358 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 août 1789.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHAPELIER. Séance du vendredi 7 août 1789 (1). Il a été présenté des adresses de félicitation, remerciments et adhésion de la communauté de Flayose en province ; de la ville de Pertuis ; de la commune de Langres ; de la ville de Castel-Jaloux en Albret, de la ville de Fréjus ; de la généralité de la Trêve de Landivisiau, paroisse de Plongourvest, sénéchaussée de Lesneven en Bretagne ; des trois ordres de Mirepoix ; de la communauté de Saint-Pons en Languedoc; de la ville de Beaume-sur-le-Doubs en Franche-Comté ; du comité permanent de Crépy en Valois, de la ville de Sarreguemines ; de la ville de Saint-Hip-polvte et des peuples des Cevènes de tout rang et de tout état ; des trois ordres du district d’Age-nois ; des officiers du bailliage et présidial de Coutances ; de la ville de Magny, de celle de Forcalquier, de la municipalité de Luçon, du corps des officiers du guet, gardes-côtes de la division de Luçon ; des députés électeurs du bailliage de Rochefort ; des officiers municipaux de la ville de Treguier et du conseil général de la communauté de Claviers. Il a aussi été présenté une délibération des officiers du bailliage et présidial de Bourg du 8 mars 1789, par laquelle ils renoncent à leurs exemptions pécuniaires, au titre et à la propriété de leurs offices, et consentent à administrer gratuitement la justice; une délibération de la ville de Saint-Diez, par laquelle cette ville rend compte de l’établissement de sa milice bourgeoise. Enfin M. Bourdon, député du bailliage de Caux, a déposé sur le bureau un imprimé qui fait connaître les mesures prises par les députés électeurs de la ville de Dieppe, en exécution de l’arrêté de l’Assemblée nationale du 23 juillet. MM. les secrétaires ont annoncé que M. l’abbé Clerget, curéd’Ornans, députédubailliaged’Amont en Franche-Comté, avait remis au secrétariat un exemplaire d’un ouvrage de sa composition, intitulé : Le cri de la raison, ou examen approfondi des lois et des coutumes qui tiennent dans la servitude mainmortable 1,500,000 sujets du Roi, dédié aux Etats généraux; avec cette épigraphe : Non prius audita. L’Assemblée a agréé cet hommage de M. l’abbé Clerget. M. le Président a fait part à l’Assemblée de la démission de l\L le marquis de Gayon, député de la sénéchaussée de Béziers, qui lui avait écrit que sa santé ne lui permettant pas d’assiter plus longtemps à l’Assemblée nationale, il la priait de vouloir bien recevoir sa démission et admettre sou suppléant. M. l’abbé d’Eynsard, député d'Alsace, a exprimé les regrets de M. le cardinal de Rohan, de ne pouvoir pas se rendre à l’Assemblée aussitôt qu’il l’aurait désiré, et il a rendu compte des raisons trop légitimes qui justilient ce retard provenant des troubles d’Alsace. M. le Président a soumis ensuite à la discussion, la rédaction du quatrième et du cinquième article du projet d’ arrêté concernant l'abolition des privilèges. M. Target observe que, dans l’arrêté pris le 4, il n’a rien été décidé au sujet de la pêche, qui se trouve comprise dans la nouvelle rédaction. M. le Président appuie cette observation, ainsique M. Fréteau. D après cela, ce qui concerne le droit de pêche est rayé de l’article 4, la discussion ne devant porter que sur le droit de chasse. M. l’abbé de Bonncfoy parle le premier. Il veut parler sur le fond; M. le président lui ayant observé qu’il devait se renfermer dans la discussion de la rédaction, M. l’abbé de Bonncfoy se remet à sa place. M. de Lubersnc, évêque de Chartres. Je demande que l’on ajoute que le gibier ne pourra être détruit qu’avec des armes innocentes. [On rit.) M. Buzot. Faudra-t-il couvrir son champ d’engins, de pièges, de blets? les voyageurs ne courront-ils pas autant