[18 février 1791.] 277 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAE qui se soient présentées, ont offert toutes deux le cautionnement de 2 millions en immeubles, et ont justifié, chacune de leur côté, de la somme de 5 millions, que j’avais demandée dans la séance du 12 pour sûreté de payement comptant des effets appartenant aux fermiers et sous-fermiers. « Toutes ces conditions se trouvant remplies de part et d’autre, il ne restait plus qu’à procéder à la réception des enchères et de suite à l’adjudication définitive. J’ai effectivement annoncé que j’étais prêt de recevoir les enchères : alors un des associés de M. Choiseau, parlant au nom de cette compagnie, a déclaré que la compagnie de J. -F. Lequeux étant la seule en concurrence, et cette compagnie n’étant autre que celle des maîtres de poste coalisés, comme il offrait de le prouver, c’était évidemment éluder le décret du 26 août dernier, et rendre la concurrence illusoire, puisqu’aucune compagnie ne pouvait concourir avec celle des maîtres de poste, sous tel nom qu’elle pût se présenter : en conséquence la compagnie Choiseau a déclaré se retirer, protestant en tant que de besoin contre tout ce qui pourrait être fait, et s’en référant toujours à son dire porté au procès-verbal de la dernière séance. « M. üubut de Longchamp a dit, pour la compagnie de M. Lequeux, qu’il portait ses offres au prix de 300,000 livres, exprimé dans sa soumission réelle imprimée; et il a déclaré qu’attendu la concurrence réelle des enchères insérée dans le procès-verbal du samedi 12, il couvrait de la somme de 100 livres toute enchère qui aurait été régulièrement faite. lia requis l’adjudication définitive sans avoir égard à la prétendue fin de non-recevoir exprimée par la compagnie Choiseau, ni à sa retraite, qui ne pouvait pas exister, attendu qu’elle s’était présentée librement à la concurrence, et que c’était pour faire cesser cette concurrence qu’elle se retirait. « Ces déclarations sont consignées dans le procès-verbal dont j’ai l’honneur d’adresser une expédition à l’Assemblée nationale. « La compagnie Choiseau s’étant retirée, j’ai annoncé que je ne pouvais pas prendre sur moi de prononcer l’adjudication réclamée par la compagnie de M. Lequeux, attendu que l’adjudication exige nécessairement une concurrence, et qu’il n’y a point de concurrence là où il n’y a qu’une seule enchère. (Murmures.) J’ai donc déclaré que je me croyais obligé d’en référer à l’Assemblée nationale, et j’ai observé que les choses restant entières, cette détermination de ma part ne pourrait porter préjudice au droit des parties. •« Dans une pareille position, il n’y a que l’Assemblée nationale qui puisse mettre un terme à l’indécision où cette affaire se trouve malheureusement livrée; et je la supplie de considérer qu’après les vicissitudes qu’a subies cette affaire, et le dernier état où elle a été amenée, il n’est plus en mon pouvoir de faire un choix, ni de rien prononcer. « Maintenant que je viens de rendre compte à l’Assemblée de ce qui concerne les messageries, qu’il me soit permis d’appeler un moment son attention sur la situation actuelle de la direction des postes. Ces deux objets ont tant d’analogie, que je crois devoir en parler en ce moment à l’Assemblée. j « Par son décret du 26 août dernier, elle a mis l’administration des postes sous l’inspection d’un directoire composé de 5 personnes qui ne doivent pas être intéressées dans le produit; elle a or-EMEl donné en même temps la réforme du tarif de 1759, et qu’il serait pourvu aux nouveaux établissements que la division actuelle du royaume et le besoin du commerce sollicitent; enfin aux améliorations et économies possibles, pour le tout être soumis cette année à l’examen du Corps législatif, et avoir lieu à compter du 1er janvier 1792. « Je ne puis m’empêcher de représenter à l’Assemblée nationale qu’il me paraît impossibleque les 5 personnes suffisent à ces objets, malgré le zèle dont je les crois capables; jedoisencore repré-senier à l’Assemblée, comme un inconvénient préjudiciable au revenu des postes, le défaut d’intérêt des administrateurs dans le produit. Je suis obligé de le dire : telle confiance que l’on donne à ceux qui sont chargés d’une perception quelconque, le réveil de l’intérêt peut seul faire résister aux sollicitations, aux abus. Le revenu des postes, qui sera désormais un des impôts indirects le plus précieux, demande