SÉANCE DU 10 FRUCTIDOR AN II (27 AOÛT 1794) - N° 44 21 (. L’Assemblée l’interrompt, et lui témoigne qu’elle n’a besoin d’aucune justification sur cet article. Il ajoute que même il avait refusé la seconde partie de sa mission. Il lit les arrêtés qu’il a pris, et rend compte de toutes les opérations qu’il a faites, et qui lui ont été suggérées par la sagesse et la prudence. Les principaux objets auxquels ces opérations se sont bornées, c’est l’examen qu’il a fait des personnes incarcérées pour rendre la liberté aux patriotes, et l’ordre donné d’arrêter et de conduire à Paris deux enfants de la famille de Bourbon, dont le père, Bourbon-Busset, est émigré et qu’on traitait avec une distinction offensante, les laissant jouir d’une pension de 1 000 livres, et différenciant en tout la manière dont on se conduisait avec eux de la manière dont on traitait les enfants des patriotes. L’Assemblée applaudit à tous ces détails. Quand à celui, continue Forestier, qui a prononcé la pétition à votre barre, lorsque j’étais procureur-syndic dans mon département, je fus obligé de le poursuivre pour des vexations et des exactions dont il convint, en offrant même de rendre les sommes qu’il avait extorquées. Depuis, pour le même fait, il fut poursuivi, et passa trois mois en prison. Le tribunal l’acquitta, et néanmoins j’eus toutes les peines du monde à le faire réintégrer dans sa place, ses collègues ne voulant pas le recevoir. Cet homme parvint, à force d’intrigues, à se faire nommer procureur-général; il fut depuis envoyé à Commune-Affranchie, comme membre de la commission populaire; il se montra si violent que Fouché fut obligé de le chasser. L’Assemblée applaudit plusieurs fois au discours de Forestier. MALLARMÉ : Il faut que l’Assemblée prenne une attitude imposante contre ceux qui cherchent à l’avilir; il y a un système ourdi à cet égard. Depuis que Robespierre a péri sur l’échafaud, on dénonce chaque jour à votre barre les représentants qui ont été en mission; on les appelle des agents, des continuateurs de Robespierre. Le jour qu’on a dénoncé Maignet, et vous avez vu depuis combien peu cette dénonciation était fondée, le côté droit de cette salle appuyait fortement les dénonciateurs. (Il se fait du bruit dans une partie de la salle) (70). MALLARMÉ reprend : A Dieu ne plaise que je veuille parler de mes collègues ! Je parle des étrangers qui remplissaient une partie de la salle, comme vous le voyez encore aujourd’hui. Voici aujourd’hui une dénonciation d’un nouveau genre qu’on vous apporte contre un de nos collègues connu par sa douceur, sa moralité et son civisme : et ceux qui le dénoncent sont des voleurs de mouchoirs. Je demande que vous décrétiez la proposition faite par Charlier, qu’on ne pourra pas dénoncer un membre en son absence. (70) J. Fr., n° 702 écrit : « Vous avez vu le ci-devant côté droit appuyer les dénonciations contre Maignet ». — A l’ordre, s’écrient plusieurs membres. Si Forestier n’eût pas été présent, vous ne seriez pas aussi bien convaincus de son innocence. Quand on saura que vous n’accueillez pas si facilement les dénonciations, les dénonciateurs seront moins téméraires. Je demande aussi que ceux que vous venez d’entendre soient traduits au comité de Sûreté générale (on applaudit), et enfin qu’il ne puisse entrer d’étrangers dans la salle que ceux qui recevront les honneurs de la séance; plus de femmes surtout (on applaudit). L’égalité veut qu’elles aillent dans les tribunes publiques; on voit assez à leur costume et à leur coiffure, que c’est une sorte de distinction qu’il ne faut pas souffrir. (Vifs applaudissements). FOUCHÉ (de Nantes) : Sans doute, citoyens collègues, c’est pour le peuple le plus sacré de ses droits que de venir dénoncer à votre barre ses mandataires infidèles; mais il n’y a qu’un homme pur qui puisse mériter quelque confiance auprès de vous. S’il en était autrement, nous serions exposés à être dénoncés par tous les ennemis de la République auxquels nous avons fait la guerre, par tous les fripons que nous avons poursuivis. Citoyens, l’un des pétitionnairs est un homme extrêmement suspect; son immoralité lui a mérité l’exclusion de la commission populaire établie à Lyon; sa conduite à Moulins est un tissu d’intrigues. Il a poursuivi avec un acharnement qui n’a pas d’exemple, un patriote aussi probe qu’ardent, et dont tout le crime, aux yeux de ce pétitionnaire, est d’avoir condamné avec une amertume républicaine ses délits contre les mœurs, contre la probité et contre la liberté. Je demande le renvoi de la pétition et des pétitionnaires au comité de Sûreté générale. GUYOMAR : Je vais parler pour les principes : je crois devoir combattre Mallarmé et pouvoir tirer de son discours une conclusion toute contraire à la sienne. Sur qui est tombé la confusion de la dénonciation qu’on vient de vous faire ? sur les dénonciateurs; mais si vous portez atteinte au droit de pétition... Plusieurs voix : On ne veut pas cela. GUYOMAR : Si on n’eût pas pu tout dire ici, Le Bon n’aurait pas été dénoncé; il ne serait pas où il est. Les représentants eux-mêmes se sont plaints souvent des intrigants qui les circonvenaient dans leur mission; nul de nous ne prétend être infaillible : il faut donc qu’on puisse venir se plaindre. D’après les solides objections de Berlier, vous avez renvoyé la motion de Charlier au comité de Législation : je demande qu’on attende son rapport. Quand aux deux pétitionnaires dont il s’agit, j’appuie la traduction au comité de Sûreté générale. CAMBON : On parle de liberté indéfinie : nous avons fondé un gouvernement démocratique. Sur quoi repose la république ? sur l’égalité et les mœurs. Quels sont les ennemis de la république ? les nobles, les agioteurs. ( Vifs applaudissements). Longtemps poursuivis avec courage, il n’est pas étonnant qu’ils cherchent et trouvent des émissaires pour venir dénoncer ceux qui les ont poursuivis. Mais si l’innocence est sûre de trouver toujours des défenseurs en