320 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Toutes avoient, avant de venir à la maison nationale, des places qu’elles n’auroient point quittées si elles avoient pu prévoir le malheureux sort qu’on leur fait subir aujourd’hui. Est-ce donc le prix des services de citoyennes, femmes et filles des défenseurs de la patrie, et autres, qui comptoient mourir dans leurs places, surtout après s’être montrées, par leur civisme entièrement dévouées à la révolution, et d’après la loi qui dit « que le service des hôpitaux et infirmeries militaires sera fait par des veuves ou des filles des défenseurs de la patrie ; et de plus, que tout employé qui aura bien rempli ses fonctions, ne pourra être destitué sans être pourvu à d’autres emplois. » Mais enfin, elles se soumettent à cet ordre, tout rigoureux qu’il leur paroisse, en observant seulement qu’elles désirent obtenir un plus long délai pour l’évacuation de leur logement, parce que, lorsqu’elles y sont entrées, elles se sont défait de leurs meubles pour subvenir à leur entretien parce qu’elles ne pouvoient point payer le loyer de leurs meubles avec leurs appointemens, d’autant plus qu’elles ne les ont touchés qu’au bout de dix-neuf mois. En conséquence, Citoyens Législateurs, elles pensent que d’après le court exposé des calamités qu’elles éprouvent, vous ne balancerez pas, surtout à l’entrée de l’hiver, de pourvoir à leur remplacement, soit en leur procurant des places convenables à leur sexe dans des maisons nationales, soit en leur accordant un traitement, à titre de secours provisoire, qui puisse les mettre à portée de passer la plus rigoureuse saison de l’année. Elles s’en rapportent avec confiance à vos lumières, à votre sagesse, et surtout à votre humanité bienfaisante, du soin de prononcer sur leur triste sort. A Paris, le 11 brumaire, l’an troisième de la République française une et indivisible. Suivent les signatures. [Un moment après MENUAU, membre du comité des Secours provoque le rapport de la première partie du décret. Il se fonde sur ce que la commission et le comité s’occupant d’une meilleure organisation de l’hôpital militaire des Invalides, a jugé à propos d’en éloigner ces citoyennes. VEAU s’oppose à cet avis de toutes ses forces. MENUAU réplique que l’on a eu des raisons particulières qu’il est inutile de divulguer. GASTON s’écrie que c’est agir barbarement ; qu’il est incroyable que les femmes et filles des défenseurs de la patrie ne trouvent point ou presque de défenseurs dans le sein de la Convention. ( Applaudissemens des tribunes.) et il développe son opinion par les grands mots qu’il emploie ordinairement. MENUAU lui reproche d’imiter les hommes qui par des motions soi-disant philanthropiques, essaient de recouvrer la popularité qu’ils avoient usurpée. {Applaudi par une partie de la salle.) Si vous voulez que ces femmes restent aux Invalides, au moins qu’elles y soient sans emploi et j’insiste particulièrement sur ce point. DU ROY soutient que les femmes sont plus propres que les hommes à donner aux malades les soins que leur état exige, et il cite l’hôpital de Besançon qu’il a souvent visité. Il parle en faveur des pétitionnaires. En quittant la tribune, GASTON injurie quelques membres qui siègent en face du bureau et il les menace en leur disant : votre tour viendra, coquins, votre tour viendra. DUHEM parle dans le même sens que Du Roy et il appuie son opinion d’une partie des observations que ses lumières et son expérience l’ont mis à portée de faire. [Il traite ensuite la question générale de savoir si dans les hôpitaux sédentaires, les malades ne peuvent pas être mieux soignés par les femmes que par les hommes et ici il rentre dans les détails de ce que sait faire une femme dans pareils cas, des consolations qu’elles donnent aux malheureux, des précautions qu’elles prennent, de leur propreté, etc. Ce qu’on ne trouve pas dans les hôpitaux servis par des hommes et où souvent il se trouve beaucoup d’insouciance et de dureté pour les malades. On applaudit .] (60) MAURE veut aussi donner des éclaircisse-mens et il soutient que dans les soins touchans des infirmières, les malades aiment à trouver des épouses... [Ces dernières paroles font beaucoup rire; Maure se fâche et ajoute très sérieusement que si l’on met des hommes auprès des malades ils boiront tout le bon vin qu’on donnera à ces derniers.] (61) MENUAU relève avec malice cette expression innocente. Eh bien c’est bien le mot, dit-il. Enfin après quelques nouveaux débats, on maintient le décret.] (62) VEAU fait rendre le décret suivant : Sur la pétition présentée à la barre par les citoyennes employées à l’infirmerie de la maison nationale des militaires invalides, la Convention nationale décrète que ces citoyennes resteront provisoirement à la maison des Invalides, comme avant ce jour ; renvoie la pétition au comité des Secours pour qu’il en fasse