436 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les juges présens, en attendant l’arrivée des autres, se formeront provisoirement en une, et s’il y a lieu, en plusieurs sections. Le présent décret ne sera publié que par la voie du bulletin de correspondance (1). 95 La discussion s’ouvre sur l’organisation et les attributions des comités. Plusieurs membres proposent des opinions; la Convention en ordonne l’impression (2). [Quelques membres ont proposé des vues conciliatrices des deux projets proposés par BARÈRE et CAMBON (3)]. POULTIER : Je ne viens pas opposer le projet de Cambon à celui du comité de salut public; je me propose seulement de vous soumettre quelques réflexions sur le principe qui doit vous diriger dans la fixation des membres des comités et sur les omissions qui se trouvent dans l’un et l’autre projet. Dans celui de Cambon, il me paraît qu’il a trop circonscrit les attributions qu’il est nécessaire d’accorder au comité du gouvernement. Je pense qu’on doit lui donner la direction des armées, les plans de campagne, les ordres aux généraux et la police politique des pays conquis. Ces objets demandent de la célérité, de l’ensemble, une suite, de la prudence, des connaissances acquises par l’expérience, et ne peuvent être soumis à une discussion indéterminée ni à des résolutions versatiles et contradictoires. Ceux qui ont dirigé la campagne actuelle ont montré trop d’habileté, trop de sagesse, de sagacité et de prévoyance, pour ne pas leur continuer une confiance qu’ils méritent si justement. Je ne sais pourquoi, dans l’organisation des comités, l’on a mis à peu près partout le même nombre de membres, quoique la division du travail eût dû servir de base à la fixation des membres. Je ne parlerai que du comité militaire, dont j’ai suivi les travaux depuis l’origine de la Convention. Je sais que ce ne sont pas les comités les plus nombreux qui font le plus de besogne. Je sais que cinq hommes intelligents, laborieux, rompus dans les affaires, avec un coup d’œil rapide, iront plus vite que trente délibérants, dont les opinions contraires, en se heurtant en forces égales, sont perdues pour la chose publique. Ces considérations ne doivent pas entrer dans la théorie des comités; on n’y doit voir clair que la division du travail, de manière que chaque division soit au moins (1) P.-V., XLIII, 166-167. Décret n° 10 351. Sans nom de rapporteur (C* II 20). La minute semble être de la main de Merlin de Douai (C 311, pl. 1 227, p. 23). M.U., XLII, 393-394. Moniteur (réimpr.), XXI, 466-467; Débats, n° 691, 429-432. Voir, ci-dessus, séance du 21 therm., n° 26 (Titre II du projet de décret, article VIII). (2) P.-V., XLIII, 167. (3) Rép., n° 234. surveillée et dirigée par un représentant du peuple. Cela ne peut se faire dans le comité militaire si vous n’y mettez que cinq membres; le travail de ce comité se divise en cavalerie, infanterie, artillerie, génie, gendarmerie, en formation et discipline, en législation des tribunaux militaires et de police correctionnelle; ce qui exige nécessairement sept membres; encore faut-il qu’ils renoncent aux congés et aux commissions. Il faut qu’ils soient très assidus, autrement ce travail retomberait sur un petit nombre qui, ne pouvant tout examiner, serait obligé de se fier à des agents influencés, et cela rendrait vains votre résolution que les intérêts du peuple soient surveillés par ses représentants. Je ne sais par quel motif l’on a supprimé les comités de division et des dépêches; l’un et l’autre me paraissent nécessaires. La division générale de la République est mal faite; mais peut-être ne devra-t-on la rectifier qu’à la paix. Il faut préparer de loin ce travail, afin de le coordonner à la constitution, lorsque le temps sera venu de l’asseoir; outre cela, il y a tous les jours des communes à circonscrire, à étendre ou à réunir; qui le fera, si vous n’avez un comité de division ? Le comité des dépêches est destiné à examiner les pétitions, à les classer, à les analyser, à les renvoyer aux différents comités compétents, à vous faire la lecture des adresses, à vous donner le thermomètre de l’esprit public. Je ne crois pas que l’on puisse supprimer ces comités, puisqu’ils sont nécessaires et qu’ils ne correspondent à aucune des commissions exécutives. Je conclus à ce que le comité de gouvernement ait la direction des armées, les plans de campagne, les ordres aux généraux et la police politique des pays conquis; à ce que le comité soit composé de sept membres; à ce qu’enfin les comités de division et des dépêches soient conservés. FERAUD : La question qui s’agite dans cet instant est digne de toute l’attention de l’assemblée, et si je viens mêler ma voix à celle de mes collègues, c’est moins pour présenter des résolutions que pour soumettre quelques idées à l’expérience et aux talents réunis dans cette enceinte. Législation. Moi aussi je veux qu’il y ait une centralisation de pensées pour mettre de l’ensemble dans la législation; mais cette centralisation ne peut être sans danger placée dans un comité, et surtout dans celui qui est chargé du gouvernement. La pensée appartient d’abord au comité dans lequel elle a été conçue; elle doit être consacrée, amendée ou rejetée dans la Convention, sans intermédiaire, c’est là qu’est le centre véritable et exclusif. Je deviendrai plus lumineux contre les idées que je combats en rappelant cette partie du rapport où il est dit : « Le comité de salut public sera le point de centralisation des opérations, quant à la pensée, pour mettre de l’ensemble dans les travaux de la législation, et de l’harmonie dans les moyens d’exécution ». 