197 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 novembre 1790.] un intérêt de cinq pour cent qui sera acquitté à chaque échéance, et cette condition très juste sera, pour eux, un motif d’accélérer leur libération. Ainsi, toujours fidèles aux principes qui ont dicté vos premières dispositions, vous aurez satisfait à toutes vos vues en provoquant la prompte transformation des domaines nationaux en propriétés particulières, en favorisant surtout la division de ceux dont il est utile de multiplier le partage, et en assurant la rentrée prochaine d’une quantité considérable d’assignats dont Iss cendres salutaires seront le gage de la confiance publique. Vos comités vous doivent encore une observation importante relativement aux bois, dont vous avez provisoirement borné la vente à ceux dont l’étendue n’est que de cent arpents et au-dessous; cette suspension arrête beaucoup de soumissionnaires qui en avaient compris de plus considérables dans leurs demandes, plusieurs même ne poursuivraient pas les acquisitions qu’ils désiraient, si cette suspension devait durer longtemps. 11 est d’ailleurs une autre réflexion qui vous conduira vraisemblablement à donner à cet égard plus d’extension aux ventes que vous ne l’aviez d’abord projeté, et cette réflexion ne sera même pas contraire à celles contenues dans le rapport qui a précédé votre décret du 6 août. En effet, Messieurs, quelleestla raison principale qui vous a été présentée ? C’est la conservation des bois ; hé bien, ce sera la même que nous vous ferons valoir ajourd’hui, non pas pour vous proposer la vente totale des forêts nationales ; il en est que vous devez conserver au moins pendant un temps assez long encore, mais pour vous engager à vendre les taillis, et même les futaies au-dessous de trois cents arpents. Les bois de la première espèce sont susceptibles de grandes dégradations contre lesquelles l’intérêt et la soilicitude du propriétaire particulier seront une défense beaucoup plus sûre que les soins les plus vigilants d’une administration même nationale. L'œil du maître , a dit la Fontaine, et la Fontaine a souvent eu raison (1). On n’objectera point que l'intérêt des propriétaires particuliers les portera peut-être à défricher leurs bois pour en employer le sol à d’autres cultures; il est de fait que depuis plusieurs années en France on a bien plus planté que défriché de bois ; et lorsqu’une production qui, une fois établie ne coûte point defrais, rapporte encore beaucoup, personne n’est tenté de la changer contre d’autres dont le produit est moins certain. On pourrait supposer qu’un dissipateur, mais le nombre de ces hommes toujours moins considérable qu’on ne l’a pemé, le sera beaucoup moins sous la Constitution nouvelle, on pourrait, dis-je, supposer qu’un dissipateur vendrait une futaie dont le prix actuel le dédommagerait en apparence du tort réel qu’il se ferait à lui-même ; mais un dissipateur ne trouvera pas cette ressource dans la vente anticipée d’un taillis, ou dans sa destruction. Quant aux futaies, vos comités vous proposent de mettre en vente celles au-dessous de trois cents arpents, parce que ces parties isolées et petites sont exposées à des dommages fréquents, et ne (1) On a toujours vu les bois, soit domaniaux, soit communaux, beaucoup plus pillés que les bois voisins appar enant à des particuliers, et déjà la correspondance des départements nous fait voir que les craintes à cet égard ne sont que trop fondées. pourraient être gardées qu'avec de trop grands frais. En effet, Messieurs, un seul homme ne suffit pas pour garder uu bois, il en faut au moins deux, et une futaie qui n’a pas trois cents arpents ne supporterait pas le salaire de deux gardes. Ainsi vous offrirez aux aquéreurs des domaines nationaux une masse de biens considérable, qui, d’après les conditions nouvelles que vous allez prescrire, seront promptement payés, et vous conserverez la partie de ces domaines qui seul peut être administrée d’une manière utile au nom de la nation, et fournir à la marine de véritables secours. Mais en adoptant cette proposition que nous croyons convenable aux besoins du Trésor public, et même à tous égard avantageuse pour l’Etat, vous porterez sur la police des bois un œil attentif ; et plusieurs de vos comités, occupés déjà de préparer un règlement pour les forêts nationales, pourront vous présenter bientôt un projet de loi générale, qui sagement combinée fera fleurir