476 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. COMPTE RENDU Par M. mm FERRIÈRES, Député do la noblesse de la sénéchaussée de Saumur. A MESSIEURS LES GENTILSHOMMES DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE SAUMUR Messieurs, Pressé par les circonstances, et ne pouvant vous offrir en ce moment le détail raisonné des opérations de l’Assemblée nationale, je crois qu’il est de mon devoir de vous rendre un compte sommaire de ma conduite et de mes opinions. Je vais donc mettre sous vos yeux le mandat que vous m’avez donné; j’y joindrai des notes. Vous apercevrez facilement les rapports plus ou moins directs de la nouvelle Constitution avec le vœu que vous m’avez chargé d’exprimer. Ces notes serviront encore à vous montrer l’exactitude avec laquelle je me suis conformé à la volonté dont j’étais l’organe. Je me bornerai aux objets renfermés dans mes cahiers : les événements ont amené une foule de questions que vous n’aviez pu prévoir; mais j’ose vous attester que le même amour du bien, la même fidélité à vos volontés présumées, m’ont toujours guidé dans toutes les délibérations. Je n’ai jamais perdu de vue le serment, prononcé en votre présence, de maintenir de tout mon pouvoir et le gouvernement monarchique, et les droits sacrés de la propriété. INSTRUCTIONS ET POUVOIRS donnés par Messieurs les gentilshommes de la sénéchaussée de Saumur et pays saumurois , à leurs députés aux États libres et généraux du royaume , convoqués à Versailles au 27 avril 1789 : Lesdites instructions et pouvoirs arrêtés en l’assemblée générale de l’ordre de la noblesse de ladite sénéchaussée, le jeudi 26 mars 1789. Messieurs de l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Saumur, assemblés, donnent à celui d'entre eux qui sera député, ainsi qu’à celui qu’ils ont arrêté de nommer pour le suppléer, en cas de mort ou de démission forcée, pour cause de maladie, les instructions et pouvoirs qui suivent. Pénétrés des sentiments de patriotisme qui seront toujours ceux de la noblesse française; animés du zèle le plus pur pour la prospérité de l’Elat et la gloire du roi ; jaloux de maintenir la concorde et l’union de tous les ordres, base inébranlable de l’une et de l’autre : convaincus Décrété. La responsabilité de tous les agents du pouvoir ga rantit suffisamment l’exécution de cet article. par une longue et pénible expérience des dangers d’un gouvernement vacillant dans ses principes, les gentilshommes de ce ressort déclarent qu’ils ont résolu d’employer tout leur zèle, et de réclamer avec une constance et une fermeté inébranlables. l’établissement d’une Constitution telle que le pouvoir du prince et les imprescriptibles droits de la nation soient balancés par le plus juste équilibre, que tous les citoyens soient également protégés par la loi, et ne“ dépendent d’aucune autre puissance (1). Et attendu qu’il est indispensable pour la sûreté de tous les individus qui forment la nation, que leurs droits soient en ce moment établis sur des bases inaltérables, et d’élever enfin une barrière que l’inconduite ou l’incapacité des ministres ne puisse plus franchir, l’assemblée générale des gentilshommes de ce ressort charge spécialement son député, et à son défaut celui qu’elle nommera pour le remplacer, de déclarer aux Etats généraux que l’intention de l’ordre est : Que lesdits Etats généraux prennent les moyens les plus sûrs pour qu’en aucun cas aucun citoyen ne puisse être détenu, par un ordre ministériel, au-delà du temps indispensablement nécessaire pour qu’il soit remis dans une prison légale, entre les mains des juges que lui donne la loi. Qu’ils s’occupent delà rédaction d’une loi portant établissement de la liberté légitime Nie la presse (2) ; (1) Décrété : mais non quant à l’exacte balance des pouvoirs. Par la Constitution, ils sont réellement tous concentrés dans le peuple. Je me suis formellement opposé au renversement des principes fondamentaux de la monarchie. La déclaration des 290 membres de la minorité, en date du 29 juin 1791, les 2 derniers chapitres de l’ouvrage du Théisme, mon opinion sur la situation du roi et du royaume, publiée le 14 juillet 1791, ma lettre à M, Pnulse, ne doivent laisser aucun doute à MM. les gentilshommes de la sénéchaussée de Saumur, du zèle que j’ai apporté à défendre l’autorité légitime du monarque, autorité que je crois aussi nécessaire au bonheur du peuple, à la gloire et à la prospérité de l'Empire, qu’une sage et honnête liberté fondée sur la loi, et contenue par elle, est nécessaire au bonheur et à la sûreté de chaque individu. (2) Je n’ai point approuvé la liberté indéfinie de la presse. J’ai constamment voté pour que