140 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] îérés dans les prisons royales de Marseille, pour y être jugés en dernier ressort; « 2° Que la copie des requêtes présentées par trois des accusés au prévôt général de Provence, au bas desquelles sont les conclusions et les ordonnances des 20 et 25 novembre dernier, sera envoyée au procureur du roi du Châtelet, pour y être donné les suites convenables. » M. l’abbé Maury. Je persiste dans mes conclusions de mardi dernier, et je demande que le prévôt, les accusés et la municipalité soient renvoyés au Châtelet; le prévôt, comme prévenu du crime de lèse-nation ; les décrétés, pour être jugés en vertu d’attributions nouvelles que vous donnerez à cet effet au Châtelet; et la municipalité pour s’être arrogé tous les pouvoirs. M. Duval d’Eprémesnil demande la division du projet de décret du comité. M. Castellanet. La municipalité est au-dessus du blâme de ceux qui l’accusent. Je ne chercherai point à le prouver. M. Charles de Lameth. M. l’abbé Maury demande la priorité pour ses conclusions; je ne la demande pas pour l’avis du comité; un instant de rivalité serait injurieux pour lui: je demande seulement la question préalable sur les conclusions de M. l’abbé Maury. M. *** demande la priorité pour le projet de décret de M. Faydel. Cette demande est rejetée. — La division du projet du comité est adoptée. On lit la première partie. M. le marquis Guilhelm de Clermont-Lodève propose en amendement de renvoyer l’affaire à la sénéchaussée d’Aix, au lieu de celle de Marseille. M. Fréteau appuie cet amendement, sur les motifs de l’affinité inévitable qui se trouvera entre les juges et les décrétés. M. le comte de Mirabeau. Quelque répugnance que j’aie à être d’un autre avis que le préopinant, plusieurs raisons m’empêchent de penser comme lui. Je lui demande comment il établit l’affinité des accusés avec le tribunal de la sénéchaussée de Marseille, et si les mêmes motifs ne pourraient pas être opposés à tout autre tribunal de la Provence ?... Je conclus à ce que le décret du comité soit mis aux voix, de manière que la seconde partie soit décrétée la première. L’amendement de M. de Clermont-Lodève est écarté par la question préalable. La première partie du projet du décret du comité est adoptée. Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationate, ouï son comité des rapports, décrète que, conformément à son décret du 8 décembre dernier, son président se retirera par devers le roi pour supplier Sa Majesté de faire renvoyer par-devant les officiers de la sénéchaussée de Marseille, les procès criminels, instruits depuis le 19 août dernier, par le prévôt général de Provence, contre les sieurs Rebecqui, Granet, Paschal et autres, et d’ordonner que ceux des accusés qui étaient détenus en suite des décrets de prise de corps, lancés par ce prévôt, seront transférés dans les prisons royales de Marseille, pour y être jugés en dernier ressort. » La seconde partie du projet de décret du comité est ensuite mise aux voix. Une première épreuve est douteuse. Une seconde épreuve a lieu. La seconde partie est rejetée. M. Guillaume propose de charger le président d’écrire au conseil de la commune de Marseille qui a dénoncé le sieur de Bournissac à l’Assemblée, pour le féliciter sur la manière dont ses membres se sont acquittés du premier de leurs devoirs, en réclamant contre les vexations dont ils croyaient que leurs concitoyens étaient victimes. Les murmures empêchent l’orateurdecontinuer. La proposition n’est pas mise aux voix. M. le Président lève la séance à dix heures et demie, après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du vendredi 12 mars 1790 (1). M. le Président ouvre la séance à 9 heures du matin. Deux de MM. lei secrétaires donnent lecture des procès-verbaux des deux séances d’hier. 11 ne s’élève pas de réclamation. M. Cochelet, député de Charleville , fait une motion portant que les membres du Corps législatif ne pourront être ni électeurs ni éligibles aux élections des assemblées primaires de district et de département. L’orateur s’exprime en ces termes : Messieurs, les assemblées primaires, celles de départements et de districts vont se former: leurs élections doivent se faire d’après les principes de la Constitution, sans aucune influence particulière des membres du Corps législatif. Cependant, Messieurs, plusieurs membres de cette assemblée, les uns sous prétexte de devoirs pastoraux, d’autres sous prétexte d’affaires, et d’autres par raison de santé, se sont déjà rendus et se disposent à se rendre dans les lieux de ces élections. Vous verriez ainsi déserter partiellement l’Assemblée nationale, et ses membres aller solliciter les suffrages dans les élections, soit en faveur de leur ville, soit en faveur de leur personne. Vous avez, Messieurs, laissé au choix des électeurs, tantôt le lieu delà première assemblée, tantôt la fixation des chefs-lieux des départements, souvent la liberté d’alterner et presque toujours le partage des établissements utiles. On ne peut se dissimuler que les réclamations d’un membre du Corps législatif, présent aux assemblées des électeurs, ne fussent d’un grand poids sur leur détermination, parce qu’à l’autorité des raisons se joindrait celle de l’opinion. Mais cet ascendant serait presque irrésistible pour rallier les suffrages en faveur d’un homme honoré de la confiance publique et qui joindrait à ce titre la reconnaissance due à dix mois de travaux continuels pour la patrie. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 mars 1790.] \M Nous devons prévenir, Messieurs, ces deux dangers, assurer la liberté naissante des élections dans toute sa pureté, et en rappelant aux membres de l’Assemblée, le serment de ne pas en désemparer avant que la Constitution soit achevée, priver du droit d’éligibilité ceux qui auraient quitté ou quitteraient leur poste pour aller solliciter les suffrages dans les prochaines élections. , , C’est, Messieurs, l’objet du décret que j ai 1 honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale décrète qu’aucun de ses membres ne doit être présent dans les lieux des prochaines élections des assemblées primaires de départements et de districts; et que ceux de ses membres absents, qui seraient dans les lieux de ces prochaines élections, ne pourront être ni électeurs, ni éligibles. » Le projet de décret de M. Gochelet est fort applaudi. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Sans contredit, un citoyen ne peut exercer en même temps des fonctions dans les assemblées administratives et dans le Corps législatif; mais je demande que tout autre membre de l’Assemblée soit exclu de l’éligibilité, par cela seul qu’il se trouve dans la province où se font les élections. Voici ma motion : « Ceux des membres de l’Assemblée nationale qui sont actuellement dans les provinces, ne pourront être électeurs ni éligibles, ni même se présenter dans les assemblées de districts et de départements. » (Cet amendement est très applaudi.) M. üaurissart. Les deux préopinants sont trop modérés. La correspondance supplée aisément à la présence. Je demande qu'aucun membre de l’Assemblée nationale ne puisse être électeur ou éligible. M. de Sinéty. Je réclame la priorité pour la motion que j’ai déjà faite, et qui tendait à ce que tout membre du Corps législatif fût déclaré incapable de toute espèce d’éligibilité. M. Guillaume propose un autre projet de décret. Le voici: « L’Assemblée nationale décrète que toutes fonctions dans les assemblées administratives sont incompatibles avec celles du Corps législatif. « En conséquence, aucun de ses membres actuels, ni aucun de ceux qui auraient donné ou qui donneraient par la suite leur démission, ne pourront paraître aux assemblées primaires, ni être électeurs ou éligibles pour les assemblées de districts et de départements. » Cette incapacité aura lieu non seulement pendant la durée de la législature actuelle, mais encore pendant les deux années qui la suivront. » M. Bureaux de Pusy. J’adopte et j’appuie la motion de M. Cochelet et l’amendement de M. Regnaud : tout ce qui a été ajouté est inutile, s’il n’est pas dangereux. Exclure des affaires publiques tous les membres de l’Assemblée nationale, ne serait-ce pas faire le mal des administrés? La plupart de nos collègues sont des magistrats, ils ont passé leur vie dans l’étude des lois, ils deviendront précieux dans les nouveaux tribunaux; ne serait-il pas dangereux de les en exclure ? Je n’irai pas plus loin, et je demande la question préalable sur toute proposition. (L’Assemblée nationale décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur toute autre proposition que sur la motion de M. Cochelet et l’amendement de M. Regnaud.) M. Iwe Bois-Desguays. En s’attachant aux termes de la motion, on pourrait être à une demi-lieue de la paroisse où se tient l’assemblée, et influer directement sur les élections. 11 est indispensable d’adopter l’amendement de M. Regnaud. M. Martineau. La motion et l’amendement ont l’un et l’autre le même sens: on pourrait rédiger ainsi le décret: « Aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra être présent aux élections, et n’y pourra être ni électeùr, ni éligible. » M. de rVoailles. Il y a une incompatibilité manifeste entre les fondions du pouvoir administratif et celles du pouvoir législatif: il faut déclarer formellement cette incompatibilité : elle ne prononcera rien relativement aux élections dans les tribunaux, parce qu’elle ne peut pas porter sur les places qui sont à vie. M. Destutt de Tracy. Les propositions de MM. Martineau et de Noailles rentrent absolument dans celles que nous venons d’écarter par la question préalable. M. Boutteville-Dumetz. Il s’agit d’un article constitutionnel. Il est nécessaire d’établir des différences entre les fonctions administratives et les fonctions judiciaires à vie. Je demande le renvoi au comité de constitution. (L’Assemblée renvoie les différentes motions au comité de constitution, et charge ce comité d’en rendre compte lundi prochain.) M. le Président. M. le premier ministre des finances vient de m’adresser un mémoire relatif à l 'établissement d’un bureau de trésorerie. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture tout de suite ou après le rapport de son comité des finances sur le même objet ? (L’Assemblée décide que le rapport du comité des finances sera d’abord entendu.) M. le marquis de Montesquieu, au nom du comité des finances, monte à la tribune et fait un rapport sur le mémoire de M. le premier ministre des finances, lu dans la séance du 6 mars (1). Ce rapport est ainsi conçu: Messieurs, lorsque le premier ministre des finances vint dans cette Assemblée, le 14 novembre dernier, vous entretenir de la situation pressante du Trésor public, et des projets qu’il méditait pour l’avenir: « Ce sera, vous disait-il alors, l’objet d’un second mémoire, où l’arrangement final des finances sera traité. Mes idées sont arrêtées à cet égard ; mais j’attends, pour vous en rendre compte, que l’on sache positivement le résultat des économies que vous avez exigées du département de la guerre. » Quoique la dépense de ce département soit encore incertaine, pressé par les circonstances ; pressé par l’état de sa santé, et sans doute pour obéir à votre décret du 26 février, M. Necker vous a adressé, le 6 de ce mois, un mémoire dont vous (1) Le Moniteur ne donne qu'un sommaire du rapport de M. le marquis de Montesquieu.