Sj0g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 129 Juin 1791.] sacrifices qu’ils ont faits à la patrie ; je ne vous dirai pas que, dans la dernière guerre, la Guadeloupe étant sans troupes, les colons firent le sacrifice de leur fortune, et résolurent de périr, jusqu’au dernier, plutôt que de se rendre aux ennemis de la France. Si l’histoire ne rapporte pas ce fait, il n’est aucun marin qui ne le sache. Croyez que ces mêmes colons sont encore dignes de votre estime et de votre approbation. Je vous prie en grâce de ne pas repousser le décret qui vous est proposé par vos quatre comités. (L’Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité au projet de décret de M. Delavigne sur celui des comités.) Un membre propose par amendement d’insérer dans le décret le préambule suivant : « L’Assemblée nationale, ayant égard aux explications et rétractations contenues dans les adresses des 85 membres de la ci-devant assemblée coloniale, déclare qu’il n’y a pas lieu à inculpation, etc... » Un membre propose de délibérer sur les principales dispositions du projet de décret de M. Delavigne et de les renvoyer aux comités pour présenter une nouvelle rédaction. (Cette dernière motion est adoptée.) En conséquence, l’Assemblée consultée décrète : 1° Qu’il sera fait mention dans le nouveau projet de la rétractation des 85 membres de la ci-devant assemblée ; 2° Qu’il n’y a pas lieu à inculpation contre ces membres ; 3° Qu’ils seront libres de retourner dans leur patrie. L’Assemblée décrète en outre qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le surplus des dispositions. (M. le Président lève la séance à onze heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS. Séance du mercredi 29 juin 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. MM. Ganthlcr, Humant et Meunier, adjudants généraux de V armée, sont introduits à la barre et prêtent le serment prescrit par le décret du 22 juin courant. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Berthier , adjudant général , par laquelle il informe l’Assemblée qu’il s’est réuni le 23 juin aux citoyens qui ont été admis à prêter serment dans son sein ; mais qu’ayant été depuis employé dans la 17e division, il s’empresse de renouveler le serment solennellement prêté, et qu’il supplie l’Assemblée de permettre que son nom soit inscrit dans le procès-verbal comme l’engagement sacré que, dans quelque position qu’il puisse se trouver, il est prêt à mourir pour la défense de la patrie et le maintien de la Constitution. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. le Président. Voici une lettre des administrateurs du district de Pont-Audemer. Ils annoncent la réception des décrets rendus à l’occasion du départ du roi, et le détail des mesures qu’ils ont prises pour maintenir et assurer la tranquillité publique. Ils rendent compte qu’en conséquence d’un décret de l’Assemblée nationale, qui défend la sortie hors du royaume d’effets ou espèces d’or et d’argent, la municipalité de Quilbeuf a fait arrêter un navire qui, outre plusieurs effets précieux, portait 817 marcs de vaisselle d’argent. L’Assemblée m’autorise sans doute à renvoyer cette lettre aux comités des rapports et des recherches réunis. (Ce renvoi est décrété.) Un membre observe que M. Maurice Lévêque, homme de lettres à Paris, a fait hommage à l’Assemblée, le 22 juin présent mois, d’un ouvrage de sa composition, intitulé : Tableau politique , religieux et moral de Rome et des Etats ecclésiastiques, et qu’on a oublié d’en faire mention dans le procès-verbal. (L’Assemblée ordonne qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal de ce jour.) M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques, fait la relue des articles décrétés dans la séance d’hier et relatifs aux contributions (1). Il donne ensuite lecture de deux lettres de M. Tarbé, ministre des contributions publiques : La première est relative à l’exécution de la loi du 1er juin dernier, concernant l’accélération du recouvrement des impositions de 1790 et des années antérieures. La deuxième contient l’assurance qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour que les 83 départements puissent procéder à la répartition des contributions d e 1791. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre du sieur Mer-hel , citoyen de Bordeaux, ainsi conçue : « Augustes représentants de la nation, « Mon sang coulait dans les veines de 11 enfants, dont 9 garçons, et a été versé sur le champ d’honneur. Ce qui me reste, je l’offre à la patrie. Mon cœur brûle encore sous les glaces de l’âge et sous mes cheveux blancs. Exaucez ma prière. Je demande à partir de Paris pour la défense de nos frontières; je ne demande rien que l’honneur du poste le plus dangereux; un de mes enfants, le troisième de mes fils, qui se trouve en ce moment ici, combattra à mes côtés. Ordonnez qu’on nous place au premier rang de la compagnie; je dois éprouver le premier feu, voilà la faveur que je brigue. Si le vieux défenseur de la liberté est tué pour l’exécution de vos décrets, alors, père de la patrie, il laisse à votre providence ses enfants, et un jour ses fils imiteront son exemple, et verseront sur sa tombe, au lieu de pleurs, le sang de nos ennemis. « Pardonnez aux élans de mon ardente sensibilité; mais que dis-je, un vaste pressentiment m’annonce d’avance la gloire du nom français, et ma pensée atteste la victoire. Oui, nous jurons (1) Voy. ci-dessus, séance du 28 juin 1791, p. 567.