52 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. )7 juin 1791.] à 100, pour vous parler ainsi, appelleriez-vous cela des complots?... (4 gauche : Non ! non !) Vous voyez bien que dans vos principes, qui à cet égard sont aussi les miens, car la vraie liberté est celle que je désire, si vous aviez laissé subsister l’article tel qu’il est, vous vous seriez trouvés soumis à la tyrannie la plus atroce, si vos successeurs ou un parti dominant dans un Corps législatif avaient voulu l’exercer ; car on aurait pu vous prouver, au moyen de cet article, qu’une telle pétition est un complot pour changer la forme du gouvernement (Rires.); certainement, Messieurs... Je demande donc u’abord la radiation des mots : « ou par toutes autres insinuations », et l’admission de ceux-ci : « ou par des coalitions de forces intérieures ou extérieures » ; et à la suite de l’article, je demande que l’on mette : « ne pourront être réputées coalitions répréhensibles les pétitions paisibles et respectueuses. » Un membre : Il n’y a pas besoin de cela. M. Boutte ville-Dumetz . Pouvez-vous avoir une telle inquiétude? M. Malouet. J’ai une telle inquiétude, parce que dans les moments de troubles, de partis, de passions, la prévention abuse de tout. On voit des crimes là où il n’y a que contrariétés d’opinions; on voit des ennemis là où il n’y a que des adversaires. Ne soyez donc pas étonnés de l’obstination avec laquelle je vous demande des explications qui peuvent vous être utiles à vous-mêmes dans d’autre temps. ( Murmures à gauche.) Ne fournissez pas des armes contre vous. (Murmures.) Il n’entre pas dans mes principes de me taire à la menace. De plus, cette phrase, sous prétexte de religion, peut donner lieu a des interprétations funestes, non pas dans le Corps législatif qui est éclairé, mais dans cette multitude de sections délibérantes dont la France fourmille aujourd’hui. [Rires ironiques à gauche.) Au res'e, Messieurs, je vous demande la radiation des deux lignes. Un membre : Vous avez raison. M. Boutleville-Dunietz. Nous sommes de voire avis. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Je distingue dans Jes propositions du préopinant des mesures qui me paraissent justes, et d’autres que je n’approuve point. Le préopinant a dit qu’il trouvait le mot : insinuations, vague, et je pense, ainsi que lui, que ce mot doit être r< tranché. Mais j’irai encore plus loin, et je proposerai non seulement d’ôter ce mot, mais môme tout le membre de phrase où il se trouve. (Applaudissements.) A l’égard des mots : conspiration , complot, que le préopinant a trouvés trop vagues, et qu’il a voulu expliquer par un article additionnel, je crois que le sens de ces mots est fixé d’une manière bien précise, puisqu’il est dit : complots tendant à troubler l’Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres. » M. Malouet. Fort bien ! M. Le Pelletier de Saint-Fargeau , rapporteur. Je propose l’article ainsi rédigé : Art. 2. « Toutes conspirations et complots tendant à troubler l’Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, ou contre l’exercice de l’autorité légitime, seront punis de mort. » (Adopté.) L’article 3 est mis aux voix en ces termes : Art. 3. « Tout enrôlement de soldats, levées de troupes, amas d’armes et de munitions pour exécuter les complots et machinations mentionnés en l’article précédent ; « Toute attaque ou résistance envers la force publique agissant contre l’exécution desdits corn plots ; « Tout envahissement de ville, forteresse, magasin, arsenal, port ou vaisseau, seront punis de mort. « Les auteurs, chefs et instigateurs desdites révoltes, et tous ceux qui seront pris les armes à la main, subiront la même peine. » (Adopté.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article 4 ainsi conçu : Art. 4. » Les pratiques et intelligences avec les révoltés, de la nature de celles mentionnées en l’article 4 de la première section du présent titre, seront punies de la même peine. » M. Malouet. Je propose de substituer le mot connivences au mot intelligences , qui est trop vague, parce qu’il est possible qu’un innocent se soit trouvé lié avec un homme coupable. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Le préopinant ne fait pas attention que te mot connivences est plus vague. M. Malouet. Non pas ! Connivences suppose consentement. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. L’acception et l’interprétation du mot intelligences, sont fixées d’une manière bien précise, puisqu’il est dit que ce sont les intelligences tendant à faciliter l’entrée des ennemis de la France dans l’Empire Français, à livrer une ville, une forteresse, un port, etc... (L’article 4, mis aux voix, est adopté sans modification.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur, donne lecture de l’article 5, ainsi conçu : « Tout commandant d’armée ou corps de troupes, d’une flotte ou d’une escadre, d’une place forte ou d’un poste, qui en retiendra le commandement contre l’ordre du roi ; « Tout commandant qui retiendra son armée sous st s drapeaux, lorsque le licenciement en aura été ordonné soit par le roi, soit par un décret du Corps législatif, et après que lesdits ordres ou décrets lui auront été légalement notifiés, seront coupables du crime de révolte et punis de mort. »> M. Males. Je demande que, dans le second paragraphe, on dise : « Tout commandant qui retiendra son armée ou son corps de troupes sous les drapeaux ..... », parce qu’il est possible que [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juin 1791.J 53 le Corps législatif ait licencié non pas l’armée, mais un seul régiment. Voici maintenant une autre observation. Je demande comment on notifiera à un commandant les ordres du roi ou le décret du Corps législatif qui ordonne le licenciement. Plusieurs membres : Par proclamation. M. Ilalès. Je demande que le comité soit chargé de présenter la manière de punir en pareil cas les traîtres. M. Ooiipillea». Il me semble que la deuxième partie de l’article donne au roi le droit de licencier l’armée et cependant vous avez décrété le contraire. Je demande donc que l’article soit rédigé différemment et de manière à conserver son rapport avec l’article constitutionnel que vous avez décrété. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Je réponds à M. Malès qu’un colonei qui retiendrait son régiment sous les armes, lorsque le commandement lui en aurait été ôté ou le licenciement ordonné par l’autorité supérieure, commettrait un délit contre la discipline militaire,' dont la répression se trouvera dans le Code pénal militaire qui doit vous être présenté par le comité militaire. M. Prieur. Je soutiens qu’un colonel dont le régiment serait licencié par un décret du Corps législatif sanctionné parle roi, et qui retiendrait, malgré la loi, ses soldats sous les drapeaux, commettrait un crime qui devrait être porté à la haute cour nationale et non pas au Code pénal militaire, parce que le crime le plus grave contre la société, c’est un attentat qui a pour objet de résister aux lois constitutionnelles de l’Etat. Je demande donc qu’on admette l’amendement de M. Matés. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Voici la rédaction que propose le comité : Art. 5. « Tout commandant d’armée ou corps de troupes, d’une flotle ou d’une escadre, d’une place forte ou d’un poste, qui en retiendra le commandement contre l’ordre du roi ; « Tout commandant qui tiendra son armée rassemblée lorsque la séparation en aura été ordonnée ; tout chef militaire qui retiendra sa troupe sous les drapeaux lorsque le licenciement en aura été ordonné, seront coupables du crime de révolte et punis de mort. » M. de Sillery. Je demanderai qu’on ajoutât : tout capitaine de vaisseau particulier , parce qu’un capitaine de vaisseau est un général dans sa partie. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Gela rentre dans la discipline militaire et de la marine; nous faisons ici une loi contre un attentat qui menace la chose publique. Or, le commandant particulier qui manque à l’ordre qn’on lui adonné, commet un crime grave; mais c’est un crime contre la discipline militaire et voilà pourquoi le comité n’a pas cru devoir le placer ici. (L’Assemblée, consultée, adopte l’article 5 dans sa nouvelle rédaction.) La suite de la discussion est renvoyée à demain. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre du ministre de la guerre qui prie l’Assemblée de décider quels tribunaux seront charges d’instruire et de juger les délits militaires des indïvidxis de la ci-devant maréchaussée ou de la gendarmerie nationale. Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Il existe dans la ci-devant maréchaussée des affaires importantes qui y entretiennent des divisions fâcheuses, et dont la décision ne peut avoir lieu par voie d’administration. Des abus d’autorité, des actes d’insubordination, même des malversations en sont les causes ou les prétextes, et soit que les imputations aient des caractères de vérité, ou quVUes soient calomnieuses, les dispositions vio entes des acccusateurs et des accusés, les uns contre les autres, ne font qu’accroître le désordre. « Je fus frappé, dès mon arrivée au ministère, de l’exemple donné par la compagnie de maréchaussée de l’ancien Dauphiné, de sa résistance à des ordres supérieurs, et de son insubordination marquée; cependant, les motifs exposés par cette compagnie, l’espèce d’approbation que paraissent y donner les corps administratifs, et un concours de circonstances avaient déterminé mon prédécesseur à soumettre cette affaire à une information extrajudiciaire. « Un in-pe teur général de la maréchaussée fut envoyé à Grenoble pour y procéder; il eut ordre d’engager des membres du département et du corps municipal à s’adjoindre à lui pour celte opératiou: mais ils s’y refusèrent. De son côté, le prévôt général récusa l’inspecteur; les contrariétés les plus extraordinaires s’élant opposées à l’exécution des ordres du roi, il fut question de faire poursuivre judiciairement cette affaire. M. l’ancien garde des sceaux fut consulté par M. de la Tour-du-Pin ; je consultai moi-même M. Duport, et cependant le tribunal où celte affaire devait être portée et le mode de procédure à suivre restèrent indécis. Les cours martiales ayant commencé alors à être mises en activité, je crus convenable d’en établir une pour lui déférer l’instruction et le jugement de l’affaire de la compagnie île maréchaussée du Dauphiné. Il fut prescrit, en conséquence, à M.Duchilleau, commandant à Grenoble, de faire procéder aux opérations préliminaires; mais, arrêté dès le coz - menemment par des difficultés dans l’application de plusieurs articles du décret sur l’organisation des tribunaux militaires, M. Duchilleau me fit part de ses observations et de quelques questions à résoudre : je les communiquai au comité militaire de l’As-emblée nationale, avec prière de provoquer, s’il était nécessaire, des décrets sur ces questions. J’attendais depuis longtemps des décisions, lorsque les membres du comité militaire chargé du travail relatif à la jurisprudence militaire, m’annoncèrent qu’ils étaient persuadés qu’il ne fallait point rendre les gendarmes nationaux justiciables des cours martiales, et qu’ainsi ils se disposaient à proposer, sur cet objet, leurs vues à l’Assemblée. « C’est cette difficulté non encore résolue qui tient, comme vous le voyez, Monsieur le Président, toutes mes dispositions en �suspens : elle