son rapport au plutôt. DU BOIS DU BAIS (63) propose le projet de décret suivant. La Convention nationale charge son comité des Secours publics de lui faire un rapport sur les moyens d’employer les femmes dans les hôpitaux, en qualité d’infirmières, (60) Ann. R. F., n° 43. (61) Ann. Patr., n° 671. (62) Gazette Fr., n° 1035. (63) Décret non mentionné au procès-verbal. Décret anonyme selon C* II 21, p. 21. C 322, pl. 1366, p. 24. Décret imprimé. SÉANCE DU 12 BRUMAIRE AN III (2 NOVEMBRE 1794) - Nos 7-8 321 aides, etc. au lieu des hommes qu’on y a employés jusqu’à présent. Adopté (64). c Sur la pétition du citoyen Mauger, le décret suivant est rendu. La Convention nationale, après avoir entendu la pétition du citoyen Mauger, secrétaire commis de la commission extraordinaire des vingt-quatre, décrète le renvoi aux inspecteurs de la salle, pour, sur le certificat des membres restant de ladite commission, être payé du traitement qu’il réclame depuis le premier messidor et le renvoi au comité de Sûreté générale pour la remise des clefs, pièces et papiers de cette commission (65). 7 Une députation des sections de Versailles [Seine-et-Oise] vient protester de son attachement à la Convention nationale et de l’assentiment qu’elle donne aux principes dans l’Adresse au peuple français. La mention honorable de cette adresse est décrétée (66). [Les sections de Versailles à la Convention nationale] (67) Représentans du peuple, Votre adresse au peuple françois a été entendue des sections de Versailles, avec les senti-mens qu’elle devoit inspirer à des hommes faits pour la liberté et qui savent qu’elle n’est qu’un fantôme sans la justice. Les principes qu’elle contient, gravés dans nos coeurs, seront à jamais nos guides et la Convention nationale, notre centre et notre point de ralliement : elle seule, investie de la puissance du peuple, a le droit de le diriger dans la Révolution; et nous excécrons comme (64) Débats, n° 770, 606-607. Moniteur, XXII, 406; Bull., 14 brum. ; Gazette Fr., n° 1035 ; J. Paris, n° 43 ; J. Univ., n° 1802 ; F. de la Républ., n° 43 ; Ann. Patr., n° 671 ; Ann. R. F., n° 43 ; Mess. Soir, n° 807 ; J. Perlet, n° 770 ; C. Eg., n° 806 ; J. Fr., n° 768. (65) P.-V., XLVIII, 153. C 322, pl. 1366, p. 24. Décret imprimé. Rapporteur Bailly selon C II* 21, p. 21. (66) P.-V., XLVIII, 153. (67) C 325, pl. 1408, p. 31. Insertion au bulletin portée en mention marginale. Débats, n° 770, 605-606 ; Moniteur, XXII, 406; Bull., 15 brum. (suppl.); Gazette Fr., n° 1035; J. Paris, n° 43 ; F. de la Républ., n° 43 ; Ann. R. F., n° 43 ; Mess. Soir, n° 807; J. Perlet, n° 770; C. Eg., n° 806; J. Fr., n° 768; J. Mont., n° 20; Rép., n° 43; M. U., XLV, 203. d’infames usurpateurs tous les factieux qui tan-teroient de gouverner. La france etoit couverte de deuil, enfin la vertu longtems outragée a parlé et le crime s’est tu, la justice succédé à la tirannie, la sécurité remplace l’épouvante, la pensée reprend son essort ; déjà l’heureuse confiance brille sur tous les visages : si la france semble sortir du tombeau où les fureurs d’un nouveau Néron, et de ses complices l’avoit ensevelie, c’est parce que vous avez proclamés encore une fois les droits imprescriptibles de l’homme, que des scélérats avoient osé couvrir d’un voile funèbre. Législateurs, continuez à bien mériter de la Patrie, arrachez le masque aux traitres, foudroyez les hommes de sang et la nation se consolera de ses malheurs passés, par l’idée que restant fermes à votre poste, inaccessibles à la séduction, comme à la terreur, vous y maintiendrez les principes que vous avez solennellement décrétés. Vive la République, une et indivisible, Vive la Convention nationalle. Coutaut, commissaire de la 11e section, Niort, commissaire de la 8e section, Dushesne, commissaire de la 13e section, Chotard, commissaire de la 6e section, Girard, commissaire de la 4e section et 13 autres signatures illisibles. [Cette adresse énergique est accueillie par des applaudis semens nombreux.] (68) 8 Des citoyens de Lyon [Rhône] invitent la Convention nationale à s’occuper promptement des moyens de ranimer l’industrie et les arts dans cette ville infortunée. Leur adresse et la lettre dont les représentans du peuple Pocholle et Charlier sont porteurs, sont renvoyées au comité de Salut public (69). Une députation de Lyon exprime la recon-noissance des habitans de cette grande commune du décret qui en lui rendant son nom lui a rendu l’espérance d’être désormais considérée comme un enfant fidèle de la République. Tous les Lyonnois jurent que, puisque la Convention a oublié leur erreur passagère, ils se souviendront toujours de ses bienfaits; ils présentent quelques réflexions relatives au commerce qui sont renvoyées au comité (70). (68) F. de la Républ., n° 43. (69) P.-V., XLVIII, 153-154. (70) J. Paris, n° 43. Rép., n° 43; J. Fr., n° 768; M. U., XLV, 203; J. Perlet, n° 770.