m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1789.] Une nouvelle épreuve ne produit encore qu’un résultat douteux. On demande l’appel nominal, en observant qu’il servira à l’exécution du décret du 15 de ce mois, et constatera le nombre des membres absents. M. le marquis de Bonnay propose de poser ainsi la question : Y aura-t-il à l'avenir des lettres de surséance ? On remarque que le règlement réprouve toutes motions incidentes et nouvelles. L’Assemblée adopte cette manière de poser la question. M. le vicomte de ffoailles. Je pense qu’elle doit être rédigée ainsi : « Aucun arrêt du conseil ne pourra accorder à l’avenir des lettres de surséance, et l’effet de celles déjà accordées cessera à compter de ce jour. » M. le Couteulx de Canteleu, qui était absent pendant la discussion, arrive dans ce moment, et plaide pour la Caisse d'escompte. Il dit que ce décret serait dangereux s'il était rétroactif, qu’il attaquerait cette Caisse, dont le mouvement est encore nécessaire au crédit public. Il demande que le décret soit suspendu, ou n’ait point d’effet rétroactif. M. le comte de Mirabeau. Je demande l’ajournement de toute motion concernant les arrêts de surséance, ou particuliers ou publics. Pourquoi voulez-vous souiller votre Constitution du mot de surséance, qui doit être aboli ? Quel rapport a celte question avec le principe que vous voulez consacrer? Enfin, l’on va aux voix; la question sur la surséance est ajournée. La motion principale est décrétée en ces termes : « Aucun failli, banqueroutier ou débiteur insolvable, ne pourra être, devenir, ni rester membre d’aucun conseil ou comité municipal, non plus que des assemblées provinciales, ou de l’Assemblée nationale, ni exercer aucune charge publique municipale. » M. le Président fait part d’un nouveau mémoire des ministres, et d’une lettre de M. le garde des sceaux, conçue à peu près en ces termes : « Voici encore un mémoire que l’amour du bien public et le désir de s’entendre avec l’Assemblée nationale ont dicté aux ministres du Roi ; nous espérons que vous voudrez bien en donner lecture à l’Assemblée. J’ai l’honneur d’être, etc. » M. le Président consulte le vœu de l’Assemblée pour savoir si elle veut entendre le mémoire des ministres. L’Assemblée répond unanimement pour l’affirmative, et M. Alexandre de Lameth,un de MM. les secrétaires, en fait lecture. MÉMOIRE ADRESSÉ PAR LES MINISTRES DU ROI à l'Assemblée nationale , le 27 septembre 1789 (1). Les ministres du Roi ont exposé à l’Assemblée (11 Le Moniteur ne donne qu’une analyse de ce mémoire. nationale le 14 octobre, leurs doutes sur quelques articles qu’elle a décrétés; le même motif, leur attachement à ses principes, leur impose de nouveau la nécessité de recourir à elle et de lui demander des éclaircissements sur ce qui concerne les colonies. Plusieurs îles florissantes et de vastes possessions continentales appartiennent à la France, dans les trois autres parties de l’univers. Leur climat, leurs productions, l’état civil et jusqu’à l’espèce physique du plus grand nombre des hommes qui peuplent et cultivent nos colonies, les rendent absolument dissemblables de la métropole. Leur organisation intérieure, les lois qui les régissent, le genre de leurs besoins, leurs rapports commerciaux, soit avec les nations étrangères, soit avec les négociants du royaume; l’administration de leur police, celle de leurs finances, le mode et la nature des impositions qu’elles supportent, établissent encore des disparités frappantes entre elles et les provinces européennes de la France. La plupart de ces différences tiennent à la nature même et à l’essence des choses ; rien ne peut les changer, toutes les nations de l’Europe l’ont senti ; toutes regardent leurs possessions éloignées comme des Etats distincts et dépendant de la métropole ; toutes ont été contraintes à leur donner d’autres lois que celles de la mère patrie, même en cherchant à les y assimiler autant qu’il serait possible par les formes du gouvernement et par les formes de l’analogie. Ces considérations ont fait présumer au Roi que l’Assemblée nationale s’occuperait séparément d’une portion de la monarchie aussi importante et aussi dissemblable de ses autres parties ; il avait résolu qu’il n’y serait fait ni toléré d’innovation en aucune matière jusqu’à ce que l’Assemblée nationale eût spécialement décrété le régime et les lois qui seront jugés convenir à ces contrées. Telle a été la réponse que le ministre de la marine a faite par ses ordres le 11 août dernier à plusieurs des demandes qu’avaient présentées MM. les députés de Saint-Domingue. Depuis cette époque l’Assemblée nationale a rendu beaucoup de décrets, et ils ont été envoyés ou vont l’être dans toutes les provinces du royaume : doivent-ils être transmis et exécutés de meme dans les colonies, quoique l’Assemblée nationale ne l’ait point requis? On croit nécessaire de faire observer à l’Assemblée nationale que plusieurs de ses décisions qui tendent à assurer le bonheur et la liberté des Français ne seraient pas sans danger, qu’elles produiraient peut-être une révolution subite et funeste dans des pays où les dix onzièmes des humains en cessant d’être esclaves resteraient dénués de toutes propriétés et de tout moyen de subsistances ; que l’exécution de divers autres décrets serait dans l’état présent des choses absolument impraticable, parce qu’il n’existe aux colonies aucune municipalité ou corporation : les citoyens qui s’y trouvent disséminés sur des habitations non-seulement séparées, mais assez éloignées les unes des autres, ne pourraient même qu’en fort peu de lieux se réunir pour tenir des assemblées permanentes, et vaquer aux détails journaliers dmne administration municipale. H est une foule d’autres réflexions qui tiennent pour ainsi dire à la localité et qu’on pourrait également soumettre à l’Assemblée nationale. Elle est priée de peser dans sa sagesse cette ques-