66 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ Annexes .] RAPPORT FAIT Aü NOM DU COMITÉ D’AGRICULTURE ET DE COMMERCE SUR LE CANAÉ SOUTERRAIN, DIT DE LA PICARDIE, Par M. PONCIN, Député du Quesnoy. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, Considérez les communications qu’établissent les navigations de la Loire, de l’Yonne, de la Seine, de la Marne, de l’Oise, de l’Aisne et de la Somme, et les divers canaux qui correspondent à ces différentes rivières, et vous ne balancerez pas à déterminer leur jonction avec les navigations des départements du Nord et du Pas-de-Calais, des Pays-Bas autrichiens et des Provinces-Unies. Un seul point les sépare ; coupez-le et vous aurez établi la plus intéressante navigation intérieure dans l’Empire français : vous aurez uni Amsterdam, Paris, Rouen et Nantes. Le projet de faire disparaître les obstacles qui s’opposaient à cette communication a été longtemps examiné, réfléchi, discuté. Le tracé, préparé par M. de Yic, fameux ingénieur militaire, a été vérifié par le célèbre Laurent; il en démontra la possibilité ; l’exécution en fut ordonnée par les articles 1 et 8 de l’arrêt du conseil du 24 février 1769 (1). Par cet arrêt, les travaux furent divisés en deux parties ; la première contient la prolongation du canal depuis Saint-Quentin jusqu’à Bantheuil ; la seconde comprend les travaux depuis Bantheuil jusqu’à Valenciennes par l’Escaut, et jusqu’à Douai par la Sensée, qui se jette dans l’Escaut à Bouchain. La navigation est établie, depuis plusieurs années, de Valenciennes à Cambrai. Elle est ouverte entre Cambrai et Bantheuil, d’après votre décret du 3 juillet 1790; et entre Douai et Bouchain, par votre décret du 16 juin 1791. (1) Voyez le» pièces justificatives, n° I, ci-après page 68, Les travaux de la première partie, qui font l’objet du rapport qui vous est soumis, se subdivisent : 1» En un canal à ciel ouvert, depuis Saint-Quentin jusqu’au Tronquoy, long de 4,573 toises ; 2° En un canal souterrain de 7,020 toises, depuis Tronquoy jusqu’à Vend ville; 3° En un canal à ciel ouvert, depuis Vendville jusqu’à Cambrai, dont 1,294 toises sont sur le département de l’Aisne, et le surplus sur le département du Nord. La communicatiou souterraine a été ouverte en 1769, et continuée jusqu’en 1775, que M. Tur-got en ordonna l’interruption, quoiqu’il y eût à cette époque une dépense faite d’environ 1 million. Les départements de l’Aisne et du Nord, les districts de Saint-Quentin et Cambrai, les municipalités de ces deux villes, les chambres de commerce de Valenciennes et de Saint-Quentin sollicitent vivement la reprise et l’achèvement des travaux. Ordonnera-t-on la prolongation du canal souterrain depuis le Tronquoy jusqu’à Vendville, conformément à l’article 1er de l’arrêt du conseil de 1769? tel est le point à juger. Examinons d’abord s’il est convenable d’établir un rapport direct entre Nantes, Rouen et Amsterdam, par une navigation intérieure qui traverse Paris. Proposer une pareille question, c’est la résoudre. Il est impossible de ne pas reconnaître tous les avantages d’une communication qui joindra la navigation d’une grande partie du royaume à celle de la Flandre autrichienne et de la Hollande. Si l’on n’eût pas suspendu en 1775, par l’en - 61 [Aesemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. ! vie de faire mieux , on aurait joui de la communication en 1789, et les frais que le département de la marine a été obligé de faire pour le transport par terre des mâts depuis Boucbain jusqu’à Saint-Quentin (la navigation de l'Escaut n’étant pas encore achevée entre Bouchain et Cambrai), eussent payé ceux qui restaient à faire pour achever le canal depuis Cambrai jusqu’à Saint-Quentin. (Il est à propos d’observer que les communications par terre entre ces deux villes ont éprouvé de grandes dégradations par les charrois multipliés des mâts.) Comment établira-t-on cette communication? Vous avez à choisir, Messieurs, entre le projet de jonction de la Somme à l’Escaut, proposé par M. Laurent, et celui de jonction de l’Escaut à l’Oise, soit