f Assetttbtéô n&ttobftte.] ARCHIVÉS PARL BM ENTAfRES. fSS octobre 119».) 761 au greffe du conseil, dont le dépôt n’est plue assuré; que, d’ailleurs, l’état d’anarchie, où des factieux ont plongé la France, il est superflu de désigner des victimes à des forcenés toujours prêts à commettre des crimes et des forfaits, qu’il est sage de leur épargner ; lesdits officiers soussignés ne donnent point à leurs noms la même publicité qu’à leur présente protestation, mais ils en dressent une double minute, qu’ils déposeront en deux dépôts publics, l’un en France, et l’autre en Allemagne, pour leur servir et valoir, le cas échéant, ce que de raison. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MERLIN-Séance du vendredi 22 octobre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Durand de Alaillane, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin, 21 du courant. M. Bégouen, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. d’André remarque qu’il est plus de dix heures et que la salle est à peu près vide. Il demande que M. le Président, à deux heures, propose à l’Assemblée de ne commencer les séances qu’à midi, afin que les membres qui se piquent d’assiduité ne perdent pas leur temps jusqu’au moment où la salle se remplit. Un membre propose d’ordonner un appel nominal tous les jours à dix heures, afin de constater quels sont les membres qui négligent leurs devoirs. D'autres membres réclament l’ordre du jour sur ces propositions. L’ordre du jour est prononcé. M. de Cboiseul-Praslin ( ci-devant le comte) fait une motion pour que les colonels soient tenus de changer les cravates blanches des drapeaux et étendards des troupes de ligne pour en substituer d’autres aux couleurs nationales. Cette motion est décrétée et renvoyée au comité militaire pour les détails d’exécution. M. le Président dit qu’il a reçu un plan d’éducation publique pour en faire hommage à l’Assemblée nationale, par MM. Guéroult l’aîné, professeur d’éloquence au collège d’Harcourt; Guéroult le jeune, professeur d’éloquence au collège des Grassins, et Champagne, professeur de seconde au collège de Louis-le-Grand; ce plan est renvoyé par l’Assemblée au comité de Constitution. M. de Cussy. Votre comité des monnaies m’a (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. chargé de vous annoncer qu’après s’être entouré des lumières des artistes, il s’est déterminé à vous proposer incessamment des bases générales sur la partie monétaire, afin de parvenir au plan de fabrication de monnaie qui doit ramener la circulation. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse d’un district du département du Mont-Jura. Les administrateurs et fonctionnaires publics de ce district annoncent qu’ils se restreignent aux deux tiers du traitement qui leur a été accordé par l’Assemblée. Les fonctionnaires publics du district de Bous-sac, département de la Creuse, déclarent qu’ils se restreignent à la moitié de leur salaire. L’Assemblée décide qu’il sera fait mention au procès-verbal de ces actes de patriotisme. M. Chasset, membre du comité ecclésiastique, sur les rapports duquel l’Assemblée nationale a déjà décrété la série d’articles concernant l’administration des biens nationaux et autres objets accessoires, a proposé à l’Assemblée la lecture des mêmes articles ainsi décrétés, dans la forme d’une rédaction plus exacte ou régulière, laquelle cependant, sans toucher au sens ni à la disposition substantielle des mêmes articles, avait besoin d’être approuvée par l’Assemblée ; mais, cette matière ayant été discutée et décrétée dans les séances du soir, divers membres ont opiné à renvoyer cette lecture à une pareille séance, et, en conséquence, l’Assemblée l’a renvoyée à la séance de demain samedi au soir, 23 du courant. M. le Président. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité de l'imposition sur la contribution personnelle. M. Defermon, rapporteur , donne lecture des articles 1 et 2, qui, après quelques observations, sont adoptés ainsi qu’il suit : Art. 1er. « 11 sera établi, à compter du 1èr janvier 1791, une contribution personnelle dont la somme sera déterminée chaque année. » Art. 2. « Une partie de cette contribution sera commune à tous les habitants du royaume, de quelque nature que soient leurs revenus; mais l’autre sera levée à raison des salaires publics privés, et des revenus d’industrie et de fonds mobiliers. » M. Defermon, rapporteur , lit l’article 3. « Art. 3. La partie de celte contribution, commune à tous les habitants, aura pour base de répartition la qualité de citoyen actif, la valeur annuelle de l’habitation fixée suivant le prix du bail ou l’estimation qui sera faite, les domestiques mâles, les chevaux de selle et de carrosse ou cabriolet dans les villes. » M. Ramel-Nogaret. La contribution personnelle est la plus difficile à répartir. Les bases que propose le comité me paraissent absolument inégales et prêteraient à l’arbitraire. Tel particulier est fort riche qui n’a qu’un chétif logement, et tel autre, qui n’a qu’un revenu très modique, en a un considérable. Je pease que la coutribu- 762 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 octobre 1790.] tion personnelle doit être répartie d’abord par l’Assemblée nationale sur les départements, par les départements sur les districts, par les districts sur les municipalités, et par les municipalités sur les contribuables, à raison de leurs facultés. M. Rœderer. En général, c’est une base assez peu certaine que celle de l’habitation; mais après avoir examiné tous les autres moyens, le comité d’imposition n’en a pu trouver de meilleure. L’ba-bitotion est généralement l’indice le plus probable; cependant le comité a cru devoir adopter deux principes : 1° la distinction des villes dont les habitations se trouvent plus ou moins considérables; 2° la proportion entre le riche et le pauvre propriétaire, de telle sorte pur exemple que celui-ci, dont le loyer serait de 20 ou 30 livres, ne payerait que 3 deniers pour livre, et que le premier en payerait jusqu’à 12. M. Gaultier-Riaazat. Toutes ces applications ne doivent porter qu’à rejeter l’article. Vous ne voulez pas d’un moyen qui entraîne après lui l’arbitraire et qui détruit l’égalité. Dans les provinces, on trouverait toujours le moyen d’éluder la loi par le moyen des contre-lettres que les propriétaires accepteraient facilement de la part de leurs locataires. Je demande que l’on décrète simplement que la contribution personnelle aura pour base la qualité de citoyen actif et la faculté des contribuables. M. Malouet. Il ne peut y avoir de contribution personnelle que celle relative à la qualité de citoyen actif. La dénomination d’imposition personnelle donnée à celle sur les habitations me paraît impropre. Je vois avec effroi votre système tourner contre l’agriculture-Je conclus à ce qu’il soit déterminé qu’il n’y aura d’autre contribution personnelle que celle de citoyen actif, et que pour atteindre le riche elle sera étendue aux consommations. M. Rœderer. En’ adoptant la consommation pour base de la contribution personnelle, ce serait charger d’un double faix les propriétaires fonciers, qui, après .avoir payé la contribution foncière sur leur revenu net, seraient astreints à payer encore pour avoir le droit de consommer ce revenu net. Le comité a évité l’inconvénient de ce double emploi; il a résolu le difficile problème de la contribution purement personnelle, Elle ne doit poiter que sur la tête de l’homme, en sa qualité de citoyen actif et sur les capitaux mobiliers. Eh 1 comment connaître ces capitaux presque toujours cachés? Ce sera par la mesure que donnera pour approximation l’étalage des commodités, dont le propriétaire de ces capitaux aime toujours à s’entourer. Le loyer est assez ordinairement le principal indice de ces richesses cachées. Un nombreux domestique, des voitures, des chevaux, ce sontlàdes indices assez sûrs. C’est par le logement qu’on règle ordinairement sa dépense. Mais on fait plusieurs objections. On dit qu’il y a des gens fort riches qui se logent fort mal ; oui, il y a des avares, mais ils ne peuvent être atteints par la yolonté publique, et puis il y a des prodigues ; l’un est compensé par l’autre. On dit, en second lieu, que les ateliers des artistes exigent de grands emplacements, et que c’est détruire les arts que de vouloir les imposer trop fortement. Cela est vrai ; les ateliers ne sont pas des revenus, et le comité vous propose à ce sujet des articles additionnels ; celui qui a dix enfants, et à qui il faut par conséquent beaucoup d’emplacement pour les loger, fera aussi la matière d’une