d’Hardelot appartenant au Roi ; chaque jour ils font des progrès effrayants, et si on n’y remédie efficacement, plusieurs paroisses du Boulonnais sont menacées d’une ruine entière. Les oyats sont la seule digue qu’on puisse opposer à ces sables ; la dépense à faire à ce sujet sera forte, mais indispensable. Le corps d’administration du Boulonnais a offert d’y contribuer selon ses facultés, et a sollicité le gouvernement de venir à son secours, Depuis plusieurs années que cette demande a été faite, nombre de terres précieuses ont été ensablées et sont perdues à jamais pour l’Etat. Dans ce moment heureux où le Roi invite la nation à concourir avec lui au bien général, les députés du Boulonnais doivent insister sur la nécessité d’une plantation d’oyats tout le long des côtes du pays, et proposer le règlement projeté pour la conservation de ces oyats. La dépense annuelle de cette plantation est un objet de quatre mille livres dont le Roi sera supplié de fournir la moitié. Suppression des offices de priseurs-vendeurs. Art. 25. Les offices de jurés priseurs-vendeurs sont un vrai fléau pour le public, Leurs droits, qui avaient été fixés par l’édit de janvier 1771, ont été augmentés depuis dans la vue d’accélérer la vente de plusieurs de ces offices qui n’avaient pas été levés. Mais quoique ces droits soient très-onéreux, les priseurs vendeurs ne s’en sont pas tenus là, ils s’arrogent exclusivement toutes les ventes, même celles qui sont purement volontaires. Ils veulent aussi s’emparer des ventes de grains sur pied et les bois taillis. Outre leurs vacations et voyages ils exigent des droits de clerc et de crieurs ; iis prennent deux sols pour livre des ventes faites à terme en sus des quatre deniers qui leur sont attribués, sous prétexte qu’ils restent garants du prix des adjudications. Ils ont une peine infinie à se dessaisir des deniers qu’ilsreçoivent ; les particuliers sont obligés d’attendre plusieurs années et de faire nombre de voyages pour retirer leurs fonds. On pourrait citer encore des faits bien plus graves ; mais pour supprimer ces offices il suffit qu’ils soient absolument inutiles, sujets à beaucoup d’abus et très-préjudiciables au public. Cette suppression doit essuyer d’autant moins de difficultés qu’un sieur Pecquet du Bellet, s’étant fait pourvoir précédemment d’un pareil office pour le Boulonnais, le maire, les échevins de Boulogne avaient racheté et fait supprimer cet office par arrêt du conseil du 15 avril 1748, suivi d’un autre du 29 novembre 1740 qui a ordonné la répartition de la finance et des frais faits sur les habitants de la ville et de la campagne. C’est un nouvel exemple des suppressions et rétablissements d’offices avec perte des finances pour les villes qui en avaient traité. Etablissement d’une juridiction consulaire à Boulogne. Art. 26. L’utilité des juridictions consulaires est généralement reconnue, les affaires du commerce s’y expédient promptement et à peu de frais, on ne peut pas trop multiplier ces tribun aux ; parmi les villes qui en ont obtenu, il y en a plusieurs qui ne sont pas aussi considérables que Boulogne ; ainsi il y a lieu d’espérer que Sa Majesté ne refusera pas un pareil établissement dans cette ville. Rétablissement de la sénéchaussée du Boulonnais en présidial et suppression de la vénalité des charges de ce siège. Art. 27. Les députés demanderont aussi que la sénéchaussée du Boulonnais soit autorisée à juger présidialement en dernier ressort avec la même étendue de pouvoir qui sera attribuée aux autres présidiaux. Ce siège a été érigé en présidial en 1551. Si le pays n’a pas profité alors de l’avantage qui lui était offert, c’est que ne faisant que sortir des mains des Anglais qui l’avaient dévasté il n’était occupé qu’à réparer ses pertes. Mais le titre de présidial subsiste toujours. La sénéchaussée juge même présidialement dans les cas prévôtaux, et son arrondissement est tout formé. Il est vrai qu’il manque des sujets pour remplir les offices vacants, et l’on ne doit pas espérer qu’il s’en présente tant que les charges de judica-ture seront vénales et ne rapporteront ni honneur ni profit au titulaire. Un seul moyen se présente pour remédier à cet inconvénient, c’est d’autoriser la province à rembourser les finances desdits offices, et à choisir elle-même ses juges en leur assignant des appointements suffisants pour que la justice se rende gratuitement. De