[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] 148 renouvelle l’assurance déjà donnée par M. l’évè-que de Clermont, et qui est devenue celle de tout le clergé, de l’intention où nous sommes d’obéir à tous vos décrets, mais de ne point prendre part à tous ceux qui concerneront le clergé. M. l’abbé Col au d de La Sal cette. Au nom de plusieurs ecclésiastiques qui sont dans l’Assemblée, je déclare que ce qu’a dit M. l’évêque de Clermont, et ce que M. l'évêque d’Oléron vient de répéter après lui, ne peut regarder que les individus et non le clergé. En conséquence, je déclare que je veux prendre part à tous vos décrets, et qu’il y a ici beaucoup d’ecclésiastiques qui pensent comme moi. ( Plusieurs ecclésiastiques se lèvent.) M. l’abbé Gassendi. Je déclare que j’ai pris part à tous les décrets, et notamment à celui qui ôte aux .ecclésiastiques l’administration des biens nationaux, et que j’ai en cela suivi le cahier de ma sénéchaussée. Mes commettants ont regardé les biens immenses que possédait le clergé comme la source de tous les abus que l’on a reprochés aux ministres de la religion. M. l’abbé Royer, député d'Arles. C’est en me conformant au serment que j’ai fait d’obéir à tous vos décrets et de maintenir la constitution; c’est en me conformant au concile de Carthage, auquel saint Augustin assista; c’est eu me conformant au concile de Nicée et à tous les principes des canonistes, que je délibère, et que je dis qu’au lieu de consentir à des exceptions, il faut se dépêcher de changer entièrement l’administration des biens ecclésiastiques. Plusieurs ecclésiastiques se présentent à la tribune. M-. le Président observe que l’intention de l’Assemblée n’est pas sans doute d’entendre toutes les déclarations qui pourraient être faites de part et d’autre. Il engage à passer à l’ordre du jour. M. Dedeley d’Agier propose de spécifier dans l’article une exception formelle en faveur des maisons et établissements de charité. Cet amendement est adopté. M. Giraud-Duplessis propose de faire en faveur des congrégations séculières enseignantes une exception pour leurs maisons d’institution, étude et retraite. M. Fréteau appuie cet amendement qui est adopté par le comité et introduit dans l’article. M. de Kiachèze demande que l’exception qui vient d’être consentie soit étendue aux collèges administrés par les corps religieux. M. Gillet del�a Jacqueminière, qui supplée M. Chasset, rapporteur malade, dit que cet amendement est contraire aux décrets de l’Assemblée qui fixent le sort de tous les religieux. L’amendement est rejeté par la question préalable et l’article 7 est décrété ainsi qu’il suit : « Art 7. Sont et demeurent exceptés, quaut à présent, des dispositions de l’article premier du présent décret, l’ordre de Malte, les fabriques, les hôpitaux, les maisons et établissements de charité et autres où sont reçus les malades, les collèges et maisons d’instruction, d’études et de retraite, administrés par des ecclésiastiques ou par des corps séculiers, ainsi que les maisons des religieuses occupées à l’éducation publique et au soulagement des malades : lesquels continueront, comme par le passé, et jusqu’à ce qu’il en ait été ordonné par le Corps législatif, d’administrer les biens et de percevoir, durant la présente année seulement, les dîmes dont ils jouissent, sauf à pourvoir, s’il y a lieu, pour les années suivantes, à l'indemnité que pourrait prétendre l’ordre de Malte, et à subvenir aux besoins que les autres établissements éprouveraient par J a privation des dîmes. Il est fait lecture de l’article 8 (ancien article 9) ainsi qu’il suit : « Tous les ecclésiastiques, corps, maisons ou communautés de l’un et l’autre sexe, autres que ceux exceptés par l’article 7 personnellement, pour les dîmes qu’ils exploitent et pour les biens qu’ils font valoir, lesquels ils seront tenus, durant la présente année, de faire valoir et exploiter ; et, tant eux que leurs fermiers et locataires, pour les objets qu’ils ont donnés à ferme ou à bail, seront tenus de verser ou payer les loyers et les fermages, échus et à échoir, la