par l’Ëscaillon, la Sambre et le Noi-rieu, proposé par M. de la Fitte-Clavé, officier du génie; soit par la Seille, la Sambre et le Noirieu, proposé par M. de Brie. Ces projets ont été discutés par l’administration centrale des ponts et chaussées (1). Ils sont tous susceptibles de difficultés; cependant il faut faire un choix. Le projet de M. Laurent présente plus de facilité pour le commerce intérieur. Il se divise en deux branches près de Bouchain, l’une vers Valenciennes par l’Escaut, qui traverse ensuite les Pays-Bas autrichiens; l’autre vers Douai par la Sensée, qui établit une communication intérieure et indépendante de la Flandre autrichienne, où il faut, dans l’état actuel, emprunter passage à Mortagne, entre Condé et Saint-Amand, et d’où, par la Scarpe, la Deulle, la Lys et l’Aa, tous les transports d’artillerie et de munitions pourront se faire, des arsenaux de la Fère et de Douai, à Arras, Lille, Béthune, Saint-Omer, Bergues, Gravelines, Calais et Dunkerque. Vous jugez par cet exposé, Messieurs, de la supériorité de ce projet; tandis que les autres communications ne sont couvertes que par les villes du Quesnoy et de Landreeies. En vain objectera-t-on que ces dernières communications correspondront à celles qu’on propose d’ouvrir pour la jonction de l’Oise à la Meuse par le Ton et la Sormone; la réponse est simple. Le département des Ardennes sollicite la jonction de la Meuse à l’Aisne par la Bar, projet proposé par M. le maréchal de Vauban, et dont le désordre des finances a retardé jusqu’à présent l’exécution, que M. de Louvois avait appréciée comme elle devait l’être. L’Aisne se jette dans l’Oise, en traversant les districts de Laon et de (1) Voyez l’avis de Rassemblée des ponts et chaussées, n° II, page 68. Soissons, et baigne les murs de cette dernière ville. Cette navigation présente bien moins d’in-convénienfs que celles du Ton et de la Sormone, qui sont à quelques lieues de distance de la frontière, et ne sont couvertes par aucune place. Le projet Laurent est donc préférable à tout autre projet : la construction en sera moins dispendieuse, plus courte, plus commode pour les transports, et plus sûre en temps de guerre. Quoique ce canal soit couvert par les villes de Cambrai, de Bouchain et de Valenciennes, comme il intéresse un département frontière, Tadminis-ti ation centrale des ponts et chaussées a pensé qu’il devait être communiqué au ministre de la guerre, d’autant que les projets présentés en concurrence avaient un rapport direct avec la ligne de défense du département du Nord. Le ministre de la guerre en a confié l’examen à MM. de Rosières, lieutenant général, et d’Es-tourmel, maréchal de camp. Leur rapport (1) a été approuvé par le ministre. Le projet Laurent réunit donc toutes les approbations préparatoires. Votre comité vous propose, Messieurs, d’y joindre la vôtre, en adoptant le projet de décret suivant : « L’Assemtdée nationale, ouï le rapport de son comité d’agriculture et de commerce, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les travaux commencés pour établir le canal souterrain, dit de Picardie, seront continués jusqu’à leur entière perfection, eu conformité et aux termes de l’arrêt du conseil du 24 février 1769. Art. 2. « Les deÿis et détail estimatif des ouvrages à faire successivement, par partie et en différents endroits dudit canal, seront présentés, par l’administration centrale des ponts et chaùssées, à l’Assemblée nationale législative, qui déterminera, chaque année, lès fonds à y employer. Art. 3. « Ce canal sera dénommé Canal de l'Escaut à la Somme. Art. 4. « Il sera affecté, pour cette année, un fonds de 200,000 livres. (1) Voyez le rapport approuvé par le ministre de la guerre, n° III, page 71. Pièces justificatives. 