cette branche précieuse de l’agriculture, en la débarrassant du régime oppresseur qui en arrêtait les progrès. Le projet de décret, que vos comités des finances et d’aliénation ont l’honneur de vous présenter, est le résultat des différentes vues qu’ils ont eu celui de vous exposer; et pour faciliter aux personnes qui voudront acquérir des domaines nationaux la connaissance de toutes les dispositions qui doivent leur servir de règle, ils ont eu soin d’y joindre les articles des décrets antérieurs qui y sont relatifs, afin que ces personnes n’aient a consulter que celui-ci. PROJET DK DÉCRET. Art. 1er Toutes les ventes de domaines nationaux àdes partirai iers, commencées en vertu des décrets des 14 mai, 25, 26 et 29 juin, s’effectueront suivant les formes et aux conditions prescrites par ies-dits décrets; et pour celles non commencées. toutes les opérations préliminaires qui auront été faites pour évaluations, estimations, etc., seroat continuées suivant les dispositions qui seront prescrites ci-après. Seront réputées commencées toutes les ventes sur lesquelles il y aura eu une séance d’enchères lors de la publication du présent décret. Art. 2. Les acquéreurs des biens désignés dans la classe première, article 3 du titre Ier du décret du 14 mai, continueront à jouir des facultés accordées par l’article 5 du titre III du susdit décret, pourvu néanmoins que l'adjudication leur en soit faite avant le 15 mai de l’année prochaine. Art. 3. Après ce terme, le prix des biens de la première clause sera partagé en dix dixièmes : les adjudicataires seront tenus d’eu payer deux dans le mois de l’adjudication, et ne pourront entrer en possession qu’après avoir effectué ce premier payement. Les huit autres dixièmes seront payés; savoir: un dans l’année de l’adjudication, un autre dans les six premiers mois de la seconde année, et ainsi de six en six mois, de maoière que la totalité du payement soit complétée en quatre ans et demi. Art. 4. Pour les autres espèces de biens, les payements seront faits ainsi qu’il suit : deux dixièmes dans le mois de l’adj uiicatio i, et avant (l’emrer eu pusse si m ; un dixième dans le second mois, et un dixième dans chacun des deux suivants; et les cinq autres dixièmes de six en six [2 novembre 1790-1 198 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLKMEMA1RES. mois, de manière que la totalité du payement soit effectuée dans le cours de deux ans et dix mois. Art. 5. Les intérêts des sommes dues s’acquitteront à chaque terme et seront au taux de 5 0/0 sans retenue. Pourront néanmoins les acquéreurs accélérer leur libération par des payements plus considérables et plus rapprochés, ou même se libérer entièrement à quelques échéances que ce soit. Art. 6. Ils seront soumis à la folle enchère, suivant les formalités prescrites par les articles 8 et 9 du titre III du décret du 14 mai, à l’égard des ventes qui seront consommées avant le 15 mai prochain ; et quant à celles postérieures à cette époque, la première enchère qui sera faite, faute de payement, aura lieu une quinzaine après l’expérience de l’un des termes de payement, sans autre formalité que la signification de l’enehère au premier acquéreur. Ils seront aussi soumis à la surveillance des corps administratifs pour leurs jouissances, jusqu’à parfait payement, ainsi qu’il est prescrit par l’instruction du 31 mai, et par l’article 9 du décret des 25, 26 et 29 juin. Art. 7. Les payements seront faits aux caisses de districts, ou à la caisse de l’extraordinaire ; mais dans ce dernier cas l’adjudicataire fera passer sur-le champ au trésorier du district la quittance du receveur de l'extrraordinaire, pour que ce premier justifie au directoire du payement effectué. Les intérêts cesseront au prorata des payements faits dans l’une ou dans l’autre caisse. Art. 8. L’Assemblée nationale excepte de la réserve provisoirement prononcée par son décret du 6 août dernier : 1° Tous les bois actuellement emménagés en taillis de 25 ans et au-dessous; 2° Tous les bocquetaux, mêine futaie, dont l’étendue est moindre que 300 arpents, mesure d’ordonnance. Et ordonne à ses comités des domaines, des finances, ecclésiastique et d’aliénation, de lui présenter incessamment un projet de loi générale pour la police des bois. Art. 9. Aussitôt que le prix aura été mis par uneou plusieurs personnes à un lot d’estimation ou d’évaluation, le directoire du district indiquera, par publication et par