l’on réprimât [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 477 Décrété. Décrété. Décrété. Décrété conformément aux bases du nouvel ordre judiciaire. Décrété. Il faut un conseil de guerre et un jugement. Décrété. Décrété. Le Corps législatif a seul le droit de statuer sur l’impôt. Décrété. Décrété. Cela s’est fait. Décrété. Décrété. Cet article ne peut avoir lieu, Le respect le plus absolu pour toutes lettres confiées à la poste sera ordonné, et les Etats prendront tous les moyens nécessaires pour empêcher qu’il n’y soit porté atteinte; Il sera de nouveau déclaré, statué et ordonné qu’aucun citoyen ne pourra être enlevé à ses juges naturels qui sont ceux que lui donnent les lois. Que toutes évocations et commissions qui tendent à dépouiller les juges ordinaires de la connaissance des affaires qui leur appartiennent seront abolies ; et il sera enjoint à tous juges et aux parties de ne plus y obéir. Les magistrats des cours souveraines, et juges royaux, ne pourront à l’avenir être troublés dans leurs fonctions, destitués et remplacés, sinon vacance arrivant par mort, résignation ou démission volontaires, ou forfaitures préalablement jugées par les juges compétents. Le citoyen qui sert l’Etat dans les armées ne pourra être destitué de son emploi sur aucuns ordres arbitraires, lettres ministérielles ou autrement. Tout droit de propriété sera inviolable ; et nul ne pourra en être privé, même à raison d’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix, et sans délai (1). Il sera statué, dans la forme la plus authentique, qu’aucun subside quelconque ne sera à l’avenir mis ou prorogé, sans le consentement des Etats libres et généraux du royaume ; en conséquence, que toutes impositions mis; s ou prorogées sans cette condition, ou accordées, hors des Etats généraux, par une ou plusieurs provinces, une ou plusieurs villes, une ou plusieurs communautés, un ou plusieurs ordres, corps ou corporations, seront nulles, illégales, et il sera défendu, sous peine de concussion, de les répartir, asseoir et lever. Tout emprunt public, nécessitant un accroissement de subsides, il n’en sera fait aucun sans le consentement des Etats généraux. La répartition, assiette et perception des impôts, et de tous subsides quelconques, ainsi que leur versement dans les coffres publics, se feront par les Etats provinciaux, qui seront constitués par les Etats généraux, sous le nom d’Etats provinciaux, dans les provinces qui n’en ont pas encore, ou qui ont à se plaindre de la constitution irrégulière des corps qui les administrent. Les gentilshommes de cette sénéchaussée s’en rapportent aux lumières des députés aux Etats généraux, sur le règlement qu’ils feront touchant l’organisation, fonction et pouvoirs des Etats provinciaux qu’ils réclament, nommément pour la province dont ils font partie. Toute loi qui n’aura pas été consentie ou demandée par les Etats libres et généraux du royaume, ne sera point réputée loi fondamentale et constitutionnelle de l’Etat. Les lois qui seront établies au sein des Etats généraux, par le concours mutuel de l’autorité du roi et du consentement de la nation, seront notifiées aux cours souveraines, pour y être inscrites sur leurs registres, et elles seront chargées de tenir la main à leur exécution (2). Les lois d’administration et de police seront, pendant l’absence la licence effrénée de ces écrivains coupables qui, dans leurs libelles calomnieux, dans leurs pamphlets incendiaires, outrageant à la fois avec fureur les personnes et les choses les plus respectables, prêchent hautement le trouble, le désordre, l’anarchie, attaquent toutes tes autorités, appellent le peuple à la révolte, au pillage, à l’incendie. Ils sont les véritables auteurs des maux qui désolent la France depuis deux ans. (1) Décrété à la fin des droits de l’homme... Mais cet article a été mal observé. Je n’ai jamais consenti à la spoliation d’aucun corps, ni d’aucun individu. Le décret qui ordonne la vente des biens du clergé, et qui réduit les titulaires actuels à un traitement insuffisant pour plusieurs, et nullement proportionné aux biens dont on les dépouille,* a passé contre mon vœu. La base sur laquelle porte ce décret n’a point de solidité. On dit en vain que les ecclésiastiques no sont qu’usufruiliers ; le droit, quant à la jouissance, est le même pour l’usufruitier que pour le propriétaire... et ne sommes-nous pas tous de simples usufruitiers? Emportons-nous dans le tombeau nos terres, nos meubles, notre or, notre argent ? Nous logeons dans nos maisons, d’autres y ont logé avant nous, d’autres y logeront après nous. Cette loi est commune à tous les hommes. (2) Voici un des articles ou les intentions de MM. les gentilshommes de la sénéchaussée de Saumur ont été le moins respectées. Je répéterai ce que j’ai déjà dit. Je me suis constamment opposé à toutes les atteintes que l’Assemblée nationale a portées à l’autorité légitime et nécessaire du monarque; j’ai toujours pensé qu’il devait être co-législateur avec la nation. Je renvoie, pour la vérité de ce fait, aux ouvrages cités dans la note (1). 