68 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] PIÈCES JUSTIFICATIVES N° 1. ARRÊT DU CONSEIL D’ÉTAT DU ROI Qui ordonne la prolongation du canal de Picardie, et règle toutes les opérations qui concernent cet objet. Du 24 février 1769. Exti’ait des registres du Conseil d'Êtat. Le roi ayant acquis et réuni à son domaine le canal de Picardie, dans la vue de Futilité qui doit nécessairement en résulter pour son service, le commerce de son royaume et le bonheur de ses sujets, Sa Majesté aurait considéré que la rolongation de ce caoal, depuis la ville de aint-Quentin jusqu’au village de Bantheuil, sur la Picardie; depuis ce village, par la vallée de l’Escaut, sur le Cambrésis, jusqu’à Bouchain et Valenciennes par l’Escaut, et à Douai par la Sensée et le canal du Moulinet, produirait les plus grands avantages, puisqu’en établissant une communication facile, dans une étendue considérable de pays, avec le canal de la Lys et de l’Aa, qui doit être achevé cette année, et surtout entre les places plus frontières de la Flandre, cette prolongation rendrait les transports, tant de munitions de guerre et de bouche, que des effets d’artillerie des arsenaux de la Fère et de Douai, aussi prompts que peu dispendieux; et Sa Majesté voulant régler tou* ce qui concerne les operations relatives à cet objet, de manière à prévenir les difficultés, et à faciliter l’exécution du plan qu’elle a jugé à propos d’agréer, ouï le rapport, Sa Majesté étant en son conseil, a ordonné et ordonne ce qui suit : Art. 1er. Le canal de Picardie sera prolougé depuis Saint-Quentin jusqu’au village de Bantheuil, sur la Picardie; et la dépense continuera d’en être payée sur les fonds du Trésor royal, en conséquence des ordonnances que Sa Majesté fera expédier à cet effet. Art. 8. Quant aux ouvrages à faire, tant sur le Cambrésis, que sur la châtellenie de Bouchain, la dépendance de Valenciennes et sur l’Artois, Sa Majesté entend qu’ils seront faits par les administrateurs desdits pays, suivant leur usage, et des fonds qu’ils ont coutume d’employer aux travaux de cette nature, dont cependant les plans tracés continueront d’être faits par le sieur Laurent, à qui Sa Majesté en a confié la direction générale. N* 2 AVIS De l'assemblée des ponts et chaussées sur le canal souterrain de Picardie. Le canal de communication de l’Escaut à la Somme, pour lequel il a été dépensé par le gouvernement environ t million de livres, a éprouvé, sous l'administration de M. Turgot, contrôleur général, des contradictions assez fortes pour engager le ministre à suspendre la continuation des t avaux de ce canal, et à examiner les raisons pour et contie ce projet. Les avis exagérés de part et d’autre ont empêché pendant longtemps de décider si cet ouvrage devait être continué, ou non. Enfin, tout bien considéré, en 1783, l’administration a permis à la famille Laurent de continuer, à ses risques, périls et fortune, les travaux nécessaires pour joindre l’Escaut à la Somme et à l’Oise, par le canal souterrain commencé, ce qui cependant n’a pas eu lieu encore, 69 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ Annexes .J parce que le parlement de Paris s’est opposé aux privilèges et conditions qui avaient été accordés à la famille Laurent. L’état des choses est changé : il nVst plus question d’accorder des privilèges à M. Laurent et compagnie, qui étaient disposés à faire à leurs frais le canal, pour en jouir pendant un nombre d’années. C’est à présent une affaire de la nation. Les départements du Nord et de l’Aisne, les municipalités de Cambrai et de Saint-Quentin, et le comité de commerce de cette dernière ville demandent avec instance à l’Assemblée nationale que le canal souterrain de Picardie soit achevé. L’Assemblée nationale a renvoyé ces demandes à son comité de commerce et d’agriculture, et sur le rapport, a fait passer le tout au ministre de l’intérieur, pour ordonner qu’il soit fait un examen circonstancié de ce canal, suivant les termes et les dispositions de la loi sur les ponts et chaussées. Les demandes qui sont faites pour la communication de l’Escaut à la Somme par le canal souterrain de Picardie, sont appuyées de raisons si fortes , et la chose est si importante pour le commerce, que l’Assemblée nationale n'hésiterait pas d'en décréter l'exécution, si elle n’était retenue par les objections qui ont été faites, et qui ont déjà fait suspendre