de risques que si tous les propriétaires étaient armés? Pourquoi ces distinctions? quel sera celui à qui vous accorderez la liberté de porter un fusil? quel sera celui à qui vous la refuserez? Ce privilège ne sera-t il pas humiliant, et ne sera-il pas aussi injuste que l’injustice à laquelle vous voulez remédier? Sans doute, dans un moment de liberté, l’effervescence peut emporter les citoyens au delà des bornes, c’est l’effet d’un ressort trop longtemps comprimé. Mais ces moments passés, le calme renaîtra bientôt. Il est des provinces où la liberté de la chasse n’a jamais été méconnue, où tous les citoyens sont armés, et où jamais il n’arrive aucun désordre; d’ailleurs, un fusil est une arme défensive, et une arme nécessaire à celui qui voudra pendant la nuit garder son champ pour éloigner les bêtes fauves; et l’Assemblée nationale n’a pas le droit d’ordonner à un citoyen de ne pas défendre sa propriété. M. de Cusline propose un arrêté diamétralement opposé à celui de l’Assemblée, en se fondant sur ce qu’d ne faut pas rendre chasseur un peuple obéré par 4 milliards de dettes. Voici mon projet: « Tous gibiers destructeurs des forêts, tels que sangliers, cerfs, seront détruits. Tous gibiers destructeurs des moissons, comme les lapins, seront détruits: Tous propriétaires qui en conserveront dans leurs forêts seront tenus à dédommager du dégât qui aura été fait. Tout propriétaire sera autorisé à détruire tout gibier sur son champ par lacet, collet, etc. » M. llalouet propose de faire un règlement pour déterminer de quelle manière le gibier sera détruit. M. d’Ainbly. Voici une idée neuve pour nous, mais très-vieil le en Angleterre: c’est de fixer la quotité de terre que devra posséder celui qui voudra avoir le port d’armes. J’insiste sur ce droit en faveur de mes commettants, qui font trois repas d’un lièvre. Faites un pareil règlement, et les armes ne seront que dans les mains de ceux (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 août 1789.] 359 qui peuvent répondre du mauvais usage qu’ils en feraient. Je demeure auprès d’une vaste forêt, dit un député breton; chasse qui veut, et personne n’en abuse. M. Tarsat. Dans la nuit du A, l’Assemblée a supprimé Te droit exclusif de la chasse; son intention n’a pas été de rien déterminer sur l’espèce des armes dont on pourrait se servir pour chasser. Le port d’armes doit être l’objet d’une délibération séparée. M. de Clermont-Tonnerre. Vous n’avez rien décidé relativement aux armes. Cette question vous sera bientôt soumise. Empêchons que les moyens employés pour défendre les propriétés nuisent à la chose publique... Ne nous effrayons pas sur les suites qu’on croit devoir craindre de ta liberté desarrnes.il ne faut pas s’étonner que le ressort de la liberté, comprimé depuis plusieurs siècles par le pouvoir arbitraire, se détende aujourd’hui avec impétuosité. Mais tout va rentrer dans l’ordre. Il est un autre objet qui doit vous occuper. Le régime des capitaineries pèse sur les propriétés; leurs prisons sont remplies de victimes. Je propose donc qu’il soit ajouté à l’article: 1° Sauf à se conformer aux lois de police qui seront faites relativement à la sûreté publique. 2° Toute capitainerie est dès ce moment abolie, ainsi que les tribunaux établis pour connaître des délits de chasse. 11 sera pourvu, par des moyens compatibles avec la liberté et le respect dû au Roi, à la conservation des plaisirs personnels à Sa Majesté. 