[17 janvier 1791. | 291 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « 1° Que les officiers de tout grade qui, ayant servi dans les troupes de ligne jusqu’au commencement de la Révolution, sont entrés, depuis celte mémorable époque, dans les gardes nationales, et y ont fait un service continuel et actif jusqu’au moment de h nouvelle organisation de l’armée, ont conservé leurs titres d’activité, et concourront en conséquence avec les officiers de leur grade pour arriver, aux termes des décrets, à celui immédiatement supérieur dans leur arme; « 2° Ceux qui, ayant servi depuis dix ans dans les troupes de ligne, avaient le grade de lieutenant, et qui, lors du commencement de la Révolution, et depuis cette époque, sont entrés dans les gardes nationales, et y ont fait un service continuel et actif, seront susceptibles d’être employés comme aides de camp, mais seulement lors du premier choix qui aura lieu à l’instant de la nouvelle organisation de l’armée ; passé cette époque, ils n’aurout plus droit d’y prétendre. » M. de Wimpfen. Il manque à ces deux articles un troisième; c’est celui des lieutenants à la suite, des capitaines à la suite et des capitaines en réforme qui, dans le cours de la Révolution, auraient été blessés en soutenant l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale ; celte classe est certainement nombreuse. Je ne veux pas qu’ils soient préférés en rien; mais je demande à l’Assemblée qu'ils puissent être aides de camp. Je propose, en conséquence, l’article additionnel suivant : « 3° Seront également admissibles aux places d’aides de camp, mais seulement à l’époque fixée par le précédent article, les capitaines à la suite, ou de réforme, et les lieutenants en activité ou à la suite dans les troupes de ligne, qui, dans le cours de la Révolution, auraient été blessés en soutenant l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. » (Le projet de décret et l’article additionnel sont adoptés.) M. Muguet de Rfanthou, au nom du comité des rapports ( 1). Messieurs, an événement extrêmement minutieux par lui-même a donné lieu, à Brie-Comte-Robert, à des scènes qu’il est intéressant de vous rapporter pour que vous puissiez prendre des précaulions qui eu préviennent les effets. Il existait à Brie-Gomte-Robert, comme dans plusieurs autres villes, une compagnie distincte de la garde nationale. Gette compagnie, connue sous le nom de la compagnie du bon Dieu, avait été sans cesse en discussion avec la garde nationale. Par votre décret du 12 juin, vous avez ordonné que toutes les compagnies différentes de la garde nationale seraient obligées de se fondre dans ce corps, et qu’au mois après la publication de voire décret elles ne pourraient avoir aucune existence légale. Vous avez ajouté à ce décret une seconde disposition qui porte que les drapeaux de ces compagnies seraient supendus à la voûte des principales églises des lieux, en signe de la paix. La compagnie établie à Brie-Comte-Robert, ayant voulu mettre à exécution cette seconde partie du décret, a trouvé une grande résistance de la part de la garde nationale. Cette résistance (1) Nous empruuloas ce document au Journal logo-graphique, t. XX, p. 147. s’est prolongée, jusqu’à cette époque, malgré les arrêtés successifs du département qui voulait faire exécuter vos décrets. La compagnie a pensé que cette formalité n’étant pas remplie, elle pouvait conserver son existence. Il est résulé de là une rivalité entre cette compagnie et la garde nationale, qui a formé deux partis dans la ville. Dans les premiers jours de ce mois, cette compagnie, ayant voulu remplir la formalité de suspendre son drapeau à la voûte principale de l’église, a été assaillie par la garde nationale, et les citoyens qui la composaient ont été obligés de s’enfuir à Melun pour se mettre sous la protection du département. Ils ont déposé là leur drapeau. Le département, voyant qu’il était impossible de mettre à exécution vos décrets sans user de la force publique, et connaissant l’insuffisance de la municipalité qui n’osait pas même prendre le parti de cette compagnie et la défendre, le département a cru devoir requérir une force publique considérable capable d’arrêter les entreprises de quelques factieux dans la ville de Brie-Gomte-Robert. Cependant, persuadé comme vous que les moyens de modération et de