cette manière des jurisconsultes qui se seraient distingués par leurs talents et leur probité trouveraient une retraite honorable dans les places auxquelles ils seraient appelés par les suffrages de leurs concitoyens, et ceux-ci à leur tour seraient assurés d'avoir toujours des juges intègres et éclairés. D’ailleurs une louable émulation s’emparerait des jeunes gens, l’amour de l’étude succéderait à l’esprit de frivolité, les mœurs publiques y gagneraient et la noblesse elle-même, qui fournissait anciennement des magistrats à la sénéchaussée, ne rougirait pas d’entrer dans une carrière qui la conduirait à des places d’honneur. Ainsi les députés supplieront Sa Majesté de se prêter au vœu du tiers-état, en lui présentant que le président lieutenant-général de la sénéchaussée du Boulonnais est le seul juge en exercice, le lieutenant particulier étant hors de service par ses infirmités, un conseiller ayant quitté le siège à cause de son grand âge et tous les autres offices étant restés vacants après la mort des titulaires. OBJETS QUI INTÉRESSENT EN COMMUN LE TIERS-ÉTAT TANT DU BOULONNAIS QUE DE TOUT LE ROYAUME. Admission du tiers-état aux grades militaires. Art. 1er. Les députés du tiers-état demanderon 440 [btats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais. ue le règlement de 1781, qui exige des preuves e noblesse pour obtenir des grades militaires, soit révoqué, comme injurieux à une grande partie de la nation, comme propre à inspirer à la jeunesse noble de la répugnance et du mépris pour d’autres fonctions utiles, et comme tendant à enlever des défenseurs à l’Etat. Admission du tiers-état dans les cours supérieures. Art. 2. Que les charges de judicatures dans les cours supérieures, de même que dans les autres sièges, puissent être possédées par toute personne ayant la capacité requise, sans que le défaut de noblesse puisse être un titre d’exclusion. Logement des gens de guerre. Art. 3. Que les ordonnances concernant le logement des gens de guerre et surtout des officiers supérieurs soient réformées, attendu qu’elles sont extrêmement à charge aux villes qu’elles constituent dans des dépenses considérables et souvent en pure perte. Entreprises , perceptions arbitraires et vexations des préposés du domaine et des fermes. Art. 4. Les inquisitions, les entreprises et les perceptions arbitraires des préposés du domaine sont poussées à un excès qui ne saurait être toléré. Les contrôleurs n’ont aucune règle fixe ; des décisions verbales, des ordres émanés des chefs, des interprétations injustes et contradictoires donnent lieu, chaque jour, à des droits inconnus et à des répétitions qui troublent le repos des familles. Le Boulonnais souffre particulièrement de ces exactions. Gomme la représentation n’a pas lieu même en ligne directe et que les coutumes locales de Boulogne et des quatre villes dé loi ne donnent point de douaire aux femmes, s’il n’est stipulé, les rappels faits par les père et mère, en faveur de leurs petits-enfants ainsi que la stipulation du douaire, ont servi de prétexte aux contrôleurs depuis quelques années, pour exiger cinq droits d'insinuation en sus des droits qui se perçoivent ailleurs sur les contrats de mariage. Le commerce éprouve aussi des prohibitions, des contraintes et des entraves de toute espèce qui l’énervent et l’anéantissent. On est également effrayé des brigades nombreuses d’employés qui assiègent les portes des villes, parcourent les campagnes, s’introduisent dans les maisons et commettent partout impunément des vexations odieuses, parce que leurs procès-verbaux font foi, et que la voie d’inscription de faux est hérissée d’une multitude de difficultés presque insurmontables. Pour réprimer ces abus les députés demanderont qu’il soit fait un tarif exact et modéré des droits de contrôle, insinuation et autres. Qu’il soit défendu aux commis de percevoir autres et plus forts droits que ceux contenus au tarif, et de se prévaloir d’aucune décision verbale. Qu’il soit statué que les droits fixés ■ par le tarif ne seront ni augmentés ni étendus d’un cas à l’autre, qu’en vertu du nouveau règlement concerté avec les Etats généraux, attendu que tous les droits dont s’agit dégénèrent en impôts, que la facilité de les accroître sourdement rend vraiment désastreux. Qu’au lieu de très-mauvais papier et parchemins timbrés il en soit fourni de bonne qualité. Que le commerce soit