(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août n91.| 13 1 M. Merlin. Il me semble que l’article doit s’appliquer aux cas où emmené hors du royaume, étant mineur, il refuserait d’y rentrer lors de sa majorité. M. Barnave. On pourrait dire : « ..... et si, étant majeur de 18 ans, après avoir été requis par une proclamation du Corps législatif, il ne rentre pas en France, etc ..... » (Cet amendement est adopté.) L’article modifié est, en conséquence, mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1". « L’héritier présomptif de la couronne portera le nom de prince royal. « Il ne peut sortir du royaume sans un décret du Corps législatif, et le consentement du roi. « S’il en est sorti, et si, étant majeur de 18 ans, après avoir été requis par une proclamation du Corps législatif, il ne rentre pas en France, il est censé avoir abdiqué le droit de succession au trône. » (Adopté.) Les articles 2, 3 et 4 sont successivement mis aux voix, sans changement, dans les termes suivants : Art. 2. « Si l’héritier présomptif est mineur, le parent majeur premier appelé à la régence, est tenu de résider dans le royaume. « Dans le cas où il en serait sorti, et n’y rentrerait pas sur la réquisition du Corps législatif, il sera censé avoir abdiqué son droit à la régence. > (Adopté.) Art. 3. « La mère du roi mineur ayant sa garde, ou le gardien élu, s’ils sortent du royaume, sont déchus de la garde : si la mère de l’héritier présomptif mineur sortait du royaume, elle ne pourrait, même après son retour, avoir la garde de son fils mineur devenu roi, que par un décret du Corps législatif. » (Adopté.) Art. 4. « Les autres membres de la famille du roi ne sont soumis qu’aux lois communes à tous les citoyens. » (Adopté.) M. Goupil-Préfeln. Messieurs, il y a dans les articles qui viennent d’être décrétés une omission importante sous tous les rapports de la politique et de la morale. (Murmures.) Les bases du gouvernement que nous établissons sont l'égalité la plus absolue et la plus parfaite, et l’unité la plus indivisible ; ces principes immuables n’admettent pas de privilèges, mais sous cette dénomination odieuse et justement odieuse de privilèges, vous ne comprenez pas les établissements constitutionnels. Or, vous avez établi que la monarchie était héréditaire dans la dynastie régnante; ceci est un droit constitutionnel et par conséquent n’est pas un privilège. D’après, cette maxime, tous les membres de la famille royale sont, le cas échéant, appelés à la succession à la couronne. Un des premiers instincts de la raison apprend en tous pays, à tous les hommes que là où il y a des choses existantes et reconnues, il faut qu’il y ait des noms, et que là où il n’y en a pas on en fait. D’après cela, Messieurs, voici l’amendement que je propose ; il consiste à ajouter à l’article 4 la disposition suivante: « Ils seront qualifiés princes français, et ne porteront point d’âutres titres. Les actes qui constateront légalement leur naissance, mariage ou décès, seront présentés au Corps législatif, qui en ordonnera le dépôt aux archives nationales. » (Murmures à l’extrême gauche.) Cette proposition est très importante; si vous voulez me permettre de la développer.... Plusieurs membres. Non 1 non ! M. Goupil-Préfeln.. ■>.. En ce cas je demande le renvoi de ma motion aux comités. M. d’Orléans. Je demande que la proposition de M. Goupil soit rejetée par la question préalable, (Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voixl aux voixl M. Prieur. J’insiste sur la question préalable; si l’Assemblée pouvait ne pas Fadop ter, je demanderais à développer mon opinion. M. Camus. Sur la première partie de la disposition additionnelle, c’est-à-dire sur la qualité de prince, je demande la question préalable; mais sur la seconde partie, je demande le renvoi aux comités. Un membre : On espérera donc toujours faire revivre cette noblesse ! M. Féraud. Je demande le renvoi du tout aux comités. Le moyen le plus sûr de supprimer toute idée de prérogative, tout espoir de voir renaître la noblesse, c’est d’en donner la prérogative exclusive au sang royal. (Applaudissements.) M. d’André. M. Goupil n’a pas eu le temps de développer son opinion; elle est appuyée par plusieurs membres; je me réunis à ceux qui demandent le renvoi aux comités. M. Lanjninais. Le renvoi, pour l’ensevelir honorablemeut. Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi. M. Prieur. Vous avez décrété constitutionnellement qu’il n’y aurait plus ni comtes, ni ducs, ni princes. (Murmures.) Souvenez-vous de ce qui fut dit alors: après le roi et l’héritier présomptif de la couronne, il n’y a que des citoyens français ; et c’est d’après cela que constitutionnellement vous avez décrété que le mot prince était aboli. (Applaudissements.) M. Ca Réveillère-Cépaiix. Je demande que la première proposition de M. Goupil soit rejetée par la question préalable, et la seconde renvoyée aux comités. Il n’y a pas de meilleur moyen de rétablir la noblesse, que de ramener des titres sans fonctions ; vous verriez promptement, et vous voyez déjà plusieurs familles, qui prétendent descendre de la branche royale. M. Brioîs-Beaumetz. Le système que M. Goupil n’a fait qu’énoncer à l’Assemblée pourrait être développé dans une théorie très étendue et dont les principes avaient été énoncés ici par M. de Mirabeau. Cette théorie tend à l’indivisi- 432 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 août 1791.1 bilité de la race destinée à occuper perpétuellement le trône, à cette espèce de sacrifice, comme le disait M. de Mirabeau, qu’une nation peut, pour son utilité, faire d’une seule race; et je ne m’étonne pas qu’un membre de la famille royale se soit, au sein de cette Assemblée, opposé à l’amendement de M. Goupil. Il a sans doute compris que le titre de priuce était incompatible avec le titre beaucoup plus précieux à mon sens et sans doute au sien, de citoyen actif français. D’après ces premières notions qu’il serait bien nécessaire de développer, je crois que la question est trop importante pour n’être pas dans ce moment-ci, renvoyée tout entière aux comités. {Murmures et applaudissements.) A V extrême gauche : Elle est jugée. M. d’André. Je demande à prouver que la question n’est pas éclaircie. M. Briois-Beaumetz. Il m’était échappé une dernière réflexion, c’est que le décret qu’on vous a cité à cet égard, décret auquel nous désirons avoir le plus égard�s’il avait été rendu sur la matière, n’y est cependant pas applicable, en ce que la qualité de prince, dans le sens où elle a élé détruite, par le décret dont on parle, s’appliquait à la principauté féodale; et la preuve que c’était à la principauté féodale que s’appliquait le décret, c’est que cet article est tiré d’une suite de décrets sur la féodalité, et qui détruit cumulativement avec la qualité de prince, celle de duc, comte, etc. Une deuxième preuve, c’est que vous venez de décréter un prince royal, et que vous n’avez décrété un prince que parce qu’il est le premier suppléant de la couronne; que si vous en décrétiez plusieurs, ce ne serait que parce que vous reconnaîtriez un second, un troisième, un quatrième, et qu’ainsi, il n’est pas vrai de dire que la chose soit constitutionnellement jugée. Il ne s’agit pas ici d’une distinction féodale, mais d’une qualité politique qui n’est qu’une exclusion honorable des droits que les membres de la dynastie ne pourraient peut-être pas exercer sans nuire à la liberté publique. A l'extrême gauche : La question préalable ! M. Gaultier-Biauzat. Je demande la parole pour une motion d’ordre. M. Kjanjuinais. Ma motion d’ordre est que l’importance qu’on met à demander le renvoi de la proposition au comité, doit être un motif pour la rejeter. Une pareille question peut-elle rester en suspens? Pourriez-vous sortir de cette salle avec celte idée : Les princes pourront très bien renaître en France ? Quant à la seconde partie de la proposition de M. Goupil, elle est réglementaire, ainsi je demande que la question préalable soit mise aux voix sur le tout. {Applaudissements.) M. Duport. Je commence par observer, sur ce que vient de dire le préopinant, que c’est précisément avec les grands mots d’égalité, de liberté appliqués tant bien que mal, que l’on séduit les esprits et qu’on échauffe les télés, précisément parce que l’on n’est pas entendu; il vient de prouver combien il est facile de présenter une question sous un jour faux et comment des idées qui tendent à l’égalité peuvent être facilement présentées comme des idées contraires. {Murmures à l’extrême gauche.) Il nous a présenté un nuage de princes suspendu sur nos têtes; il n’y a