douceur sont ceux que des officiers publics peuvent employer avec le plus de succès, il a envoyé une députation au comité des rapports, le 12 janvier, pour lui communiquer les différents projets qu’ils avaient formés et en même temps lui demander quelles étaient les mesures qu’il croirait les plus convenables de prendre. Le comité des rapports, après avoir entendu uuedéputationdelagardenationale, était convenu à peu près de ceci: c’était que la compagnie dite du bon Dieu, d’après les termes de votre décret, ne pouvait plus conserver une existence légale, que, depuis la publication, elle était dissoute, et qu’on ne pouvait la recréer sous aucun prétexte, mais que son drapeau n’avarit point été suspendu comme vous l’aviez ordonné, et cela par la violence, le département serait invité à le faire transporter dans l’église principale de Brie-Gomte-Robert, sans avoir besoin, à cet effet, ni de la garde nationale, ni de cette compagnie. En conséquence, le département a envoyé le drapeau par deux membres dn district avec six soldats de la garde nationale de Melun. Gette mesure, qui paraissait concilier toutes les parties, a cependant éprouvé, de la part des habitants, une résistance telle, qu’il est impossible que vous ne la réprimiez pas. Les citoyens qui composaient autrefois la compagnie dite du bon Dieu , revenant à Brie-Gomte-Robert, ont été obligés de s’arrêter à l’entrée de la ville. Quelques commissaires du district, arrivés à l’hôtel de ville, ont fait appeler les officiers municipaux, qui s’y sont rendus. Le peuple s’est attroupé sur la place devant l’hôtel de ville; des groupes considérables se sont formés, et les commissaires ont vu qu’il ne leur restait qu’un instant pour remplir leur mission, parce que la fermentation augmentait toujours : après avoir fait développer le drapeau, ils sont parvenus à le placer à l’une des extrémités de l’église: et pendant tout le temps ils ont été exposés à toutes sortes de mauvais traitements. La fureur du peuple s’est portée à un tel point, que les commissaires de district ont été obligés de se sauver, de retourner à Melun par un chemin opposé, et de passer par la ville de ..... . où ils ont rédigé procès-verbal des faits que j’ai l’honneur de vous retracer. La garde nationale et les citoyens composant la compagnie d\i bon Dieu, 117 janvier 1791. J 2Q3 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ne voyant aucune sûreté pour eux, ont été aussi obligés de se retirer à Melun, où ils sont en ce moment. Tels sont les faits consignés dans les proces-verbaux, et qui nous ont été attestés par la députation du directoire du département. Votre comité ne peut point se dissimuler que le département était autorisé à faire informer contre les auteurs de ce délit. Il ne s’est point dissimulé aussi que le département devait s’adresser directement au pouvoir exécutif pour requérir une force suffi-san te, afin de maintenir l’exécution de vos décrets; mais le directoire du département nous a représenté qu’il n’avait pu prendre des mesures de force pour faire exécuter vos décrets, parce que les habitants de Brie-Comte-Robert, égarés par quelques esprits inquiets et perturbateurs, avaient déjà préparé quelques moyens de résistance. Ils avaient armé tous les citoyens, chargé leurs canons pour s’opposer à un détachement de troupes de ligne que le département avait requis de se transportera Brie-Comte-Robert. Cette résistance vient de ce que les villes de Brie-Comte-Robert et de Melun, étant rivales, se sont disputé le chef-lieu du département; elle vient ensuite de ce qu’on avait persuadé à ces habitants que le directoire du département voulait envahir la puissance exécutrice, voulait subjuguercette ville, et assujettir tous les citoyens par la force. D’après cela, Messieurs, si le département avait usé des pouvoirs que vous lui avez confiés, il était à craindre que ces citoyens ne se portassent à des excès très condamnables, et qui auraient entraîné de grands malheurs. Ces circonstances ont déterminé votre comité à vous demander un décret, afin d’ôter tout prétexte à ceux qui voudraient se prévaloir du silence de l’Assemblée nationale à cet égard : il se borne uniquement à prier le roi d’envoyer des troupes, et à ordonner l’information contre ceux qui ont été les auteurs des troubles. Comme cela ne préjuge rien, je