favorisé, et qu’il ne soit fait aucun règlement qui tende à y mettre des entraves, qu’après l’avoir communiqué tant aux chambres de commerce qu’aux coips chargés des intérêts de la province et avoir pris leurs observations. Que les commissions extraordinaires, établies pour le fait de la contrebande, soient supprimées, et que cette juridiction soit rendue aux juges à qui elle appartient de droit. Qu’il soit prononcé des peines sévères contre les employés et commis qui seront convaincus de révarication et dé faux, et que leurs procès-ver-aux soient soumis aux seules formalités prescrites par les ordonnance� pour les inscriptions de faux en matières ordinaires. Qu’il soit défendu aux administrateurs des domaines d’inquiéter et mettre à contribution des particuliers qui ont racheté des rentes, albergues et autres redevances domaniales dont leurs héritages étaient chargés. Qu’il leur soit pareillement défendu d’inquiéter les villes et communautés pour raison des propriétés dont elles jouissent, à moins qu’ils ne produisent des preuves que ces biens appartenaient autrefois au domaine. Que les fermiers et laboureurs du Boulonnais aient la liberté de conduire leurs chevaux et poulains aux foires qui se tiennent dans le pays, sans être astreints à aller prendre des acquits-à-caution dans des bureaux souvent beaucoup plus éloignés de chez eux que la foire. Diligences et messageries. Art. 5. Les privilèges exclusifs sont ordinairement abusifs et à charge au public : tel est celui attribué aux diligences et messageries ; c’est rançonner les voyageurs que de les obliger de se servir de voitures de louage. Gela est encore plus injuste quand on se met en route un autre jour que celui du départ de la diligence, ou bien quand cette voiture est pleine, ou ne passe pas directement par l’endroit, où l’on a dessein d’aller. Dans tous ces cas, le prix d’un permis est un impôt sans cause légitime. Il est pareillement contre la justice qu’une personne qui peut envoyer ses effets à destination à petits frais par un voiturier, soit forcée de recourir aux messageries et de payer le double. Ces abus sont encore plus choquants à Boulogne qu’ailleurs, puisqu’il y passe chaque semaine quatre diligences pour Paris, et qu’on est quelquefois près d’un mois avant d’y trouver place, à moins qu’on ne la retienne à Calais, en payant 6 livres 16 sols en pure perte ; encore n’est-on pas sûr de l’obtenir à cause de la préférence accordée à ceux qui viennent de Londres par les paquebots, ce qui fait un préjudice considérable à Boulogne, eu égard au grand nombre d’Anglais qui y débarquent directement pour se rendre dans l’intérieur du royaume. Suppression ou réduction du droit de marque des ‘ cuirs. Art. 6. Les députés solliciteront la suppression ou au moins la réduction du droit de marque des cuirs, qui est oppressif et qui pèse particulièrement sur la dernière classe du peuple. Fixation du droit de mouture. Art. 7. Ils demanderont quele droit de mouture, aux moulins banaux et autres, soit fixé en argent à raison de vingt sols par setier de blé fro ment, et de quinze sols pour les autres graines, [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée du Boulonnais.] 444 n’étant pas juste que dans les années de disette le bénéfice des propriétaires de ces moulins augmente à proportion de la calamité publique. Mendicité. Art. 8. Les députés demanderont qu’il soit fait un règlement général au sujet de la mendicité, et comme il est d’expérience que les bureaux de charité contribuent à entretenir bien des pauvres dans le paresse et l’ivrognerie, les députés représenteront la nécessité d’accorder aux administrateurs de ces bureaux et aux officiers de police un droit de correction sur tous ceux qui participent à la bourse des pauvres à l’effet de pouvoir les obliger à travailler et de réprimer le libertinage auquel la plupart d’entre eux s'abandonnent. Charlatans , vagabonds et autres gens sans état qui parcourent le royaume , Art. 9. Les députés solliciteront aussi un règlement contre les charlatans, les meneurs d’ours et autres animaux et contre une multitude de vagabonds et de gens sans état et sans aveu dont le royaume est inondé. Réparations des églises et dîmes. Art. 10. Ils demanderont que toutes les réparations des églises paroissiales et des presbytères restent à la charge des gros décimateurs, que les pommes de terre et les autres fruits de nouvelle culture soient exempts de dîme, de même que le lin et le chanvre que les gens de la campagne sèment en petite quantité dans leurs jardins pour leur usage. Colombiers. 