478 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. J l’Assemblée nationale s’étant rendue permanente. Décrété. Décrété. Décrété. Décrété. Décrété. Décrété. Décrété. L’Assemblée nationale est permanente. Il n’y (a point, et il ne peut y avoir, de commission intermédiaire. La haute autorité, dont a joui l’Assemblée, lui a permis de délibérer sur l’impôt avant l’achèvement de la Constitution. Décrété conformément aux formes prescrites par le mandat. des Etats Généraux, provisoirement adressées à la vérification et enregistrement libre des cours; mais elles n’auront de force que jusqu’à la prochaine tenue de l’Assemblée nationale où elles auront besoin de ratification pour continner à être obligatoires. Les Etats généraux établiront et détermineront la forme de cette ratification. Les Etats provinciaux seront spécialement chargés de veilleraux intérêts de leurs concitoyens et de mettre opposition par-devant les cours à l’enregistrement des lois locales et momentanées, promulguées dans les intervalles de la convocation de l’Assemblée nationale, lorsqu’elles contiendront des clauses contraires aux droits et privilèges de leurs provinces. Les Parlements et autres cours souveraines, ainsi que les juges inférieurs, seront chargés de maintenir le bon ordre et de faire exécuter les lois, soit en renouvelant leurs dispositions, lorsque les circonstances pourront l’exiger sans qu’ils puissent toutefois y rien retrancher, ajouter ni modifier, soit en infligeant les punitions qu’elles prononcent contre ceux qui les transgressent (1). Les magistrats seront responsables du fait de leurs charges à la nation assemblée, qui pourra les faire juger par les tribunaux compétents, sans préjudice des demandes en prise à partie, que les citoyens ont le droit de former. Les ministres seront responsables de leur gestion, ainsi que de toutes les atteintes par eux portées, tant aux droits nationaux que particuliers, et les Etats généraux pourront les accuser et les faire juger sur le fait de l’exercice de leurs fonctions, par les tribunaux compétents, sans préjudice aux droits que les Etats conféreront aux procureurs généraux du roi, dans les mêmes cas. Les dépenses de chaque département, y compris celles de la maison du roi, seront invariablement fixées, et les ministres de chacun d’eux responsables de l’emploi des fonds, n’entendant néanmoins y comprendre les sommes qui seront affectées à la dépense personnelle de Sa Majesté. Le compte général des finances, dans lequel sera compris celui de chaque département, sera rendu public tous les ans par la voie de l’impression. Les Etats généraux établiront, par une loi précise et solennelle, accordée ou consentie par le roi, la périodicité de leur tenue, à des époques fixes et peu éloignées, comme tous les trois ou cinq ans, et pour la prochaine tenue au bout d’un temps plus rapproché, et ce dans la ville qui sera choisie et indiquée, sans qu’il soit besoin de nouvelles lettres de Sa Majesté pour ces convocations périodiques, ni sans qu’il puisse y être apporté aucun obstacle. Les Etats généraux ne pourront établir une. commission intermédiaire, subsistant pendant le temps qu’ils ne seront pas assemblés. Et pour que l’établissement de la Constitution ne puisse être éludé ni différé, lesdits députés ne délibéreront sur aucun secours pécuniaire à titre d’emprunts, de subsides, ou autrement, avant que les droits ci-dessus, droits qui appartiennent autant à chaque citoyen individuellement qu’à la nation entière, soient invariablement établis et solennellement proclamés. Et après cette proclamation solennelle, et non autrement, nos députés useront du pouvoir que l’assemblée de l’ordre de la noblesse de cette sénéchaussée leur donne de consentir aux subsides qu’ils jugeront nécessaires, sur la connaissance détaillée qu’ils prendront de la situation des finances et des besoins de (1) Décrété quant aux cours souveraines et aux juges qui remplacent les Parlements. Je dois ajouter que je n’ai point approuvé la suppression de l’ancienne magistrature. Les Parlements, et généralement tous les tribunaux exigeaient de grandes réformes, mais ces corps respectables par leur antiquité, par leur attachement aux formes