crois qu’il est inutile de vous en dire davantage pour motiver le décret que voici : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son président se retirera dans le jour par devers le roi, pour le prier de faire incessament passer à Brie-Comte-Robert une force publique capable d’y procurer l’exécution des lois, faire respecter l’autorité des corps administratifs, et assurer le retour et la tranquillité des citoyens qui ont ôté forcés de s’éloigner de ladite ville. « Décrète en outre que les procès-verbaux, dressés par les commissaires du district de Melun, seront envoyés à celui qui fait, dans le tribunal de district, les fondions d’accusateur public, pour faire informer contre les auteurs des troubles qui ont eu lieu, dans le cours de janvier, dans la ville de Brie-Comte-Robert. » (Ce décret est adopté.) M. de Tour-Maubourg demande et obtient un congé de trois semaines. M. Prugnon, au nom du comité d'emplacement des tribunaux , propose d’obtempérer à la demande du département du Puy-de-Dôme, en adoptant le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement des tribunaux, décrète qu’elle autorise le département du Puy-de-Dôme a occuper provisoirement l’ancien palais de la cour des aides de Clermont-Ferrand et ses dépendances, à la charge d’en payer le loyer à dire d’experts, et à y faire, aux frais des administrés » les réparations portées au devis estimatif du sieur Fretel, du 4 décembre dernier, sans que ladite occupation puisse retarder en rien l’aliénation de ce domaine, dont le département pourra se rendre adjudicataire aux termes des décrets. » (Ce décret est adopté.) M. Prugnon, au nom du comité d'aliénation. Messieurs, quoique vous ayez décrété que l’adjudication des domaines nationaux vous serait présentée en masse, il se trouve des difficultés qui doivent vous être présentées isolément. La municipalité de Vilry-en-Perthois, département de la Marne, a fait sa soumission pour acheter la maison abbatiale, les lieux claustraux et la ferme habités par l’abbesse et les religieuses de Saint-Jacques. L’estimation des experts a porté tous ces immeubles à la somme de 158,000 livres; mais depuis l’estimation, les religieuses ont déclaré vouloir profiter des dispositions de l’article 3 des lettres patentes du 19 février 1790, portant que les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd’hui. Les experts doivent donc faire, sur leur estimation, défalcation de l’usufruit pendant la durée de la vie de ces religieuses. C’est d’après cette observation qu’il a paru juste à votre comité d’adopter le projet de décret ci-après : « L’Assemblée nationale déclare vendre à la municipalité de Vitry-en-Perthois les biens appartenant aux religieuses de Saint-Jacques pour la somme de 158,000 livres; et, attendu que les experts n’ont pas estimé la maison, déduction faite de l’usufruit des religieuses qui ont déclaré vouloir l’habiter, décrète que la municipalité sera dédommagée. » M. Martineau. J’examine s’il est de l’intérêt de la nation de vendre des nues propriétés et s’il ne serait pas beaucoup plus prudent d’attendre que les usufruits fussent éteints, parce qu’il est incontestable qu’une propriété grevée d’usufruit se vend toujours à très bas prix. M. Itegnaud (de Saint-Jean-d’Angély). Je demande que la question générale de savoir s’il est de l’intérêt de la nation de vendre des objets grevés d’usufruit soit renvoyée aux deux comités réunis d’aliénation et ecclésiastique. (L’Assemblée décrète la vente proposée par le comité d’aliénation, tout en réservant la question relative à la maison abbatiale, aux lieux claustraux et à la ferme de Saint-Jacques, question qu’elle renvoie à ses comités d’aliénation et ecclésiastique.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés. M. Rey. M. Thouretest d’accord avec M. Tron-chet sur certains points; mais voulant une restriction sur les preuves écrites, qu’il borne simplement aux dépositions, cela rend illusoire son adhésion aux vrais principes; il veut d'ailleurs les faire rédiger devant le juré de jugement. Je soutiens que cette operation est inutile, si on veut les faire écrire devant le juré d’accusation. Pour prouver combien la raison est de mon côté, je me contente de faire cette hypothèse : si trois témoins sont entendus devant le juré, deux déposent contre l’accusé, le troisième fait une