'Art. 11. Ils demanderont qu’il soit défendu aux seigneurs et curés qui ne possèdent aucuns domaines d’avoir des colombiers et volets, et qu’à l’égard des seigneurs et autres qui ont des terres ils ne puissent avoir plus d’une couple de pigeons par mesure de terre à usage de labour. Glanage. Art. 12. Ils demanderont qu’en interprétant les règlements faits au sujet du glanage, il soit défendu, sous peine de prison, à toute personne de glaner sans en avoir obtenu la permission, par écrit, des officiers de police ou des syndics, les-uels ne pourront l’accorder qu’aux enfants au-essous de quatorze ans, aux vieillards âgés de soixante -dix ans et aux infirmes. Abus de la chasse avant la récolte des grains. Art. 13. Qu’il soit infligé des peines sévères à toute personne indistinctement qui chassera depuis que les graines seront en tuyaux jusqu’à ce que la récolte ait été faite et enlevée dans tout le canton. Lapins. Art. 14. Que tous ceux qui ne justifieront point par titres en bonne forme du droit de garenne ouverte, seront tenus de détruire leurs lapins tant dans leurs bois qu’ailleurs, et que ceux qui auront droit de garenne seront obligés d’indemniser les voisins du dommage que les lapins auront causé à leurs grains, s;ins qu’i1 soit nécessaire d’observer les formalités présentes par les arrêts du Parlement de Paris des 21 juillet 1778 et 15 mai 1779. Code criminel. Art. 15. Qu’en procédant à un nouveau Gode criminel, la peine de chaque homme soit déterminée par la loi sans distinction entre le noble et le roturier, attendu que dans l’ordre de la justice la condition du coupable est bien moins à considérer que la nature du délit. Contrebande. Art. 16. Qu’il soit défendu aux fermiers de demander et aux juges d’ordonner la conversion de l’amende en peine de galères pour fait de contrebande, n’y ayant aucune proportion entre la faute d’un homme surpris avec quelque tabac de fraude, et la peine des galères qui lui est infligée à défaut de payement de l’amende, et surtout y ayant une injustice et une dureté extrêmes de confondre une fraude simple avec des crimes publics en imprimant indifféremment dans l’un et et l’autre cas une flétrissure ignominieuse par la main du bourreau. Surséances. Art. 17. Que le cours de la justice civile ne soit pas interrompu par des lettres de répit et des arrêts de surséance, ni l’ordre des juridictions interverti par des arrêts d’évocation, lettre de committimus ou autres attributions tendant à éloigner les justiciables de leurs juges naturels. • Foi-hommages. Art. 18. Qu’il soit établi une règle fixe et un tarif exact et modéré pour la prestation de foi-hommages et pour les aveux et dénombrements aux bureaux des finances, en sorte que ceux qui tiennent des fiefs du domaine ne soient plus vexés par les frais ruineux auxquels ils sont exposés. Lecture faite du présent cahier, en présence des députés du tiers-état, l’assemblée a arrêté qu’il serait fait des représentations particulières au Roi et aux Etats généraux au sujet de la concession faite au sieur Delporte, du canton appelé le Fond-de-Pernes en la forêt de Boulogne, triage de la Blanque - Gland , contenant 350 arpents, moyennant 15 sols de redevance par arpent et à la charge d’y entretenir un troupeau de mille brebis et quatre-vingts béliers anglais, attendu que cette concession est extrêmement préjudiciable aux intérêts de Sa Majesté et du public, et que les sieurs Delporte n’ont pas même rempli les conditions sous lesquelles cette concession leur a été faite. Le présent cahier a été arrêté dans l’assemblée générale des députés du liers-état du Boulonnais, le 30 mars 1789, et ont les commissaires-signé avec nous, le procureur du Roi et notre greffier sur les deux doubles dudit cahier, dont un restera au greffe de ce siège, et l’autre sera remis aux députés aux Etats généraux, après avoir été par nous coté et paraphé, avec copie des procès-verbaux d’élection et de prestation de serment, et autres pièces nécessaires, ainsi signé : Caron de Fromentel, Laiteux, Le Porc, Gros, Sta, de Montechort, d’Enquin de la Folly, Sebast. Gocatrix, Lorgnier Hameret, Bellanoy, La Sablon-nière, Grandsire, Ségouin d’Augis, secrétaire du tiers-état, et Payard d’Hermansart.