SÉANCE DU 21 FRUCTIDOR AN II (7 SEPTEMBRE 1794) - N° 40 345 revenir dans leurs maisons. Certes, ils doivent bien être considérés comme des émigrés. DUQUESNOY : Du côté de Landrecies et du Quesnoy, plus de quinze cents personnes se sont renfermées dans Valenciennes avec les ennemis; ce sont bien là des émigrés. Le paragraphe V est adopté, avec l’amendement proposé par le rapporteur. 6) Ne pourra être opposée pour excuse la résidence dans les pays réunis à la République, pour le temps antérieur à la réunion proclamée. — Décrété. Exceptions : ART. IL Ne seront point réputés émigrés : 1) Tous Français chargés de mission par le gouvernement dans les pays étrangers, ainsi que les personnes spécialement désignées pour les suivre. CHAZAL : Je demande que ceux qui ne seront point rentrés trois mois après leur mission terminée soient regardés comme émigrés; car, s’ils ne sont point rentrés en France dans l’espace de trois mois, ils ont évidemment manifesté l’intention de rester dans les pays étrangers. Le paragraphe 1er et l’amendement de Chazal sont adoptés. 2) Les Français absents antérieurement au 1er juillet 1789, qui n’étaient pas rentrés au 11 brumaire dernier sur le territoire de la République; mais ils sont considérés comme ayant renoncé à tous leurs droits de citoyen, et sous ce rapport leurs biens sont acquis à la nation. Il leur est défendu de rentrer en France tant que durera la guerre, à peine d’être traités comme émigrés. Sont néanmoins assimilés aux émigrés ceux qui sont reconnus pour avoir porté les armes contre la République, fait partie des rassemblements d’émigrés, ou être venus résider depuis les hostilités commencées sur les pays ennemis contigus aux frontières de la République. Un membre : Ce paragraphe me paraît contenir une contradiction manifeste: si ceux qu’il concerne sont regardés comme émigrés, pourquoi leur permettre de rentrer à la paix ? s’ils ne sont pas regardés comme tels, pourquoi confisquer leurs biens ? Un membre : J’observe que cet article est une suite de celui que la Convention a renvoyé à un nouvel examen de ses comités. J’en demande également le renvoi. Un membre: Je m’oppose au renvoi: si ces citoyens ne sont pas regardés comme émigrés, ils doivent être au moins regardés comme étrangers, et vous avez décrété que les biens des étrangers seraient séquestrés. DÜHEM : Je m’oppose à la faculté qui leur est accordée de rentrer à la paix. Ces individus doivent être considérés comme émigrés. On leur avait donné jusqu’au 11 brumaire dernier pour rentrer; ils ont eu le temps de réfléchir. Puisqu’ils n’ont partagé ni la gloire ni les dangers de la révolution, ils sont indignes d’en partager les fruits. Je demande la suppression de la disposition qui leur permet de rentrer à la paix. GOUPILLEAU : J’appuie cette proposition. Il y a dans la Nouvelle Angleterre un grand nombre d’individus à qui votre ministre a offert tous les secours et moyens nécessaires pour revenir dans leur patrie : ils s’y sont refusés parce qu’ils attendaient la contre-révolution. Un membre : Il faut pourtant différencier les peines comme les délits. Il y a de la différence entre celui qui a quitté sa patrie dans les moments de danger et celui qui est resté dans le pays étranger où il était. GARNIER (de Saintes) : Je m’oppose à ce qu’on établisse aucune différence : celui qui a abandonné sa patrie quand le tocsin sonnait, et celui qui a appris chez l’étranger qu’on sonnait le tocsin, et qui n’est pas venu se réunir à ses frères pour partager les périls, sont également coupables; ils sont également indignes de partager les fruits d’une révolution à laquelle ils n’ont pas concouru. On demande la question préalable sur l’article. Un membre : J’observe que, si vous adoptiez la question préalable, il n’y aurait rien de statué sur ceux qui sont désignés dans cet article. Plusieurs membres demandent qu’on supprime l’exception portée dans le deuxième paragraphe du deuxième article, que ceux qu’il concerne soient regardés comme émigrés, et qu’en conséquence ce paragraphe soit reporté à l’article Ier, qui spécifie le cas d’émigration. Cette proposition est décrétée (92). Dans le cour de la discussion, Raffron avoit demandé que tous les articles des lois antérieures, auxquels la loi actuelle renvoyait, fussent textuellement relatés dans cette dernière, afin qu’il n’y eut plus à cet égard qu’une loi unique et entière. Le rapporteur observe que plusieurs des articles antérieurs ont été modifiés par la loi actuelle. Un membre: S’ils ont été modifiés, ils sont fondus dans la loi; s’ils sont conservés intégralement, au lieu d’y renvoyer, il faut les rapporter. L’opinant en conséquence appuie la proposition de Raffron; elle est décrétée. L’Assemblée ajourne la suite de la discussion (93). La séance est levée à quatre heures. Signé, Bernard (de Saintes), président ; Ben-tabole, L. Louchet, Cordier, Borie, Reynaud, Guffroy, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 40 [Le conseil général de la commune de Fleurance, département du Gers, à la Convention nationale] (94) (92) Moniteur, XXI, 702-704. Débats, n° 718, 365-369. (93) Débats, n° 718, 369. (94) Bull, 21 fruct. 