rien de tout cela. Il s’agit de savoir si les droits de citoyen sont compatibles avec la succession de la couronne. J’observe au même préopinant que voulant servir l’égalité la plus absolue, il la détruit évidemment, et qu’en mêlant avec les citoyens des hommes appelés à la sub-stiiion perpétuelle du trône, il fait pénétrer parmi eux une inégalité véritable. J’observe enfin que je ne me soucie pas plus que M. Lanjuinais, que je ne me soucie pas plus que lui du nom de prince et de ceux qui le portent. Les membres de la famille royale auront-ils le droit de citoyen actif? pourront-ils comme eux parvenir aux places populaires? En seront-ils exclus en vertu de la substitution perpétuelle qui les appelle au trône; voilà la véritable question. {Applaudissements.) Enfin, moi citoyen, suis-je l’égal d’un membre de la famille royale, {Murmures.) qui peut éventuellement être appelé à recueillir la couronne? A l'extrême gauche: Oui! oui! certainement. M. Duport. Je ne prétends point qu’il n’y ait pas de rapport d’égalité entre un membre de la dynastie royale et nn citoyen, mais ce sont les rapports communs entre tous les hommes, et en ce sens, le roi sans doute est l’égal de tous les hommes ; il s’agit ici de rapports politiques ; il s’agit de savoir si, lorsque vous avez exclu les agents nommés par le pouvoir exécutif de siéger dans des assemblées populaires, dans le Corps législatif, un homme qui appartient de si près au pouvoir exécutif lui-même, peut y siéger également. {Murmures et applaudissements.) Gomment cette question doit-elle être réglée? Ce ne peut pas être assurément par la déclaration des droits. Lorsque pour établir l’égalité entre tous les citoyens on a fait sacrifice d’élever à jamais une famille au-dessus de toutes les autres, on est assurément dans un état de Constitution, ce n’est plus par les droits individuels que l’on doit se guider. Il faut donc examiner s’il est utile au peuple que les membres de la dynastie royale puissent être séparés par un titre quelconque des autres citoyens (le mot m'est fort égal), ou bien si fondus avec eux de manière à en avoir les mêmes droits, il peuvent arriver aux mêmes places. Or, sur cela, il n’est pas un homme dans l’Assemblée qui ne pense que la question doive être disculée avec soin ; il serait possible qu’un homme qui est de la dynastie régnante, qui a un droit éventuel au trône, puisse se présenter dans le Corps législatif. Lorsque cet homme stipulerait les droits du peuple qui l’aurait nommé pour cet effet, il lui serait impossible de n’avoir pas aussi secrètement égard à ses intérêts personnels. Il unit bien plus que les agents du pouvoir exécuttfqui sont nés citoyens, qui redeviendront citoyens , dont les parents sont citoyens, il unit bien plus qu’eux ce double caractère d’appartenir, d’une part, à ceux qui l’ont nommé, et d’appartenir, d’une autre part, au pouvoir exécutif; et si, malgré nos insistances et nos raisonnements, vous avez pensé que des agents du pouvoir exécutif auraient trop présent à l’esprit l’intérêt de celui qui les a nommés, pour que le peuple puisse leur confier ses droits à défendre; il n’y a personne qui ne doit penser que celui qui lient au pouvoir exécutif par sa naissance, par ses 433 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* |14 août 1791.] espérances, par ses droits, stipulera davantage les intérêts exclusifs du pouvoir exécutif ; je ne prétends pas encore juger la question. (Murmures.) Je dis seulement que les motifs des décrets constitutionnels n’ont rien de commun avec les motifs donnés par les préopinants : que la crainte de rétablir, par là, la noblesse, est une idée absurde, puisqu’il n’y a rien, au contraire, de plus efficace pour la détruire, rendre tous les citoyens parfaitement égaux à l’exception d’une seule famille. Je dis ensuite que, lorsqu’on voulait enlever cette question avec des phrases injurieuses et calomnieuses pour ceux qui soutiennent l’opinion contraire, on induisait l’Assemblée nationale volontairement en erreur, et qu’il fallait examiner cette question sous des rapports politiques, tirés de l’intérêt des citoyens, et que, de plusieurs manières, elle présentait des difficultés essentielles. Puisque l’on m’y force, et que l’on oppose d’absurdes calomnies à des raisons tranquilles et importantes, l’on me