affiche, la première séance d’enchères, pour le huitième jour au plus tôt et pour le quinzième au plus tard après celui de la mise à prix, et l’adjudication définitive se fera quinze jours après celui de la première enchère. Art. 10. Les biens affermés, à l’exception des bois, maisons ou usines, lorsque ces objets seront la partie notablement la plus considérable du bail, seront évalués sur le prix de ce bail, sans autre estimation ni ventilation; le revenu de ceux non affermés sera estimé, le tout dans les formes prescrites par l’instruction qui sera jointe au présent décret. Art. 11. Toutes personnes qui voudront acquérir des domaines nationaux, pourront s’adresser au directoire du district ou à celui du département où les biens sont situés, ou même au comité d’aliénation. Le directoire du district sera tenu dans la huitaine de la réception de la demande, soit directe, soit renvoyée, de fixer l’évaluation de l’objet demandé d’après le prix du bail, ou d’en faire faire l’estimation dans le même délai, et ne commettra qu’un seul expert. Art. 12. Si, dans la huitaine, l’évaluation ou l’estimation n’étaient point achevées, les personnes qui voudront acquérir se feront délivrer, le huitième jour, par le secrétaire de l’administration du district, qui ne pourra le leur refuser, un certificat constatant le retard, au moyen duquel elles pourront s’adresser au directoire du département, qui, sur-le-champ, fera l’évaluation, ou fera procéder à l’estimation, et commettra un expert, s’il y a lieu. Art. 13. Enfin, si l’opération éprouvait un retard de plus de quinze jours au directoire du département, les personnes qui voudront acquérir se pourvoiront d’un certificat du secrétaire de ce directoire, ainsi qu’il est dit ci-dessus pour le secrétaire du district, et s’adresseront au' comité d’aliénation de l’Assemblée nationale, qui y fera procéder 8ans aucun retard, et commettra, s’il le faut, un expert. Art. 14. Aussitôt que l’évaluation et l’estimation seront faires, les personnes qui auront fait la demande, devront, si elles persistent dans l’in* tention d’acquérir, faite, par elles-mêmes ou par un fondé de pouvoirs, leur soumission pour l’objet demandé, au prix de l’évaluation ou de l’es-timatiou, dans les proportions prescrites, pour les diverses classes de biens, par l’article 4 dn titre premier du décret du 14 mai. S’il se trouve dans le lot demandé des biens de diverses classes, l’offre du denier vingt suffira, excepté pour les maisons ou usines, lorsqu’elles seront la notable partie du bail, auquel cas l’offre pourra n’être que de quinze fois le revenu. Toute autre personne qui ferait des offres semblables, forcera pareillement l’ouverture des enchères, quoique la première demande n’ait pas été formée par elles. Art. 15. On comprendra dans un seul lot d’évaluation ou d’estimation, la totalité des objets compris dans un même corps de ferme ou de métairie, ou exploités par un seul particulier, sans employer la ventilation pour les objets compris dans un même bail. Art. 16. Les dispositions du décret du 14 mai, de l’instruction du 31 du même mois, et du décret des 25, 26 et 29 juin, seront suivies par les affiches et publications, et pour la forme des enchères ; mais les bougies seront proportionnées de manière que chaque feu dure environ de quatre à six minutes ; et quant aux enchères, il n’en sera admis que de 5 livres, lorsque l’objet sera de plus de 100 livres, de 25 livres au-dessus de 1,000 livres et enfin de 100 livres, lorsque l’objet dépassera 10,000 livres. Art. 17. Les trésoriers du district feront, sur les fonds provenant des revenus des domaines nationaux, et d’après l’ordre des directoires, les avances nécessaires pour les opérations ci-dessus prescrites, et ces avances, ainsi que les frais de l’adjudication, seront payés par les adjudicataires en sus du prêt de leur acquisition. Art. 18. Les secrétaires de district délivreront, sans frais, aux adjudicataires, la première expédition des adjudications et seront autorisés à exiger 12 sous par rôle d’expédition, lorsqu’on en demandera de secondes. Il en sera adressé une par le directoire au comité de l’Assemblée nationale. Art. 19. Les articles ci-annexés du décret du 14 mai, de l’instruction du 31 du même mois, et du décret des 25, 26 et 29 juin, avec le changement des seules expressions nécessaires pour les adapter aux dispositions ci-dessus, seront censés faire partie du présent décret.