346 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Représentons, Par où commencer, et comment vous peindre les frémissemens d’horreur que nous avons éprouvés à la nouvelle des attentats de Robespierre ? Le voilà donc cet homme fameux, ce républicain austère, incorruptible, ce phénomène vanté de la révolution et de la morale ! hélas ! il n’étoit grand que parcequ’il s’étoit couvert du manteau de la vertu, et qu’il avoit emprunté l’éloquence et les dehors du sage; vos regards l’ont enfin pénétré : le manteau est tombé, et le héros a disparu; il s’est évanoui, et il n’a resté qu’un conspirateur audacieux, que l’hypocrite le plus effronté, qu’un tyran. Quelques heures plus tard, c’en étoit fait de la représentation nationale, c’en étoit fait de la liberté, c’en étoit fait de la patrie. La tyrannie aux pieds d’airain s’avançoit à pas de géant, suvie de ses satellites et des ses bourreaux. Seuls, mais armés de toute la sublimité du courage, vous vous êtes levés, et le tyran tout couvert d’opprobre est descendu dans le tombeau des scélérats. Illustres monumens ! héros du temps passé ! disparoissez et cachez-vous : vous ne sauriez plus nous servir de modèles. Et toi, riche trésor, charte du peuple, fermes désormais tes pages; sans toi nous avons appris à ne plus nous fier à la vertu des hommes, sans toi nous saurons les compter pour rien devant la liberté; ou, si tu veux être encore utile à l’univers, parle-lui de la gloire des Français et du courage de ses représentons. Vive la République ! vive la Convention ! vivent les Parisiens ! périssent les traitres et les tyrans ! 41 [Lettre de Jean Frédéric Seitz à la Convention nationale, des Deux-Ponts, le 19 thermidor an II\ (95) Citoyens représentants du Peuple français, Ayant lu dans les papiers publics de Paris sous la datte du 22 octobre 1792, que l’Assem-(95) C 320, pl. 1 317, p. 13. Mention marginale : renvoyé au comité des Procès-verbaux, section des Archives, par celui des Pétitions, le 21 fructidor an II. blée nationale invitait tout individu à lui communiquer par écrit ses idées sur le plan de la nouvelle constitution qu’elle se proposait d’établir pour le bonheur des Peuples, je crus lui rendre hommage en lui adressant un manuscrit rédigé en 150 articles, en langue allemande. Comme je ne pouvais pas le faire parvenir directement à l’Assemblée nationale, j’en chargeai le citoyen Chopart, alors maire de Bitche, n’ayant jamais pu savoir depuis quel a été le sort du dit manuscrit malgré les informations que j’ai pu prendre à ce sujet. Je prends la liberté de m’adresser à votre auguste assemblée, en la priant de bien vouloir m’en instruire, afin que j’aie au moins la satisfaction de savoir quel jugement l’Assemblée nationale en aura prononcé. J’ai taché d’être utile, peut-être n’ais-je pas atteint mon but. Cependant je crois que cet ouvrage n’est pas inférieur à celui que je fis parvenir au Parlement de Dublin l’an 1765, dans un cas pareil, lequel pour ne point laisser de doute de son approbation, y joignit une gratification de 20 livres sterling. Certainement les représentants du Peuple français n’apprendront jamais des étrangers à apprécier le mérite, ni à donner des marques de générosité, il n’y a pas de nation au monde qui puisse donner de si beaux exemples que la française. Aussi si je ne suis pas assez heureux par mon travail, j’espère qu’elle daignera avoir quelques égards à la bonne volonté d’un pauvre citoyen, dont la situation est d’autant plus à plaindre qu’il est hors d’état de recourir au travail de ses mains, vu son âge et ses infirmités corporelles, de sorte qu’il est réduit à la plus grande misère, dans laquelle cependant il ne cessera de faire des vœux pour la prospérité de la République française. Jean Frédéric Seitz 42 Le citoyen Gallet fait hommage de la tragédie du 9 thermidor en trois actes qui développe les crimes des conspirateurs. Mention honorable (96). (96) J. Fr., n° 713; J. Mont., n° 131; Ann. Pair., n° 615; C. Eg., n° 750; Gazette FY., n° 981; J. Perlet, n° 715; M. U., XLIII, 348.