313 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mai 1791.] Ce projet de décret esl une conséquence nécessaire de l’abolition des fermes et de la régie générale; le voici : » L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des contributions publiques, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les procès pour fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale, la ferme générale et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d’Etats et villes qui levaient les impôts à leur profit sont annulés, sans que les parties puissent rien répéter les unes envers les autres. « Art. 2. Les soumissions faites auxdites fermes et régies par les négociants, marchands et autres, de rapporter des décharges d’acquits-à-caution et passeports relatifs aux droits supprimés sont annulées. « Art. 3. Quant aux procès indécis entre les fermes et régies et les redevables, pour tout autre objet que fraude, contravention ou rapport des décharges et ceriificats d’acquits-à-caution, les demandeurs fournironi tousles moyens et pièces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet, et de même les défendeurs avant le 1" août prochains; les juges seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de juger dans les deux mois suivants et ne pourront avoir égard à ce qui n’aura pas été produit dans les délais prescrits. « Art. 4. A défaut par les deux parties de remplir les dispositions précédentes, les procès seront annulés de droit et sans qu’il soit besoin de jugement; à défaut par les demandeurs d’exécuier ce qui les concerne, ils seront de droit déchus de leurs demandes; et, à défaut d’exécution de la part des défendeurs, les juges prononceront sur les seules pièces des demandeurs. « Art. 5. Les promesses ou obligations de pension qui auraient été contractées pour cause de démission d’emploi des anciennes fermes et régies sont annulées, sauf à ceux au profit desquels elles auraient été faites, du consentement de leurs supérieurs et à titre de retraite, à présenter leur mémoire au comité des pensions, pour en être fait le rapport à l’Assemblée. « Art. 6. Les baux à loyer faits au nom des anciennes fermes et régies par les directeurs et employés supprimés puur les magasins et bureaux établis dans le royaume, demeureront résiliés à compter du 1er janvier 1792. » M. Regnaud (de Saint-Jean-d1 Angêly) . Je demande que dans les articles 1 et 3, après le mot : ; procès , on ajoute ceux-ci : pendants avec contestation en cause. Unmembre propose, par amendement, que non seulement les procès, mais encore les jugements rendus en dernier ressort sur fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale soient anéantis. Un membre demande que cette dernière proposition soit réduite aux jugements non rendus en dernier ressort, et qui n’ont pas acquis la force de la chose jugée. Un membre propose, par amendement, que les amendes ou sommes consignées, ainsi que les marchandises saisies à raison de ces fraudes ou contraventions, depuis le 1er mai 1790, et dont la restitution serait demandée avant le 1er janvier 1792, ou le prix provenu de la vente desdites marchandises en justice soient remis entre les mains des parties. M. We fer mon, rapporteur , adopte le 1er, le 3e et le 4e amendement et propose, en conséquence, à la délibération, la rédaction suivante ; « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les procès pendants avec contestation en cause, même les jugements sujets à l’appel, et non passés en force de chose jugée, pour fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale, la ferme générale et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d’Etats et villes qui levaient des impôts à leur profit, sont annulés, sans que les parties puissent rien répéter les unes envers les autres; seront seulement restituées les amendes consignées et les effets saisis ou le prix de la vente qui en aurait été faite, à compter seulement depuis le 1er mai 1790, pourvu que les réclamations en soient faites avant le lor janvier 1792. » (Adopté.) Art. 2. « Les soumissions faites auxdites fermes et régies par les négociants, marchands et autres, de rapporter des décharges d’acquits-à-caution et passeports relatifs aux droits supprimés sont. annulées. » (Adopté.) Art. 3. « Quant aux procès pendants avec contestation en cause entre les fermes et régies et les redevables , pour tout autre objet que fraude, contravention ou rapports des décharges et certificats d’acquits-à-caution, les demandeurs fourniront tous les moyens et pièces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet, et de même les défendeurs avant le 1er août prochains; les juges seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de juger dans les trois mois suivants, et ne pourront avoir égard à ce qui n’aura pas été produit dans les délais prescrits. (Adopté.) Art. 4. « A défaut, par les deux parties, de remplir les dispositions précédentes, les procès seront annulés de droit, et sans qu’il soit besoin de jugement : à défaut, par les demandeurs, d’exécuter ce qui les concerne, ils seront de droit déchus de leurs demandes ; et, à défaut d’exécution de la part des défendeurs, les juges prononceront sur les seules pièces des demandeurs (Adopté). » M. Démeunier. Je demande l’ajournement des articles 5 et 6 et que M. le rapporteur nous donne demain les dispositions plus explicatives que celles qu’ils contiennent. (L’ajournement des articles 5 et 6 est décrété.) M. le Président. J’ai reçu une adresse des maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon qui supplient l’Assemblée de porter le plus tôt possible une décision définitive sur le sort de cette ville. L’assemblée veut-elle en entendre la lecture ?... (Oui! oui!). Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue: 314 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mai 1791.' « Avignon, le 16 mai 1791. « Augustes représentants, « L’état affreux où nous sommes réduits nous force de vous adresser de nouveau nos réclamations et nos vœux. Hélas ! nous nous flattions qu’une main secourable allait nous être tendue; nous espérions que vous étiez sur le point de mettre fin à nos malheurs. Cependant la discussion de notre affaire est interrompue et renvoyée. Nous respectons, Messieurs, tout ce que votre sagesse pourra vous dicter à notre égard ; nous ne prétendons pas pénétrer les motifs qui ont pu retarder l’émission du décret que tous les départements désirent et attendent avec impatience. Mais il est de notre devoir, il nous est impérieusement commandé par l’intérêt de nos concitoyens qui nous est confié, de vous représenter que l’anarchie est à son comble, que nous sommes à la dernière période de nos forces, que toutes nos facultés sont usées, que tous nos moyens sont épuisés, que le tombeau est ouvert devant nous, et que nous y sommes tous entraînés, si votre justice, si votre protection, si votre humanité ne volent à notre secours, et ne nous arrachent au sort affreux qui nous menace. « Illustres défenseurs des droits des nations, amis vrais de l’humanité, le peuple avignonais attend au plus tôt la fixation de son sort, et vous conjure de ne plus la différer. Le vœu de ce peuple pour être réuni à vous est bien réel, bien authentique, bien constaté : daignez au moins prononcer sans délai sur ce vœu. Si vous craignez que celui des Gomtadins ne soit pas aussi bien caractérisé, hâtez-vous de faire cesser les horreurs qui nous environnent et auxquelles nous déclarons solennement, devant Fauteur de notre existence et devant vous, que nous n’avons jamais pris aucune part. «Rien n’égale l’excès de nos maux!... Mais les grandes douleurs ne s’expriment pas longuement. Le tableau de nos calamités vous ferait frémir; et dans l’état affreux où nous sommes, nous ne pouvons que sentir et nous plaindre. Ne nous laissez pas mourir, au nom de la nation auguste que vous représentez, et de laquelle nous avons été cruellement séparés. Ne permettez pas qu’un bon peuple périsse, pour avoir voulu vivre sous vos lois. « Nous avons l’honneur d’être, avec respect, augustes représentants, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Signé : Les maire et officiers municipaux de la ville d’Avignon. » M. Rabaud-Saint-Etienne. Je ne demande la parole que pour annoncer à l’Assemblée que M. de Menou fera son rapport demain sur cette question. M. Boissy-d’Anglas. J’ai vu hier entre les mains d’un de mes collègues une lettre du département de la Diôme, écrite d’un village voisin du Comtat ; elle fait frémir. Des brigands de je ne sais quel parti sont sortis des terres du Gom-tat et se sont portés à main armée dans le département de la Drôme : ils ont attaqué plusieurs villages, incendié plusieurs maisons, pillé plusieurs habitations. Rien n’est plus affreux que les nouvelles qui sont parvenues. Je demande, Messieurs, que l’Assemblée veuille bien prendre un parti définitif sur cette affaire... ( Tout de suite!) M. Rewbell. Je ne sais pas comment l’Assemblée peut rester en stagnation sur des malheurs comme ceux-là, qui font frémir l’humanité; elle se déshonorerait, si elle le faisait. Le rapport d’Avignon est prêt; je demande que dès demain la question soit décidée sans désemparer. (Applaudissements dans les tribunes.) (L’Assemblé décrète que le rapport sur l’affaire d’Avignon sera mis à l’ordre du jour de la séance de demain au matin.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, , donne lecture de la suite du rapport sur le projet du Code pénal, commencé dans la séance d’hier (1). (L’Assemblée décrète l’impression et la distribution de ce rapport.) M. l’abbé Maury. Monsieur le Président, j’ai appris qu’au commencement de la séance, on a décidé, d’après une lettre dont on vous a donné connaissance, que l’affaire d’Avignon serait mise à l’ordre du jour de demain. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée, premièrement, que les membres des comités diplomatique et d’Avignon, qui se sont présentés pour prendre part à cette discussion préparatoire, n’ont trouvé qu’une seule personne au comité. J’observerai en second lieu que, puisque c’est la ville d’Avignon qui attaque Garpentras, il ne serait peut-être pas raisonnable de faire valoir, en faveur de la ville d’Avignon, des motifs de pitié, puisque tous les désordres sont volontairement causés par des Avignonais. J’observerai ensuite, Messieurs, qu’il est bien extraordinaire que, lorsqu’une cause a été discutée trois fois dans celte Assemblée, lorsqu’on n’allègue aucun nouveau titre, aucune nouvelle mesure à prendre, on dérobe à la nation les séances les plus précieuses où les plus grands intérêts de la Constitution appellent toute notre attention. Je ne sais ce qu’on se propose de nous apprendre demain. Si ce sont des horreurs nouvelles que l’on veut nous rappeler de la part des Avignonais, nous en sommes instruits; mais c’est un scandale qu’il faut épargner à cette Assemblée. Sans mission, sans autorisation, sans aucun motif de ressentiment, cette ville exerce les vexations les plus exécrables dans le Comtat. Ce n’est certainement pas lorsque Avignon nous donne un exemple inoui dans l’histoire des peuples policés , ce n’est pas lorsqu’il combat les citoyens à main armée; ce n’est pas, dis-je, dans une pareille circonstance que cette ville doit renouveler, pour la quatrième fois, une pétition qui a été déjà si sagement repoussée par l’Assemblée. Elle ne peut demander aucun secours; c’est à elle à avoir pitié de la province qu’elle dévaste. Je demande donc que nos moments soient consacrés aux intérêts de la nation et que l’ajournement déjà prononcé avec tant de prudence dans la cause d’Avignon, soit encore prononcé de nouveau; je supplie, en conséquence, l’Assemblée de vouloir bien retirer cette question de l’ordre du jour de demain. M. Rewbell. Je dirai au préopinant que s’il (1) Voyez ci-après ce document aux annexes de la séance, page 319.