conservatrices de la liberté et de la propriété, étaient un des plus fermes soutiens de la monarchie et de l’indépendance de la nation. Il y avait des abüs, je le sais ; on pouvait détruire les abus et conserver les corps. D’ailleurs, est-il politique de renverser tous les pouvoirs intermédiaires entre deux grandes autorités essentiellement ennemies, dont l’une des deux triomphera nécessairement un jour. Pour peu que la balance penche un peu en faveur du Corps législatif, ou en faveur du monarque, la nation est asservie. Il faudra donc encore une insurrection pour ramener l’ancien ordre des choses, ou pour en créer un nouveau. Mon opinion, lorsque l’Assemblée a prononcé sur ces grandes questions, a été conforme aux principes que j’établis. [Assemblée nationale.] Cela s’est fait, et la dette publique a été consolidée. Celâ s’est fait. Tous les impôts et droits mentionnés dans l’article ont été supprimés, remplacés ou modifiés. Décrété. Décrété. Décrété. Nulle difliculté à l’exécution de cet article. Décrété. Tout cela s’est fuit. Décrété. La justice est gratuite. Décrété. Iis sont tous supprimés. Décrété. Egalement supprimés. Décrété. Décrété. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes 479 l’Etat rigoureusement démontrés, et après avoir opéré toutes les réductions dont la dépense sera susceptible. Les dépenses de l’Etat étant ainsi réglées, le montant de la dette publique, dont les titres auront été vérifiés, sera consolidé par les Etats généraux, et il en sera dressé un tableau exact et détaillé qui sera rendu public pendant la tenue même de leur assemblée. Ils prendront en outre connaissance de la quotité des impositions actuellement supportées par chaque province ; examineront les moyens de supprimer les aides, la gabelle, qui, suivant les expressions paternelles de Sa Majesté, est déjà jugée et condamnée; le franc-fief, le centième denier, la marque des cuirs, les entrées dans l’intérieur du royaume et autres droits vexa-toires, pour les remplacer par un subside moins à charge et moins gênant pour la liberté et la tranquillité. Les gentilhommes de ce ressort donnent également pouvoir à leurs députés et les chargent spécialement de substituer aux impôts, qui distinguent les ordres et tendent à les séparer, des subsides qui soient également répartis entre les citoyens de tous les ordres, en raison de leurs propriétés et facultés. Enfin les Etats généraux régleront la contribution particulière de chaque province, dans la masse totale des subsides qui sera de nouveau consentie et formée, soit de ceux qui peuvent être conservés, soit de ceux qui seront nouvellement octroyés. Ne pourront cependant lesdits subsides être accordés que jusqu’à la première* assemblée des Etats généraux, et ils seront limités et fixés dans leur produit, de manière qu’il soit impossible d’y donner aucune extension : les parlements, les autres cours et’ tous juges demeurent chargés de poursuivre et de punir, comme concussionnaire, quiconque aurait la témérité d’asseoir, répartir, lever ou accroître aucun subside non accordé par les Etats généraux, ou dont le terme, par eux fixé, serait expiré. De plus, nos députés seront chargés de proposer aux Etats généraux, d’examiner les moyens de procurer à la nation la réforme dont nos Godes civil, criminel, militaire, marchand et celui des chasses, peuvent être susceptibles; et attendu que les châtiments et les peines doivent être attachés à l’infraction des lois et non aux différences personnelles, les peines seront rendues égales pour tous, sans disiinction d’ordres ni de rang. La suppression de contrôle, sols pour livres, amendes, droits réservés des greffes et autres exorbitants qui forcent d’acheter la justice, qui devrait être gratuite. La suppression des tribunaux qui peuvent être inutiles, et notamment des tribunaux d’exception. Celle d’offices pareillement inutiles, et notamment ceux de jurés priseurs, offices de nouvelle création qui surchargent le peuple, et gênent la liberté des citoyens, des experts-jurés, greffiers de l’écritoire, receveurs des consignations, commissaires aux saisies réelles et autres de cette nature. La formation d’un nouvel arrondissement des tribunaux, tant à l’égard des parlements que des justices royales, et surtout relativement au parlement de Paris, dont le ressort paraît d’une trop grande étendue, même en lui laissant la prééminence qu’il peut être nécessaire de lui conserver. La supression des survivances dans quelque place que ce soit. Qu’aucune charge vénale ne puisse donner ni les privilèges de la noblesse, ni la noblesse héréditaire; mais que cette distinction ne puisse être accordée que