l’ouvrage commencé. Les principales objections sont : 1° Le peu de solidité du terrain que doit traverser le canal; 2° Le froid et le vent qui régneront le long du canal ; 3° La résistance de l’eau ; 4° L’insuffisance de l’eau pour alimenter le canal ; 5° Les sables bouillants que rencontre le canal dans la partie découverte du côté de l’Escaut. On peut ajouter encore à ces objections : 6° Qu’il est possible et plus convenable de faire quelque autre communication de l’Escaut à l’Oise; 7° Que la dépense par le canal souterrain est trop considérable. On a répondu aux objections 1, 2, 4 et 5, qu’ayant visité la partie du canal souterrain ouverte, on en avait trouvé la pierre assez solide pour en soutenir la voûte, sans danger pour les hommes qui le fréquenteraient, excepté dans peu d’endroits où la voûte, n’étant pas assez éloignée de la superficie de la terre, traversait des bancs de pierre, ou tuf, moins durs ; qu’on se proposait de couvrir en ces endroits le canal d’une voûte en pierre de taille; qu’on estimait la longueur de ces parties ainsi voûtées ne devoir être que de 2,000 toises tout au plus; Que la température de l’air dans le souterrain, plus chaude en hiver qu’à l’extérieur, était, en été, au degré ordinaire des caves profondes, indiqué par 10 du thermomètre de M. de Réaumur, au-dessus du zéro ; Que la fouille seule du canal, quoique très imparfaite encore, donnait en été 871 pouces d’eau, ou 2,323 toises cubes d’eau en 24 heures, et en hiver 1,007 pouces d’eau, indépendamment de l’Escaut, qui en été donnait 2,077, et en hiver 4,762 pouces d’eau : la seule fouille du canal produit plus d’eau qu’il n'en faut pour une navigation bien florissante ; Que les sables légers que l’eau fait couler dans une partie du canal découvert peuvent être arrêtées et contenus par un ouvrage de maçonnerie en béton, ou être évités en portant cette partie du canal vers le pied du coteau d’Ossu. La troisième objection sur la résistance de l’eau dans un canal étroit a été portée à sa juste valeur, qui n’est pas bien considérable ; mais cette objection a été faite par des hommes très éclairés : elle tient encore en suspens bien des personnes pour qui peut-être la réponse n’a pas été présentée assez clairement ; nous croyons devoir la développer plus sensiblement, ainsi qu’il suit : Suivant MM. les académiciens consultés sur le canal de Picardie, la résistance de l’eau à un bateau large de 15 pieds, qui avance avec une vitesse de 20 toises par minute, dans un canal large de 50 pieds, étant ........................ 1 elle sera : Dans un canal large de 17 pieds 1/2.... 2 — — de 21 ............. 5/3 — — de 25 ............. 3/2 — — de 35 ............. 5/4 Elle sera donc un peu plus que 2 dans un canal large de 16 pieds. On sait que, sur les canaux de Briare et du Loing, dont la largeur est à peu près de 35 pieds, les bateaux larges de 15 pieds, tirés par 2 hommes, ont une vite -se de 10 toises par minute. Pour leur donner une vitesse de 20 toises par minute, il faudrait les faire tirer par 8 hommes. Les résistances étant comme les carrés de vitesse, on peut trouver le nombre (n) d’hommes nécessaires pour tirer, avec la même vitesse de 20 toises par minnte, un bateau dans le canal souterrain de 16 pieds de largeur, par cette proportion 5/4 : 2 :: 8 : n; ou 5 : 8 :: 8 n =64/5 = 13. Il faudrait donc dans le canal souterrain 13 hommes pour tirer avec une vitesse de 20 toises par minute le bateau qui serait tiré sur le canal de Briare avec la même vitesse par 8 hommes. Mais il n’est pas nécessaire que les bateaux avancent plus vite par le canal souterrain que par les canaux de Briare et du Loing, où ils ont plus de 20 lieues à faire de la même manière. Supposons donc que l’on donne aux bateaux du canal souterrain la vitesse ordinaire des bateaux du canal de Briare, il ne faudrait pour cela que 3 hommes 1/4 pour le tirer. Supposons à présent qu’ils n’y soient tirés que par 2 hommes, on trouvera leur vitesse ( v ) par cette proportion ; V 13 : V 2 :: 20 : 20 F 2 vv— - - — 7 toises 4/5 par minute, c’est-V 13 à-dire