plus qu’aucun autre une administration intéressée. « Si l’Assemblée est comme moi frappée de ces considérations, si elle juge en conséquence à propos de se faire rendre compte de la situation de radministrationdespostes,je m’empresserai de communiquer au comité qu’elle en chargera tous les renseignements et les observations propres à éclairer sa décision, sinon elle peut être persuadée que je ferai tous mes efforts pour seconder cette administration, et que je donnerai tous mes soins ausuccès des opérations dontje suis chargé; mais je veux remplir une obligation indispensable en avertissant l’Assemblée des secours et des besoins que les grands changements qu’elle a ordonnés dans toutes les parties du service des postes sollicitent; et je me verrais avec regret obligé de lui soumettre les embarras et les obstacles contre lesquels l’administration actuelle se trouverait dans l’impossibilité de réunir assez de moyens. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc. « Signé : DE LessàrT. » M. le Président. Voici maintenant la pétition du sieur Lequeux à l’Assemblée nationale : « Messieurs, depuis trois mois, la ferme des messageries occupe l’Assemblée nationale au sujet de l’adjudication du bail ; les décrets ont été éludés. Enfin, dans la dernière séance, les deux compagnies soumissionnaires, la compagnie Choiseau et la mienne étant en règle, rien ne pouvait empêcher de procéder à l’enchère. « Une multitude de gens apostés, des financiers, des sous-financiers, prétendant être les organes de l’opinion publique, firent cependant retarder l’adjudication. La compagnie Choiseau, sentant son infériorité, se retire en déclarant qu’elle ne peut concourir avec moi, à cause de ma trop grande richesse. Effectivement, Messieurs, mon cautionnement est bien supérieur; j’ai déposé 2,800,000 livres en immeubles, au lieu de 2 millions qui étaient demandés, indépendamment de la somme de 3 millions que j’ai déposée en écus pour la sûreté des effets des sous-fermiers. C’est bien là ce que vous désiriez: sûreté de service et solidité ; mais là n’est pas le mot de l’énigme. « Les financiers, abusant du mot enchère , disent : pour une enchère, il faut une concurrence, donc il faut deux compagnies ; nous nous retirons, il n’en reste plus qu’une; donc il n’y a plus d’enchère ; donc le pouvoir exécutif ne peut 278 plus adjuger ; donc, nous, financier?, restons en pos-ession en dépit des décrets. « J ai l’honneur de soutenir à l’Assemblée nationale que le ministre des finances pouvait adjuger le bail, malgré la retraite de la compagnie Choiseau et que, dans la rigueur de la loi, il le devait. J’ai requis l’adjudication auprès du ministre ; j’ai l’honneur de la requérir auprès de vous, Messieurs: on cherche à gagner du temps pour vous demander ensuite de renvoyer à l’année 1792 pour n’avoir pins deconcurrence à soutenir. Je suis prêt à le démontrer. J’ose vous supplier de détourner le piège ; il est tendu pour écraser une compagnie, pour détruire toute concurrence : car les financiers étant coalisés, si vous accordez le bail à une de leurs compagnies quelconques, ils y sont tous, soit comme locataires, soit comme sous-locataires. « J’ai l’honneur de prier l’Assemblée d’ordonner sur-le-champ l’adjudication du bail à ma compagnie pour le prix qu’elle a offert. On ne dépose pas 5 millions sans se charger de gros intérêts ; en retardant l’adjudication, l’intérêt public et l’intérêt particulier se trouveraient compromis. « Signé ; J.-F. Lequeux. » Plusieurs membres demandent que l’offre de la compagnie Lequeux soit acceptée sur-le-champ. M. Martineau. Je ne suis pas étonné d’entendre plusieurs membres demander que l’adjudication soit faite à l’instant à la compagnie Lequeux; il est certain que le ministre peut et doit passer outre à l’adjudication. Il n’était pas raisonnable, de la part de la compagnie Choiseau, de prétendre qu'en se retirant, elle mettait le ministre dans l’impossibilité d’adjuger : car s’il en était ainsi, il n’est pas d’adjudication qui ne pût être arrêtée de cette manière. Dès qu’un enchérisseur verrait que son concurrent remporte, il déclarerait qu’il se retire et il rendrait l’opération illusoire. La retraite, dans la rigueur du principe, n’est autre chose que l’aveu qu’on ne peut couvrir l’enchère de son concurrent. Je ne suis donc point étonné de voir des honorables membres demander que l’Assemblée accepte à