présente année, entre les mains du receveur de leur district, et de rendre compte des fruits et loyers qu’ils ont perçus ou percevront, sauf à se retenir leurs traitements ou pensions ; lequel compte ils seront tenus de communiquer préalablement à la municipalité du lieu, pour être ensuite vérifié par le directoire du district et apuré par celui du département, à peine de privation de leurs traitements ou pensions, et même sauf toute action contre eux, leurs fermiers et locataires, s’il y échet. » M. Voidel. Gomme conséquence des dispositions qui précèdent, je propose de décréter que les curés jouiront dès la présente année de la somme de 1,200 livres que les décrets de l’Assemblée nationale leur assurent à l’avenir. M. Boutteville-Dumetz appuie l’amendement. M. Gillet de La Jacqueminière. Le comité applaudirait avec transport à cet amendement en faveur des curés, s’il ne se voyait dans l’impossibilité de leur procurer cette augmentation pour l’année courante. M. Dedeley d’Agier. Il y a un moyen de tout concilier et je le propose : c’est de renvoyer l’amendement aux comités des finances, des dîmes et ecclésiastiques réunis, pour que, dans la huitaine, ils pourvoient à son exécution. M. Leleu de La Ville-aux-Bois. Nous ne pouvons différer une chose aussi juste que celle ui nous est demandée. Je pense que nous devons, ès aujourd’hui, décréter l’amendement. M. l’abbé Grégoire. Puisque les curés doivent rapporter à la caisse nationale l’excédent de revenu de 1,200 livres, il paraît juste que les curés à portion congrue profitent du versement fait par leurs confrères et jouissent, dès cette année, de l’augmentation décrétée par l’Assemblée natio-anle. M. Treilhard. Le comité ecclésiastique insiste sur l’ajournement de tous les amendements, parce qu’il est prudent de n’ouvrir de nouvelles dépenses que lorsque vous aurez la certitude de pouvoir les payer. {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] 149 M. t’oidel. Si vous ajournez les amendements, il faut aussi ajourner l’article afin que la question reste entière. On demande la division sur cette proposition. Les amendements sont ajournés. L’article 8, modifié dans sa rédaction par le comité des dîmes, est adopté dans les termes ci-dessous : « Article 8. Tous les ecclésiastiques, corps, maisons ou communautés de l’un ou de l’autre sexe, autres que ceux exceptés par les articles précédents, continueront de régir et exploiter, durant la présente année, les biens et dîmes qui ne sont pas donnés à ferme, à la charge d’en verser les produits entre les mains des receveurs de leurs districts; ils seront néanmoins autorisés à retenir le traitement qui leuraura été accordé. « A l’égard des objets donnés à bail ou à ferme, les fermiers et locataires seront également tenus de verser les loyers ou fermages, dûs pour les fruits et revenus de la présente année, dans la caisse du district. « Les comptes desdits ecclésiastiques, corps, maisons et communautés, et ceux de leurs locataires et fermiers seront communiqués préalablement à la municipalité du lieu, pour être ensuite vérifiés et apurés par les assemblées administratives, ou par leurs directoires. » 11 est fait lecture de l’article 9 (ancien art. 10) qui est ainsi conçu : « Ils seront tenus pareillement, eux, leurs fermiers, régisseurs ou préposés, ainsi que tous ceux qui doivent des portions congrues, de les acquitter dans la présente année, comme par le passé; comme aussi d’acquitter toutes les autres charges légitimes, même le terme de la contribution patriotique, échu le 1er de ce mois; à défaut de quoi ils y seront contraints, et il leur sera tenu compte de ce qu’ils auront payé, ainsi qu’il appartiendra. » M. l’abbé Gouttes. Je demande comme à l’article précédent que les portions congrues soient portées, pour cette année, à la somme de 1,200 livres que vous avez fixée. M. Treilhard. Le comité a cherché à découvrir les moyens que l’on pourrait prendre pour que cela fût ainsi; il a gémi de ne pouvoir en trouver. M. Fréteau. Les congruistes pourraient être remplis de la somme de 1,200 livres