SÉANCE DU 1er BRUMAIRE AN III (22 OCTOBRE 1794) - N° 17 341 THURIOT : C’est pour un fait; c’est pour empêcher le soupçon de planer, que j’ai dit que la lettre avait été écrite par Rouyer; elle se trouvait dans le paquet adressé par Chaudron-Roussau au comité de Salut public. Il n’est pas douteux qu’elle ne tendît au fédéralisme. Je n’en tirerai aucune induction contre nos collègues, car moi aussi je veux la justice. [Moi aussi, je veux la justice : je n’ai pas craint de la réclamer dans un temps où beaucoup de gens qui font du bruit aujourd’hui, gar-doient le silence ; s’ils eussent osé me seconder ; s’ils eussent eu alors le courage du bien, comme ils disent l’avoir aujourd’hui, nous aurions peut-être évité bien des maux.] (93) Il faut que les pièces soient imprimées; toutes ne sont pas encore arrivées : quand l’impression sera faite, il faudra encore quelques jours pour les examiner. Si vous voulez l’intérêt de la justice, au lieu de demander une décade, deux décades ( Plusieurs voix : Non, encore un an !), je crois qu’il serait infiniment plus sage d’accorder le délai suffisant. Je ne veux point occasionner de choc, je ne demanderai point de peines afflictives {On murmuré). Les mêmes voix : Point de tactique ! au fait ! LE TOURNEUR (de la Manche) : Je demande à vérifier une erreur de fait avancée par Thuriot. THURIOT : Qu’on relève ce fait, il n’en est pas moins constant qu’une lettre écrite par Rouyer a motivé son arrestation. Je me borne, au surplus, à demander le délai de deux décades {Plusieurs voix : Eh bien, aux voix ce délai!). LE TOURNEUR : Chaudron-Roussau vient de déclarer un fait extrêmement important. Il a dit qu’étant en mission à Toulouse il avait saisi la correspondance de plusieurs fédéralistes, qui ne tendait pas à moins qu’à rétablir le petit Capet sur le trône. Pourquoi Thuriot a-t-il rejeté sur un collègue mort une inculpation qui doit s’appliquer encore à un autre de nos collègues? car Brunei a aussi signé cette lettre. Je déclare que je la connais, et qu’il n’y a pas un mot de ce qui a été dit par Thuriot ; j’en demande l’impression. La Convention nationale décrète que les pièces envoyées des départemens du Midi par un de ses membres, déposées au comité de Salut public, et relatives aux mou-vemens fédéralistes, seront imprimées et distribuées (94). TALLIEN : Les faits énoncés par Chaudron-Roussau et par Thuriot ont sans doute quelque importance ; et c’est sous ce rapport que la Convention a eu raison de demander l’impression. Alors on se convaincra que les faits se rapportent ou à des hommes morts, ou à des émigrés, et non à nos collègues qui sont déte-(93) Débats, n° 760, 460. (94) P.-V., XLVIII, 6. C 322, pl. 1363, p. 7. Décret attribué à Guyomar, par C* II 21, p. 15. nus [Applaudissemens (95)]. J’ai été aussi envoyé dans le Midi : j’aurai aussi des renseignements à donner au comité. Je ne viens plaider la cause de personne ; je défendrai celle de la justice. \On applaudit (96)]. [Je ne viens pas plaider la cause des individus; je sais que la représentation nationale n’appartient pas à quelques individus. La journée du 31 mai a sauvé la République; et cette question ne doit point être mise en problème. C’est faire insulte que de demander que la liberté soit rendue à nos collègues sans rapport. Le rapport doit être fait, mais dans le plus bref délai. Certes, nous ne sommes point au tems où nous avons vu des hommes avec des rapports astucieux, qui venoient demander la mort de leurs collègues et la tête d’un homme, pour avoir dit de grandes vérités sur une des plaies de la république, la guerre de Vendée.] (97) Je dis que la représentation nationale n’appartient pas à quelques individus, à quelque faction, mais à la totalité du peuple français {Vifs applaudissements). Je sais qu’aujourd’hui ces principes sont généralement reconnus ; mais ils n’ont pas toujours été sentis. Je sais qu’on venait souvent avec des rapports demander les têtes qu’il plaisent aux dominateurs de désigner. Nous avons vu le temps où l’on proscrivit celle de l’homme qui avait dit la vérité sur une des plaies les plus sanglantes de la république, sur la guerre de la Vendée {Plusieurs voix : Phi-lippeaux ! - On applaudit à plusieurs reprises). J’étais alors au fauteuil; j’ai vu un représentant du peuple insulter une femme qui demandait les causes de l’arrestation de son mari ; je l’ai entendu dire qu’il fallait qu’elle fut admise à la séance pour entendre la condamnation de celui en faveur duquel elle venait réclamer. [Je me rappelle la scène, j’étois au fauteuil. J’ai entendu un député insulter la femme du représentant dont je viens de parler, et qui étoit venue réclamer justice pour son mari : j’ai entendu proposer qu’elle fut introduite pour être présente à la condamnation de son mari. Mais la justice est rentrée dans l’Assemblée avec la dignité qui lui convient {Vifs applaudissemens ).] (98) [Nous devons, en nous éloignant d’une route, tracée par le sang des innocens, faire voir que nous sommes dignes de donner à la France la paix et la tranquillité, que nous sommes dignes d’en imposer aux puissances coalisées, par des loix sages et fixes, comme nos soldats par leurs valeureuses bayonnettes, prouvent que la Convention n’appartient plus à quelques hommes, à quelques factions, à quelques comités {Applaudi)] (99) Nous devons à la France, nous devons à l’Europe de prouver que nous sommes dignes de donner au peuple français la paix et la justice, (95) C. Eg„ n” 795. (96) Débats, n“ 760, 461. (97) M. U., XLV, 26. (98) Débats, n 760, 461; M. U., XLV, 26. (99) C. Eg., n' 795.