82 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE ceux qui ont l’espoir de vous avilir. Au reste, cette accusation est un véritable jeu d’enfant. Par exemple, on vous reproche la continuation des pouvoirs du comité de Salut public; cependant, vous le savez, cette délibération fut l’ouvrage de l’unanimité de la Convention; elle fut donc toute entière coupable. [Citoyens, je demande que nous ayons le courage de nous prononcer fortement contre cette accusation qu’il faut recueillir (60), parce que rien ne doit être perdu pour l’histoire; mais après l’avoir entendue, je demande que la Convention passe à l’ordre du jour. (Oui, oui! s’écrie-t-on. (61) ] Plusieurs membres : Non, non. L’Assemblée est vivement agitée. Vadier, un pistolet à la main, est à la tribune et demande à être entendu. On l’environne. Plusieurs de ses collègues le forcent à descendre. Le trouble règne un moment. Le président déclare que la séance est levée. Un grand nombre de membres réclament dans le bruit. [L’ordre du jour avait été adopté, lorsqu’une violente agitation s’est manifestée, les membres accusés, Vadier, Voulland, Amar, Barère et autres donnaient les signes de la plus vive opposition : ils s’écriaient qu’un tel décret leur était injurieux, et qu’il les laissait sous le poids des plus atroces inculpations; ils appelaient la lumière sur leur conduite, et la vengeance sur leur dénonciateur. Une foule de membres par-tagaient leur indignation, et demandaient pour eux une satisfaction plus éclatante. Vadier insistait fortement pour avoir la parole... (62) ] [Vadier s’élance à la tribune, il réclame la parole, et comme le président avait annoncé la levée de la séance, Vadier, avec les mouvements d’un homme au désespoir de ne pouvoir se justifier, sort un pistolet; à l’instant plusieurs collègues l’environnent, et l’invitent à descendre de la tribune. Après quelques moments de tumulte, la délibération est reprise. (63)] DUHEM : L’appel nominal ou la mort. GOUPILLEAU : La discussion ne peut et ne doit pas être prolongée plus long-temps. Je crois du moins que telle est l’intention bien prononcée de la Convention; cependant je crois voir un trait de lumière. Il faut que la Convention sache, il faut que la France sache que les têtes proscrites aujourd’hui par Lecointre, avoient été vouées à la mort par le comité d’exécution de la Commune insurgée, et que l’on avoit promis une couronne civique à celui... (Interrompu.) DUHEM : Nous voulons discuter. AMAR : Je demande la parole. DUHEM : Donne-là à tout le monde. (60) Moniteur, XXI, 623. (61) Moniteur, XXI, 623. (62) Mess. Soir, n° 742; J. Perlet, n° 706. (63) M. U., XLIII, 208. Un membre fait la motion de rejeter avec indignation les énonciations de Le Cointre, et de passer à l’ordre du jour sur toutes les autres propositions. THURIOT : Je crois du devoir de la Convention de concilier l’intérêt du peuple avec celui de la justice. L’intérêt du peuple exige qu’on rejette avec indignation les inculpations présentées par Lecointre : l’intérêt de la justice veut que le soupçon ne plane point sur les membres inculpés. L’ordre du jour pur et simple a irrité nos collègues; ce sentiment étoit naturel, c’étoit l’âme qui parloit. Citoyens, déclarons que nos collègues qu’on a voulu inculper, se sont toujours comportés conformément au voeu national et à celui de la Convention. Ajoutons que la Convention rejette avec la plus profonde indignation les inculpations de Lecointre, et passe à l’ordre du jour (64). Cette motion est décrétée (65). La séance est levée à quatre heures (66). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 27 [ Opinion de REUBELL, sur l’article XXVIII du projet de décret concernant l’organisation des comités de la Convention nationale, prononcé dans la séance du 6 fructidor] (67) Citoyens Vous avez confié les rênes du gouvernement révolutionnaire, principalement à vos comité de Salut public et de Sûreté générale : vous leur avez distribué tout le pouvoir nécessaire pour les tenir d’une main ferme et vigoureuse. Sans doute ils rempliront leur devoir : tous les amis de la révolution doivent l’espérer et le desirer : car sans le gouvernement révolutionnnaire leur perte seroit assurée. Mais c’est parce que vous avez mis les deux comités sur la même ligne, parce que vous leur avez même donné un point de contact en ce qui concerne la liberté des citoyens; enfin, parce qu’à mes yeux les opérations de ces deux comités ont une influence égale, et la plus grande influence, sur le salut (64) Débats, n° 709, 199-207; Moniteur, XXI, 620-623; Ann. Patr., n° 606; Ann. R. F., n° 270, 271; C. Eg., n° 741; Gazette Fr., n° 973; J. Mont., n° 122; J. Paris, n° 607; J. Fr., n° 704; J. S.-Culottes, n° 561; J. Univ., n° 1740; F. de la Républ., n° 422; Mess. Soir, n° 741, 742; M. U., XLIII, 204-208; J. Perlet, n° 706; Rép., n° 253. (65) Décret n° 10 626. Rapporteur : Thuriot. (66) P.-V., XLFV, 214-215. Rédigé En vertu de la loi du brumaire an IV. Signé, Henry-Lariviere, président, Bailly, Delecloy, Villers, Laurenceot, Delaunay (d’Angers), secrétaires. Voir Arch. Part., t. XCIII, p. 372. (67) Voir Archives Parlementaires, XCV, p. 395. Ce discours publié tardivement au Bulletin, n’a pu être inséré au tome XCV.