pour de longs et utiles services rendus à l’Etat, et constatés par les suffrages des provinces (1). (1) La noblesse héréditaire a été abolie par lo décret du 19 juin 1790. Je n’entrerai point dans le détail de cette séance du soir, où la violation de toutes les règles, de tous les principes posés et reconnus par l’Assemblée elle-même, est manifeste; je ne rappellerai point l’indécente et ridicule parade d’une prétendue députation du genre humain, composée d’une trentaine d’aventuriers de Paris, revêtus d’habits d’emprunt, amenés à dessein à la barre de l’Assemblée, et y venant gagner un salaire convenu. J’aime mieux remettre sous vos yeux la protestation que je fis dans le tomps, parce qu’elle motive la nullité de ce décret. J’ajoute que la majorité de la noblesse ayant protesté en corps contre le décret du 19 juin, j’ai protesté de nouveau avec elle... (Voy. la Gazette de Paris , du 19 juin 1791.) Protestation de Charles Elie, marquis de Ferrières-Marsay, député de la noblesse de la sénéchaussée de Saumitr. Moi, soussigné, député aux Etats généraux, pour les gentilshommes de la sénéchaussée do Saumur, considé- 480 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] Décrété. L’abolition de toutes lettres de répit et arrêts de surséance, sauf les ménagements nécessaires à l’égard des négociants, des commerçants et des citoyens hors du royaume pour causes légitimes. L’augmentation de la maréchaussée. Décrétée. Elle est révoquée. La loi de l’inaliénabilité des domaines pourra être révoquée, et dans le cas où les Etats généraux y trouveraient quelques obstacles, ou ne croiraient pas devoir demander ou consentir cette abrogation pendant la prochaine tenue, il serait utile qu’ils ordonnassent la confection d’un état exact et détaillé des biens domaniaux, dans lequel seraient compris et distingués ceux actuellement tenus en apanage, et de le rendre public parla voie de l’impression. Décrété. Généralement dans Les Etals généraux seront invités à prendre connaissance d’une l’abolition des droits féodaux. déclaration rendue en 1786, sur les réclamations du parlement de Bordeaux, en conséquence de laquelle les alluvions et atterrissements qui se réunissent de moment à autre aux propriétés situées le long des rivières navigables, ont été déclarés appartenir aux propriétaires particuliers de ces héritages adjacents aux fleuves et rivières, eu compensation du terrain que le cours des eaux leur enlève journellement; déclaration dont il paraît juste de faire une loi générale pour tout le royaume, sans néanmoins que l’on puisse induire de celte loi, ni de la demande qui vient d’en être faite, qu’il puisse être porté aucun préjudice au droit des seigneurs à qui lesdits alluvions et atterrissements appartiennent en vertu de leurs titres particuliers. Décrété. 11 paraît également juste et nécessaire : 1° Que les Etats généraux statuent sur la dette du clergé ; 2° d’assigner dans chaque diocèse un fonds sur les économats pour l’entretien et réparation des églises et des presbytères; 3° de chercher les moyens d’obliger les titulaires de bénéfices à faire annuellement leurs réparations, ou du moins de prendre telles précautions que leurs successions ne se trouvent pas absorbées, comme il arrive journellement, pour remplir à leurs décès, leurs obligations à cet égard; 4° d’obliger les nouveaux possesseurs de bénéfices et commenderies à maintenir les baux de leurs prédécesseurs, à moins qu’il n’y eût lésion légalement constatée (1). rant qu’en m’envoyant aux Etats généraux, mes commettants m’ont prescrit de la manière la plus positive, de consentir, de provoquer même tout ce qui pourrait contribuer à la réforme des abus et à la décharge du peuple; qu’ils m’ont enjoint de faire pour son soulagement, les plus grands sacrifices; mais qu’ils m’ont formellement ordonné de m’opposer à ce qui pourrait les dégrader, soit dans leurs personnes, soit dans leurs possessions. Considérant que le décret du 19 juin 1790, qui supprime en France la noblesse héréditaire, attaque non seulement les gentilshommes du Saumurois dans leurs personnes, mais qu’il les attaque encore dans leur propriété la plus chère, celle de la noblesse, propriété qu’un gentilhomme ne saurait ni perdre, ni aliéner, dont aucun pouvoir humain ne peut le dépouiller, puisqu’elle ne fait qu’un avec lui. Considérant de plus que ce décret est contraire à d’autres décrets, et notamment à l’article S de la déclaration des droits de l’homme, qui dit : que toute propriété est un droit inviolable et sacré, et que nul ne peut en être privé; qu’il est également contraire à l’article 11 du décret du 4 août 1789, lequel dit : Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités. Ce qui est une reconnaissance formelle de l’existence de la noblesse, et un maintien constitutionnel de cette même noblesse, à ceux qui en jouissaient à cette époque. Considérant enfin que le décret du 19 juin 1790, qui supprime en France la noblesse héréditaire, a été rendu contradictoirement aux règlements adoptés par l’Assemblée: règlement, qui subsistait dans son entier le 19 juin 1790, avait force de loi et qui, par conséquent, frappe de nullité tous les décrets rendus contradictoirement aux règles qu’il prescrit. En effet, un article du règlement statue que mille loi constitutionnelle ne sera proposée aux assemblées du soir ; mais que toutes seront proposées dans les assemblées du matin. Un autre article ajoute que toute loi constitutionnelle sera discutée pendant 3 jours. Or, ces deux articles du règlement ayant été invoqués hautement par tous les députés de la noblesse, et par une grande partie de ceux du clergé, l’Assemblée, sans égard à leurs justes réclamations, ayant proposé et rendu son décret du 19 juin, dans une séance du soir, je déclare, tant au nom de mes commettants qu’en mon propre et privé nom, que je proteste contre le décret du 19 juin 1790, qui supprime en France la noblesse héréditaire; que je le regarde comme non avenu; que j’en appelle au roi, chef suprême de la noblesse du royaume, et à la nation garante des droits de tous les individus. A Paris, ce vingt-six juin mil sept cent quatre-vingt-dix. Le marquis de Ferrières, député de Tordre de la noblesse de Saumur et pays Saumurois , aux Etats généraux. (1) Je n’ai point approuvé la nouvelle Constitution civile du clergé : je la crois mauvaise à beaucoup d’égards, peu propre à donner à la religion de bons ministres, à leur concilier l’estime et la confiance qu’ils doivent inspirer au peuple. Je n’ai point protesté contre le refus que fit l’Assemblée, le 13 avril 1790, de déclarer la religion catholique religion d’Etat, parce que la tolérance est pour moi un des premiers principes religieux, que cette déclaration me semblait peu nécessaire, puisque le refus de l’Assemblée ne changeait rien à l’ancienne existence de la religion catholique en France, elle n’a jamais clé reconnue constitutionnellement religion d’Etat. J’ai cependant été d’avis que l’Assemblée fît cette déclaration, ne fût-ce que pour rassurer les âmes timorées, et j’ai opiné conformément à cet avis. J’ai désapprouve d’une manière plus formelle le décret sur le serment des prêtres fonctionnaires publics : il est injuste, tyrannique, impolitique même. La destitu- 4SI [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] Décrété. Décrété dans l’abolition des droits féodaux. Décrété. Partages égaux. Ces articles sont inutiles par la réunion de la sénéchaussée de Sanmur au département de Maine-et-Loire ; et par la nouvelle forme delà représentation nationale. Nos députés consentiront, pour notre ordre, à ce que les Etats s’occupent : 1° des moyens d’ouvrir la liquidation et remboursement, au denier qui sera fixé par l’Assemblée nationale, de tous les droits féodaux qui seraient considérés par elle, comme contraires à la liberté des citoyens, ou nuisibles à l’agriculture et au commerce; 2° d’un règlement général portant fixation de; largeurs nécessaires à donner aux chemins de traverse et ruraux» nonobstant la diversité de cette fixation, établie par plusieurs coutumes, et notamment celle d’Anjou ; 3° ils pourront suppléer au silence de la coutume d’Anjou, sur la question de savoir à qui des seigneurs hauts justicier, ou des riverains, appartiennent les arbres existant le long des chemins, dans l’étendue de leur haute justice; les gentilshommes de ce ressort consentent à ce que le silence de la coutume soit rompu en faveur des riverains, sans aucun examen de leurs droits à cet égard, pourvu toutefois qu’il soit établi par le règlement ci-dessus demandé, que les arbres qui resteront sur les chemins, soient placés à une distance telle, que lesdits chemins puissent devenir viables et commodes; 4° ils pourront également changer l’article de la coutume d’Anjou, relativement au partage entre nobles et surtout à l’égard des puînés mâles, qui, par une disposition particulière à cette coutume, et véritablement rigoureuse, ne sont appelés qu’en usufruit, aux successions qui leur sont directes (1). Après avoir ainsi posé les premières et principales bases d’une Constitution légitime, après avoir exposé les abus généraux et particuliers qu’il est urgent de réprimer, les gentilshommes de ce ressort ne se croient pas permis de dissimuler qu’ils ont été vivement alarmés de l’égale