84 [États generaux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1789.] des représentants des communes, à l’effet de s’occuper ensemble des mesures nécessaires pour soulager la misère publique. J’ai entendu dire que le peuple témoigne du mécontentement, et accuse l’Assemblée d’avoir rejeté la proposition du clergé pour favoriser les accapareurs de grains. M. le doyen demande si quelqu’un veut appuyer la motion. Personne ne se lève. Un de MM. les adjoints. Je représente que l’Assemblée a exprimé de la manière la plus énergique son impatience de venir au secours du peuple; qu’elle a constitué le clergé en demeure; que, dans cet état de choses, les reproches ne peuvent, en aucune manière, tomber sur les communes, dont la conduite les met à l’abri de tout soupçon de favoriser les accapareurs de grains; qu’une pareille accusation est d’une absurdité si révoltante qu’il est étonnant que l’auteur de la motion se soit arrêté sur des ouï-dire qui ne méritent pas qu’on en rende compte à l’Assemblée; et que tous les membres doivent s’abstenir avec soin de faire des motions sur un pareil fondement. L 'Assemblée applaudit à ces réflexions. 1! est convenu que les matinées seront toujours destinées aux Assemblées publiques et générales, et les après-dînées aux bureaux. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mercredi 10 juin 1789. CLERGÉ. M. Dulau, archevêque d’Arles , rend compte des résultats de la dernière conférence tenue devant les commissaires du Roi. On procède à la vérification des titres pour se préparer à entrer dans les vues de conciliation proposées par Sa Majesté. Plusieurs curés font la réserve que cette vérification en Chambre séparée ne préjuge rien, ni contre le principe de la vérification en commun, ni contre la réunion des ordres. La Chambre s’occupe de la commission relative à la cherté des grains et à la misère du peuple. NOBLESSE. On s’occupe, dans la Chambre, du règlement de police intérieure. L’article relatif à la durée de la présidence donne lieu à quelques débats. Quelques membres veulent que la présidence soit perpétuelle, parce que, disent-ils, il faut une longue expérience pour bien diriger une Assemblée, pour en connaître l’esprit, et en mériter la confiance. D’autres , en convenant qu’un président a besoin d’acquérir de l’expérience, ne pensent pas que la présidence doive être perpétuelle, et ils croient qu’en en fixant la durée à trois mois on évite à la fois les inconvénients d’une trop longue et d'une trop courte présidence. D’autres, et c’est le plus grand nombre, pensent que l’expérience d’un président sert encore à tous ceux qui peuvent l’être à leur tour, et que d’ailleurs le choix de l’Assemblée sera un sûr garant de celui que les suffrages de ses membres porteront à cette dignité. Les deux derniers avis se rapprochent , et la durée de la présidence est fixée à deux mois. La Chambre décide qu’elle aura cinq secrétaires qui seront chargés de rédiger ses délibérations et d’en tenir registre. La séance est levée. COMMUNES. Séance du matin. M. le Bailly, doyen, a annoncé que la veille, à lOheuresdu soir, le procès-verbal des conférences a été clos et signé par les huit commissaires du clergé, ceux des communes et par le secrétaire, avec mention de la déclaration de MM. de la noblesse qui n’ont point voulu signer ; que ce pr Après avoir ainsi exposé ces motifs, M. l’abbé Sieyès fait sa motion dans les termes suivants : | L’Assemblée des communes, délibérant sur Couverture de conciliation proposée par MM. les commissaires du Roi, a cru devoir prendre en cousi-djération l’arrêté que MM. de la noblesse se sont hjâtés de faire sur la même ouverture. , Elle a vu que MM. de la noblesse, malgré l’acquiescement annoncé d’abord, établissent bientôt une modification qui le rétracte presque entièrement ; et qu’ainsi leur arrêté à cet égard ne peut être regardé que comme un refus positif. i Par cette considération, et attendu que MM. de la noblesse ne se sont pas même désistés de leurs précédentes délibérations contraires à tout projet de réunion, les députés des communes pensent qu’il devient absolument inutile de s’occuper davantage d’un moyen qui ne peut plus être dit cçnciliatoire, dès qu’il a été rejeté par une des parties à concilier. Dans cet état des choses, qui replace les députas des communes dans leur première position, l’Assemblée juge qu’elle ne peut plus attendre dans l’inaction, les classes privilégiées, sans se rendre coupable envers la nation, qui a droit, sans doute, d’exiger d’elle un meilleur emploi de son temps. � | Elle juge que c’est un devoir pressant pour! tpus les représentants de la nation, quelle que soit la classe de citoyens à laquelle ils appartiennent, de se