672 amèneraient infailliblement le retour du despotisme. Evitons-les; apprenons au peuple le respect qu’il doit avoir pour les propriétés; qu'il sache distinguer les droits féodaux rachetables de ceux qui sont abolis sans indemnité; que ce soit dès demain l’objet de notre travail, et que bientôt, de funestes incertitudes étant dissipées, les ennemis du peuple perdent tous les moyens qu’ils ont employés avec tant de succès pour l’égarer ou pour le séduire. Nous nous occuperons ensuite de la responsabilité des officiers municipaux et de celle des communautés; nous inviterons les milices nationales à se prêter mutuellement des secours, et les municipalités où. il n'y en a pas d’établies, à réclamer les forces des municipalités voisines. M. le marquis de Lafayette. Parmi les discussions intéressantes que j’ai entendues, une grande idée m’a frappé : le peuple est trompé; il faut dissiper son erreur ; il faut lui apprendre jusqu’où s’étendent les promesses qui ont été faites, et lui montrer les bornes de ses espérances. Mais en même temps que je pense, avec M. d’Àiguillon, qu’il faut s’occuper incessamment du rapport du comité féodal, je crois aussi qu’il est à propos de terminer la discussion en statuant sur le projet de la loi qui nous a été présenté. M. do Cazalès. Avant d’entrer dans la discussion, je rétablirai des faits qui n’ont pas été bien exactement exposés par un préopinant : 1° depuis la révolution anglaise, en 1688, 1 ’habeas corpus a été suspendu neuf fois; 2° ce qu'il lui plaît d’appeler dictature a été accordé au roi d’Angleterre dans des moments d’insurrection, et assurément, dans les circonstances présentes, nous avons tout lieu de craindre une insurrection. M. le duc d'Aiguillon a exprimé des sentiments dignes de tous les éloges : ce qui constitue la véritable générosité, c’est d’être peu affecté des pertes personnelles; mais la liberté, qui donne cette vertu, ne permet pas de croire que tous les citoyens pourront faire des sacrifices aussi généreux. Les principes des préopinants sont les miens; les conséquences que j’en tire diffèrent essentiellement de celles qu’ils vous ont présentées. Le comité vous a offert des moyens qui pourraient être utiles si le mal n’était pas à son comble. Je ne puis me dissimuler que les excès ne sont point partiels, et qu’il est évident que, s’ils n’étaient point réprimés, ils se changeraient en une guerre funeste de ceux qui n’ont rien contre ceux qui ont quelque chose. L’expérience nous a déjà prouvé combien la loi martiale est insuffisante. 11 faut donc, si nous voulons arrêter les malheurs qui affligent le royaume, recourir au pouvoir exécutif et l’armer de toute la force nécessaire pour qu’il agisse avec succès. Je n’ai cependant pas pensé qu’il fallût investir le souverain d’un pouvoir trop durable. Eh ! qu’on me dise quel danger il y aurait à lui confier une autorité momentanée, que l’Assemblée nationale, toujours existante, pourrait suspendre ou retirer à son gré; qu’on me dise ce qu’elle peut avoir de dangereux dans les mains d’un Roi dont les vertus sont connues : qu’ils me disent, ces prétendus apôtres de la liberté, ce qu’ils craignent de ce prince entouré de son peuple, de ce prince qui est venu se confier aux habitants de la capitale, et dont les intentions sont intimement liées avec celles des représentants de cette autorité d’un moment. Que pourraient des ministres contre l’opinion publique, contre un peuple qui, d’une ]22 février 1790. J voix unanime, a juré qu’il voulait être libre? Non, je ne crois pas qu’il y ait un seul citoyen qui ne soit partisan de la liberté. Ce n’est qu’au milieu des désordres de l’anarchie que le despotisme peut lever sa tête hideuse. La loi martiale est insuffisante; nul autre moyen ne se présente, si ce n’est celui d’autoriser la force armée à obéir au pouvoir exécutif. 11 faut donc adopter ce moyen. La discussion est fermée. On demande l'ajournement de la délibération sur le projet du comité, pour s’occuper demain de l’examen des droits féodaux rachetables. M. Sve Chapelier propose d’ajourner à demain la délibération en arrêtant que le premier objet sera de décréter ou de rejeter, sans discussions ultérieures, le projet de loi proposé par le comité; de s’occuper ensuite de la distinction des droits féodaux rachetables et de ceux qui ne le sont pas, de manière que les deux lois soient portées ensemble à la sanction, et envoyées conjointement dans les provinces. Plusieurs motions sont proposées dans le même esprit. — L'ajournement est violemment contesté. MM. Malouet et Cazalès demandent qu’on délibère sur leurs motions. M. filin. Ceux qui demandent qu’on accorde la dictature au pouvoir exécutif veulent qu’on envoient dans les provinces des assassins pour réprimer des assassins. (A peine cette phrase est-elle prononcée que MM. de Cazalès, de Fumel, de la Galissonnière, le vicomte de Mirabeau, de Bouthillier, etc., etc., courent à la tribune au moment où M. Blin en descend : une partie de l’Assemblée s’agite et témoigne la plus vive désapprobation). M. Blin remonte à la tribune. Il ne peut se faire entendre. M. de llenou. Je demande que M. Blin soit mis à l’ordre, et son nom inséré dans le procès-verbal. Toute la partie placée à la gauche du président, se lève pour appuyer cette motion. M. de Cazalès. M. Blin demande à s’expliquer : il est impossible qu’on lui refuse cette permission. M. Blin. J’ai demandé la parole pour m’excuser des expressions qui me sont échappées, et qui ont porté à votre esprit une idée différente de celle que j’ai voulu lui donner. 11 n’est pas possible de penser qu’un membre de l’Assemblée nationale ait eu l’intention d’attaquer quelque partie de la force publique. Les gardes nationales de ma province, requises dans un temps mal opportun, sont arrivées dans un moment de nuit, et par de fâcheux quiproquos onîtué quelques personnes : voilà ce que j’ai voulu rappeler; au reste, j’abandonne mes réflexions à toute la sévérité de votre justice. M. de Cazalès. Il est impossible de se dissimuler que les expressions du préopinant sont déplacées ; mais le désaveu qu’il vient de faire, et l’explication qu’il vous a soumise, établissent avec certitude qu’il n’avait pas l'intention de leur donner la signification très inconvenable qu’elles présentaient. Je pense qu’il faut passer à l’ordre du jour. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.