représentation accordée au clergé pour les Etats généraux : et quoique le règlement qui établit cette proportion dût être considéré comme de simples instructions, (tes avis, des conseils que Sa Majesté a bien voulu donner aux bailliages, pour leur faciliter les moyens de forme'’ leur première assemblée, et non pour les astreindre à son exécution, nos rois n’ayant jamais été dans l’usage de joindre aucun règlement à leurs lettres de convocation ; les gentilshommes de ce ressort s’étant néanmoins soumis à son exécution, par reconnaissance pour les internions bienfaisantes de Sa Majesté, ont arrêté : Qu’ils réclameront dans toutes les occasions une représentation double de celle du clergé, ainsi qu'elle a été accordée au Dauphiné pour ses Etats provinciaux, et pour l’Assemblée nationale. Qu’ils seraient fondés à ne pas se présenter aux E'ats généraux dans une proportion aussi injuste, ou à ne point exécuter, dans celte disposition, le règlement envoyé par le roi; mais la nation ne pouvant être régénérée que par le retour de ses Assemblées nationales, elle n’aura point à reprocher à la noblesse française de l’avoir retardée par des intérêts d’ordre ou du corps. En conséquence, ils protestent formellement, mais pour l’avenir, contre la représentation du clergé égale à la leur. Ils prolestent également contre l’inégalité de représentation accordée au pays Saumurois, par une seule députation, s'en rapportant aux prochains Etats généraux, pour lixer le nombre des députés d’une manière plus proportionnelle, eu égard à l’étendue, à la population et aux contributions de ce ressort. L’ordre de la noblesse crut devoir aussi récla-mercontre la réductiondu tiers Etat dans les bailliages, avant de procéder à l’élection de ses députés; cette opération lui paraissant vicieuse et sujette à de grands inconvénients. Le député qui sera par nous élu, est autorisé à rendre compte à celui que nous avons arrêté de nommer pour le suppléer, des opéraliuns de l’Assemblée nationale, et ce afin que le lit suppléant puisse être en état de remplacer immédiatement notre député dans l’Assemblée des Etals généraux, vacance arrivant par mort ou démis don forcée pour cause de maladie. En manifestant ses intentions et ses vœix, l’ordre de la noblesse de ce ressort n’entend point prescrire à ses dénutés un plan tellement fixe et circonscrit, qu’il ne puisse aucunement s’en tion des évêques et des curés qui ont refusé de le prêter, est une violation manifeste de tous tes droits les plus sacrés : je m’y suis opposé de tout mon pouvoir. (I) J’aurais consenti volontiers, d’après l’autorisation de mon mandat, à 1 abolition des droits féodaux vraiment oppresseurs pour le peuple ; mais je n’ai pu consentir à la subversion totale des propriétés de la noblesse, à la suppression de la dîme, suppression fictive remplacée par un impôt plus onéreux, puisqu’il n’a point pour base le plus ou moins d’abondance de la récolte. L’art avec lequel la séance du 4 août au soir fut préparée, les moyens dont on se servit pour obtenir des sacrifices que la nation n’avait pas le droit d’exiger, que les députés n’avaient pas le droit de faire, l’extension forcée que l’on donna dans la rédaction des décrets cà des abandons généreux qui méritaient toute la reconnaissance du peuple; le refus d’écouter les sages observations du roi, la hauteur avec laquelle on exigea impérieusement sa sanction : tout dans cette affaire dénote la précipitation, la violence, et me paraît contraire aux principes de la justice et de l’équité. 31 lre Série. T. XXXII. 48-2 [Assemblée nationale.] écarter ; au contraire, il déclare dès à présent qu’il s’en rapporte à leurs lumières, à leur prudence, et surtout à leur intégrité, pour l’application et l’extension des principes contenus dans ces instructions. Convaincu de leur importance, il croit devoir ordonner à ses députés d’en faire la base de leur conduite, de n’en pas contrarier les vues; et relativement à la reconnaissance des droits de la nation, et à rétablissement de la Constitution, lesdits députés, loin de pouvoir s’écarter de ce qui leur est prescrit, seront soumis aux conditions qui leur ont été ci-dessus imposées, ce ne sera que par leur fermeté à faire constater ces principes, et reconnaître nos droits, qu’ils pourront répondre à la confiance de l’ordre et mériter son estime. Signé : Le marquis de Maillé; Guislard : comte de Monsabert; Ferrières de Marsay; Descajeul; Desmédu Puygirault; Daviau de Piolan ; Boulay du Martray, absent-, le comte de la Motte-Baracé, absent. Collationné les instructions et pouvoirs donnés par MM. de l’ordre de la noblesse, ci-dessus, et des autres parts, conformes