[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790.] 1S5 Saint-Jean-d’Angély seront incorporées et feront provisoirement le service avec la garde nationale actuellement existante, et que cette incorporation étant faite, les armes seront rendues aux citoyens auxquels elles ont été enlevées. > M. I&oussillon, député de Toulouse. M. de Broglie a demandé la parole; je prie l’Assemb!ée de l’entendre, quoique son rapport ne soit point à l’ordre du jour; mais ce rapport présente un objet de justice et d’humanité très instant. Il s’agit de rendre la liberté à un citoyen vertueux, M1 Perrez, membre de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, fidèle à sou serment civique et à sa parole d’honneur. Le même rapport a aussi pour but d’assurer la liberté à M. Manihan, ci-devant président de ladite chambre. (L’Assemblée décide que M. de Broglie sera entendu.) M. «le Kroglie. Je viens une troisième fois, au nom de voire comité des rapports, fixer quelques moments votre attention sur l’affaire du ci-devant parlement de Toulouse. Par la faute d’un ministre si universellement dénoncé par l’opinion publique, votre décret du 8 octobre est resté sans exécution. La municipalité de Toulouse ne se crut alors en mesure que d’exiger des magistrats leur obligation, signée de, chacun d’eux et scellée de leur parole d’honneur, de se représenter dès qu’ils en seraient requis. Lorsque votre comité me chargea de solliciter votre décret du 6 novembre pour assurer l’exécution du premier, le doute que je fus obligé de témoigner sut la solidité de la chaîne qui retenait seule des magistrats déjà convaincus d’avoir forfait à l’honneur par l’infraction de leur serment civique, ce doute que partageait la majeure partie de cette Assemblée, parut à quelques membres un doute élevé contre l’honneur même ; une dernière lettre de la municipalité de Toulouse, en date de 24 de ce moi-, a mis votre comité à portée de prononcer entre la méfiance que son rapporteur vous avau témoignée et la confiance trop généreuse de ses censeurs. Voici les principaux faits énoncés dans cette lettre et dans les pièces qui y sont jointes. Le ministre, forcé d’adresser à ia municipalité, avec l’expédition de votre second décret, l’injonction la plus précise d’exécuter l’arrestation prononcée par celui du 8 octobre, soit par oubli, soit par d’autres motifs, il n’y a pas joint la sanction du roi; mais ce défaut dé forme n’a passuspendu un seul instant le zèle de la municipalité et la soumission à vos décrets. L’arrestation a été sur-le-champ ordonnée, le commandant de la garde nationale et celui de ia maréchaussée requis de prêter main forte, et toutes les mesures prises pour arrêter et conduire dans la maison commune ies dix magistrats confiés jusqu’alors à la seule garde de leur honneur. Mais cette garde corrompue n’avait pu retenir les coupables : ils avaient pris la fuite; ils s’étaient assurés, par un second crime, l’impunité de leur premier forfait. A eu juger par une adresse trouvée au domicile de l’un d’eux, ils ont choisi l’Espagne pour refuge. Qu’ils aillent y calomnier cette Constitution qui proscrit ies parjures ; qu’ils tâchent de susciter dans une nation notre alliée des ennemis a la patrie dont ils se sont rendus indignes : ce n’est plus d’eux, ni de leur fuite, ni de leurs honteux et criminels projets que je dois vous entretenir. Il me reste à vous présenter quelques détails plus consolants et plus dignes de vous. Parmi ces magistrats réfractaires, un seul, qui a fourni avec honneur une longue carrière, M. Perrez, est resté jusqu’à la fin religieusement fidèle à ses devoirs et à son serment. Seul il avait refusé de se ranger à l’avis des protestations des 25 et 27 septembre; il avait insisté fortement pour que l’on procédât à l’enregistrement pur et simple de votre décret; et s’il n’avait pas fait une protestation particulière contre celles de sa compagnie, c’est, comme il l’a déclaré lui-même, parce qu’il était notoire à Toulouse que le délibéré de la chambre avait passé contre son avis, que ces arrêtés n’étaient jamais signés par le président, et qu’il était hors d’usage que l’on protestât contre eux, de quelque nature qu’ils fussent. Non seulement il s’était engagé, par une parole d’honneur loyale et sincère, à se représenter à toutes les réquisitions, mais il avait offert de se rendre à Paris pour soumettre les motifs de sa conduite au Gnrps législatif, dont son innocence m* redoutait point les regards. Une maladie, suite des infirmités de son grand âge, le retenait dans sa maison et même dans son lit. Cependant la municipalité, forcée de remplir la teneur de votre décret, a ordonné qu’il tut conduit dans la maison commune, ce qui a été exécuté avec tous les égards dus à ce respectable vieillard; il y est consigné, dans une chambre, en état d’arrestation, et la municipalité, en demandant à votre comité quelle doit être' sa conduite ultérieure, indique assez» par la justice qu’elle se plaît à rendre au magistrat détenu, tout ce qu’elle attend de la vôtre. Elle provoque aussi votre indulgence en faveur de M. Manihan, ci-devant président de ladite chambre, lequel a déclaré u’avoir point assisté aux délibérations de 25 et 27 septembre, et dont l’absence notoire a autorisé la municipalité à l’excepter de l’exécution du décret. Ainsi, après m’être vu avec douleur forcé, dans mes deux premiers rapports, d’appeler, par les ordres de votre comité, sur des infractions coupables, une rigueur et une sévérité nécessaires, je me félicite d’être chargé d’une mission moins pénible et de pouvoir concilier aujourd’hui votre justice avec votre humanité. La municipalité de Toulouse, qui dans cette occasion s’est conduite, ainsi que la garde nationale, avec une prudence et une fermeté courageuses, sollicite elle-même des ordres pour remettre en liberté M. Perrez, sous la condition d’une parole d’honneur à laquelle il a si bien prouvé qu’il est incapable de manquer. La notoriété publique qui dépose en faveur de M. Manibau semble vous dicter aussi ce qu’il convient de prononcer à son égard, et, dans ta satisfaction que vous éprouverez sans doute de trouver au milieu de ces rebelles officiers de justice un magistrat vraiment digne par ses vertus de porter ce titre vénérable, vous ne daignerez même pas mentionner dans les dispositions de votre décret ceux dont l’évasion prouve, à leur éternelle honte, quelle foi l’on doit ajouter à l’honneur et aux serments de tous Français capables de manquer une fois à ce serment civique par lequel ou est Français. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, relativement à la demande faite par la municipalité de Toulouse, en faveur du sieur Perrez, conseiller de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, et du sieur Manibau, membre de eette même chambre des vacations; « Considérant que ledit sieur Manibau a justifié 156 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 novembre 1790.] n’avoir point assisté aux séances dans lesquelles ont été pris les arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, et que les plus fortes présomptions en faveur de l’innocence du sieur Perrez, résultent, tant de la déclaration par lui faite entre les mains de la municipalité de Toulouse, de n’avoir pas participé auxdits arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, que de la disposition où il était de se rendre volontairement auprès de l’Assemblée nationale, pour lui exposer les détails de sa conduite et de la fidélité scrupuleuse avec laquelle il s’est conformé à rengagement d’honneur, qu’il avait souscrit, de ne point s’éloigner de la ville de Toulouse ; « Décrète que son Président se retirera par-devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner incessamment les ordres nécessaires: « 1° Pour que le sieur Perrez, conseiller à la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, soit remis en liberté, à la charge de se représenter à toute réquisition ; « 2° Pour que le sieur Maniban, ci-devant président de la ci-devant chambre des vacations, conserve aussi sa liberté. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président. V ordre du jour est un rapport du comité de féodalité sur le rachat des rentes foncières non seigneuriales (1). M. Tronchet, rapporteur. Messieurs, l’article 6 du décret des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789 porte : « Toutes les rentes foncières perpétuelles, « soit en nature, soit en argent, de quelque espèce « qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à « quelques personnes qu’elles soient dues, gens « de mainmorte, domaines, apanagistes, ordre de « Malte, seront rachetables ; les champarts de « toute espèce, et sous toutes dénominations, le « seront pareillement au taux qui sera fixé par « l’Assemblée. Défenses seront faites de ne plus « à l’avenir créer aucune