former, sans autre délai, en Assemblée active, capable de commencer et de remplir l’objet de leur mission. L’Assemblée charge MM. les commissaires qui ont suivi les diverses conférences, dites concilia-toires, d’écrire le récit des longs et vains efforts des députés des communes pour tâcher d’amener lès classes des privilégiés aux vrais principes. E�lle les charge d’exposer les motifs qui la forcent d|e passer de l’état d’attente à celui d’action. Enfin, elle arrête que ce récit et ces motifs seront ijnprimés à la tête de la présente délibération. Mais puisqu’il n’est pas possible de se former ep Assemblée active sans reconnaître au préalable cpux qui ont droit de la composer, c’est-à-dire peux qui ont qualité pour voter comme représentants de la nation, les mêmes députés des communes croient devoir faire une dernière tentative auprès de MM. du clergé et de la noblesse, qui annoncent la môme qualité, et qui néanmoins ont refusé jusqu’à présent de se faire reconnaître. Au surplus, l’Assemblée ayant intérêt à constater le refus de ces deux classes de députés, dans le cas où ils persisteraient à vouloir rester inconnus, elle juge indispensable de faire une dernière invitation, qui leur sera portée par des députés chargés de leur en faire lecture, et de lleur en laisser copie dans les termes suivants : I Messieurs, Nous sommes chargés, par les députés des communes de France, de vous prévenir qu’ils ne peuvent différer davantage de satisfaire à l’obligation imposée à tous les représentants de la ua-tion. Il est temps assurément que ceux qui annoncent cette qualité se reconnaissent par une vérification commune de leurs pouvoirs, et commencent enfin à s’occuper de l’intérêt national, qui, seul, et à l’exclusion des intérêts particuliers, se présente comme le grand but auquel tous les députés doivent tendre d’un commun effort. En conséquence, et dans la nécessité où sont les représentants de la nation de se mettre en activité, sans autre délai, les députés des communes vous prient de nouveau. Messieurs, et leur devoir leur prescrit de vous faire, tant individuellement que collectivement, une dernière sommation de venir dans la salle des Etats, pour assister, concourir et vous soumettre comme eux à la vérification commune des pouvoirs. Nous sommes en même temps chargés de vous avertir que l’appel général de tous les bailliages convoqués se fera dans une heure; que, de suite, il sera procédé à la vérification, et donné défaut contre les non-comparants. La motion de M. l’abbé Sieyès est vivement applaudie. Un grand nombre de membres se lèvent pour l’appuyer purement et simplement ; d’autres y adhèrent , mais proposent différents amendements. M. Kegnault. Il convient de faire au Roi une adresse, dans laquelle on exposera les motifs qui ont forcé les communes à rejeter l’ouverture proposée par ses commissaires, motifs qui portent sur l’opiniâtreté de la noblesse et l’arrêté qu’elle a pris. Gomme le clergé ne montre pas une conduite aussi répréhensible que celle de la noblesse, il ne faut pas employer les mêmes termes pour sommer celui-ci de se rendre dans la salle nationale. M. le comte de Mirabeau soutient qu’il faut prendre défaut, que c’est là un acte extraordinaire que la circonstance exige ; il conclut par dire que l’adresse au Roi, par M. Régnault, est inutile, et qu’il suffit d’écrire à M. le garde des sceaux, puisque l’ouverture a été proposée par le Roi. M***. Le Conseil privé a une trop prodigieuse extension; il faut distinguer la personne du Roi de ce Conseil composé de maîtres de requêtes. L’on doit s’en rapporter à la justice du Roi, présidant la commission des trois ordres, et point du tout à celle du Roi environné d’hommes qui ont acheté le droit de prononcer des jugements souverains, qui savent si adroitement s’accommoder aux circonstances, et qui presque toujours approuvent et consacrent, malgré les cris de leur conscience, les caprices du souverain ou de ses ministres. Ainsi, l’on est autorisé à dire et à croire que le Conseil du Roi, composé de pareils êtres, est nui, et doit être regardé comme tel; que te vrai Conseil du Roi ne doit et ne peut être composé que de commissaires des trois ordres. M. Target. Ne manquons jamais à ces grands principes qui nous font entrevoir la séparation des Chambres et la crainte d’un veto , comme le coup le plus horrible et le plus désastreux porté à la patrie; ne manquons jamais au principe qui nous commande de ne jamais fermer la porte à la réunion des trois ordres. C’est en nous environnant de ces principes salutaires que nous devons délibérer sur l’ouverture proposée par les commissaires du Roi. Mais il n’est que trop vrai que la noblesse l’a rejetée, puisqu’elle ne prétend