[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1791.] 287 commune dudit lieu de Saint-Omer le 29 dudit mois, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé au procès-verbal de ce jour, ensemble les évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois de mai 1790; « Déclare vendre à la municipalité de Saint-Omer les biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses etconditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour le prix de 4,173,417 1. 3 s. payable de la manière déterminée par le même décret. » (Ce décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires donne lecture de deux lettres de M. le maire de Paris : Par l’une, il annonce l’adjudication, que fit hier la municipalité, de trois maisons nationales. Par l’autre, il réclame les pièces relatives à ce qui s’est passé aux Tuileries le 28 février dernier, ces pièces devant rester au greffe de la municipalité. L’ordre du jour est un rapport sur les troubles du Mâconnais, dans les mois de juillet et août 1789. M. Muguet de Nanthou, au nom du comité des rapports. Messieurs, je suis chargé de remettre sous vos yeux quelques-uns de ces événements qui ont obscurci les premiers jours de notre liberté, que tous les bons citoyens, au prix des plus grands sacrifices voudraient pouvoir effacer des fastes de notre heureuse Révolution. Vous vous rappellerez, Messieurs, cette anarchie momentanée qui, à l’époque du mois de juillet 1789, succé la aux généreux efforts que la nation avait faits pour briser ses fers et recouvrer ses droits ; la secousse violente qui, en détruisant les abus, a froissé tous les pouvoirs et fait concevoir de coupables espérances à ces hommes qui, habitués au pillage, ne cherchaient que les occasions de s’y livrer. Dans un moment où la loi gardait un profond silence, ils se répandirent dans diverses parties de l’Empire ; ils commirent les plus grands désordres sous prétexte de venger les habitants des campagnes de la longue oppression sous laquelle ils gémissaient. Les propriétés particulières furent dévastées, et l’on se porta, envers des particuliers, aux excès les plus coupables pour les contraindre à détruire la féodalité qui ne pouvait être détruite que par vos décrets. Une bande de ces brigands, après avoir désolé le Dauphiné, s’être répandue dans les provinces voisines, pénétra dans le Mâconnais. ils se disaient porteurs des ordres du roi et enjoignaient aux habitants des campagnes de se réunir à eux pour détruire et renverser tous les monuments qui pouvaient attester l'ancienne domination des ci-devant seigneurs. Cette fable absurde trouva cependant, dans un moment oùles esprits, tourmentés du besoin de la liberté, étaient portés au plus haut point d’exagération, des hommes assez faibles et assez crédules pour y ajouter foi. Ceux qu’une pareille imposture n’avaient pu séduire furent forcés par les menaces et les mauvais traitements, non pas à se livrer à de pareils désordres, mais du moins à en être les témoins. C’est ainsi que ces brigands qui dévastèrent la province du Mâconnais entraînèrent avec eux une foule de citoyens qui détestaient leurs fureurs et leurs atrocités. Les habitants des villes de Mâcon, de Tournus, de Cluny, tous ceux, dont les propriétés avaient été attaquées ou menacées se réunirent, prirent les armes pour arrêter ces aetes de violence. Leurs intentions sans doute étaient louables, et nous n’aurions que des éloges à leur donner s’ils s’étaient bornés aux soins d’une légitime défense; mais non contents d’avoir protégé les propriétés, ils se livrèrent à une vengeance que je ne dois pas laisser ignorer. Ils allèrent atiaquer plusieurs villages. En différentes rencontres, ils tuèrent plus de 200 personnes. Des villages entiers furent dépeuplés. Ce ne fut pas un combat, car pas un seul des assaillants ne reçut une blessure. Ils firent une trentaine de prisonniers qu’ils conduisirent dans les prisons de Mâcon, de Tournus. Les vainqueurs, non contents de la vengeance terrible qu’ils venaient d’exercer, se saisirent du glaive de la loi pour en frapper ceux qui n’avaient pas succombé sous leurs coups. Ils se constituèrent juges; et sans mission, sans pouvoir, sans caractère, ils transformèrent les comités permanents de ces différentes villes en autant de tribunaux souverains et firent périr, par la main de l’exécuteur de la ha te justice, les 32 citoyens qu’ils avaient ar rêtés. Ces faits, Messieurs, que je n’ai pas besoin de qualifier, mais que vous appréciez sans doute, vous furent dénoncés le 18 août 1789. L’Assetnblée, recevant alors chaque jour des nouvelles de ces calamités particulières qui affligeaient à la fois toutes les parties du royaume, crut que le meilleur moyen de faire cesser ces malheurs et de prévenir l’explosion d’une guerre civile était d’en faire perdre le souvenir; elle renvoya donc cette affaire au pouvoir exécutif, qui essaya de l’assoupir. La paix devait suivre cette mesure de prudence que vous aviez indiquée. Les torts respectifs des deux partis devaient faire cesser les querelles; mais ceux dont les propriétés avaient été dévastées attendirent que les tribunaux fussent en activité pour rendre plainte contre les habitants des campagnes. « Sans doute, disent ceux-ci, nous avons été coupables en attaquant des propriétés ; mais aussi, nous avons vu périr sans vengeance nos amis et nos frères. Ceux qui les ont impitoyablement massacrés, quoiqu’ils fussent sans armes, auraient-ils donc, lorsque nos bras sont enchaînés, l’affreux privilège de pouvoir exercer sur nous une double vengeance? Avaient-ils le droit de s’emparer du glaive des lois pour faire périr des hommes égarés? « Dans la rigueur des principes, il faudrait poursuivre les habitants des campagnes et ceux qui, au mépris des lois, se sont fait justice eux-mêmes. Cependant, lorsque nous avons appelé sur eux la sévérité des lois, la loi a été muette. Les propriétés sont-elles donc plus sacrées que la vie des citoyens? Et ceux qui ont eu recours à la vengeance individuelle n’ont-ils pas par cela même renoncé à la vengeance des lois? » Telles sont les plaintes que vous adressent ces malheureux pour être soustraits aux malheurs qui les menacent. Mais, dans les circonstances où nous sommes, alors que la tranquillité publique est le premier devoir et qu’il importe surtout d’étouffer toutes les haines, de réunir tous les citoyens, le parti de la clémence nous a paru le préférable; nous avons vu dans les informations que l’on veut commencer un moyen certain de faire renaître les haines, les troubles, de servir les vengeances personnelles. C’est pourquoi, Messieurs, votre