redevance, non-rem-« boursable. » Les questions qui se sont présentées, et dont la solution devient nécessaire pour donner à ce décret le développement dont il est susceptible, peuvent se ranger sous six classes principales. Dans la première, nous placerons celles qui concernent le point de savoir si certaines espèces de contrats doivent, ou non, recevoir l’application du d écret; Dans la seconde, nous examinerons les règles générales qui doivent régir le rachat des rentes foncières, soit relativement à la divisibilité ou indivisibilité du rachat, soit relativement à la qualité des personnes qui doivent offrir ou recevoir le rachat; Dans la troisième, les règles qui concernent le taux et le mode du rachat; Dans la quatrième, l’effet que la faculté de rachat doit produire relativement aux droits ci-devant seigneuriaux, soit tant qu’ils n’auront point été rachetés, soit relativement à leur rachat ; Dans la cinquième, l’effet de la faculté du rachat relativement au bailieur lui-même et au preneur; Dans la sixième, l’effet de la faculté du rachat vis-à-vis des créanciers du bailleur. Nous terminerons enfin par une disposition relative à l’effet du rachat quant au centième dernier. PREMIÈRE PARTIE. La généralité des termes, dans lesquels est conçu le décret du 4 août, ne semble laisser lieu à aucun doute sur sou application. D’un côté ce sont toutes les rentes foncières , et d’un autre côté ce ne sont que les rentes foncières perpétuelles. On distingue deux origines principales des rentes foncières : la première est celle qui dérive de l’aliénation d’un fonds, lors de laquelle le propriétaire a retenu pour prix une rente; la seconde est celle qui dérive de la seule volonté du propriétaire, qui, sans aliéner son fonds, l’a grevé d’une rente qui n’a point eu de prix : telles sont les rentes de dons et legs. On a beaucoup vacillé sur la question de savoir si les rentes de dons et legs étaient véritablement foncières et, comme telles, non racheta-bles. Les uns voulaientqu’eiles fussentrachetables, d’autres restreignaient ce privilège aux rentes créées pour une cause pie, et exigeaient que la rente eût été affectée sur un certain fonds. Mais toutes ces difficultés doivent disparaître à la vue du décret du 4 août. Il déclare rache-tables toutes les rentes foncières.... de quelque espèce qu'elles soient...., quelle que soit leur origine... à quelques personnes qu'elles soient dues. Ce décret comprend donc les rentes de dons et legs comme les rentes conventionnelles, celles qui ont le privilège de la cause pie comme celles qui ne l’ont pas; et il paraîtrait inutile de rien ajouter aux termes de ce décret, qui ne peuvent donner lieu à aucun doute raisonnable, même vis-à-vis de ceux qui regardaient ci-devant les rentes de dons et legs comme foncières et non rachetables. Ce sera donc par surabondance, et pour prévenir toute espèce de doute seulement, que nous vous proposerons d’ajouter à l’article 6 de votre premier décret, ces mots : Même les rentes de dons et legs , et pour cause pie. 11 paraît également inutile d’examiner un usage particulier du Hainault, où les rentes constituées en argent antérieurement à l’époque delà Saint-Jean-Baptiste 1554, étaient réputées non rache-labies. Ces rentes sont évidemment comprises dans le décret sous ces termes : Quelle que soit leur origine. 11 est donc incontestable que le décret déclare rachetables toutes les rentes foncières quelconques. Mais le décret ne déclare rachetables que les rentes foncières perpétuelles , et dès lors il ne paraît pas comprendre les rentes foncières créées par des baux à longues années, de 27, 30, 40 et même 99 ans. Ces sortes de rentes sont véritablement foncières. L’essence du contrat de bail à rente consiste en ce que le propriétaire d’un fonds le transfère au preneur à titre de propriété, sous la seule réserve qu’il fait d’une rente annuelle en argent ou en denrées; en sorte que le bail à rente transfère au preneur tous les droits qu’avait le bailleur dans le fonds, et que si le bailleur paraît conserver une espèce de droit sur le fonds, ce. droit ne consiste que dans la rente qui en représente une partie dans sa main. Il est vrai que dans le bail à rente à terme le preneur n’acquiert point une propriété incom-mutable; mais ce bail à rente transfère au preneur une propriété parfaite pour tout le temps de sa durée. Le preneur acquiert une pleine pro-Ce rapport n’a pas cté inséré au Moniteur.