force à dire qu’il est d’un grand danger pour la liberté que des membres de la dynastie royale, mêlés aux élections populaires, aux corps nationaux, y deviennent le noyau d’une faction, le point de ralliement de plusieurs intrigants. M. Mirabeau pensait que les membres de la dynastie ne devaient pas jouir des droits de citoyens; si, en ce moment, il fallait décider sur le oui ou sur le non, je n’hésiterais pas à être du même avis. Cependant, Messieurs, il est important que l’on présente à l’Assemblée un corps d’objections vu sous toutes les faces, et des articles mûrement rédigés. Je conclus donc pour le renvoi aux comités. ( Appaudissements .) A l’extrême gauche : La question préalable. M. le Président. On m’a fait cette observation, que la discussion ne porte plus sur le mot prince. M. Rewbell. C’est sur ce mot qu’on demande la question préalable et on doit juger cette question préalable, pour qu’il ne reparaisse pas sous de nouvelles couleurs; la deuxième question est de savoir si un membre de la famille royale peut être en même temps citoyen actif. Il n’y a rien de plus simple qu’un prince de la famille royale use de son droit de citoyen ; il est aussi étranger au pouvoir exécutif que qui que ce soit. (Murmures.) Vous avez décrété que les membres de la famille du roi seraient dans la classe des citoyens; par conséquent, dès qu’il n’exerce ni les fonctions du pouvoir exécutif, ni celles de premier où deuxième suppléant, il est dans la classe des citoyens, cela est évident. (Applaudissements.) M. Charles de Lametli. Ce que j’ai à dire est bien simple; c’est que ce n’est pas la question de la qualification de prince ou toute autre qualification qui doit être agitée dans l’Assemblée nationale; c’est celle, très importante, de savoir s’il n’est pas contraire à tous les principes et extrêmement dangereux pour la liberté publique qu’un particulier qui, par sa naissance, peut être appelé à être roi, puisse être membre des Assemblées législatives. Voilà la question, Messieurs; et je m’étonne bien que dans cette Assemblée on ne veuille pas permettre le renvoi au comité d’une question aussi importante, quand je l’ai entendue recevoir et discuter plusieurs fois dans des assemblées délibérantes... lre Série. T. XXIX. Un membre : Populaires. M. Charles deLameth... où l’on s’occupait de l’intérêt public ; et je l’ai vue accueillir à l’unanimité par les mêmes personnes qui ne veulent pas permettre aujourd’hui qu’elle soit renvoyée au comité de Constitution. Un membre : Je vous prie de répondre ce que vous avez répondu à M. Mirabeau lorsqu’il traita cette question. M. Camus. J’insiste pour que, sur la proposition de donner la qualité de prince aux personnes de la famille royale, on mette la questioa préalable et qu’on renvoie l’autre proposition aux comités. Plusieurs membres : Le renvoi du tout. M. Alexandre de Eameth. Tout le monde est d’accord que le titre de prince ne doit être conféré à personne. On peut donc mettre d’abord cette proposition aux voix. M. le Président. La question préalable est demandée sur la première partie de la motion de M. Goupil, tendant à donner le titre de prince aux membres de la famille royale. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur cette première motion.) M. le Président. Sur la proposition touchant les droits politiques des membres de la famille royale on demande le renvoi aux comités. Je consulte l’Assemblée. M. Prienr. Je demande la question préalable sur le renvoi. M. le Président. La délibération est commencée. M. Prieur. Je demande à établir contre vous, Monsieur le Président, que la délibération n’était pas commencée. M. Bouchotte. Je demande la parole pour établir le contraire. Plusieurs membres : Consultez l’Assemblée, Monsieur le Président. M. Rabaud-Saint-Etienne. Ce despotisme est insupportable. M. le Président. On demande la question préalable sur le renvoi aux comités; je la mets aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu de délibérer sur le renvoi aux comités qui est ensuite mis aux voix et prononcé.) M. Thouret, rapporteur. Voici, Messieurs, l’article 5 : Art. 5. « Il sera fait une loi pour régler l’éducation du roi mineur, et celle de l’héritier présomptif mineur. » (Adopté.) Art. 6. « Il ne sera accordé aux membres de la famille royale aucun apanage réel. 28