500 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er avril 1791.] Un fils trouve dans la succession de son père l’espérance d’avoir 8,000 livres de rente, parce que le père en a 12,000 et que la coutume lui attribue les deux tiers de la succession, il épouse une fille riche, en spéculation de sa fortune; le père et la mère du garçon vivent encore au moment de votre décret : si vous n’admettez ces réserves que pour les biens nobles seulement, il va arriver que le fils, qui aura plusieurs sœurs, se trouvera maintenant dans le cas de partager également avec ses sœurs, quoique, par son contrat de mariage, il ait traité, en spéculation d’une fortune plus considérable; cela me parait de toute injustice. Néanmoins je ne crois pas que les successions collatérales soient susceptibles de cette exception. Je propose donc par amendement que la rédaction de l’article soit changée, qu’on en retranche ces mots : mais relativement aux biens ci-devant féodaux , et autres qui étaient sujets au partage noble seulement », et qu’on ajoute ceux-ci : les exceptions seront restreintes aux successions directes seulement, et auront lieu pour toutes les espèces de biens. L’article serait donc ainsi rédigé : « Seront pareillement exécutées dans les successions qui s’ouvriront après l’époque ci-dessus, les exceptions contenues dans la seconde partie de l’article 11 du titre premier du décret du 15 mars 1790, en faveur des personnes mariées ou veuves avec enfants; les exceptions seront restreintes aux successions directes seulement, et auront lieu pour toutes les espèces de biens. » M. Le Chapelier, rapporteur. Voici la difficulté : dans les provinces de Normandie, de Flandre et quelques autres encore, l’inégalité de partages subsistait pour toutes les successions nobles. Vous crûtes alors que la loi même avait fait les conventions des parties qui s’étaient mariées, et qu’il fallait excepter des dispositions de l’égalité les partages nobles à l’avenir, qu’il fallait en excepter même les successions à échoir quand elles devaient être recueillies par des personnes qui devaient partager inégalement, et profiter de l’avantage. Maintenant on vous propose de décréter une exception, en la bornant seulement aux successions directes. Je crois que cela est juste, et je l’adopte; cependant votre comité vous propose une disposition toute contraire, c’est celle de borner l'exception au cas de la féodalité. Il s’agit encore de savoir si on adoptera l’exception en ligne directe. M. Pétion de Villeneuve. Je ne combats pas l’amendement qui vientd’êlre adopté : je demande seulement qu’il ne soit rien excepté pour la ligne collatérale. Il est bon de vous observer que, dansledéeretque vousavez rendu le 15marsl790, on a étendu l’inégalité des partages aux biens féodaux, non seulement pour la ligne directe, mais en même temps pour la ligne collatérale. Il est important de savoir si ce n’est pas par erreur qu’on a laissé dans ce décret le mot de ligne collatérale; et je prie M. Le Ghapelier; qui parla sur cet article, de vouloir bien s’expliquer à cet égard. Si c’est une erreur, il faudra rapporter le décret du 15 mars, en ce qui concerne ces partages dans leslignes collatérales, et étendre l’exception portée par l’article du comité en faveur des personnes mariées, ou veuves ayant enfants, à toutes les espèces de biens, en ajoutant néanmoins que les partages qui auraient pu être faits en vertu de la disposition du décret du 15 mars seront regardés comme valides. M. I�e Chapelier, rapporteur. Je n’ai pas autant de mémoire que M. Pétion et je ne me rappelle pas aussi positivement que lui s’il fut alors question ou non dons l’Assemblée des successions collatérales. Ce qu’il y a de certain, c’est que, pour ma part je ne proposai que les successions directes; je crois me souvenir toutefois que les mots ligne collatérale ont été proposés et qu’il s’éleva des difficultés pour savoir s’ils seraient insérés dans l’article. M. Buzot. Il faut être absolument d’accord sur ce qui constitue la loi. Or si vous avez adopté, le 15 mars, l’exception pour les successions