qu’il faudrait 15 heures pour parcourir les 7,020 toises, longueur du canal souterrain. Il y a beaucoup d’avantage à aller lentement. Si l’on voulait faire aller le bateau avec une vitesse de 100 toises par minute, comme la poste, 56 chevaux n’y suffiraient pas à beaucoup près, vu qu’un animal qui court, a beaucoup moins de force que s’il avançait lentement. M. Laurent de Lionne propose de donner à son canal, au lieu de 16 pieds, 16 pieds 8 pouces ; la résistance de l’eau sera un peu moindre. Les bateaux qui fréquentent les canaux de l’Escaut n’ont que 14 pieds de largeur au lieu de 15 : ils éprouveront une moindre résistance de l’eau. On pourrait ne faire qu’un trottoir pour le tirage, qui n’aurait alors lieu que d’un côté; mais on pense que, dans ce cas, le bateau aurait de la dérive, et ne pourrait suivre la direction du canal, qu’en présentant un peu le flanc à la direction de sa route, ce qui augmenterait d’autant la résistance de l’eau. On pourrait encore attacher des anneaux aux parois du canal, où les hommes, accrochant le 70 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. fer de leurs perches, pourraient faire avancer les bateaux sans marcher et sans avoir besoin de trottoirs; mais on croit (sue cette manœuvre fatiguerait les hommes plus que de tirer en marchant. La fa aille du canal souterrain produira plus d’eau qu’il n’en faut pour la navigation. Il sera nécessaire de faire, à chaque bout de ce canal, un déversoir pour le débarrasser de l’eau superflue. On pourra, en barrant un de ces déversoirs, déterminer le cours de l’eau du côté favorable à la navigation : ce ne sera qu’un bien petit secours, qu’il ne faut cependant pas négliger. Tout bien examiné, on pense qu’il convient de faire deux trottoirs, mais qu’il est à propos de leur donner à chacun 3 pieds de largeur, comme l’a demandé l’assemblée des ponts et chaussées; en sorte que la voûte du souterrain ait au moins 22 pieds de largeur à la naissance de la courbure de sa voûte. Si, à la longue, le dessus des trottoirs s’use sous les pieds des ha-leurs, on pourra les paver, et l’entretien de ce pavage ne sera pas d’une grande dépense. On ne doit pas craindre qu’un grand nombre de bateaux fasse élever l’eau du canal au-devant d’eux au-dessus des trottoirs. Un seul bateau, tiré par 2 hommes, ne fera remonter l’eau que de 7/10 de ligne. Cent bateaux qui passeraient de même et ensemble par le canal, ne feraient monter l’eau devant eux que de 70 lignes, ou de 5 pouces 10 lignes : d’ailleurs les déversoirs qui seront établis à chaque extrémité du point de partage du canal souterrain, ne permettront pas à l’eau de s’élever au delà de la hauteur requise. Sixième objection. On aurait pu former un canal de communication entre l’Escaut et la rivière d’Oise, par le moyen de la Sambre et de la Selle ou de l’Ecaillon : il est bien vrai qu’un tel canal eût été possible et convenable, surtout s’il n’eût été question que de joindre l’Oise avec la Meuse, parce qu’il ne fallait pour cela qu’un point de partage pour passer du vallon de l’Oise à celui de la Sambre, et le terrain y est on ne peut mieux disposé ; mais, pour passer ensuite du vallon de la Sambre à celui de l’Escaut, il faut encore un point de partage entre le vallon de la Sambre et celui delà Selle ou de l’Ecaillon, ou une fouille de terre très considérable. M. de Brie, dans son projet de canal par la Sambre, paraît n’admettre qu’un point de partage commun pour la Sambre et la Selle; mais aussi parle-t-il d'une tranchée pour son point de partage dont la fouille produirait 508,341 toises cubes, dont la dépense, au meilleur marché , monterait à 1 million 500 mille livres. Supposons que ces points de partage ne présentent aucune difficulté ni dépense; ne considérons que la longueur du canal à faire, laquelle est de 64,449 toises ; un canal de celte longueur ne peut pas coûter moins que 8 millions de livres, puisque celui de Cambrai à Manières doit coûter 666,927 livres pour environ 5,000 toises de longueur. Ce qui reste à faire pour la communication de l’Escaut à la rivière