436 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les juges présens, en attendant l’arrivée des autres, se formeront provisoirement en une, et s’il y a lieu, en plusieurs sections. Le présent décret ne sera publié que par la voie du bulletin de correspondance (1). 95 La discussion s’ouvre sur l’organisation et les attributions des comités. Plusieurs membres proposent des opinions; la Convention en ordonne l’impression (2). [Quelques membres ont proposé des vues conciliatrices des deux projets proposés par BARÈRE et CAMBON (3)]. POULTIER : Je ne viens pas opposer le projet de Cambon à celui du comité de salut public; je me propose seulement de vous soumettre quelques réflexions sur le principe qui doit vous diriger dans la fixation des membres des comités et sur les omissions qui se trouvent dans l’un et l’autre projet. Dans celui de Cambon, il me paraît qu’il a trop circonscrit les attributions qu’il est nécessaire d’accorder au comité du gouvernement. Je pense qu’on doit lui donner la direction des armées, les plans de campagne, les ordres aux généraux et la police politique des pays conquis. Ces objets demandent de la célérité, de l’ensemble, une suite, de la prudence, des connaissances acquises par l’expérience, et ne peuvent être soumis à une discussion indéterminée ni à des résolutions versatiles et contradictoires. Ceux qui ont dirigé la campagne actuelle ont montré trop d’habileté, trop de sagesse, de sagacité et de prévoyance, pour ne pas leur continuer une confiance qu’ils méritent si justement. Je ne sais pourquoi, dans l’organisation des comités, l’on a mis à peu près partout le même nombre de membres, quoique la division du travail eût dû servir de base à la fixation des membres. Je ne parlerai que du comité militaire, dont j’ai suivi les travaux depuis l’origine de la Convention. Je sais que ce ne sont pas les comités les plus nombreux qui font le plus de besogne. Je sais que cinq hommes intelligents, laborieux, rompus dans les affaires, avec un coup d’œil rapide, iront plus vite que trente délibérants, dont les opinions contraires, en se heurtant en forces égales, sont perdues pour la chose publique. Ces considérations ne doivent pas entrer dans la théorie des comités; on n’y doit voir clair que la division du travail, de manière que chaque division soit au moins (1) P.-V., XLIII, 166-167. Décret n° 10 351. Sans nom de rapporteur (C* II 20). La minute semble être de la main de Merlin de Douai (C 311, pl. 1 227, p. 23). M.U., XLII, 393-394. Moniteur (réimpr.), XXI, 466-467; Débats, n° 691, 429-432. Voir, ci-dessus, séance du 21 therm., n° 26 (Titre II du projet de décret, article VIII). (2) P.-V., XLIII, 167. (3) Rép., n° 234. surveillée et dirigée par un représentant du peuple. Cela ne peut se faire dans le comité militaire si vous n’y mettez que cinq membres; le travail de ce comité se divise en cavalerie, infanterie, artillerie, génie, gendarmerie, en formation et discipline, en législation des tribunaux militaires et de police correctionnelle; ce qui exige nécessairement sept membres; encore faut-il qu’ils renoncent aux congés et aux commissions. Il faut qu’ils soient très assidus, autrement ce travail retomberait sur un petit nombre qui, ne pouvant tout examiner, serait obligé de se fier à des agents influencés, et cela rendrait vains votre résolution que les intérêts du peuple soient surveillés par ses représentants. Je ne sais par quel motif l’on a supprimé les comités de division et des dépêches; l’un et l’autre me paraissent nécessaires. La division générale de la République est mal faite; mais peut-être ne devra-t-on la rectifier qu’à la paix. Il faut préparer de loin ce travail, afin de le coordonner à la constitution, lorsque le temps sera venu de l’asseoir; outre cela, il y a tous les jours des communes à circonscrire, à étendre ou à réunir; qui le fera, si vous n’avez un comité de division ? Le comité des dépêches est destiné à examiner les pétitions, à les classer, à les analyser, à les renvoyer aux différents comités compétents, à vous faire la lecture des adresses, à vous donner le thermomètre de l’esprit public. Je ne crois pas que l’on puisse supprimer ces comités, puisqu’ils sont nécessaires et qu’ils ne correspondent à aucune des commissions exécutives. Je conclus à ce que le comité de gouvernement ait la direction des armées, les plans de campagne, les ordres aux généraux et la police politique des pays conquis; à ce que le comité soit composé de sept membres; à ce qu’enfin les comités de division et des dépêches soient conservés. FERAUD : La question qui s’agite dans cet instant est digne de toute l’attention de l’assemblée, et si je viens mêler ma voix à celle de mes collègues, c’est moins pour présenter des résolutions que pour soumettre quelques idées à l’expérience et aux talents réunis dans cette enceinte. Législation. Moi aussi je veux qu’il y ait une centralisation de pensées pour mettre de l’ensemble dans la législation; mais cette centralisation ne peut être sans danger placée dans un comité, et surtout dans celui qui est chargé du gouvernement. La pensée appartient d’abord au comité dans lequel elle a été conçue; elle doit être consacrée, amendée ou rejetée dans la Convention, sans intermédiaire, c’est là qu’est le centre véritable et exclusif. Je deviendrai plus lumineux contre les idées que je combats en rappelant cette partie du rapport où il est dit : « Le comité de salut public sera le point de centralisation des opérations, quant à la pensée, pour mettre de l’ensemble dans les travaux de la législation, et de l’harmonie dans les moyens d’exécution ».