directes et collatérales, il faut l’admettre également ici; j’appuie l’amendement de M. Vieillard. M. Robespierre. Je pense que le décret du 15 mars 1790 ne porte que sur la ligne directe et qu’il n’a pas d’extension jusqu’à la ligne collatérale. Il faut examiner la vérité de ce fait, sans craindre les inconvénients présentés par M. Le Chapelier. Jedemande que l’articledu 15mars 1790 ne porte pas sur les lignes collatérales, et que le décret soit rapporté, afin que l’Assemblée puisse établir une parfaite égalité dans les partages. M. Thévenot de Maroise. J’observe que cette mesure tendrait à donner une versatilité funeste aux législateurs, et une instabilité dangereuse à des lois publiées et exécutées. Je demande la vérification du procès-verbal du 15 mars 1790, pour nous assurer du fait contesté sur la rédaction de ce décret, touchant la ligne collatérale. M. Carat aîné appuie la motion de M. Thévenot. M. Foncault-Lardimalie. Je déclare que moi, habitant d’un pays de droit écrit, je crois précisément et chrétiennement ne pas avoir le droit de donner mon vœu à des lois qui ne tendent qu’à la subversion de mon pays ; et je déclare que je ne prendrai part à aucune délibération. J’abandonne à 5 ou 6 avocats la gloire des succès ou des revers qu’ils préparent à la France. M. le Président. On a vérifié le procès-verbal de la séance du 15 mars 1790. Voici comment finit l’article décrété : « Exceptés du présent décret ceux qui sont actuellement mariés ou veufs avec enfants, lesquels, dans les partages à faire entre eux et leurs cohéritiers, de toutes les successions mobilières et immobilières, directes et collatérales, qui pourraient leur échoir, jouiront de tous les avantages que leur attribuent les anciennes lois. » (L’Assemblée ferme la discussion.) Un membre demande la question préalable sur la partie de l’amendement de M. Vieillard, tendant à ne faire porter les exceptions du décret du 15 mars que sur les successions directes. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cette partie de l’amendement.) M. Fc Chapelier, rapporteur. L’article du décret du 15 mars est mal rédigé. Celui-ci doit l’être SOI [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er avril 1791.] mieux, car voici la difficulté qui résulte de ce premier article : c’est qu’il n’est fait que pour celui qui s’est marié avec l’espérance d’une succession à recueillir sur la foi de la loi. Cependant, il arrive que l’aîné, marié ainsi que le cadet, a des enfants à l’ouverture de la succession. Or, vous sentez bien que celui-là n’a pas contracté avec une autre famille avec l’expectative de recueillir la succession. Ainsi, il faut que cet article soit rédigé de manière à lever cette équivoque, qui déjà a été présentée dans plusieurs départements. Je propose de décréter le principe tendant à ce que la disposition de l’article 11 du titre Ier du décret du 15 mars soit commune à toutes les espèces de biens, pour les successions tant mobilières qu’immobilières, directes et collatérales, et d’en renvoyer la rédaction au comité. (L’Assemblée consultée décrète le principe proposé par M. Le Chapelier, et renvoie la rédaction de l’article 17 au comité.) M. Le Chapelier, rapporteur. L’article 18 devenant inutile d’après le vote du précédent, je le retire et je passe à l’article 19 qui est ainsi conçu : Art. 19. « Lorsque ces personnes auront pris les parts à elles réservées par lesdites exceptions, leurs cohéritiers partageront entre eux le restant des biens, en conformité du présent décret. » {Adopté.) M. Ce Chapelier, rapporteur, donne lecture de l’article 20, ainsi conçu : « Lesdites exceptions n’auront pas lieu à l’é-ard des biens nationaux qui seront, à compter e ladite époque, acquis en vertu des décrets de l’Assemblée nationale, et ces biens seroat, dès à présent, partagés entre toutes personnes, dans toutes espèces de successions, sans prérogative d’aînesse, de masculinité, ni autre quelconque. » M. Goupil-Préfeln. L’objet que le comité s’est proposé dans cet article est évidemment d’inviter à l’acquisition des biens nationaux, et il n’a pas remarqué qu’il s’exposait à produire un effet précisément contraire; car les pères et mères de famille, qui ne voudront pas cette qualité que l’on cherche à introduire, seront éloignés par là de l’acquisition des biens nationaux, au lieu d’y être portés et invités. Je demande donc la question préalable sur l’arlicle. M. Loys. J’insiste sur la question préalable. Il est évident que cet article donnerait ouverture à la fraude et provoquerait une immoralité que les lois doivent proscrire. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’arlicle 20.) M. Le Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 21, ainsi conçu : « Le mariage d’un des enfants, ni les dispositions contractuelles faites en le mariant, ne pourront lui être opposées pour l’exclure du partage égal, établi par le présent décret ; à la charge, par lui, de rapporter ce qui lui aura été donné, ou payé lors de son mariage. » M. Vieillard. Pour éviter toute contradiction, il faut commencer l’article par ces mots : A l'avenir ..... M. Le Chapelier, rapporteur. J’adopte. M. Defermon. Gela ne se peut pas. On pourrait dire seulement : A moins que ces cohéritiers n'aient eux-mêmes été mariés sur la foi de ces dispositions. Voilà le seul amendement à adopter. M. Martin. Je demande qu’après les mots : établi par le présent décret, il soit ajouté : à moins qu’il n'y ait renoncé en se contentant d'une dot ou d'un apportionnement . M. Carat aîné. Malgré mon aversion pour les clauses de renonciation à des successions qui peuvent être inspirées par l’ascendant de l’autorité paternelle, je ne crois pas juste de permettre aux enfants, qui ont eu une constitution, de revenir à partage. Il y a un principe général qui empêche le fait rétroactif de la loi. Je demande la question préalable sur l’article ou le renvoi au comité. M. Le Chapelier, rapporteur. La rédaction ne me paraît pas claire, et j’en demanderai à cet égard le renvoi au comité; mais si vous ne décrétiez pas le principe contenu en l’article, il est évident que vous ajouteriez une exception à une exception: car, par exemple, en Normandie, les filles n’ont rien, à moins que le père ne le déclare par le contrat de mariage. S’il ne déclare rien, elles n’ont rien. Or, si ces filles n’ont point de frères mariés, elles seront privées de la succession. Que faut-il donc dire pour qu’elles ne soient pas privées? Il faut dire que le mariage d’un des enfants ou la stipulation qui le fait venir en moindre part, quoiqu’il n’ait point de frère ou cohéritier marié, que cette stipulation-là ne pourra pas avoir lieu. Autrement vous aurez exception sur exception, et vous ne suivrez plus le principe général que vous avez décrété, qu’il ne peut plus y avoir d’exception. Je demande donc que la rédaction soit renvoyée et le principe décrété. Un membre demande que la discussion soit continuée à demain. (Le renvoi à demain est décrété.) Un de MM. les secrétaires annonce que M. Régnier, député du département de la Meurthe, qui avait quitté l’Assemblée, le 3 mars, par congé, était de retour d’hier. M. Boissy-d’Anglas, secrétaire, fait lecture : 1° D’une lettre du président de l'assemblée électorale du département de l’Aube , à laquelle est jointe la copie du procès-verbal des séances de cette môme assemblée pour la nomination d’un évêque, et d’un juge du tribunal de cassation, duquel il résulte que M. Sibile, curé de la paroisse de Saint-Pantaléou, de la ville de Troyes, a été nommé, à la majorité des suffrages, évêque du département de l’Aube; et que MM. Baillot et Parisot, députés à l’Assemblée nationale, ont également réuni la majorité des suffrages: le premier, pour les fonctions de juge du tribunal de cassation ; le second, pour celles de juge du tribunal criminel; et que M. Truelle-Rambourg était nommé suppléant au tribunal de cassation; 2° D’une lettre du président de l'assemblée électorale du département de la Haute-Marne, qui annonce la nomination de M. Wandelincourt, curé de Plaurupt, à l’évêché de ce département ; 3° De deux lettres des électeurs et des administrateurs du département du Morbihan , qui annon-