d’Oise par le canal souterrain ne doit coûter, suivant les dernières estimations de M. Laurent de Lionne, que 3,067,196 livres. De plus, ce canal intéresse infiniment le commerce des villes de Saint-Quentin et de Cambrai. Il serait presque anéanti, si, au lieu d’achever le canal souterrain, on y substituait le canal à ciel découvert de la Sambre. La septième objection contre ce canal souterrain s’évanouit en même temps, puisque celui des autres projets qui a paru convenir le mieux, causerait au moins le double de dépense. Lorsque l’Assemblée nationale aura décrété la continuation du canal souterrain, il se présentera encore une difficulté. Pour se conformer aux lois, un ouvrage supérieur comme celui-ci, doit être aux frais de l’Etat, et dirigé par l’administration centrale des ponts et chaussées. Il a été projeté et commencé par feu M. Laurent, et continué par M. Laurent de Lionne, qui vient de rendre compte aux départements de l’état actuel de ce canal, et de leur présenter des devis et détails estimatifs des ouvrages à faire pour finir ce canal. M. Laurent de Lionne n’est pas ingénieur des ponts et chaussées. On pense que, conformément aux lois, l’administration centrale chargera un ingénieur des ponts et chaussées des travaux qui restent à faire. Quel que soit l’ingénieur chargé de continuer ce canal, il conviendra qu’il fasse un devis et détail des ouvrages à faire chaque année, pour qu’il puisse être statué par le pouvoir legislatif sur ces ouvrages et sur les fonds à y appliquer. Les devis et détails faits par M. de Lionne pour l'ouvrage entier paraissent en général bien faits , et le total de la dépense , montant à 3,069,000 livres, qui en résulte, ne paraît pas devoir s’éloigner beaucoup de l'exactitude. Ce 30 mai 1791. Le projet de M. de la Fitte nous ayant été communiqué depuis ce rapport arrêté, nous observons que ce projet, qui diffère de celui de M. de Brie, en ce qu’il quitte la Sambre au-dessous de Landreey pour se réunir à l’Escaut en suivant l’Ecaillon, au lieu de quitter la Sambre au-dessus de Landreey pour communiquer à l’Escaut en suivant la Selle, paraît également praticable; mais la communication de l’Oise à l’Escaut, par ce projet, contrarie de même les intérêts de Saint-Quentin et de Cambrai et les premières demandes des départements du Nord et de l’Aisne ; de [dus elle exige nécessairement un second point de partage dans la forêt de Mormal, pour lequel, suivant M. de la Fitte, il faudrait faire une tranchée de 69 pieds de profondeur sur une longueur d'environ 3,000 toises. Ces raisons nous portent à croire que cette communication n’est pas préférable à celle qui aurait lieu par la Selle à laquelle nous avons cru devoir encore préférer le canal souterrain, comme navigation plus courte et plus économique. Il reste peu de longueur du canal à ouvrir pour la suite à ciel ouvert du canal souterrain entre Bantheuil et Cambrai ; il convient que le tracé, qui ne peut guère varier en suivant l’Escaut, en soit déterminé de concert avec les officiers du génie militaire. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Afttoü*»*.] tl N° 3. NAVIGATION INTÉRIEURE. Canal souterrain pour joindre l'Escaut à la Somme. RAPPORT AU MINISTRE DE LA GUERRE. Le ministre de l’intérieur, en adressant les projets, plans, devis estimatifs, et tracés qui ont été rédigés par les sieurs de la Fitte-Glavé, officier du génie, pour la jonction de l’Oise à l’Escaut; et Laurent de Lionne, directeur de l’ancien et nouveau canal souterrain de Picardie, pour la jonction de l’Escaut à la Somme, par le canal souterrain, ainsi que les adresses présentées à l’Assemblée nationale, tant par les départements du Nord et de l’Aisoe, que par les municipalités de Cambrai et de Saint-Quentin, et par le comité de commerce de cette dernière ville, pour obtenir la confection du canal souterrain commencé par le sieur Laurent, y a joint l’avis de rassemblée des ponts et chaussées sur ces mêmes projets, qui consiste à donner la préférence à l’achèvement du canal souterrain, comme offrant une navigation plus courte et plus économique que celles indiquées par les projets des sieurs de la Fitte-Clavé et de Brie, en observant néanmoins: 1° Que, lorsque le dessus des trottoirs viendra à s’user sous les pieds des haleurs, il conviendra de faire paver ces mêmes trottoirs, et que l’entretien de ce pavé ne sera point d’une grande dépense; 2° Qu’il sera nécessaire que le tracé de ce qui reste à ouvrir, pour la suite, à ciel ouvert, du canal souterrain, entre Bantheuil et Cambrai, le long de l’Escaut, soit déterminé de concert avec les officiers du génie; 3° Que, soit que M. Laurent de Lionne continue d’être chargé de la conduite du canal, soit qu’elle soit confiée à un ingénieur des ponts et chaussées, il conviendra qu’il soit fait un devis et détail des ouvrages à exécuter chaque année, pour qu’il puisse être pourvu aux fonds qui seront nécessaires ; 4° Que le total de la dépense de ce qui reste à faire pour la confection du canal souterrain, montant, d’après les devis estimatifs du sieur Laurent, 4 3,069,000 livres, lui a paru né point s’éloigner de l’exactitude. Pour mettre le ministre en état de prononcer définitivement sur la préférence à donner à l’un des projets précédemments énoncés, MM. de Rosières, lieutenant générai, inspecteur général des fortifications, et d’Estourmel, maréchal de camp, chargés de présider à l’examen des canaux de navigation du Hainaut, de la Flandre, du Cam-brésis, de l’Artois et de la Picardie, ont été choisis pour les examiner; et leur avis est que le canal souterrain, non seulement dans ce qui est fait mais dans ce qui reste à faire, n’offrant rien qui puisse, en aucune manière, contrarier l’objet militaire rendant d’ailleurs la navigation plus courte et plus économique, soit continué jusqu’à son entière confection. Ils observent en même temps : î° Qu'il paraît convenable que les trottoirs, dont la largeur devra être de 3 pieds de chaque côté, soient pavés de suite, et sans attendre que le terrain soit usé par la marche des haleurs; 2° Que le projet de tracé de ce qui reste à faire à Ciel ouvert, depuis Saint-Quentin jusqu’à l’entrée du canal souterrain, au-dessus de l’écluse du Tronquoy, soit exécuté suivant le plan n° 3 ; 3° Que celui, depuis la sortie du canal souterrain à Vendeville jusqu’à Bantheuil, soit pareillement exécuté, suivant le plan n° 4, à la condition néanmoins que la direction indiquée aux fermes d’Osstrniépendra de la reconnaisance qui sera faite des sables bouillants qui se trouvent dans cette partie. Ces deux plans ainsi que la carte topographique, n° 2, du canal souterrain dans toute la longueur, ont été signés pareuxetdoivent être approuvés par le ministre. MM. de Rosières et d’Estourmel estiment en outre que, d’après l’avis qui a été donné, le 2 avril dernier sur le tracé du canal depuis Manières jusqu’à Cambrai, il estimportantd’ordonner qu’il soit incessamment dressé des plans et devis de la portion du canal qui reste à ouvrir depuis Bantheuil jusqu’à Manières, lequel n’éproüvera, de la partie militaire, aucune contradiction-, en se conformant à celui indiqué sur la carte topo graphique du canal de navigation de l’Escaut, dans l’étendue du Cambrésis, présentée au roi le 9 avril 1786,. avec les cahiers des Ëtats, par les députés des États de Cambrai et du Cambrésis à la cour. MM. de Rosières et d’Estourmel terminent leurs observations, en assurant Que, pour retirer de la jonction de la Sambre avec l’Escaut, soit par l’Ëcaillon, soit par la Selle, tous les avantages qu’elle olfre, il convient de déterminer, de concert avec l’Empereur et le Pfince-Evêque de Liège, les mesures à prendre pour perfectionner la navigation de là Sambre, dbôt la réeonhàiësàdCe faite en 1789, par M. de Vaülx de Belliü, otficlëf du génie, depuis Landrecies jusqu’à Namur, constate le mauvais état, Ils ajoutent qu’it vient d’être ordonné une dépense de 25,000 livres pour les réparations les plus urgentes àfairèsür Cette rivière, dans la partie française depuis Làrldtecies jusqu’à Jeumont, Fait à Paris, le 23 juillet 1791. Signé: ROSIÈRES; D’ESTOURMEL. Approuvé, signé: du Portail.