exception. D’après ces observations, je conclus pour l’adoption du projet du comité. M. Lanjuinais. Je demande qu’on change la rédaction de l’article et qu’il soit substitué aux mots citoyen actif, ceux-ci : les facultés mobilières qui peuvent donner qualité de citoyen actif; sans cela les hommes qui, en vertu de vos lois, sont privés de ce titre, et toutes les femmes seraient exclus de la contribution ; ce n’est pas l’homme qui doit l'impôt, c’est sa fortune. M. Lavenne. Je suis surpris que le comité n’ait parlé d’aucune manière des propriétaires de rentes, soit perpétuelles, soit viagères sur l’Etat, et à cet égard j’observe que le décret qui porte qù’à l'avenir il ne sera fait aucune retenue sur ces espèces de rentes ne peut s’entendre de l’affranchissement des impositions, mais des retenues ministérielles qui, suivant les circonstances, réduisaient même les fonds des capitalistes. Je demande, en conséquence, le renvoi de l’article au comité, pour être représenté avec ces nouvelles dispositions. M. Pétion. J’adopte les bases du comité; mais je trouve qu’il a mal à propos fait une distinction entre les domestiques mâles ou femelles. Dans certaines maisons, il se trouve jusqu’à cinq domestiques femelles, et cela par luxe. Je propose, en conséquence, que cette distinction n’ait pas lieu. M. Gaultier-Riauzat. Le projet du comité prête à un arbitraire sans ressource.Bientôt on verra les citoyens réduire leursloyers pour éluder la loi; et l’on finira par se priver presque totalement de l’impôt personnel. Jamais il ne s'est élevé de réclamation contre les collecteurs dans les provinces où l’évaluation du mobilier était en usage ; cette mesure serait la moins sujette aux inconvénients, et il faut bien avoir quelque confiance aux municipalités. M. Rnzot. Je demande la priorité pour le mode proposé par M. Biauzat. Tout le monde est convaincu de la vérité des raisons qu’il nous a présentées; il faut que l’imposition personnelle soit telle, que vous ne soyez pas obligés de surcharger les terres d’un impôt considérable. M. Rœderer. Il est malheureux, pour une question aussi importante et qui a une liaison aussi étroite avec le système général de l’imposition, qu’aucun opinant n’ait daigné réserver, soit pour l’attaquer, soit pour l’adopter, l’observation que j’avais faite au commencement de cette séance. Nous avons établi, et alors les opinants qui nous ont attaqués étaient absents, que les propriétaires de terres se rédimeraient de l’imposition personnelle; que pour atteindre les propriétaires de capitaux mobiliers, qui n’ont ni surface, ni étendue, il fallait se livrer à des dispositions conjecturales. Que vous propose-t-on? Que les municipalités établissent arbitrairement, et ce mot seul fait trembler (On applaudit ), établissent arbitrairement la contribution personnelle sur les différents contribuables. Chez tous les peuples, et même dans notre ancien régime, on n’a jamais établi la contribution personnelle de cette ma- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2Î octobre 1790.1 'T63 nière: un propriétaire de terres qui aura dix mille livres de revenu, dont les dépenses sont montées sur ce taux, qui aura déjà payé l’impôt foncier, se verra encore soumis à une contribution, parce que la municipalité croira de son devoir de l’imposer comme tout autre. Laissera-t-on subsister, comme autrefois ces classifications établies sur des signes extérieurs, sur des distinctions d’ordre? Non, vous les avez détruites. Le projet du comité met en équilibre la contribution foncière et la contribution personnelle, sur les capitaux mobiliers qu’on n’avait jamais atteints; ce projet met en équilibre la contribution des municipalités, des districts, des départements : car il ne suffit pas de niveler les. personnes, il faut niveler les provinces* C’est pour cela que nous proposons de répartir une somme fixe en somme fixe pour chaque département, et nous vous donnons des moyens de rectification de bas en haut, si je puis m’exprimer ainsi, qui égaliseront les personnes, les municipalités, les districts, les départements. ( Une grande partie de l'Assemblée applaudit.) (La discussion est fermée.) M. Buzot. Je demande l’ajournement jusqu’à ce que le comité ait présenté le tarif qu’il annonce dans le quatrième article de son projet de décret. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) (La priorité est accordée à l’article du comité.) M. Rewbell. Je propose, en amendement, d’établir une imposition légère sur les domestiques femelles, un autre sur les chiens inutiles, et une autre contribution de vingt-quatre livres sur les ersonnes qui voudront chasser avec des armes feu. M. Dauchy. Je m’oppose à ces amendements et je me borne à observer que la chasse est un devoir du propriétaire; que pour la conservation des moissons, il doit pouvoir détruire le gibier qui viendrait sur son héritage. M. Rœderer. Le comité, en ne proposant aucune imposition sur les domestiques femelles, le motif du comité est qu’il faut laisser aux travaux des champs, aux fonctions sociales, au métier glorieux des armes des hommes robustes appelés à jouir de la liberté la plus entière. Les femmes, au contraire, sont des infirmières que la nature a données aux enfants et aux malades. Nous avons cru qu’une imposition sur les domestiques mâles ferait sortir de nos maisons ces hommes beaux et vigoureux qui s énervent dans l’oisiveté, et mettrait les deux sexes à leur place dans les travaux de la société. (Ou demande à aller aux voix.) L’article 3 est décrété en ces termes : Art. 3. « La partie de cette contribution, commune à tous les habitants, aura pour base de répartition les facultés qui peuvent donner la qualité de citoyen actif; la valeur annuelle de l’habitation, fixée suivant le prix du bail ou l’estimation qui sera faite, les domestiques mâles, les chevaux de selle dans les villes, et ceux des carrosses ou cabriolets, tant dans les villes que dans les campagnes. » (L’Assemblée, sur la demande de plusieurs membres, arrête que le comité de l’imposition lui fera, sous huitaine, le rapport de ses opérations relatives aux rentes viagères et perpétuelles.) M. Letellier, curé de Bonneuil, député de Caen , a demandé un congé pour un mois ou six semaines, auquel il donne pour cause des affaires indispensables; ce qui lui est accordé. M. Pocheron, député de Charolais , absent de l’Assemblée depuis le mois d’août, déclare s’y être rendu le 12 du présent mois d’octobre. M. le Président. La partie peu nombreuse, qui se trouvait dans la salle à 10 heures et demie, m’a chargé de demander vos ordres sur l’heure à laquelle s’ouvriront désormais vos séances. M.LiaRévellière-Lépeaux.L’Asseihblée nationale trouve à chaque pas des obstacles à l’exécution des lois qu’elle a rendues pour le rétablissement des mœurs et de la félicité publique; mais son esprit n’est pas changé, plus elle trouvera d’obstacles, plus elle développera de zèle. Je sais que les comités continuent chaque jour leurs opérations fort avant dans la nuit; je sais que chacun de nos collègues se livre à des correspondances étendues, dont l’objet unique est de ramener l’ordre et la paix dans les départements; je sais, aussi que ces hommes, qui se sont exposés sans crainte à la mort pour donner la liberté au peuple, sauront braver les fatigues de leurs utiles travaux. Je demande donc que l’heure des séances ne soit pas changée ; que quand l’Assemblée ne sera pas formée à l’heure ordinaire, M. le président mette au nombre de ses devoirs les plus sacrés de dire .• « L’Assemblée ne s’est pas formée à l’heure convenue; la chose publique en souffre.» Je suis persuadé que ce seul mot ramènera tous les membres à l’heure ordinaire. {Les applaudissements sont presque unanimes.) M. le Président. Ainsi, Messieurs, je vous supplie, au nom de la patrie et de vos devoirs les plus chers, de vous trouver ici demain à 9 heures. M. Tuant. La France vient de perdre un homme célèbre par son dévoûment et son courage... M. Désilles est mort. Je demande çue M. le président soit chargé de donner au père de ce vertueux citoyen les témoignages de la sensibilité et des regrets de l’Assemblée. (Cette proposition est unanimement adoptée.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre dans laquelle M. le maire de Paris annonce qu’hier deux maisons nationales ont été adjugées. La première, située rue des Blancs-Manteaux, n° 63, louée 800 livres, estimée 15,000 livres, a été vendue au prix de l’estimation. La seconde, sise à la place Saint-Michel, n° 93, estimée 42,900 livres, a été adjugée pour 61,300 livres. (La séance est levée à 3 heures.)