par les soins des directoires. M. l’abbé Royer. Personne n’est plus disposé que moi à payer, pour cette année, l’augmen talion du traitement des curés à portion congrue; mais on ne pense pas que les fermiers des dîmes ne paient qu’au mois de janvier, et qu’il nous est impossible, en ce moment, de faire les avances qui sont nécessaires. M. Boutteville-Dumetz. Les décimateurs auront toujours la ressource d’abandonner la dîme. M. Dedeley d’Agier. Ce ne sont pas les gros décimateurs qui parieront, mais l’Etat : les gros décimateurs administreront provisoirement, et remettront les fonds aux administrations de district, en retenant leur traitement; ainsi je demande l’ajournement de l’amendement proposé, et son renvoi aux comités ecclésiastiques, des dîmes et des finances réunis. M. Iideu deFa Ville-aux-Bois. L’Assemblée ayant décrété que, dès le 1er janvier, les ecclésiastiques recevront leur traitement en argent, et que ce traitement, pour les curés, ne serait pas moindre que de 1,200 livres, on ne peut s’empêcher de leur donner dès à présent cette somme. M. Delandine. Il serait de votre justice d’ajouter à l’article ces mots : « Ils seront tenus pareillement, eux, leurs fermiers, régisseurs et préposés, qui doivent des pensions pour résignation ou autrement, de les acquitter pendant la présente année. » M. Treilhard. Le comité ecclésiastique s’est occupé de cet objet. J’en demande l’ajournement. Quant au traitement des curés, l’arîi-cle 2 laisse une grande latitude : il doit être considéré dans son ensemble. Permettez que je le rappelle ici : « Dorénavant, et à partir du �'janvier de la présente année, le traitement de tous les ecclésiastiques sera payé en argent, aux termes et sur le pied qui seront fixés. » L’objet important, dans ce moment, est de faire payer les curés, soit que cette année ils restent congruistes, soit qu’ils jouissent de la somme fixée par vos décrets. On demande à délibérer sur l’article. 11 est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit ; « Art. 9. Ils seront tenus, pareillement, eux, leurs fermiers, régisseurs ou préposés, ainsi que tous ceux qui doivent des portions congrues, de les acquitter dans la présente année; comme par le passé, d’acquitter toutes les autres charges légitimes, même le terme de la contribution patriotique, échu le premier de ce mois; à défaut de quoi, ils y seront contraints. Il leur sera tenu compte de ce qu’ils auront légitimement payé, ainsi qu’il appartiendra. » On lit l’article 10 (ancien art. 11) en ces termes : « Les baux à ferme des dîmes, tant ecclésiastiques qu’inféodés, sans mélange d’autres biens ou droits, seront et demeureront résiliés à l'expiration de la présente année, sans autre indemnité que la restitution du pot-de-vin, celle des fermages légitimement payés d’avance, et la décharge de ceux non payés; le tout au prorata de la non-jouissance. « Quant aux fermiers qui ont pris à bail des dîmes conjointementavec d’autres biens ou droits, sans distinction de prix, ils pourront seulement demander la réduction de leurs pots-de-vin, loyers et fermages en proportion de la valeur des dîmes dont ils cesseront de jouir, suivant l’estimation qui en sera faite par les assemblées administratives et leur directoire, sur les observations des municipalités : si mieux n’aiment les fermiers des biens ecclésiastiques que leur bail soit résilié pour le tout; ce qu’ils seront tenus de déclarer au greffe de district, dans deux mois, à compter du jour de la publication du présent décret. » M. de Robespierre. Lorsqu’il v a mutation, les baux sont résiliés; mais ici, comme c’est la nation qui se succède à elle-même, les baux sont sacrés ; ils ne peuvent être rompus sans indemnité. 11 y a eu Artois beaucoup de biens ecclésiastiques, et vous savez combien on emploie de moyens pour y faire naître des ennemis de la Révolution. Ne pourrait-on pas se servir de votre décret pour séduire la classe nombreuse des fermiers des biens ecclésiastiques?.... La prudence et la sagesse exigent que vous accordiez une indemnité pour les baux qui seront résiliés.