à l’original déposé au greffe de ia sénéchaussée de Saumur, par nous greffier dudit siège, soussigné. Sauzay, greffier. Vous voyez, Messieurs, par le court exposé que je viens de mettre sous vos yeux, que tous ies articles du mandat que vous m’avez donné, ont été successivement décrétés par l’Assemblée nationale; les uns p esque dans les mêmes termes que vous les aviez rédigé ; les autres avec une extension à laquelle je me suis opposé, et à laquelle vous vous seriez opposés vous-mêmes. L’Assemblée nationale ayant aboli les mandats impératifs, et délié, en quelque sorte, les députés du serment qu’ils avaient prêté à leurs commettants, je ne me suis point cru dégagé, par cette décision illusoire, de l’obligation que j’avais contractée en acceptant l’honorable emploi de vous représenter aux Etats généraux. Je vous déclare donc, Messieurs, je déclare à la France entière, que j’ai obéi avec la plus grande fidélité aux ordres que vous m’avez donnés; que je n’ai consenti, ni pour vous, ni pour moi, à aucun décret contraire à mon mandat; que je n’ai pas même profité de la liberté illimitée que vous m’aviez laissée sur certains objets. Je citerai la réunion des ordres et le votement par tête. J’étais autorisé à décider moi-même cette importante question, et cependant je n’ai point voulu la décider, parce que j’en prévoyais les tristes conséquences. Je n’ai passé dans la Chambre des communes que le 27 juin 1789, de l’exprès commandement du roi, et avec la majoritédelanoblesse. Tant que cette mêmenoblessé a formé une chambre séparée, je me suis constamment tenu attaché à la majorité, parce que les principes qui la guidaient m’ont paru plus favorables au gouvernement monarchique, aux droits des individus, qu’ils tendaient d’une manière plus directe au I [Annexes.] but pour lequel nous avions été envoyés ; qu’en réformant les abus, en établissant un ordre de choses fixe, invariable, on eût opéré plus sûrement la régénération de l’Empire et l’on eût évité des changements brusques, violents, toujours dangereux à certaines époques de la civilisation d’un peuple, toujours funestes au bonheur des individus. Réuni aux communes, et fondé sur les mêmes motifs, je me suis attaché ave • la même constance au parti de la minorité nommé vulgairement le côté de l’Assemblée; j’ai lutté conjointement avec mes respectables collègues centre les entreprises ouvertes, les me-néiS secrèies, les cabales, les violences des démagogues et des républicains. Voulant conserver une entière indépendance, je n’ai été d’aucun club, je ne me suis initié à aucun conciliabule. Ennemi de l’mtrigue et par caractère et par principes, je n’ai point recherché les nominations aux comités, ni les dignités de l’Àss; mblée. Convaincu par une expérience de tous les jours qu’il était impossible de faire le bien, je me suis borné à empêcher le mal autant qu’il était en mon pouvoir, et me restreignant à la seule fonction de voter d’après mes lumières et selon rua conscience, je me suis renfermé dans une nullité dont je n'aurais sorti qu’en embrassant des partis extrêmes également contraires à n on jugement, à ma raison et à mon amour pour le bien. Je ne crains donc point, Messieurs, de soumettre ma conduite et publique et privée, à l’examen le plus sévère. Si la calomnie ou la prévention nécessitent des éclaircissements, je les donnerai tous dans le plus grand détail, et avec la plus grande publicité. J’ai trop d’intérêt à justifier la confiance dont vous m’avez honoré, pour ne pas m’efforcer de prouver que je n’en étais pas indigne. Mes talents et mes moyens n’ont peut-être pas répondu à mon zèle, ni à l’idée favorable que vous avez conçue de moi : c’est un malheur sans doute; mais ce n’est pas une perte pour vous; car j’ose vous assurer que nul homme au monde, q ue Mirabeau lui-même, n’eût pas empêché ce qui s’est fait. Avant de finir, il faut dire un mot des protestations et des déclarations. Il s’en est fait beaucoup. Les unes expriment des opinions et des principes qui sont les miens, réservent desdroits que vous avez vous-mêmes réservés; je les ai adoptées ; les autres étrangères à mon mandat, à vos intérêts personnels, à l’intérêt même général, contiennent des vues particulières, des opinions qui, dans leur totalité, ne sont pas les miennes ; je m'y suis refusé : je ne blâme pas ceux qui ont cru devoir les faire; leurs motifs sont louables, j’ai vu différemment. C’est au temps seul à prononcer si je me suis trompé. Je suis, Messieurs, avec respect, votre très humble et obéissant serviteur, de Ferrières, député de Saumur. Paris, ce 14 septembre 1791. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.