3° Le président sera autorisé à demander au Roi que les prisonniers arrêtés pour délits de chasse soient mis en liberté, Un membre du clergé propose de demander la grâce des malheureux condamnés aux galères ou au bannissement pour fait de chasse. M. le prince de I*oix appuie les amendements de M. de Clermont-Tonnerre. M. le duc d’Orléans. J’observe cjue, dans la rédaction du second article proposé par M. le comte de Clermont-Tonnerre, il faut ajouter capitainerie royale, parce que les capitaineries dont nous jouissons sont appelées royales. (On applaudit.) M. le comte de Ulontboissier demande qu’on statue sur le remboursement du prix des charges des capitaineries. M le duc d’Orléans observe encore qu’il ne suffit pas de mettre capitainerie royale , parce qu’il y en a qui ne portent pas ce nom; il propose de mettre toutes capitaineries, même royales , etc. M. le Président met en délibération l’arrêté suivant : « Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. » Cet article passe à une grande majorité. M. le Président met ensuite en délibération l’amendement proposé sur l’abolition des capitaineries. Quelques députés voudraient que l’on laissât au Roi l’honneur d’un pareil sacrifice. D'autres membres demandent qu’on ne touche pas aux plaisirs du Roi. M. le comte de Mirabeau. On vient de déclarer que le droit de chasse est inhérent à la propriété, et ne peut plus en être séparé. Je ne comprends pas comment l’on propose à J’Assemblée qui vient de statuer ce principe, de décider que le Roi, ce gardien, ce protecteur de toutes les propriétés, sera l’objet d’une exception dans une loi qui consacre les propriétés. Je ne comprends pas comment l’auguste délégué de la nation peut être dispensé de la loi commune. Je ne comprends pas comment vous pourriez disposer en sa faveur de propriétés qui ne sont pas les vôtres. Mais la prérogative royale 1 Ah! certes la prérogative royale est d’un prix trop élevé à mes yeux pour que je consente à la faire consister dans le futile privilège d’un passe-temps oppressif. Quand il sera question de la prérogative royale, c’est-à-dire, comme je le démontrerai en son temps, du plus précieux domaine du peuple, on jugera si ]’en connais l’étendue, et jeaéfie d’avance le plus respectable de mes collègues d’en porter plus loin le respect religieux. Mais la prérogative royale n’a rien de commun avec ce que l’on appelle les plaisirs du Roi, qui n’enserrent pas une étendue moindre que la circonférence d’un rayon de vingt lieues, où s’exercent tous les raffinements de la tyrannie des chasses. Que leRoi, connue tout autre propriétaire, chasse dans ses domaines; ils sont assez étendus sans doute. Tout homme a droit de chasse sur son champ, nul n’a droit de chasse sur le champ d’autrui : ce principe est sacré pour le monarque comme p:ur tout autre. QuaDt à la suppression des tribunaux pour le fait des chasses, elle est impossible à prononcer sans un autre arrangement dans l’ordre judiciaire, puisqu’ils connaissent d’autres délits; et l’addition que t’on vous propose est inutile, puisque du moment où vous déclarez qu’il ne peut plus y avoir de délit pour le fait des chasses, vous abrogez les lois qui les concernent, et vous dépouillez par le fait tous les tribunaux de cette juridiction. En général, Messieurs, prenons garde de surcharger nos décrets de formules oiseuses et de prescriptions inutiles: c’est ainsi qme T ou discrédite la loi, et que l’on introduit l’arbitraire; et pour en citer un exemple avec toute la circonspection que l’on doit à un arrêté déjà pris, je désire vivement que cette formule, sauf les lois de police qui pourront être faites, n’émane jamais de cette Assemblée: car elle est superflue si elle énonce simplement que le législateur peut faire des lois pour la sûreté publique; mais elle est dangereuse, elle favorise la tyrannie, si elle subordonne le droit commun des citoyens à des lois qui pourront être faites. M. Tréteau assure qu’il tient d’une personne digne de foi, que l’on se sert de pièges d’hommes dans les capitaineries. Les capitaineries sont abolies d’un consentement unanime. Un paragraphe est ajouté à l’article. Le voici tel qu’il est décrété :