l’instant la soumission de la compagnie Lequeux; mais je crois que pour le bien de la nation, qui est que les enchères se lassent au plus haut prix possible, vous ne devez point rendre un semblable décret qui vous priverait de l’avantage de la chaleur des enchères. Il n’est pas d’ailleurs de la compétence de l’Assemblée de prononcer une adjudication. On oppose, d’autre part, que la compagnie Lequeux nest autre chose que les maîtres de poste; cela se peut. Mais toujours est-il vrai qu’ils ne paraissent point et que ce ne peut être un motif d’exclusion pour Jean-François Lequeux. Je demande que l’affaire soit renvoyée au pouvoir exécutif pour faire l’adjudication. M. de Cazalès. il serait facile de prouver l’absurdité de la compagnie Choiseau ; il serait également facile de prouver qu’il vaut mieux adjuger à la chaleur d’une nouvelle enchère, que d’adjuger sur-le-champ; mais ce n’est pas là l’objet de la difficulté. La compagnie Choiseau observe que la compagnie Lequeux, n'est autre chose 3‘e la coalition des maîtres de poste, et un décret porte que l’exploitation du service des postes et celle du service des messageries ne pourront être réunies dans les mêmes mains. Les maîtres de poste prétendent que i’Assem-[18 février 1791. J Idée peut déroger sans danger à un décret purement réglementaire; mais je me souviens que le comité des finances fut chargé à cette époque de vous faire � un rapport sur la pétition de plusieurs maîtres de poste, qui présentaient des motifs spécieux pour prouver que leur demande était avantageuse au service public. Ces motifs furent tous repoussés par le comité des finances: le rapporteur démontra les dangers de réunir dans les mêmes mains deux services destinés à se secourir mutuellement, et à concourir ensemble. Ce n’est pas que je pense que cet article soit un obstacle invincible; mais je crois que la matière serait mieux éclaircie, si l’Assemblée renvoyait l’affaire à son comité (Murmures.) . . . pour qu’il lui fît le rapport des raisons qui l’avaient déterminé et qui avaient déterminé l’Assemblée nationale elle-même (Murmures.)-, car elle a rendu un décret qui sépare l’exploitation des postes de celle des messageries. Plusieurs membres : Non 1 non ! M. de Cazalès. On me dit que ce décret n’existe pas ! J’atteste à l’Assemblée que ce décret a été rendu au rapport de M. de Biron et j’en demande la lecture. Je ne m’oppose pas d’ailleurs à ce que ce décret soit abrogé, s’il est inutile ou vicieux; mais pour que l’Assemblée soit conséquente à elle-même, je conclus au renvoi au comité, qui vous fera un rapport particulier sur cet objet. M. le Président. Voici le texte de l’article Ie* du décret en question : « Les postes aux lettres, les postes aux chevaux et les messageries continueront à être séparées, quant à l’exploitation, etc... » M. Gobel, évêque de Lydda. Sur toutes les observations relatives à la compagnie Lequeux, je remarquerai seulement que l’Assemblée n’est pas encore assez instruite de l’utilité de la chose, soit par rapport au Trésor national, soit par rapport au service public, soit par rapport au service de l’armée; j’ose assurer que les pièces qu’on vient de lire ne donnent point la suffisance de lumières necessaire pour juger. Je crains même que la pétition qui vient d’être lue à l’Assemblée ne contienne une surprise à sa religion; et j’ai d’autant plus de raisons de le croire qu’hier, il m’est tombé entre les mains un imprimé qui a circulé dans cette capitale : il m’a paru porter la teinte de cette surprise, attendu qu'il he tend à rien moins qu’à imprimer au public une opinion capable d’influencer la détermination de l’Assemblée. Comme l’affaire est de la dernière conséquence sous tous les rapports, je demande qu’il soit sursis aujourd’hui et que l’ Assemblée veuille ajourner l’examen et la discussion de cette affaire à huitaine, ou bien renvoyer à son comité, pour lui être, sur cette affaire, rendu un compte très fidèle et très exact. M. Martineau. Je demande la question préalable sur le renvoi au comité et sur l’ajournement. Le mois d’avril arrivera; le bail ne sera pas adjugé, et vous vous verrez • obligés de renvoyer l’adjudication à l’année 1792. Voilà ce qu’on espère; voilà ce qu’on désire. (Applaudissements.) On s’appuie sur le décret que M. le Président vient de lire et sur le prétexte que la compagnie (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES.