681 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 mars 1791.] blement l'ouvrage que des trois commissaires qui l’ont signée. Plusieurs membres : A l’ordre du jour ! M. de Mirabeau. Ma proposition est indépendante de l’explication que vient de donner M. Barnave. Elle porte uniquement sur les mots despectueux, véritablement violateurs de l’autorité de cette Assemblée. Je demande que les hommes qui ont revêtu de leurs signatures cette pièce souverainement injurieuse, puisqu’ils sont à la suite de cette Assemblée, soient mandés à la barre et improuvés. M. Treilhard. Je demande par amendement que l’improbation soit faite par le décret sans qu’on mande à la barre. M. de Montlosier. Je demande qu’on passe àl’ordre du jour. M. Chaberl de lia Charrière. Il me paraît plus convenable de ne pas porter aujourd’hui de décision à cet égard, et de différer de statuer jusqu’au moment où le comité colonial vous présentera ses vues sur le sort des membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue. M. de Mirabeau. On sait assez que mes principes ne sont pas conformes à ceux du comité colonial, et je m’en honore. Ma motion porte uniquement sur le titre que prennent les signataires de l’écrit dont il s’agit, de commissaires d’une assemblée que vous avez dissoute. Je me rallie à la motion de M. Treilhard et je demande qu’on la mette aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle im-prouve la lettre et passe à l’ordre du jour.) M. de Sillery, secrétaire, donne lecture d’une lettre du ministre de l’intérieur relative àM. Ame-lot, ci-devant évêque de Vannes. Cette lettre estainsi conçue : « Monsieur le Président, « Les commissaires envoyés parle roi dans le département du Morbihan, en exécution d’un décret de l’Assemblée nationale sanctionné par le roi, ayant appris que M. Amelot, ci-devant évêque de Vannes, était encore dans cette ville Je 28 du mois dernier, quoique le décret lui eût été notifié le 22, ont requis le directoire du département d’enjoindre a M. Amelot de partir àl’ins-tant, conformément au décret, pour se rendre à la suite de l’Assemblée nationale. Le directoire, adhérant à cette réquisition, a enjoint au sieur Amelot de partir deux heures après la notification qui lui en était faite; il a nommé en même temps deux gardes nationales pour l’accompagner jusqu’à Paris et pourvoira sa sûreté dans la route. M. Amelot est arrivé chez moi à midi, accompagné des deux gardes nationales auxquels j’ai déclaré que leur mission était finie. « M. Amelot m’a dit que son intention était de se conformer au décret sanctionné, mais qu’il était absent, lorsque la notification lui en avait été faite, et qu’il comptait partir le lendemain qu’il a reçu son injonction. D’après la soumission par écrit que m’a donnée M. Amelot de se conformer au décret qui lui ordonne de se rendre à la suite de l’Assemblée nationale, je lui ai dit qu'il pouvait se retirer et que j’allais instruire l’Assemblée de son arrivée. « Je suis, etc. « Signé : DELESSART. » M. de Sillery, secrétaire , donne lecture d’une lettre du procureur général syndic du département de l’Ardèche, relative aux troubles du camp de Jalès. Cette lettre est ainsi conçue : « A Privas, le 25 février 1791. « Monsieur le Président, après avoir fait part à l’Assemblée nationale des alarmes et des dé ordres qu’avait jetés dans le département le nouveau rassemblement du camp de Jalès, nuu-ne devons pas lui laisser ignorer l’heureuse et subite révolution qui s'est faite dans les opinions et les événements relaûfs à ce camp. Dès le 22 de ce mois, la plupart des gardes nationales que leur égarement et de fausses alarmes y avaient conduits s’en retirèrent et rentrèrent dans leurs communautés, convaincus des mauvaises intentions et des projets de contre-révolution des auteurs de cette insurrection. Depuis, les autres se sont aussi retirés successivement, et il y a lieu de croire que tout a disparu aujourd’hui. L’indignation se tourne en divers endroits contre les auteurs perfides de cette entreprise criminelle ; cependant il reste encore dans les autres beaucoup d’agitation, et nous avons toujours le plus grand besoin d’un secours considérable en troupes de ligne, soit pour rétablir l’ordre pariou', soit pour seconder les poursuites indispe sables qui doivent être faites contre les coupables. « Je joins ici l’extrait de la délibération que notre directoire a prise, d’accord avec des commissaires du département de la Drôme, pour la direction des secours que ce département nous a accordés dans la crise fâcheuse où nous étions. Vous y verrez que, d’après les rapport? qui nous ont été faits, les sieurs Ghastanier, officier d’artillerie, Roger, officier d’infanierie, commandant de la garde nationale d’Aubenas, et Roux, officier muuicipal, ont beaucoup contribué, notamment le premier, à la dispersion du camp. Ce? trois citoyens assurent qu’ils avaient été forcés de s’y rendre, et tous les rapports qu’ils ont faits sur l’heureuse révolution qu’ils y ont produite n’ont pas encore été contredits. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble, etc. « Signé : Dalmas, procureur général du département de l’Ardèche. » M. de Sillery, secrétaire. Voici maintenant, Messieurs, une plainte de la Société des amis des Noirs contre M. Arthur Dillon. ( Murmures prolongés.) Plusieurs membres demandent que la séance soit levée. M. Rœderer. Quand on a été inculpé dans l’Assemblée, il faut pouvoir se défendre dans l’Assemblée. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angèly). Quand on a entendu la calomnie, il faut entendre ceux qui veulent y répondre. (L’Assemblée ordonne la lecture de la lettre.) M. de Sillery, secrétaire, lisant : « Messieurs, « Les amis d’une classe d’hommes opprimés et malheureux s’adressent avec confiance aux représentants d’une nation libre, et leur demandent justice. 682 [Assemblée natioi>ale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 15 mars 1791.] « Voués à la défense de ccs êtres infortunés, occupés sans relâche d’adoucir P ur sort, ils poursuivent avec courage leur sainte entreprise. « Il n’est aucun de leurs écrits, aucune de leurs démarches, aucune de leurs actions, dont l’homme le élus pur ne puisse s’honorer. « Depuis longtemps, l’intérêt personnelles passions 1< s plus vile-', le délire de la cupidité s’attachent à eux avec une rage insensée. Il n’est pas de calomnie absurde dont on ne cherche à les noircir; il n’est point de manœuvre qu’on n’emploie pour les perdre dans l’opinion publique. Ces atrocités, ils les ont dédaignées; ces libelles, ils les ont méprisés. Forts de leur conscience, ils s’en sont reposé' sur le temps et sur leuis œuvres pour les justifier. Mais aujourd’hui qu’un membre, au milieu de l’Assemblée nationale, s’est permis de les outrager de la manière la plus sanglante; de dire que c'était à ces amis de l’ humanité qu'il fallait imputer les troubles qui agitent nos colonies; de dire que ces amis étaient vendus à des puissances étrangères, il ne leur est plus possible de garder le silence, et chacun d’eux a le droit d’exiger une réparation authentique de ces infâmes calomnies. « Deux partis se présentent : ou l’Assemblée doit improuver le m mbre oui a osé hasarder des inculpations aussi coupables, ou elle doit permettre aux offensés de le poursuivre en justice. C’est là que nous lui porterons le défi formel d’alléguer, nous ne diso; s pas des preuves, mais même les plus légers indices des faits odieux dont il nous accuse. C’est là que l’innccence sera vengée. « La Société des amis des Noirs demande donc que l’Assemblée, dans sa justice, censme M. Di l-lon, ou que, le dépouillant de son inviolabilité, elle pei mette de le poursuivre devant les tribunaux, pour obtenir une rétractation éclatante. (Murmures et applaudissements.) « Nous sommes, avec un profond respect, Messieurs, « Les membres de la Société des amis des Noirs, « Signé : Clavière, président par intérim; « J. -P Brissot, secrétaire. « 5 mars 1791. » M. Moreau de Saint-Méry. M. Arihur Dillon, mon collègue dans la -députation de la Martinique, se trouve absent de l’Assemblée; mais il m’est très facile de le suppléer. Je tiens à la main deux exemplaires d’un impiimé qu’il a fait faire hier et qui doit vous être di tribué; il a pour litre : Motifs de la motion faite à l’Assemblée nationale le 4 mars 1791, par M. Arthur Dillon , député de la Martinique . Je demande la permission de le liie pour sa défense. Plusieurs membres : Lisez ! lisez ! M, Moreau de Salat-ÏIéry, Voici ce document : « Plusieurs personnes, dont je respecte le suffrage, m’ont, paru désapprouver, dans la motion que j’ai faite aujourd’hui à l’Assemblée nationale, la phrase où j’ai tracé le danger du progrès des opinions de la société connue sous le nom d 'amis des ISoirs. On semble croire que j’ai cherché à inculper la société entière, et à lui prêter de? intentions coupables. Je déclare formellement que je n’en ai jamais eu la pensée; que je respecte et estime la plus grande partie des membres de cette société. Je dirai, avec la même franchise, que je gémis de leur erreur : que je vois, avec autant o 'effroi que de douleur, qu’ils creusent aux colonies et à la nation entière un abîme qui engloutira les uns et causera la ruine des autres. « N’est-il pas évident que la première et la principale cause des malheurs des colonies a été provoquée par la publication des écrits des amis-dos Noirs, qui, sans aucune connaissance des lieux, vi uleut détruire des liens politiques que le temps et un long calme pourraient seuls affaiblir ? Si on y parvient jamais, ce ne sera que par la persuasion, et non en encourageant des écrits injurieux et coupables. « Je maintiendrai toujours cette vérité fâcheuse, majs incontestable, qu’il a été de mon devoir de présenter à l’Assemblée nationale : c’est que si, dans les circonstances présentes, et après les décrets des 8 mars et 12 octobre 1790, elle eût admis à la barre une députation d’hommes de couleur, le jour même où la nouvelle en serait arrivée aux colonies aurait été celui de l’insurrection générale contre la mère-patrie, que des Ilots de sang et l’épuisement du Trésor public n’eussent pu éteindre. « Je le demande aux citoyens qui veulent sincèrement le bien : lorsque, enflammés de l’amour de la patrie, et voulant faire connaître à ses législateurs tout le danger d’une démarche imprudente dont j’étais profondément pénétré, j’aurais pu, contre mon intention, généraliser un reproche contre une société qui a causé les plus grands iralhfjurs, quel est celui qui ne m’a pas déjà justifié dans son cœur? Et l’Assemblée nationale doit-elle voir avec indifférence clés journalistes, vraisemblablement stipendiés, attaquer, avec impunité, ses propres décrets, et même oser inculper ceux de ses membres qui, après un travail pénible, ont su lui présenter eu vrais hommes d’État, et en véritablement bons citoyens, les seules mesures qu’elle eût à adopter pour conserver à l’empire ses plus belles et plus précieuses possessions, et qui, par son ordre, sont occupés, dans ce moment même, à lui présenter le travail définitif qui doit à jamais consolider l’union des colonies à Ja mère-patrie? >< Paris, ce 4 mars 1791 . » « Signé: A. DlLLON. » M. Moreau de Saint-Méry. Après cette lecture, Messieurs, je me bornerai à demander que l’Assemblée veuille bien passer à l’ordre du jour. Plusieurs membres : Oui! oui! M. de Mirabeau. Je demande la parole. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! MM. l’abbé Grégoire et Regnaud (de Saint-Jean-df Angély) demandent la parole. Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur la question de savoir si on passera à l’ordre du jour. (L’épreuve a lien.) M. de Mirabeau paraît à la tribune et insiste pour avoir la parole.